N° 257
Février

https://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Février 2025
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
https://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Écusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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ÉDITO

OÙ EST LA LIBERTE DE LA PRESSE !!!

        Chers Amies, Chers Amis,

        Où est la liberté de la presse, mais aussi la liberté de chaque citoyen de dire ce qu’il veut, comme au USA ?

        Au fil des années, cette liberté se réduit comme peau de chagrin sous le joug d’associations ou de partis politiques. Chaque mot est analysé, disséqué et sorti de son contexte, surtout au sens littéral.

        Avant, il y avait une multiplicité de regards, une polyphonie créative, les médias de ce premier quart du XXIème siècle semblent pour la plupart sans vie, atones, frileux, sans doute parce que la plupart d’entre eux sont sous la domination d’une « intelligentsia » au service de la manipulation par une poignée de personnes aux intérêts convergents et, souvent maléfiques à double pensée comme le disait Orwell : « La vérité politique est différente de la vérité en elle-même. ».

        Nous, simples citoyens, on ne peut que poser la question et faire un constat désabusé et dire que nous ne somme pas loin de l’inquisition et de l'interdiction de penser par nous-même.

        En attendant, pensons aux crêpes de la Chandeleur pour encore s’amuser et rire de tout ce fourbi.

Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         
         A tchao.



Mon Jardin dans les Etoiles.
Envoyé par Jean-Claude PUGLISI.

            - Comme tous les soirs, je m'installe douillettement sur ma terrasse et dans la nuit, mon regard se dirige toujours vers les nues, pour observer le beau ciel étoilé, ponctué par toutes ces petites lanternes tremblotantes, qui scintillent doucement dans l'immensité des cieux. C'est alors que le rêve commence où, il m'arrive même, de me croire au beau milieu de toutes ces petites étoiles. Chemin faisant, j'imagine avoir un beau jardin parmi elles et il n'en faut pas plus, pour qu'en pensée, je m'en aille visiter l'une d'entre-elle, que je crois la plus belle et la plus lumineuse.

            - C'est alors qu'un beau voyage commence, lorsque, soudain ! au pied de ma belle étoile, je me retrouve devant une somptueuse porte, toute ornée de bougainvilliers et de glycines en fleurs. Devant l'entrée, somnole assis sur un fauteuil, un personnage que je n'ai pas connu, mais, que je reconnais, car, il s'agit de Jean Babasse, un personnage haut en couleur de la Presqu'île de France. Après avoir ouvert un oeil, il commence à me conter avec de grands gestes, des histoires d'un autre monde, que, j'écoute d'une oreille discrète, en sachant bien que ce personnage est un sacré affabulateur. Mais, cependant, il me fait signe de rentrer dans ce beau jardin où, je m'en vais faire de belles découvertes odorantes et retrouver quelques spectres du passé.

            - Les premiers que je rencontre, ce sont deux acolytes assis à même le sol, en train de se partager une bonne bouteille de vin rouge. En regardant de plus près, je reconnais, Ali Pieds de Plomb et son compère Messaoud, qui, d'une voix vineuse venue d'outre-tombe, me saluent et m'invitent à poursuivre mon chemin. Un peu plus loin, au pied d'une petite masure, je repère une très vieille femme assise et immobile absorbée dans ses pensées. C'est madame Adèle, qui sans un mot me fait signe de passer. Alors, je poursuis mon chemin, au beau milieu d'une végétation dense et luxuriante, éclairée par un doux rayon de lune. Ce jardin n'est pas très grand, mais, il est rempli de superbes fleurs, qui embaument les lieux tant qu'elles pouvaient, en leur donnant quelque chose de céleste. Cependant, je remarque à côté des touffes d'orties, qui ne demandent qu'à piquer le promeneur que je suis. C'est alors que je me dis, que, toutes ces jolies fleurs, rappellent les bons souvenirs du passé, alors que bien au contraire, les orties, me font songer à de bien mauvais moments.

            - Si dans mon beau jardin, de bons souvenirs reviennent à ma mémoire, les orties, elles, me disent d'une piquante façon et pour me rappeler que la vie à La Calle, n'était pas toujours aussi rose qu'on pourrait se l'imaginer. Mais, tout cela, je le savais depuis longtemps et j'ai continué de poursuivre mon chemin parmi les roses et le mimosa, qui m'offraient leurs très belles couleurs et un parfum sublime comme pour me souhaiter la bienvenue.

            - Au cours de ma balade, je croisais quelques visages connus, qui, silencieux, passaient tout près de moi en me saluant de la tête. C'étaient des Callois depuis longtemps disparus, qui, arpentaient les allées de mon jardin et que j'avais bien du plaisir à revoir. Un peu plus loin une douce musique attira mon attention, alors soudain ! M’apparurent tous les musiciens de l'Harmonie Calloise et en haut du pupitre, un petit bonhomme, qui baguette à la main dirigeait cet ensemble, sans que je ne puisse entendre la moindre note de musique. Ce personnage n'était autre que M. Jean Remirez, le chef de l'Harmonie Calloise, qui d'une main ferme et autoritaire conduisait les musiciens. Un peu plus loin, je notais la présence d'un hurluberlu très mal vêtu, qui gesticulait en faisant de grands gestes = c'était DOUNANI, un va-nu-pieds qui faisait son cirque quotidien.

            - Enfin, je m'éloignais, en continuant ma marche sans ne jamais me presser. Je parcourais lentement, toutes les allées encombrées de fleurs multicolores, qui semblaient s'incliner lors de mon passage. J'ai une fois tenté de cueillir une rose trémière, mais, à ma grande surprise, elle se retira promptement de ma main, me faisant ainsi comprendre, qu'il ne fallait surtout pas la cueillir, car, c'est vrai que dans mon jardin - les fleurs sont éternelles. Un peu plus loin, une petite étendue d'eau laissait voir flottant sur la surface, de magnifiques nénuphars qui semblaient ravis de m'apercevoir, mais, pas une seule grenouille à l'horizon.

            - Combien de temps, suis-je resté dans mon jardin ? Je ne puis le dire aujourd'hui, mais, sûrement un bon petit moment. Lorsque je regagnais à regret la sortie, Madame Adèle somnolait à présent sur son siège, Ali Pieds de Plomb et Messaoud, avaient attaqué une nouvelle bouteille de vin et entamé une sérieuse discussion, sur un sujet que je n'ai pas entendu ni cherché à comprendre. A la sortie, je croisais Jean Babasse rejoint par Tchitchotte et les deux hommes en pleine conversation, devaient évoquer des histoires fabuleuses, venues de leurs imaginations galopantes.

            - Je me retrouvais sur ma terrasse, les yeux encore remplis de la vision de ces superbes fleurs et mon odorat, encore tout excité par le parfum de toutes ces merveilles, que m'avait offert mon sublime jardin. Je regardais encore une fois les cieux pour voir ma belle et scintillante étoile. Elle était toujours là, à me fixer doucement et m'inviter à revenir quand je le souhaitais.

            Bien-sûr ma chère étoile, que je ne manquerai pas de revenir près de toi, car, avec le beau et céleste jardin que tu abrites, je ne me rassasierais jamais de ton doux sourire.

Jean-Claude PUGLISI
de La Calle de France.
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
HYERES le 10/10/023.


LE HUITIEME VOILE
Par Gilbert Espinal
Echo de L'ORANIE N° 262

            La porte de l'ascenseur du cinquième étage de l'immeuble où vivait la grand'mère s'ouvrit et, cette dernière, flanquée de la Golondrina, toutes deux chargées comme des mules de couffins et de sacs se portèrent au devant de la porte de leur appartement. Tout d'un coup, dans la pénombre, la vieille femme se mit à hurler,
            - Qu'est-ce tu fous là, assise contre le mur ?
            On devinait une vague forme fantomatique dans un recoin du palier.

            -Golondrina ! Ya une mauresque, ici cachée, qu'elle était en train d'essayer de pénétrer dans not' maison ! Glapit la grand'mère. Juste on arrive à temps pour l'en empêcher ! Là elle était accroupie, l'oeœil collé à la serrure pour 'oir si nous z'êtions chez nous, à qu'elle puisse nous cambrioler tranquille ! Golondrina, appelle Madame Mafigue, la concierge à quelle prévienne la police ! No sta mal ! Si on serait pas z'arrivées à temps, tout chez nous aurait disparu et on serait restées une main devant et l'aut' derrière ! Tu veux montrer ta jéta (1), vociféra-t-elle à l'adresse de la femme voilée! Tu crois que c'est pas assez que tes corréligionnaires y m'ont tout fauché en Algérie, qu'y faut que tu viennes toi aussi à me faucher le peu qu'y me reste ?
            - Ne vous mettez pas en colère, fit la personne ainsi prise à partie, que c'est moi la Princesse Zouïna du Tarbouch, y a plus d'une heure que je vous z'attend, assise devant votre porte et je m'étais presque endormie...
            - Ya ouili ! sauta la grand'mère, c'est toi Consuelo que je retrouve là, comme une pauvresse, à croupeton sur le pallier ? D'où tu sors et qu'est-ce tu veux ? Si y a pas une semaine que tu nous z'a quitté. On pensait être débarrassées de toi et 'oilà que tu rappliques!
            - Je sois du Ritz, fit l'interpellée, et je viens vous demander une fois z'encore l'hospitalité...
            - Et ton Prince ? s'exclama la grand'mère avec surprise, y t'a foutu à la porte ?
            - Son Altesse, Yennah Besef el Bathroul, m'a, au contraire, reçue avec beaucoup d'affabilité. il était entouré de ses deux frères, leurs Altesses Yennah Besef El Flous et Yennah Besef All'Gahz. Tous ont été ravis de me retrouver ; même mes belles sœoeurs, Nahdine El Mouk et Naloua El Dick ! Une grande fête a été organisée en mon honneur dans ces merveilleux appartements de l'hôtel : on a tué le mouton et préparé le kanoun pour faire des brochettes, mon mari a même mis ses doigts en orbite pour m'offrir l'oeœil de l'animal ! Tout le monde était aux anges!
            Cependant mon époux m'a prise à part et m'a dit: "Je te trouve bien palotte, ma chérie, et maigrie ! tu n'étais pas z'heureuse chez la grand'mère ? Quand je pense que, dans not' pays, je t'engraissais à l'halva turc et au rahat-loukoum ! Qu'est-ce qu'elles te préparaient à manger tous les jours tes z'amies pour dégraisser le mammouth comme elles l'ont fait ? Elles t'ont fait étudier pour sardine (2) durant tout ce temps que t'y as passé chez z'elles !
            Elles doivent et rognétas (3) toutes les deux...
            - A cavallo en un burro y grognendo (4), vas à pié ! coupa brusquement la grand'mère. On t'a gardée six mois sur le paletot et là elle est la reconnaissance de Ton Altesse ?
            - J'ai eu beau lui dire, tenta d'apaiser Consuelo, que tous les jours vous me bourriez de migas, de potajé (5) au cochon, de riz à l'espagnole, de putchéro aux pelotes, de pâtes qu'on aurait dit de la colle avec de la margarine dedans et du fromage râpé, que comme casse-croûte, le matin au petit déjeuner, vous me faisiez avaler du pain grillé, frotté à l'ail avec de l'huile d'olive et du sel pour lubrifier mes mécanismes et que tous comptes faits, j'avais perdu qu'une demi-livre, il a rien voulu sa'oir. Y m'a palpée et y m'a, dit : "A mi no me la pégas (6) : t'y as perdu au moins cinq kilos ! Dans ces conditions, il est hors de question que je t'honore de mes complaisances. Par contre son Altesse l'émir Ben Zine est toujours fou de toi ! Il a fait du chant qui a bercé ton enfance en Algérie "Y a madame Bono" l'hymne national de son pays. Y m'a offert de t'échanger contre une grasse chamelle. Comme tu n'as pas voulu devenir R'zouza (7) de mon harem et devant la passion de Ben Zine, je crois de mon devoir de te rendre ta liberté. Au milieu de mes sept épouses, j'ai donné l'hospitalité à une jeune circassienne de douze ans. J'espère, sans être sûr du tout, qu'elle saura combler le vide que tu vas laisser "Mais Altesse, ai-je protesté, je ne demande pas à abandonner mon poste auprès de vous ; Si vous voulez me garder à vos côtés, tous les matins j'irai sans rien réclamer d'autre traire vos chèvres pour vous offrir, au petit déjeuner, leur lait mousseux". Tu mérites mieux que ça, m'a répondu mon époux. Je préfère qu'on casse la carte (8) tous les deux et que tu lèves enfin les z'yeux sur cet amour enfiévré et viagreux que te porte Ben Zine ; il est d'une essence supérieure à la mienne et, par lui, tu connaîtras, en plus des satisfactions matérielles qui te sont dues (car il est encore plus riche que moi) on dit (je ne l'ai pas éprouvé moi-même) que sur le plan de la vaillance amoureuse, il est insurpassable, surtout depuis les progrès de la science.
            - C'est une manière de te dire débarrasec (9) coupa venimeusement la grand'mère ; il a pas pris des mitaines pour te le faire savoir !
            - Comme la fête battait son plein, reprit la Princesse Zouïna, je n'ai pu que me plier aux sentences du destin. Dans les grands salons de la suite de suites qu'avait retenues mon mari, il y avait outre les Djemaas et les Khaimas (10) de Leurs Altesses, de nombreux amis, Emirs et Emiresses, Chérifs et Chérifesses, Zoltans, et Zoltanes. Le regard brûlant de Son Altesse Ben Zine était posé sur moi. Cela me gênait un peu mais, dans l'allégresse générale, nul ne s'apercevait de la fièvre de l'un et de la confusion de l'autre. Les raitas, les derboukas les tam-tams et les batteries faisaient entendre leurs rythmes endiablés scandés par les you-yous des femmes..
            - Tout ça au Ritz ? s'inquiéta la grand'mère.
            - Oui ! fit la Princesse Zouïna, tout ça au Ritz. Car, vous savez, cet hôtel ça n'est pas un boui-boui ! et les murs sont parfaitement insonorisés! Il n'y a qu'une voisine de suite qui est venue se plaindre de ce que le sommier de son lit sursautait chaque fois que retentissait la grosse caisse. Elle prétendait aussi qu'une légère odeur de gigot grillé s'insinuait sous sa porte. Nous l'avons tous entourée et invitée, puisqu'elle ne pouvait pas dormir, ààse joindre à nous. Il s'agissait d'une écossaise, Lady Beur-Ambranc'h. Elle ne s'est pas faite prier et, en chemise de nuit, a trouvé place parmi nous. En rougissant S.A. Ben Zine m'a demandé d'interpréter cette mélodie qui avait enchanté ma jeunesse. Je leur ai fait entendre les trois couplets de "Ya madam' Bono"...
            - Pasque y a trois couplets ? Interrogea la grand'mère.

            - Bien sur ! répondit la princesse : "y a Madam' Bono, y a Monsieur Bono" et " y a Mam'zelle Bono". J'ai agrémenté mon chant de vocalises à la manière de Nathalie Dessay, cela m'a valu une ovation et plus qu'une ovation, plusieurs olas et un standing-up. Même mes belles-soeœurs, deux vieilles salopes cependant, se sont montrées enthousiasmées. Le Prince Ben Zine a jailli de l'assistance pour me baiser les mains et glisser sous mon sein droit un billet de cinq cents francs ; je veux, m'a t'il murmuré que, de ta chanson, tu fasses un disque diffusé dans tout le Moyen-Orient et le monde entier.

            Tu seras accompagnée par la grand orchestre symphonique de Berlin sous la direction de Yehudi Menuin, Rostropovitch tiendra le violoncelle ! Tu seras appelée "la Callas des Yaouleds. "J'étais bouleversée ! Pour moi c'était la gloire ! Un moment a passé dans les rires, les chants et les cris de bonheur. Je savais que mon rôle n'était pas terminé. Tous les Princes se sont ensuite rassemblés pour me supplier de leur donner en spectacle "la danse des sept voiles" ; Yennah Besef et Bathroul qui un moment avant, me parlait de rupture m'affirmait qu'il conservait de ma prestation à l'époque de nous amoures sous sa tente bédouine un souvenir impérissable...
            - T'y aurais du lui foutre une baffe à ce salopard ! commenta la Golondrina.
            - Vous savez, chère aouéla et chère Golondrina reprit Zouïna, en quoi consiste cette danse des Sept Voiles. La danseuse se dresse au centre du cercle magique de ses admirateurs. Elle est revêtue de la burka afghane impénétrable; même son regard est dissimulé par la grille talibane intégriste.
            Elle se dresse comme un pain de sucre au milieu de l'assemblée. Une mélopée lancinante l'enveloppe. Elle se tortille car elle ne peut pas relever ses bras. Les tam-tams retentissent; les violons de l'orchestre se font plus incisifs ; les archets crissent, les raïtas, les flûtes et les cymbales soulignent chacun des balancements de l'artiste.
            Les spectateurs sont là, bouche bée ; la grosse-caisse fait entendre un coup puissant, la burka tombe. La danseuse apparaît revêtue du hidjab, avec seulement un oeil découvert. Elle s'agite et glisse sur les tapis en ondulant l'orchestre suit chacun de ses mouvements jusqu'au deuxième coup de la grosse-caisse ; le hidjab s'écroule. Elle jaillit des étoffes en robe d'odalisque, le ventre nu et des crotales aux doigts...
            - A ce moment là elle roule son bide, fit la Golondrina en connaisseuse.
            - Jusqu'à ce que la grosse-caisse retentisse à nouveau. Là, le tchador glisse et ses cheveux se dénouent ; les spectateurs sont haletants ! Des cris rauques montent de l'assemblée ; les chignons des femmes s'affaissent ; elles tendent leurs mains en se trémoussant ; la cadence de l'artiste est suivie par toute l'assistance ; les z'yeux s'allument ; impavide, je continuais à rouler des épaules et des bras ; les crotales tintaient de plus en plus fort jusqu'à que choie ma jupe.
            S.A. Ben Zine murmurait "c'est le cinquième voile, ô mon adorée, dédie-moi le sixième ; ton soutif !". Pour bien marquer mon indépendance, je jetai mon wonderbra à l'opposé de la salle. Il était prêt à défaillir...
            : Il est pire que Clinton, ton type ! s'exclama la Golondrina.
            - Y fume le cigare? demanda inopinément la grand'mère.
            - Le narghileh seulement et parfois le kif ! fit rapidement la Princesse...
            - Pos, tu l'as échappé belle ! conclut la vieille femme.
            - Lady Beur participait à la fête, reprit Zouïna ; parmi toutes les femmes de l'assemblée, dans sa chemise de nuit, c'était elle qui donnait le plus à voir!
            Leurs Altesses Yennah Besef en étaient exorbités. Ben Zine ne me quittait pas des z'yeux, lui. Pour I'en remercier, je lui passais autour du cou mon septième voile...
            - C'était quoi ton septième voile ? interrogea la Golondrina toujours intéressée par la technique.
            - Mon string ! Il en resta pantelant un instant puis, de sa main nerveuse chargée d'un second billet de cinq cents francs, il essaya de saisir avidement mon sein gauche. Je l'arrêtai d'un geste et d'un mot.

            - T'y as toujours su parler aux hommes, se récria la Golondrina avec admiration, moi quand l'homme y me touche, je me mets molle ! Qu'est-ce tu l'y as dit ?
            - Je l'y ai dit : "Mirar, mirar, macache tocar ! (11) Il a déposé son offrande dans ma main en rougissant comme un écolier". Si tu viens dans mon harem, eut-il le temps de murmurer il faudra que tu composes avec Bella El Bab, ma première épouse ; à côté de toi mes concubines ne comptent pas ! Je te donnerai le titre que tu choisiras : ou Princesse de la Babouche ou Princesse du Saroual. Comme tu aimeras...
            - La babouche, c'est un titre au raz du sol ! sauta la Golondrina.
            - Et le Saroual (12), conclut la Grand'mère, c'est indécent ; ça indique trop, ton champ d'action !
            - J'ai réfléchi rapidement à tout ça, fit Zouïna et c'est la raison pour laquelle, Son Altesse Ben Zine et moi sommes allés trouver El Bathroul pour lui proposer un marché: je passerai une dernière nuit de folie avec lui et dès le lendemain, il me cèderait à son ami de toujours le Prince Ben Zine ; cela me permettrait de conserver mon titre du Tarbouch...
            - Ce tit' y te vas comme un gant de toilette, commenta durement la Golondrina.
            - Garde ta nuit et ton nom, me répondit le Prince Yennah Besef avec mansuétude. Pour ce soir, j'ai un ticket avec Lady Beur-Embranc'h ; elle m'a tellement fait de l'œil toute la soirée qu'elle n'arrivait plus à relever sa paupière gauche ; j'ai cru un moment qu'elle était atteinte de conjonctivite mais, pendant que tu dansais, chère Zouïna, elle m'a manifesté d'autres marques d'intérêt telles que de relever pour moi tout seul sa chemise de nuit jusqu'aux épaules ; cela m'a arraché à mes incertitudes !
            Tu peux aller avec Ben Zine et, dès à présent, lever ton huitième voile...
            - C'est quoi le huitième voile ? demanda la Golondrina.
            - Le voile de la pudeur, rétorqua Madame du Tarbouch avec simplicité.
            - Et comme ça se fait que t'y es ici ? sauta la grand'mère.
            - Son Altesse, l'Emir Ben Zine est descendue au Crillon avec toutes ses épouses. Il m'a demandé de patienter une semaine pour qu'il puisse les préparer à ma venue, acheter les bijoux, les robes et le trousseau qu'il me destine. Il doit aussi passer à I'A.N.P.E pour essayer de me recruter des eunuques au chômage... Il parait qu'il y en a un grand choix !
            - Kahaba (13) laissa tomber la grand-mère de ses lèvres closes.

            (1) Jéta : expression espagnole : binette. (2) traduction de l'expression espagnole "estudiar por sadina" qui se dit à une femme qui maigrit à vue d'œil. (3) avaricieuses. (4) A cheval sur un bourricot et en train de grogner, il n'a qu'à marcher à pied, qui peut se traduire par: "s'il n'est pas content, il n'a qu'à aller se faire voir. (5) Potajé : épaisse soupe de légumes espagnole avec des pois-chiches, du lard et du boudin. (6) expression espagnole qui pourrait se traduire par : ne me fais pas prendre des vessies pour des lanternes. A moi tu me la colles pas. (7) La R'zouza : doyenne du harem. Ce peut être la mère ou la première épouse. (8) Casser la carte : cette carte est remise au couple au moment du mariage par le Cadi (juge qui marie et qui tranche les différents en matière civile et pénale chez les musulmans) ; mais on se souvient sans doute de ce que El Bathroul et Consuelo n'étaient, au supermarché, passés que devant le caddie. (9) Débarrasec ! expression pied-noir qui veut dire, il t'a foutu brutalement à la porte. Il s'est débarrassé de toi. (10) Djemaas : assemblée des notables qui gouvernent. Khaïmas : la maisonnée de chacun ; celle qui vit sous la tente. (11) "Tu regardes, tu regardes mais tu touches pas ! Répertoire arabo-espagnol. (12) Sarouel : pantalon bouffant que portait, entre autres les janissaires. (13)Putain, en arabe.




Le choléra à Oran
Par M. VILLARD
ACEP-ENSEMBLE N° 285

              Cet hiver 1840-50 vit éclater le choléra dans la ville, mais un choléra effrayant, épouvantable, qui enleva en quarante jours un huitième de la population.
          Durant ces quarante jours de douleurs et d'angoisses, en présence d'une population affolée, terrifiée, dont il fallait relever le courage, le général Pélissier fut plus qu'un illustre soldat, ce fut un grand consolateur.
          Pour bien comprendre la situation d'Oran durant cette épidémie, il faut se rappeler que la population de la ville, à cette époque ( sans compter la garnison), se composait de deux sixièmes de Maures et d'Arabes, trois sixièmes d'Espagnols et de juifs et un sixième de Français.
          La grande majorité de cette population est d'une superstition que nous ne saurions plus comprendre en Europe.
          Le choléra sévissait avec une horrible furie, il est vrai ; les cas de mort subite étaient fréquents, la désolation pouvait être grande, mais désolation était encore augmentée par les bruits les plus absurdes répandus à profusion.

          Ainsi on avait persuadé la population musulmane que le choléra avait uniquement pour cause des myriades de petits diables bleus, invisibles qui voltigeaient dans l'air et entraient dans la bouche des fils de Mahomet aussitôt qu'ils entre-ouvraient les lèvres pour parler. On ajoutait, et cela était facile à persuader, que c'étaient les Français, ces chiens de chrétiens, qui avaient importé les petits diables sur la terre d'Afrique.
          Les Français, s'étaient persuadés, eux, que le choléra régnait dans l'air et qu'il fallait déplacer ou purifier les courants pour chasser le fléau, et l'anéantir.

          Les Espagnols étaient d'un autre avis. Ils affirmaient, au nom de la religion, que, pour combattre le fléau et en triompher, ce qu'il fallait faire surtout et avant tout, c'était un appel à toute la population chrétienne pour organiser une procession solennelle et se rendre à la chapelle de Santa Cruz implorer la miséricorde divine. Or, le Santa Cruz est une haute montagne au sommet de laquelle est une petite chapelle où on arrive à l'aide d'un sentier étroit, pierreux et pénible : faire gravir ce sentier, qui a un parcours de huit kilomètres, et cela par un soleil d'Afrique, eût été certes compromettre au plus haut point la santé publique.
          Cependant la mort moissonnait chaque jour avec une activité effrayante.
          La population française demandait qu'on allumât de grands feux dans les rues, qu'on tirât le canon. Les Arabes voulaient quitter la ville et les espagnols continuaient à réclamer uniquement les secours des pompes religieuses, Les juifs affirmaient que cette maladie terrible qui emportait tout était l'annonce de la fin du monde et, dans la crainte qu'elle n'emportât aussi le trésor des familles, ils enfouissaient et ils cachaient mystérieusement tous leurs biens et toutes leurs richesses.

          Les voitures manquaient pour emporter les cercueils, les bras faisaient défaut pour creuser les fosses.
          Les autorités civiles éperdues, et étant privées d'ailleurs de moyens puissants d'action, avaient recours à l'autorité militaire.
          Le préfet, le maire, les chirurgiens, les directeurs des hôpitaux, les députations de tous genres et de toutes sortes venaient chaque jour assaillir le général, qui, accueillait tout le monde, remontant les courages prêts à défaillir, était calme, confiant et fort comme sur un champ de bataille.
          Là, le général ne peut rien faire, c'est l'administrateur, c'est l'homme privé qui, durant cette pénible et douloureuse épreuve d'une population qui voyait la mort en face d'elle frapper sans relâche, a su en appeler spontanément à tout ce qu'il y avait dans sa tête de prévoyance intelligente et à tout ce qu'il avait dans son cœur de touchante et noble bonté.
          Ceux qui ont vu l’illustre maréchal devant l'ennemi, au milieu des boulets et des balles, conservent de lui un souvenir brillant et terrible ; mais ceux qui, comme moi, ont été à même de le voir chaque jour, presque chaque heure, durant la période du plus mortel choléra qui ait désolé l'Europe et l'Orient, ceux-là garderont de l'homme privé un souvenir attendrissant et consolateur.

          Chaque jour, le général s'occupait des moindres détails de l'assistance publique, et chaque jour, il allait visiter les hôpitaux consolait par sa présence les derniers moments de ceux que la cruelle maladie emportait. Ne reculant devant aucun moyen pour ramener un peu de confiance et d'espérance dans les cœurs, il consentit à satisfaire les idées plus ou moins bizarres que le besoin de combattre le mal, faisait naître.
          Un matin, tous les canons des forts, tous ceux des batteries basses, tous ceux de Mers-el-Kebir, répondant à ceux du Château Neuf, tonnèrent sur tous les points de la ville et de la côte. Cette canonnade, qui dura la journée entière, du lever au coucher du soleil, et qui avait pour but de déplacer les courants d'air et de détruire les miasmes putrides pour les Français, et les diables bleus pour les Arabes, ranima la population.

          L'espérance revint dans tous les esprits. Le lendemain la mortalité fut moins grande, soit par effet réel du canon sur l'air, soit par l'effet produit sur les malades par l'espérance du résultat de la canonnade, ce qui était le plus probable.
          II y eut un temps d'arrêt dans la pente croissante du fatal fléau, mais après huit jours écoulés, le nombre des victimes augmenta. On en était déjà à un quinzième de la population enlevé par le choléra.
          On tenta une nouvelle épreuve : on alluma des feux de bois odoriférants dans lesquels on jetait des brassées de feuilles de palmier encore vertes qui produisaient une fumée grisâtre. Ces feux étaient allumés dans toutes les rues, sur toutes Ies places, dans tous les quartiers. Ils furent entretenus pendant plusieurs journées consécutives encore dans la pensée de purifier l'air.

          Malheureusement, cette nouvelle épreuve ne réussit pas mieux que la précédente. Le choléra continua à augmenter. Le chiffre des morts atteignait la proportion du douzième de la population. Des familles entières disparaissaient, et tous les habitants d'une même rue étaient enlevés par le choléra qui ne respectait ni enfant ni vieillard. On aurait dit que le fléau suivait des courants, comme ces trombes destructrices qui anéantissent tout sur une même ligne, respectant les points rapprochés de cette ligne tracée. La terreur devint si forte, si puissante, que des familles entières abandonnèrent la ville et une émigration commença.

          Les Espagnols surtout furent les plus pressés à quitter Oran. Ils allèrent s'installer dans les grottes de la plaine des Andalouses. La ville était triste et déserte.
          En traversant la ville, on rencontrait à chaque pas les navrants spectacles offerts par la cruelle maladie. Ici, c'était une maison européenne devenue complètement déserte depuis la veille et dont tous les habitants avaient été emportés par la mort.

          J'ai vu plusieurs exemples de ce sinistre ravage, et il en est un qui m'est demeuré profondément gravé dans l'esprit. Une habitation particulière, sorte de petit hôtel appartenait à une famille composée du père, de la mère, de deux frères et de huit enfants, dont l'aîné était un garçon de près de vingt ans et le dernier une petite fille de deux ans à peine. Toute cette famille avait heureusement résisté aux atteintes du fléau. Pas un membre n'avait été menacé depuis un mois. En une seule nuit, toute la famille fut emportée par le choléra. Le seul survivant qui restait dans la maison, fut la petite fille de deux ans ! ces malheureuses moissons de la mort n'étaient pas rares.

          Souvent, on entendait sortir d'une maison mauresque les chants funèbres des femmes arabes veillant autour d'un cadavre.
          Nos chevaux frôlaient, en passant, la bière que portait en travers un âne et que soutenait d'une main, pour qu'elle ne tombât pas, le noir qui allait au cimetière, tandis que de l'autre main il piquait l'animal avec un bâton pour le faire avancer plus vite, et cette bière de bois blanc n'était même pas recouverte d'un drap funéraire. Seul, et chargé d'accomplir l'enterrement sans autre formalité, le noir ne remplissait pas une mission, mais une commission qui avait sa récompense et c'était tout ce qu'il lui fallait, car peu lui importait d'enterrer un chrétien ou un musulman.

          Caillemer, le chirurgien d'artillerie, que nous rencontrâmes, nous dit qu'il y avait vingt deux nuits qu'il ne s'était couché dans un lit ; il avait toujours un cheval sellé et l'attendant, il dormait là où il se trouvait, quand il pouvait avoir une heure de tranquillité.
          Les médecins et les chirurgiens étaient à bout de force. Il y avait douze médecins et chirurgiens militaires à Oran ; durant l'épidémie, sept moururent d'épuisement.
          Les prêtres subissaient aussi une horrible fatigue incessante. Appelé à toutes les heures du jour et de la nuit près des mourants, ils n'avaient pas plus que les médecins, une minute de repos.
          Les églises chrétiennes étaient peu nombreuses alors à Oran et le clergé se composait de quelques prêtres qui, épuisés, ne pourraient suffire, car la quantité de ceux que frappait le fléau était telle qu'il était devenu impossible de faire des services séparés.

          La terreur augmentait d'heure en heure dans la population et elle prenait des proportions effrayantes qui augmentait aussi le danger. Tout ce que l'on éprouvait, tout ce que l'on ressentait, la moindre indisposition, c'était le choléra.
          Combien sont morts pour s'être fait traiter contre l'épidémie sans I'avoir. C'est ce que venait de nous dire Caillemer en nous quittant, au moment où nous allions sortir de la ville pour suivre le chemin du ravin Blanc.
          Une cavalcade était devant nous : c'était le général, son aide de camp, ses officiers d'ordonnance et son interprète. En nous voyant, le général nous appela nous continuâmes notre promenade, qui n'avait pas un but bien attrayant, car le général allait au cimetière pour se rendre compte de l’état des choses, attendu que, Ies fossoyeurs manquaient absolument, il avait fallu commander des compagnies pour creuser les fosses et faire la chaux que l'on jetait sur les corps pour éviter les émanations qui eussent peut-être amené la peste.

          Arrivés au cimetière, un épouvantable spectacle nous impressionna vivement, le temps manquait littéralement pour enterrer les victimes du choléra, plus de soixante cercueils étaient là rangés les uns sur les autres, attendant que les soldats eussent creusé la terre. Et cela arrivait chaque jour.
          Souvent Ies cercueils apportés trop tard, passaient la nuit et n'étaient enfouis que le lendemain. Les soldats souffraient de cette pénible corvée. Le général donna ses ordres, parla aux hommes avec cet accent de bonhomie familière qu’il savait prendre. Il leur fit donner à boire, les encouragea et leur promit de venir chaque jour les visiter. Nous quittâmes le cimetière le cœur serré par ce que nous venions de voir.

          Le général s'aperçut aussitôt de l’impression produite sur nous. il pressa l’allure de son cheval, nous sortîmes du ravin Blanc et nous gagnâmes la plaine.
          - Allons, Rollepot, dit le général, chantez-nous Ramponeau.
          Rollepot chantait Ramponneau avec un entrain auquel ne pouvait résister les plus sérieux. Cinq minutes après, un rire Joyeux effaçait notre pénible impression.
          Hélas ! nous ignorions à ce moment qu'un cruel événement nous menaçait tous en frappant l’un de nous.
          Quelques jours après, Mgr l’évêque d'Alger fit annoncer sa très prochaine visite à Oran.

          Cette nouvelle, répandue avec la rapidité de I'éclair, cette nouvelle consolatrice de I'arrivée inattendue dans ce pays de désastres du digne prélat qui, ne craignait pas de braver les atteintes de la maladie mortelle, s'embarquait avec son clergé pour venir ranimer les esprits éteints et rappeler sur la ville décimée et désolée la bénédiction du Seigneur, rendit subitement le courage et l’espérance à la population terrifiée et anéantie.
          Les Espagnols, abandonnant leurs grottes de la plaine des Andalouses, rentrèrent en foule à Oran. Le surlendemain du jour où le télégraphe avait annoncé à Oran le départ de I'évêque du chef lieu de son diocèse, le navire portant Monseigneur d'Alger entra en rade de Mers-el-Kébir.

          Le général Pélissier avait envoyé, pour assister au débarquement, le général commandant la subdivision et un nombreux état-major. L’évêque mit pied à terre et béni la population agenouillée, sur la plage, puis il monta dans la voiture du général que I'un des officiers d’ordonnance mit à la disposition du prélat.
          Une escorte imposante suivit I’évêque dont I'entrée à Oran fut une grande joie pour la population chrétienne.
          Le préfet d'Oran, les conseillers de préfecture, le maire, les adjoints, toutes les autorités civiles et tout le clergé attendaient à la porte du quartier de la Marine, et les états-majors de tous les régiments étaient réunis dans la cour d'honneur et dans le grand salon au Château Neuf.

          L'évêque traversa la ville au pas, envoyant ses bénédictions sur la double haie respectueusement et profondément inclinée des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards, des riches et des pauvres, presque tous en général en grand deuil, presque tous versant encore des larmes que provoquaient les regrets du cœur. C'était solennellement triste et douloureusement émouvant.
          Le général Pélissier reçut l'évêque au Château Neuf et, lui présenta séance tenante tous les officiers présents. Un appartement avait été préparé pour l'évêque dans le palais du général.
          Le lendemain de son arrivée à Oran, Mgr d'Alger visita la ville, Ies hôpitaux, les églises et indistinctement tous les quartiers chrétiens, juifs, arabes qui avaient été les plus éprouvés, apportant avec lui les suaves consolations de ses saintes paroles.

          Il fut décidé et annoncé qu'une grande procession serait solennellement faite, le vendredi suivant, à la chapelle vénérée de Santa-Cruz, pour aller implorer la miséricorde divine. Cette procession, que j'ai eu l'honneur de suivre, est l’une des plus religieusement belle auxquelles j'ai assisté, et cependant j'en ai vu d'éblouissantes majestueuses à Rome, à Séville, à Palerme et à Jérusalem.
          Mais si, comparativement aux autres, la procession d'Oran, faite de frémissantes conditions de terreur et de douleur, manquait de richesse pompeuse et de somptuosité, on sentait dans son ensemble une dignité si grande, une foi si pure et si profonde que les yeux se mouillaient en la voyant passer et qu'on s'inclinait, non pas en obéissant à une règle d'habitude, mais à une conviction sincère.

          C'est que tous ceux qui marchaient là allaient demander à Dieu de préserver de la moisson de la mort une mère, un père, une femme, un mari, des enfants, quand la terre était encore ouverte sur les cercueils qu'on y enfouissait depuis quarante jours. Des soldats, tenant l'arme basse comme dans un enterrement, marchaient en tête, faisant faire place au cortège.
          Alors, s'avançait le clergé d'Oran, puis le clergé de l'évêque venait ensuite, et Mgr d'Alger, drapé dans son vénérable costume et s'appuyant sur sa crosse dorée, bénissant à chaque pas la population agenouillée de vieillards et d'enfants, qui, ne pouvaient prendre part à la procession, formaient deux haies sur son passage.

          Après un espace vide, le général Pélissier, le front découvert, marchait à la tête de son état-major, précédant le préfet d'Oran, la magistrature, les autorités civiles, les généraux commandant les subdivisions, les colonels, les officiers de marine et tous les états-majors des régiments, tous en grand uniforme et tous tête nue. Ensuite défilaient les notoriétés de la société oranaise, les consuls des différents pays, les riches bourgeois, les cultivateurs, et enfin toute la population chrétienne, espagnole et française, augmentant son nombre à chaque rue devant laquelle on passait et se mêlant aux soldats, aux matelots, aux pêcheurs de Mers-el-Kébir.
          Deux lignes de soldats bordaient le cortège dans toute sa longueur.
          La procession était partie du Château-Neuf où habitait l'évêque. Elle avait descendu lentement cette pittoresque et rapide route du ravin, qui, passant devant la promenade, communique avec le pont de l'Oued-el-Rahhi.
          Ce pont traversé, elle s'engagea dans le quartier de la Marine, se dirigeant vers le sentier escarpé de Santa Cruz.

          L'élévation de la chapelle est à plus de 400 mètres au-dessus du niveau de la mer. Le sentier en zigzag qui y conduit, a donc près d'une lieue et demie d'ascension incessante.
          Quand la procession s'engagea sur cette petite route, se dessinant comme une ligne brune sur les flancs arides et moussus du gigantesque rocher sur lequel pousse çà et là un palmier, le coup d'œil pour ceux qui étaient restés dans la ville, devait être magnifiquement beau et d'une bizarrerie imposante.

          Cette longue file processionnelle dans laquelle se mêlaient les costumes religieux, les uniformes étincelants, les toges des magistrats, les habits brodés des officiers civils, les vêtements sombres des bourgeois et les robes de deuil des femmes, avec lesquelles tranchaient les nuances scintillantes des costumes espagnols et ceux des pêcheurs de Mers El-kébir et les uniformes des soldats, des matelots, des gardes-côtes.
          Un magnifique soleil éclairait celte magnifique procession, et des chants religieux montaient dans les airs.
          L'espérance était si bien dans tous les cœurs, que ce jour-là bien peu succombèrent aux atteintes du choléra. Le lendemain l'évêque se rembarqua pour Alger.
          Le choléra cédait, après quarante deux jours de durée, et la ville d'Oran avait perdu un septième de sa population.
          Il n'est pas d'exemple, dans aucune autre ville d'Europe ou d'Orient, d'un effet destructeur aussi violent du choléra que celui qui plongea la ville d'Oran dans le deuil ces deux mois de novembre et de décembre 1849.
Maurice Villard


    
MUTILE N°15, Novembre 1916

Page d'Exil

Là-bas, bien là-bas près le petit village,
En un coin solitaire et presque sauvage,
La grande croix noire domine les cyprès
Et te petit cimetière de fleurs est paré.
Sur la tombe de gros bouquets de chrysanthèmes
Déposes par toi, père, avec des pleurs mêmes

Du fond de mon exil, je suis là près de vous
Sur le marbre glacé, et je pleure à genoux.
En cet instant de recueillement solennel
Tous tes quatre dans une peine amère
Nous venons aujourd'hui pleurer notre mère,
Oh ! Père ! Elle a laisse des regrets éternels.

Regarde, les cyprès que nous avons plantés,
Couches par le cent, sur nous ils se sont penchés
De notre chère maman, c'est ton âme entière
Qui nous enlace sur sa demeure dernière.
Bien chère maman, comme tu es regrettée !
Oh ! Veille sur tous, sur moi et sur ma fiancée.

Avec elle tous deux nous nous viendrons te voir,
A genoux, nous pleurerons de ne plus t’avoir.
De seules pensées tristes, c'est le bouquet,
Avec de grosses larmes, du pauvre exilé.
De loin, il tient dans le petit cimetière,
Sur sa tombe, afin que tu exauces sa prière...

Landsberg, A-Loch, 1 novembre 1916.
Lucien FUSER




Une personnalité Calloise bien particulière
Louis BALZANO
Alias, Louiso


« Les hommes ne savent être
ni entièrement bons,
ni entièrement mauvais.»
MACHIAVEL, Pensées

        Louiso, était un homme de la cinquantaine, trapu, bedonnant, de courte taille... Il avait une tête de bon vivant, des soucils épais, des lèvres sensuelles et de grands yeux un peu naïfs Il était dirons-nous, cordial, sympathique, charitable et très populaire à La Calle où, il entretenait d'excellents rapports avec tous ses concitoyens.

        Il est vrai qu'il était le propriétaire, d'une endroit particulièrement couru des Callois, à savoir, la maison de tolérance du village, c'est à dire, en d'autres termes - « le bordel ! » Souteneur de profession, il n'avait jamais exercé le moindre métier et s'en allait régulièrement encaisser la recette, que, lui rapportait les prostituées - locataires de son lupanar. Il semblait mener la vie d'un grand bourgeois, en restant toutefois très simple de sa personne.

        Il était d'un physique sanguin et coléreux et il lui arrivait même de se fâcher tout rouge, au cours de certaines discussions, qu'il pouvait avoir parfois avec autrui. Mais au fond, c'était un bien brave homme, qui était surtout très généreux et n'hésitait jamais, à apporter de l'aide à son prochain, quand, quelquefois et à l'occasion - se présentait à lui quelque misère. Voilà pourquoi à La Calle, tout le monde l'estimait et le fréquentait à l'occasion sans aucun problème.

        Je le disais coléreux et pour le montrer, je voudrais raconter une petite anecdote ( dixit, Louise Brancato +, alias, Pourpetoune, mère de François et soeur de Louiso ), qui s'est passée une fois à La Calle. Un beau jour, le jeune François Brancato, neveu de Louiso, qui lui servait de garçon de course et d'homme à tout faire et à qui il ne donnait jamais, ne serait-ce qu'un seul petit sou, fut chargé par son tonton, d'aller lui acheter un paquet de clous. Malgré qu'il soit peu dégourdi et un peu juste d'esprit, François, finit par être ulcéré par cet oncle, qui, ne lui donnait jamais rien, pour le récompenser de tous ses services. Aussi ce jour-là, il encaissa l'argent des clous, sans aller chercher à les acheter. Le temps passa et Louiso ne revit plus son neveu, qui, pour l'heure, avait disparu de son paysage habituel. Un matin, alors qu'il rentrait dans la boulangerie d'Horace, il tombe nez à nez avec François, qu'il s'empressa de coinçer, dans un recoin du magasin et tout rouge de fureur il rugit : « François ! et les clous ? » Alors que son neveu, très effrayé, balbutiait de vagues explications et lorsqu'il arriva enfin, à se dégager de l'emprise de son oncle, il devait prendre rapidement la fuite, pour ensuite se retourner chemin faisant, en lui gratifiant d'un grand bras d'honneur, tout en lui criant haut et fort :« Tiens, les voilà tes clous ! » Louiso furieux, se mit à lui courir après en hurlant de rage et ce jour-là, je pense que s'il l'avait rattrapé, il aurait été capable de proprement le trucider. Cependant, Louiso, qui était obèse, s'est vite essoufflé et il n'arriva pas à rattraper son neveu, qui à toute vitesse courait comme un cabri. Louiso continuait à hurler et à proférer de terribles menaces, en faisant de grands gestes menaçants, à l'endroit de son neveu François, lequel, avait depuis bien longtemps disparu, de l'autre côté de la rue sans demander son reste...

        Depuis, cette histoire de clous et la fuite précipité qu'il fit, François devait hériter d'un beau surnom de la part des Callois - celui de : « François la vitesse.» Un qualificatif qu'il garda toute sa vie, comme quoi, les clous et tonton Louiso, pouvaient parfois servir à quelque chose.

        Je dois dire que Louiso était un personnage, très impliqué dans la vie quotidienne de la Commune. Il s'invitait de partout parmi les Callois : dans tous les cafés, les réunions conviviales, dans les bals, les sorties en mer avec les marins, les divers banquets entre amis... Et que sais-je encore ? Il était toujours présent, chaque fois qu'un événement heureux ou, malheureux se produisait - au sein du village. Je dirais même, qu'il était devenu une personnalité très populaire et estimée - bien connue de la Calle.

        Un beau jour, alors qu'il se promenait nonchalemment, sur le sable blanc de la plage de l'usine, tout en regardant le beau paysage qui s'offrait à lui, son regard tomba soudain ! sur l'île maudite toute proche, qui rayonnait dans le bleu de la mer et l'azur du ciel. Louiso, pensif, devait s'assoir confortablement dans le sable, sans quitter un seul instant la petite île des yeux. C'est alors, qu'une bien drôle d'idée, s'est mise à lui trotter dans la tête. Il imagina, la possibilité de réaliser sur l'île maudite, quelques constructions intéressantes, qui, pourraient recevoir à l'occasion, certains visiteurs d'un genre particulier, venus à la rencontre de dames de petite vertue - par exemple. Autrement dit, le souteneur qu'il était, désirait monter un bordel mondain sur l'île. A partir de ce jour-là, il ne pensa qu'à son idée et n'hésita pas à en parler à la ronde. Certains approuvèrent l'idée de Louiso, qu'ils trouvèrent intéressante, mais, d'autres, dubitatifs, n'étaient pas tellement d'accord avec lui. En l'état, Louiso ne resta pas sans rien faire et alla consulter les entrepreneurs en maçonnerie du village, pour leur demander si son idée était réalisable. Ayant reçu la garantie, que rien ne s'opposait à une construction sur l'île maudite, il décida de s'engager fermement dans cette aventure.

        Après bien des tractations avec l'administration et l'entrepreneur, les travaux devaient commencer sur l'île où, les ouvriers qui se rendaient tous les matins sur leur lieu de travail, empruntaient une grande et vaste barque, que Louiso avait louée à un riverain de la plage. Tout se passait à merveille sur le chantier et un mur de soutènement avait déjà été érigé. Il était même doté d'une vaste plateforme sus-jacente, qui devait recevoir les bâtiments... Les jours passèrent et Louiso, ravi de voir son projet prendre forme, s'en allait tous les matins saluer les ouvriers, qui partaient en barque rejoindre l'île, laquelle, ne semblait pas tellement heureuse, de commencer à perdre son beau et serein visage habituel.

        Cependant, il faut savoir, que nous étions en automne et la saison ne s'annonçait pas particulièrement belle. De temps à autre, la mer qui devenait mauvaise, obligeait les ouvriers de l'entreprise, de renoncer à gagner l'île à bord du bateau. Puis, au bout de quelques jours, le calme revenait avec une mer d'huile et le travail de maçonnerie reprenait de plus belle. Un beau matin, alors que la mer était un peu houleuse, tout le monde embarqua pour se rendre à l'île et le travail reprit comme de coutume, mais, en cours de journée, le vent fraîchit et la mer fut de plus en plus houleuse. Ce qui n'affola personne dans un premier temps, mais, cependant, au bout d'un moment, la tempête qui s'était déchaînée, rendit impossible le retour des ouvriers sur la plage.

        Durant plusieurs jours, la mer resta particulièrement houleuse et tout le personnel de l'entreprise bloqué sur l'île, qui se voyait sans aucune nourriture, ni boissons, était livré à la merci de toutes les intempéries, en ayant même perdu le moindre espoir, que de l'aide leur serait bientôt apporté... Le temps passa, mais, la mer, était loin de se calmer et à La Calle où l'on suivait de très près cette tragédie, après moult discussions, il fut enfin décidé, de lancer un filin sur l'île à partir de la plage et de là, treuiller l'un aprés l'autre les ouvriers, afin de les ramener sains et saufs sur le rivage, ce qui fut fait, avec plus ou moins de succès, compte-tenu des difficultés rencontées.

        Que passa-t-il ensuite ? Alors que la mer s'était calmée, l'entrepreneur déclara forfait, car, ce chantier, s'était révélée trop dangereux pour le personnel et les travaux à peine commencés, furent définitivement abandonnés. Ce fut même Louiso qui reconnu, que, son beau projet, n'était pas réalisable et il l'abandonna définitivement son idée sans aucuns regrets. Peut-être pensa-t-il aussi ? à cette violente tempête, qui fit capoter son projet. Etait-ce que l'île maudite courroucée ? de connivence avec la mer qui l'entourait, avait décidé de déclencher une sacrée tempête, qui éloignerait définitivement cette idée de construction.
        C'est peut-être cela, mais, allez donc le savoir ?

        Un jour Louiso quitta La Calle, pour aller s'installer à Bône où, il pensait faire de meilleures affaires, dans son domaine bien particulier. Il fut accompagné par une supposée nièce, à laquelle, il désirait faire prendre le chemin de la prostitution. La jeune-fille se défendait comme elle pouvait, contre le méchant projet de son oncle, qui, de son côté, persistait dans son idée, de la placer bientôt dans un bordel, afin de récupérer quelque bel argent...

        Mais, un drame devait soudain arriver, lorsque, par une funêbre après midi, alors que Louiso faisait béatement la sieste, la pauvre enfant qui était désespérée, à l'idée terrible de ce qui l'attendait, aperçut soudain un révolver de gros calibre, que Louiso avait laissé sur sa table de nuit. Sans réfléchir un seul instant, elle s'en saisit en fit feu à bout portant, tuant net l'oncle dans son sommeil... Cette affaire fit grand bruit à Bône où, la réputation de Louiso était bien connue. On en parla un moment à La Calle, ce qui n'étonna presque personne, compte-tenue de la personnalité de ce barbot, qui, sans doute, avait bien mérité cette mort - qui lui allait comme un gant.

        Qu'est devenue la petite nièce ? Je n'en sais que trop rien : sûrement jugée et acquitée ? En tout cas c'est tout ce que je peux lui souhaiter.

Macaronade sur l'île maudite
- un dimanche d'Août

        Ce devait être au cours de l'été 1958 / 59.

        Avec une petite bande d'amis Callois, nous avions décidé de passer la journée sur l'île maudite et manger sur place, une bonne macaronade, que nous avait cuisiné la maman - Mme Alice Arnaud.

        Il y avait là, les deux frères Arnaud, Alain + et René, Jean-Jacques Sébire, René Hisselli, Claude Landrein, Joseph Giglione, Tounsi Selib et moi... Je ne me souviens plus aujourd'hui, si d'autres copains nous accompagnaient.

        Au cour de la matinée, nous avions plongé les oursins, qui étaient très abondants dans les lieux, lesquels, nous avaient gracieusement offert, l'occasion d'une excellente et délicieuse kémia, puis, vers midi, arriva une énorme macaronade, bien accompagnée de viande et abondamment saupoudrée de fromage. Il nous faut reconnaître, que, nous avions déjà le cœur bien chaud, par l'anisette que nous avions bu à discrétion, mais, déjà, les verres se remplirent à nouveau, d'un bon petit vin rosé de pays, que nous avions mis à rafraîchir dans la mer. Cette macaronade devait enchanter tous les convives et l'ambiance était à la fête comme on peut s'en douter. Pour apporter tout le matériel nécessaire, Alain et René, étaient venus de La Calle à bord de « la Caroline », une petite plate de 3,50 de long, que l'on faisait avancer à l'aide de pagaies. C'est ainsi, que plusieurs d'entre-nous, qui ne savaient pas nager, furent par la suite récupérés sur la plage et amenés sur l'île.

        Après avoir mangé de bon appétit et surtout bien bu, nous sommes restés tranquillement à l'ombre des rochers, baignés par une douce petite brise marine, venue très gentiment nous apporter, un peu de fraîcheur salutaire en ce jour torride. Nous avions passé ainsi une agréable après-midi, en causant à bâtons rompus d'une chose et d'autre, alors que certains s'étaient mis à faire béatement la sieste. Vers les 16 heures, alors que nous étions en train de siroter un bon café, nous devions tous nous apercevoir, que le vent était en train de se lever, ce qui voulait dire en d'autres termes, qu'il nous fallait rapidement plier bagages et surtout ramener sur le rivage, Claude Landrein, Joseph Giglione et Tounsi Selib, qui ne savaient pas nager, plus, les couvertures et toute la batterie de cuisine. La barque était il faut le dire bien chargée, avec en plus René Arnaud aux commandes des pagaies. Mais, il n'y avait plus qu'à rejoindre la plage, distante d'une cinquantaine de mètres et c'est ce qui a commencé à se faire. Tant que la barque était à l'abri dans la petite crique de l'ile, tout se passait parfaitement bien, mais, dès qu'elle due s'éloigner de l'île, elle fut agressée par le vent et les vagues de la mer. Ainsi, ce qui devait arriver arriva, la barque bien trop chargée, commença à embarquer de l'eau et la panique se répandit à bord.

        Le petit Joseph Giglione et Tounsi Selib, qui ne savaient pas nager se jetèrent à la mer où, ils avaient bien heureusement tout juste pieds. Claude Landrein qui voulait faire de même, vit son pieds pris dans un cordage et il se mit à crier : « j'ai le pieds pris, j'ai le pieds pris...» Pendant ce temps, une bonne partie du chargement de la barque étaient tombée à l'eau et l'on vit alors flotter au gré du courant, couvertures, marmites et autres matériels, lesquels, commençaient à être emportées par le vent... Sur la plage toute proche, les baigneurs s'étaient rassemblés pour assister au spectacle et ce fut par d'énormes éclats de rire, qui, devait s'élever de la plage de l'usine, pour venir illustrer ce spectacle à la clochemerle.

        Finalement, après bien des manœuvres, René réussit le transport des passagers et d'une partie de la cargaison, qui flottait toujours emportée par les flots et qu'il arriva à récupérer tant bien que mal. Pour tous les autres, qui étaient des nageurs avertis, ils n'eurent aucunes difficultés, pour rejoindre le rivage à la nage. Nous avions ensuite bien rigolé de l'incident, ce qui ne fut certainement pas le cas auparavant. Je ne puis que penser aujourd'hui, « que tout est bien, qui finit bien », c'est le moins qu'on puisse dire.
        Lorsque je songe, à ce coup de vent, qui a démonté la mer en cette fin d'après-midi, je me demande parfois, si ne n'était pas là une punition de l'île, qui, n'avait pas du tout apprécié, qu'une bande de garçons l'envahisse et se permettre même d'aller troubler sa solitude, avec, pour compagnie, une énorme macaronade bien arrosée.

        Quel beau souvenir que cette journée, passée autrefois sur l'île maudite. Nous étions, jeunes, beaux, insouciants et la vie nous tendait les bras. Mais, hélas ! le temps a passé et il ne nous reste plus que les souvenirs, que, de temps à autre, je tente de me remémorer, lorsque, dans la solitude de ma demeure, je revois notre île maudite étincellante sous le soleil, qui semble me sourire et me dire un « aurevoir » avec tout plein d'affection.
Jean-Claude PUGLISI
- de La Calle Bastion de France.
Paroisse de Saint Cyprien de Carthage.
( Fait à Hyères 83 - le 08 Septembre 2018.)


Algérie catholique N°12, 1937
Bibliothèque Gallica

Noël Annamite

        Duong Van Tchieu voudrait bien aller plus vite. Mais croyez-vous qu'il soit possible d'aller plus vite quand on fait partie d'une espèce voisine de la chenille processionnaire ! : Vous savez, ces chenilles qui s'en vont toujours à la queue leu-leu... collées l'une à l'autre.
        L'annamite ne pérégrine que dans ces conditions. Il fait partie d'un groupe allongé le long de la digue. Il suit son groupe.
        De plus, quand on va ainsi, d'un village à l'autre, on porte, naturellement, sur ses épaules, un fléau. Au bout de ce fléau il y a des cordes et, au bout de ces cordes, des paniers, des paquets, des colis quelconques. Avant de partir on a eu soin de bien équilibrer ces colis. De la sorte ils ne vous gênent pas. Ils vous aident, au contraire, à marcher. Balancement en avant, quand le pied gauche s'avance, autre balancement quand c'est le pied droit. Et l'on peut, de la sorte, trottiner toute une journée sans éprouver la fatigue que ressent celui qui marche, sans fardeau, les mains vides.

        Or, même si Duong Van Tchieu pouvait, ce soir, s'affranchir de la chaîne processionnaire qu'il suit et qui s'en va, au pas accéléré, de Van Khe à Kim Xuyen, il ne le pourrait pas car, lui, le marcheur infatigable, traîne la jambe. Il traîne la jambe parce que son fardeau, contrairement à la règle ancestrale, n'est pas équilibré. Il n'est pas équilibré pour une raison très simple et que vous comprendrez tous quand vous la connaîtrez.
        Pour une raison valable sous toutes les latitudes, sous toutes les longitudes, sous tous les climats, que ce soit celui de France, si sec et si insupportable ou celui de l'Annam, si moelleux d'humidité.
        Cette raison universelle vous ne la trouvez pas ?

        Allons, un peu d'imagination, un petit effort cérébral ! Vous ne voyez pas ?
        Eh bien ! Je vais vous la dire, à titre tout à fait confidentiel... Duong Van Tchieu est amoureux.
        Il est amoureux de Thi Ba qui est couturière chez le Directeur des Mines de Kim Xuyen.
        Vous ne comprenez pas, vous ne voyez pas la rotation de cause à effet qu'il peut y avoir entre la marche plus ou moins allègre d'un niaouqué et l'amour ? C'est parce que vous n'êtes jamais venus ici.
        Soyez tranquilles, Duong Van Tchieu est un amoureux calme comme tous ses congénères et ce ne sont pas ses pensées qui auraient pu lui faire négliger l'équilibre de son fardeau.
        Non, ce matin, Duong Van Tchieu a commis une erreur d'appréciation dans cette opération. Il l'a commise, qui plus est, volontairement.
        Dans l'un de ses paniers il a mis un régime de bananes : dans le panier de derrière. Il possède un bananier renommé dans toute la région pour la qualité de ses fruits.
        Quand on veut obtenir quelque chose des hommes il faut agir comme avec les mouches. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre, mais avec du sucre, n'est-ce pas ? Les bananes qu'il porte sont parfaitement sucrées.
        Il veut obtenir quelque chose du directeur et il a pensé que ce dernier ne resterait pas insensible au cadeau qui va lui être fait.
        Demain soir, c'est le 24 décembre. Il y a un grand dîner à Kim Xuyen. Duong Van Tchieu doit aider à servir à table. Ses bananes y seront servies et il pourra, peut-être, si on le remercie, glisser plus facilement sa requête.
        Car, si Duong Van Tchieu est sûr de n'être pas tout à fait indifférent à Thi Ba, ses projets se heurtent cependant à une difficulté que je vous exposerai tout à l'heure, et il compte sur le directeur pour l'aider à l’aplanir

        Mais revenons à nos moutons. Je vous disais donc que, dans l'un des paniers il y a un lourd régime de banane.

        Dans l'autre, celui de devant, il n'y a qu'un petit paquet renfermant un petit collier en or orné d'une croix, un collier de dix grammes qu'il veut offrir à Thi Ba.
        Ce collier, il a voulu qu'il soit seul, hors de tout contact, et ceci vous explique pourquoi Duong marche difficilement sous son fléau déséquilibré.


        Je viens de vous dire que ce collier est orné d'une croix. Ceci va m'amener à vous expliquer quelles sont les difficultés qui se mettent en travers des projets de notre coolie.
        Thi Ba est chrétienne. Chrétienne pratiquante. Lui, Duong, est encore païen. Il a bien suivi le catéchisme. Il le sait assez bien, mais cent raisons aussi puériles les unes que les autres l'ont, jusqu'à ce jour, empêché de se faire baptiser.
        Il espère que son cadeau pourra, peut-être, influencer Thi Ba. Il espère aussi que le directeur, satisfait des bananes, lui donnera un coup d'épaule.
        Un mot dit en sa faveur aurait une telle importance. Et il se voit déjà marié, au service du directeur, passant des heures tranquilles. La paix, le repos moral pendant deux ou trois ans. Jusqu'à ce que le directeur prenne son congé. Après... On verra.
        Et Duong trottine de plus belle en remâchant ses rêves et ses espoirs.
        On arrive. Tous les français sont sous la véranda.
        En blanc, le casque sur la tête car, même à l'ombre, ces fils de l'Occident craignent le coup de soleil.
        Ils boivent des mélanges glacés alors qu'il serait si raisonnable de consommer du thé tiède. Thi Ba les sert.
        Elle est délicieuse Thi Ba. La vraie beauté annamite. Des yeux tout petits, fendus en amande, relevés vers la tempe, des paupières un peu gonflées. Un nez si petit qu'il disparaît presque quand on la regarde de profil.
        Ses dents laquées sont d'un noir parfait. Elle porte, comme toujours, sa longue tunique brune, son pantalon de soie brillante. Il sait que dans le turban qui la coiffe il y a les plus beaux cheveux du monde. Des cheveux noirs, épais et raides et qui, quand elle les peigne, tombent jusqu'à terre.

        Mais au milieu des vestons blancs, il y a une tache noire. Une robe.
        Le Père est là. Le père incorruptible. Le père auquel Thi Ba obéira.
        Le père va encore l'entreprendre, le sermonner. Il n'y a, en somme, que deux ans que, sous sa direction, Duong a commencé à apprendre la religion chrétienne. Deux ans pour prendre une décision, c'est court pour un annamite !
        Que la vie est donc compliquée !


        On passe à table et, c'est curieux, le Père ne dit rien. Il le regarde à peine. Le directeur l'a remercié aimablement, mais il ne lui a rien dit des projets qu'il connaît pourtant. Duong Van Tchieu continue son service en silence. Là, dans sa poche, il a le collier de Thi Ba. Quand le lui donnera-t-il ?
        On sert le café. Toujours rien. Thi Ba, son service terminé, disparaît. Il n'a rien pu lui dire. Et notre pauvre Duong Van Tchieu va se coucher, vraiment découragé par cette atmosphère qu'il sent, sans la comprendre au juste.
        La nuit a passé. Il réfléchit toujours. Rien à faire ce matin. Il se dirige vers la chapelle où le Père va dire la messe.
        Le Père est là et l'interroge avec bienveillance. Duong sait-il toujours son catéchisme ? Oui, Bien ! Et il lui pose des questions auxquelles notre ami répond correctement.
        Doucement le Père continue : «Voyons, voici près de deux ans que tu es venu me demander de t'instruire. Seulement tu es comme tous tes congénères. Tu es négligent. Tu penses bien au bon Dieu. Tu sais parfaitement où est la vérité. Tu sais par conséquent que, si tu mourais maintenant, tu ne pourrais, malgré la mansuétude infinie de Dieu, être pardonné. Tes frères ne savent pas. Dieu ne pourra leur en vouloir. Mais toi, Duong, tu sais. Il t'a fait la grâce infinie de te permettre de savoir et tu n'utilises pas cette grâce.


        Duong sent que le Père a raison. Il regarde la statue de la Vierge qui orne le fond de la chapelle. Il pense.
        Il pense profondément. Comme il n'a jamais pensé.
        — «Duong tu peux être un élu. Veux-tu l'être, veux-tu que je te baptise ?»
        — «Oui Père», répond Duong et, cette fois, sans hésitation, sans réticences.
        — «Bon, attends-moi. Mets-toi à genoux. Pense à la bonté de Dieu qui va faire de toi son fils. Je reviens.»
        Quelques minutes après, le Père est de retour. Avec lui, l'accompagnant, le directeur et Thi Ba.
        — « Il te fallait un parrain et une marraine, reprend le père. Les voici. Voyons, redis le leur. Tu veux être chrétien ?
        — Oui Père », répond Duong qui, en lui-même, croit rêver. Etre le filleul du directeur ! On a beau être convaincu, décidé, on reste tout de même annamite.
        Un français, le parrain de Duong, le pauvre annamite !

        Et Thi Ba sa marraine. Un français est, quoiqu'on fasse, un être supérieur. Thi Ba est ce qu'il aime le plus sur cette terre.

        La cérémonie se déroule.
        — «Alors, continua le Père, quand elle fut terminée, tu aimes, paraît-il, Thi Ba ? Tu veux l'épouser ?»
        — «Oh oui ! Père.»
        — « Je vais dire ma messe. Je te ferai faire ta première communion et, ensuite, je pense que Thi Ba ne verra pas d'inconvénients à ce que je vous unisse.»
        La messe s'achève. Duong est, maintenant, tout à fait chrétien. Le Père prononce les paroles rituelles. Duong répond comme il peut aux questions posées.
        Il est marié.
        Le soir, c'est la messe de minuit. Duong, à côté de Thi Ba, communie de nouveau.
        Les cierges s'éteignent. Tous les français le félicitent et, lui, tire de sa poche, pour le donner à Thi Ba, le petit collier en or à cause duquel il a eu, hier, tant de mal à suivre la chenille processionnaire dont il faisait partie.
F. MAUCOURT.

LA TABACOOP
Envoyé par M. Claude Fretat
LA COOPERATION AGRICOLE DANS L'EST LA REGON DE BÔNE
UNION AGRICOLE DE L'EST ALGERIEN 15 AVRIL 1956
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE DES PLANTEURS DE TABAC
DE LA RÉGION DE BONE


           LA Tabacoop est un des principaux éléments de l'activité économique de la ville de Bône à laquelle elle est si profondément intégrée, que la cité ne saurait plus se concevoir sans elle. Qu'il le veuille ou non, tout Bônois est plus ou moins « tabacoopiste » selon l'épithète passée dans le langage courant, ce qui suffirait à indiquer la place qu'elle occupe dans l'existence publique et privée de la ville et de la région.

LE TABAC dans la région bônoise
HISTORIQUE


VUE DES DOCKS EN 1955 (Photo Christian)

           ENTRE toutes les cultures, le tabac offrit le meilleur champ d'application à la coopération, parce qu'il est une culture familiale traditionnelle









           Quand « l'herbe à Nicot fut-elle introduite en Afrique du Nord et dans la région de Bône ?

           On ne sait exactement quelle époque et par quelle voie.

           Selon les uns, le tabac serait venu d'Asie par l'Egypte, au début du XVIe siècle.

           D'autres affirment qu'il est arrivé en Algérie, par le Portugal et l'Espagne, bien avant qu'il fût connu en France.

           Certains assurent que sa culture aurait été introduite à la fin du XVIIe siècle, par les Marseillais et les Corses, installés depuis 1628, au Bastion de France, entre La Calle et Bône.




De 1830... à la Guerre 1914-1918

           Quoi qu'il en soit, quand les Français débarquèrent en 1830, il n’y avait que quelques petits champs de tabac autour d'Alger et autour de Bône. Encore la culture du tabac à priser l'emportait-elle sur celle du tabac à fumer.
           Le premier était surtout un remède.

           Tout comme pour nos aïeux, il guéris-sait beaucoup de maux, dont ceux de tête : il lui reste, en Algérie, quelques clients que fournit la culture du tabac à priser en Kabylie ! et dans le Sud Constantinois.

           La consommation du Tabac à fumer n'était pas très importante. Seuls les bourgeois des villes fumaient le narghileh (pipe à eau) ou ces pipes à petit foyer et longs tuyaux qu'affectionnèrent les officiers de la première Armée d'Afrique.

           Mais les hommes de troupe, eux préféraient la pipe burte, le « brûle-gueule ,. des grognards de l'Empereur.

           Ils apprécièrent le « tabac maure » coupé à la main et vendu encore humide sous le nom de « Chebli », village près d'Alger, où l'on cultivait du tabac.
           La culture, qui était libre, se développa. Le Gouvernement l'encouragea par des achats.

           Ainsi, en 1859, il achetait déjà 5.000 quintaux au magasin à tabac de Bône.
           Le Maréchal BUGEAUD et ses successeurs s'occupèrent même de la sélection des semis.

           On raconte que la variété Cabot, que nous retrouverons plus loin, dut son appellation à un caporal chargé de la surveillance d'un champ d'essais.

           L'extension de la culture fut très lente jusqu'à la prodigieuse vogue de la cigarette qui suscita la création de nombreuses manufactures et par conséquent accrut la production qui trouva un débouché sur place et commença même à exporter.

           Le fisc, lui, découvrit un revenu appréciable. En 1907, fut décidé le premier impôt sur le tabac commercialisé. Culture, jusque là libre, connut une réglementation.
           A la veille de la guerre de 1914, Régie Française achetait une petite quantité de la récolte, très variable selon les années. Pour le surplus, les producteurs étaient contraints de passer sous les fourches caudines d'acheteurs pour le compte de la Belgique et de la Hollande. Le tabac bônois très fort, commun, servi:: à des mélanges pour les cigares à bon marché.

MANUFACTURE ALGERIENNE DE
TABACS LES ATELLERS EN 1918
           En 1914, dans la région de Bône, à peu près à cette époque, la seule productrice en Algérie, 2.500 hectares étaient cultivés uniquement presque par les planteurs musulmans.
           La qualité était inférieure et les prix en conséquence.

           NOUS avons vu comment quelques agriculteurs français et français-musulmans créèrent, en 1921, « La Société des Planteurs de Tabac de la Région de Bône », avec le triple objectif suivant :
           - Assurer aux planteurs une rémunération convenable et autant que possible stable ;
           - Pratiquer une politique de qualité par la distribution de semences sélectionnées pour la culture de variétés appropriées ; Traiter les tabacs afin de livrer à l'industrie et au commerce un produit irréprochable.









LES OBJECTIFS -- LES RÉSULTATS

           ON peut dire que tous ces objectifs ont été atteints.
           Pour les prix, par les conventions décennales avec la Régie Française qui a fait preuve d'un esprit compréhensif absolument remarquable. Elle a été, demeure, la condition principale de la réussite de la Tabacoop.
           Non seulement ces conventions ont assuré l'écoulement de la récolte à un prix normalisé et rémunérateur, mais les conseils, les initiatives éclairées des éminents techniciens du S.E.I.T.A. et notamment de son Directeur Général, ont engagé les planteurs dans la recherche de la qualité en vue de la production d'un type stable adéquat aux formules de mélanges satisfaisant le goût des fumeurs de la Métropole.
           Pour obtenir ce résultat, bien des préjugés, des intérêts divergents ont été surmontés par les Directeurs, les Ingénieurs du S.E.I.T.A. : les planteurs algériens ne sauraient oublier tout ce qu'ils doivent à la Régie Française des Tabacs.
           Les conventions avec la Régie ont été complétées ensuite par des accords avec le Groupement des Fabricants Algériens et la Régie Tunisienne.
           Les excédents sont vendus à l'étranger, opération difficile en cette période où les échanges internationaux ne s'opèrent que par des compensations.
           Jusqu'à ce jour, le placement des tabacs se schématise comme suit
           Régie Française 5.500.000 kilo
           Fabricants algériens 1.800.000 kilo
           Exportation 2.700.000 kilo
           Total 10.000.000 kilo

           Pour la sélection, les dirigeants ont recherché l'amélioration de la qualité :
           1° En déplaçant les plantations vers les zones les plus propices, les facteurs climatiques étant les mêmes, de la nature du terrain dépendent finesse, combustibilité, force et arôme de la plante.
           2° En améliorant la technique culturale, particulièrement les semences, le travail du sol et le séchage.


           La recherche des variétés les meilleures a abouti à la création d'un type « Cabot », dérivée de souches qui avaient été sélection-nées bien avant la dernière guerre par un technicien d'élite, M. J.-B. JEHAN.
           Cette variété que le Service de l'Expérimentation Agricole de l'Algérie estime remarquable par ses feuilles larges à tissu fin, est bien adaptée aux conditions culturales de la région de Bône où, après séchage à l'air libre, au soleil, elle permet d'obtenir un produit clair, léger, recherché par les acheteurs. Le Cabot de Bône, par ses qualités propres et constantes, a toujours trouvé des débouchés faciles auprès de la Régie Française des Tabacs et auprès des utilisateurs algériens.
           Laboratoire, fermes d'expérimentation ont facilité ces recherches et ces résultats.


           



LE SÉCHAGE
           LA TABACOOP a fourni à ses adhérents des séchoirs métalliques mettant les manoques à l'abri des intempéries.






            Le traitement
           Dès que le tabac est séché et attaché en manoques, les planteurs livrent leur récolte dans les docks de triage et de fermentation, soit à Mondovi où les installations sont susceptibles de recevoir 4 millions de kgs, soit à Bône, où 8 millions de kgs peuvent être entreposés et traités.
           Quatre machines « Quester », utilisées pour améliorer les fermentations et détourner la moisissure et les parasites, deux chambres chaudes pour fermentation spéciale permettent de présenter aux utilisateurs un produit de qualité.
           Enfin, une usine traite les déchets pour l'extraction de nicotine et produit de .15 à 20.000 kgs de sulfate de nicotine qui s'écoule en Algérie et à l'Etranger, notamment aux Etats-Unis.
           Les installations diverses occupent plus de 60.000 mètres carrés couverts.







MACHINE « QUESTER », DOCKS D'HIPPONE (Photo Robledo









PRODUCTION DES TABACS
DE BONE SUPERFICIES ET RENDEMENTS DES
DIX DERNIÈRES ANNÉES




Pour la onzième fois
Bonjour, 146, du 21 octobre 1934
journal satyrique bônois.
Grand Prix Cycliste de La Ville de Bône

               Voici venir la grande épreuve qui est tant attendue chaque année.
                «Bonjour » a déjà publié l'historique du Grand Prix Cycliste de la Ville de Bône. Nous n'y reviendrons pas.
                Nous devons rappeler, cependant, que cette magnifique épreuve qui donna au mouvement cycliste algérien un élan que d'autres, depuis, ont tenté d'imiter sans arriver à l'égaler, est due à l'initiative et à l'énergique impulsion d'un Bônois, M. Raoul Teddé, notre très sympathique concitoyen.
                Tant de choses qui paraissent faciles aujourd'hui demandaient à l'époque une énergie, une ténacité et un savoir que l'on n'imagine pas.
                L'ouvrage de notre concitoyen demeurera, il a su donner une impulsion étonnante au sport cycliste, impulsion au commerce qui y trouve les meilleures occasions de publicité, course éminemment spectaculaire qui a plu et qui plaira toujours aux foules.

                M. Raoul Teddé, comme tous les initiateurs, fut récompensé de son dévouement par une ingratitude parfaite de ceux en qui il avait eu le tort de placer sa loyale confiance et ce fut là l'œuvre de personnes qui sont bien connues et que nous avons nommé alors qu'il le fallait. La trahison est commune, à la fois, aux sports et à la politique.
                M. Raoul Teddé s'est consolé de tout cela devant le succès de ce qu'il a créé. Personne n'oublie son nom et nous devons dire en hommage à la vérité, que c'est à la demande de dirigeants actuels du Vélo-Club-Bônois que nous publions dans ces colonnes son portrait au-dessus de celui de son très sympathique successeur.

                Dans le lot de tunisiens, certains ne sont pas des inconnus, tel Djilani ben Othman, qui portera le numéro un. Ce coureur au beau palmarès a couru l'épreuve en 1933. Son classement fut des plus honorables malgré les nombreux accidents subis en cours de route.
                Nous le voyons vainqueur du prix de la ville de Bizerte, de Ferryville, de Tebourba ; deuxième au championnat de vitesse de Tunisie. Les dirigeants du VC de Tunis fondent de gros espoirs sur ce sympathique coureur.

                N° 2 Bruno Léonardo, VCT jeune coureur plein d'élan, se distingue dans toutes les courses par son courage, très fin, court avec malice.

                N° 3 Sanfilipo Vincent, VCT, coureur jouissant d'une grosse réputation, bon grimpeur et fin au sprint.

                N° 4 Lonza Philippe, VCT coureur plein d'esprit, gros animateur de course, se classe chaque fois aux places d'honneur.

                N° 5 Sciarrino Michel, VCT coureur très courageux possède toutes les qualités requises pour faire une course d'étapes.

                N° 6 Loicono Ignozio, Italia, coureur s'adaptant très bien aux longs parcours, bon grimpeur, court avec science.

                N° 7 Landicina François, Italia, beau coureur, doué d'un courage extraordinaire, toujours au premier plan pour la bagarre, beau palmarès.

                N° 8 : Pellegrino Laurent, La Fochville, très côté dans les milieux sportifs tunisiens en 1934,vainqueurdu grand prix de la Caprerie de Sfax en deux étapes 170 et 132 kilomètres, vainqueur de nombreuses courses de fond, fait ses preuves sur piste, vainqueur de Le Drogo et Poméon.
                Coureur qui tiendra la dragée haute aux meilleurs..

                N° 9 : Chedli ben Salah, La Fochville, bon coureur, habitué aux durs labeurs, se trouve à son affaire dans les épreuves de fond.

                N° 10 : Rizzo Félice, de la Pédale, coureur plein d'espoir, court avec méthode, bon rouleur et vite au sprint, peut faire parler de lui.
                Avec ce lot de coureurs, la Régence sera amplement représentée, quoique le comité organisateur attende d'autres engagements.

                Le N° 11sera porté par l'algérois Di Méglio Joseph, originaire de La Calle, coureur au palmarès glorieux, vainqueur de 1932, de l'éliminatoire et de la finale Nord-Africaine du Pas Dunlop, en 1933, vainqueur du championnat d'Alger des 100 kilomètres contre la montre.
                Depuis ce sympathique coureur s'est distingué dans de nombreuses courses. Di Méglio compte des sympathies dans notre ville, il sera leur hôte d'ici peu de jours.

                N°12 : Le VC Savenaisien engage dans la grande épreuve le coureur Leroux Eugène de Savenay. Coureur de 20 ans au long et glorieux palmarès, on le trouve aux places d'honneur dans toutes les courses courues tant sur route que sur piste. Sa dernière victoire date du 9 septembre dans le grand prix du pays de Retz, 170 kilomètres qu'il gagna avec deux minutes d'avance sur l’équipe du Club sportif international qui comprenait Bebenne, Janninet, Sudrès et Hittinger.

                Le n° 13 appartiendra au Bordelais Roger Laluque, international militaire gagnant de France Belgique, le 8 septembre dernier. Premier du championnat du 18e corps d'armée. Laluque n'est pas un inconnu, très apprécié dans les milieux sportifs. Veut tenter sa chance dans les épreuves à longs parcours.
                Dans un prochain communiqué nous analyserons les qualités d'une autre fraction d'engagés, disons seulement que la liste est déjà longue et que d'autres inscriptions très importantes sont annoncées.

                Nous rappelons que les engagements sont reçus tous les jours à la permanence du VCB au Bar du Sahel, place d'Armes ou chez M. Caputo, président, place Caraman, à Bône.
                Vélo Club Bônois. Les jeunes gens désirant suivre les cours du BAP et du BPÈSM sont priés de vouloir bien se faire inscrire à la permanence du VCB, chez M. Bétro François, Café du Sahel, place d'Armes. – Vélo Club Bônois

                Voici la première liste des engagés :
                1 Djilani, Tunis. - 2 Rizzo, Tunis. - 3 Landicina, Tunis. - 4 Sciarino, Tunis. - 5 Loicono, Tunis. - 6 Chedli Salah, Tunis. - 7 Lonza, Tunis. - 8 Bruno, Tunis. - 9 Sanfilippo, Tunis. - 10 Pélégrino, Tunis.
                11 Diméglio Joseph, Alger. - 12 Leroux, Savenay. - 13 Laluque, Bordeaux. - 14 Laribi, Aumale. - 15 Noppel, Savoie. - 16 Ambrosino, Alger. - 17 Bonil, Alger. - 18 Calafil, Alger. - 19 Lucas, Alger. - 20 Midjerbi, Alger.
                21 Macotta, Alger. - 22 Pons, Alger. - 23 Perez François, Alger. - 24 Cherchik, Alger. - 25 Candal, Oran. - 26 Schelling, Arzew. - 27 Garcia J. Arzew. - 28 Langella Antoine, Bône. - 29 Lâchât, Montauban. - 30 Troginello, Montauban.
                31 Simoni, Montauban. - 32 Djilali, Alger. - 33 Botella, Sidi bel Abbès. - 34 Zouaoui, Alger. - 35 Ouail Louis, Alger. - 36 Mano S. Alger. - 37 Yvars, Alger. - 38 Vincent, Alger. - 39 Pastor, Alger. - 40 Galiano, Alger.
               


 
LA COOPERATION DE CONSOMMATION
EN ALGERIE
Effort Algérien N°52, du 28 avril 1928

                  
              Dans un mois le Congrès de Grenoble rassemblera 400 délégués venus de toutes les régions, de tous les départements de France assister aux assises nationales de la Coopération de consommation.
              Nous avons pensé qu'à cette occasion un aperçu du mouvement coopératif de
              Algérie présenterait peut-être quelque intérêt tant au point de vue économique qu'au point de vue moral.

              L'Algérie présente de particulier qu'en dehors de la population indigène et musulmane, le littoral est peuplé d'habitant en provenance de toutes les nations méditerranéennes : français, italiens, espagnols, maltais, grecs, etc...
              C'est donc, d'une part, un mélange accentué de différentes nationalités auquel s'ajoute la rivalité à peine apaisée de trois religions également puissantes par leurs pratiques respectives, d'autre part la dualité de deux races qui devront se côtoyer longtemps encore sans jamais se bien connaître.
              A tout ceci s'ajoute la population des hiverneurs venus des pays du Nord: Angleterre, Hollande, Allemagne, Scandinavie, etc., importante à Alger.
              Si Alger la Blanche, ville de 11 kilomètres de longueur et de 200.000 habitants présente dans son ensemble, dans ses différents quartiers cette diversité de nationalité, de religion et de race dans la vie économique, c'est en premier lieu à ces difficultés sérieuses que se sont heurtés les pionniers du mouvement coopératif.

              La situation spéciale d'Alger, port de l'Algérie, point de débarquement le plus important de la côte algérienne, assure à cette ville une prépondérance commerciale par l'afflux incessant des marchandises en provenance de tous les pays du monde où la France fournit le plus fort contingent par son industrie et son commerce. Ces régions sont, en effet, favorables à l'essor commercial puisqu'elles ne possèdent ni charbon, partant ni industrie.
              Si l'on sait que l'intérieur (lisez les régions s'éloignant de plus en plus de la côte) est -ravitaillé en très grande partie par Alger, il est aisé de comprendre que la coopération fut tentée un peu partout pour échapper aux multiples intermédiaires se succédant du port à la boutique du détaillant.
              Aussi c'est à l'honneur des coopérateurs de ces pays d'avoir réussi, après la crise de 1920 où sont disparues quelques organisations, à mener à bien la vie de douze sociétés florissantes réparties dans les trois départements, lesquelles ont fait un chiffre d'affaires d'environ 7 millions en 1927.

              Parmi ces sociétés, où des Français, hommes de cœur, ont assumé la tâche ingrate d'administrateurs, il convient de citer les différentes caractéristiques :
              La Coopérative des employés du P.L.M., dont le siège est Alger, répartit à la fois à ses sociétaires, sur place, en même temps qu'elle ravitaille en de très bonnes conditions ses sociétaires employés sur tout le réseau de l'intérieur.
              Son chiffre d'affaires en 1927 fut de 1.200.000 francs.

              La Société Coopérative des Démobilisés de Blida située à 45 kilomètres d'Alger, grâce au dévouement de ses administrateurs, est parmi les plus florissantes.
              Elle régularise dans cette ville le prix des denrées alimentaires, rassemble un grand nombre de consommateurs. Ses transactions en 1927 se sont élevées à 1.300.000 francs.

              La Société de Constantine, fleuron de ce département, située dans cette même ville, y défend le mouvement avec un beau succès. Une boulangerie ajoute à sa bonne gestion une popularité très grande.
              En 1927, son chiffre de répartition est de 1.350.000 francs.

              A Tocqueville, pays minier, situé à 100 kilomètres de la côte, une très bonne Société a réparti 780.000francs de marchandises l'année dernière.
              Cette répartition s'étend aux ouvriers et employés de toute nationalité et de toute religion. Une succursale spécialement destinée aux indigènes a été établie près d'un village arabe.
              A El-Affroun, centre de grosse colonisation, une petite Société y assure régularisation des prix et esprit d'aide sociale. Cette Société est remarquable par son désir d'entraide à la population très mélangée de cette localité.

              Enfin, à Cherchell, à Djidjelli, à Bouïra, à Maison-Carrée et à Tiaret sont installées de bonnes Sociétés Coopératives où le dévouement des administrateurs assure une gestion qui donne toute satisfaction aux sociétaires.
              Ces sociétés sont, depuis octobre, groupées dans la Fédération Algérienne des Coopératives de Consommation.
              Nous insistons spécialement sur les difficultés rencontrées par ces sociétés en raison non seulement de la diversité des populations constituant les consommateurs, mais surtout en raison de certaines pratiques commerciales qui peuvent se confondre quelquefois avec le vol, pratiques résultant d'habitudes ayant de longue date pris pied dans ces régions.
              Il est évident que la Coopération, avec sa formule honnête du juste poids, du juste prix, pour de bons produits, a rencontré beaucoup de résistance dans son application.

              Pour les gens avertis, nous pouvons dire que la falsification des produits dans des climats où la température est aussi élevée est une fraude qui peut être qualifiée de criminelle par les désordres qu'elle peut engendrer dans l'organisme humain et il fallut de longues années pour arriver à en convaincre les consommateurs inavertis.
              Néanmoins, il nous est agréable d'avoir pu, à différentes reprises, dans nos conversations et dans nos conférences répétées avec les directeurs de ces Sociétés ou encore directement avec les consommateurs, constater que la formule qu'apporte la Coopération de consommation est mieux comprise et commence à gagner les esprits.

              Avant de terminer la liste des Sociétés actuellement en fonction, il convient d'y ajouter le Groupement Militaire d'Achats qui distribue à ses sociétaires les marchandises avec des avantages réels par le fait que son personnel et ses frais généraux sont extrêmement réduits.
              Puis, enfin, la Société créée en 1927, l'Union des Coopérateurs d'Algérie, ouverte au public le 3 décembre, laquelle a, depuis cette date, mis en œuvre douze magasins de répartition, accusant un chiffre mensuel de 400.000francs environ. Deux mille sociétaires ont répondu à l'appel du Conseil d'Administration de l'Union.

              Il est juste d'indiquer que ce Conseil comporte des hommes de dévouement à notre cause venus de tous les horizons, politique ou religieux et de toutes conditions sociales.
              Nous y comptons à la fois le Secrétaire du Syndicat Unitaire des P.T.T. en même temps que le représentant qualifié du Socialisme chrétien et des agriculteurs. Un membre indigène représente la population indigène et la religion musulmane. Un administrateur israélite y siège également.
              C'est ainsi qu'est née une Société de développement montée sur la formule qui nous est familière dans la Métropole.
              Cette société est à, ses débuts, son chiffre d'affaires est déjà respectable et l'espérance de ses militants est très grande.

              Le résumé quelque peu succinct du mouvement coopératif en Algérie à cette date, début avril, nous permet de dire que notre formule économique nouvelle a déjà réussi à prendre sa place sans ces pays. Ce n’est pas chose facile que d’arriver à convaincre une partie notable de la population à l’idéal coopératif.
              Nous avons précédemment indiqué ces difficultés, car en général, les consommateurs ne savent voir, ici comme ailleurs, que le résultat immédiat et journalier de 'action coopérative. Cependant il convient le situer, au-dessus des contingences journalières, au-dessus de la lutte qui met chaque moment aux prises notre répartition coopérative, loyale avec celle du commerce dont nous avons quelque peu constaté la déviation: Notre Position.

              Il est un fait indéniable. Des hommes de toutes religions, de différentes races, de différents pays, de toutes conditions sociales, ont réussi à s'entendre sur un point particulier important de leur propre vie : La Consommation.
              A ceux qui doutent de notre formule et qui ne veulent voir dans nos succursales de répartition que la copie plus ou moins exacte de la boutique de l'épicier, nous pouvons sincèrement répondre : la preuve est faite que l'Union des Consommateurs mène à une amélioration des jetions entré les hommes et qu'elle est en vérité l'Hymne vers la Fraternité humaine.

Henri DETTWEILER
Secrétaire de la Fédération Algérienne


    
VOUS AVEZ DIT COÏNCIDENCE ? OH PARDON
Envoyé par Eliane

                Un éleveur de poulet se rend au café local… il s'assied à côté d'une femme et commande un verre de champagne.
                La femme dit : "Comme c'est bizarre ! Je viens aussi de commander un verre de champagne !".
                "Quelle coïncidence !", dit l'éleveur qui ajoute : "C'est un jour spécial pour moi… Je le célèbre".
                "C'est un jour spécial pour moi aussi, je le célèbre aussi !", dit la femme.

                "Quelle coïncidence !", dit l'éleveur !
                Pendant qu'ils trinquent, l'homme demande :
                "Que célébrez-vous donc ?"
                "Mon mari et moi essayons d'avoir un enfant depuis des années, et aujourd'hui mon gynécologue m'a annoncé que j'étais enceinte !".

                "Quelle coïncidence !", dit l'homme : " Je suis éleveur de volaille et pendant des années toutes mes poules ont été infertiles, mais aujourd'hui, elles se sont toutes mises à pondre des œufs fécondés".
                "C’est génial ! dit la femme. Comment avez-vous fait pour que vos poules deviennent fertiles ?"
                "J’ai utilisé un autre coq" répond-il.

                La femme sourit et dit : "Quelle coïncidence !"


Calmars farcis avec
les têtes et les pattes


ACEP-ENSEMBLE N°303

          Ingrédients
         1 Kg de calmars entiers
         4 oeufs durs - 2 gousses d'ail
         1 cuillère à café de moutarde
         1/2 verre de vin blanc
         3/4 de verre d'huile d'olive
         2 verres d'eau
         1 citron coupé en rondelles
         1 petit bouquet de persil
         1 feuille de laurier sauce
         Chapelure, sel, poivre du moulin.

         PREPARATION
         Videz les calmars par le haut sans les ouvrir en maintenant leur forme en cornet.
         Hachez têtes et pattes et faites-les revenir dans 1/4 de verre d'huile, quand elles deviennent roses, retirez les et mettez-les en attente.
         Pilez les jaunes d'œufs durs avec l'ail, ajoutez la moutarde, le persil haché et montez une rémoulade avec 1/2 verre d'huile.
         Ajoutez-y les têtes, les pattes et les blancs d'œufs durs hachés.
         Assaisonnez, farcissez les encornés et cousez.
         Rangez les ensuite dans une cocotte, piquez les légèrement avec une aiguille, recouvrez avec l'eau et le vin blanc et rajoutez le laurier.
         Faire cuire à feu moyen pendant 1/2 heure.
         Disposez ensuite dans un plat à gratin, garnissez avec les rondelles de citron. Saupoudrez de chapelure et faites gratiner une autre 1/2 heure.
         Servir dans le plat.


VUES par des PHOTOGRAPHES
Diverses réceptions


















L’affaire de Margueritte, avril 1901
Envoyé par M. Aymé
Par Benoît Haberbusch
Docteur en histoire,
Capitaine Service historique de la Défense
Division Etudes Enseignement et Recherche …

          Parmi l’abondante iconographie rassemblée par le major en retraite Michel Louis, une collection de cartes postales et de photographies est consacrée à un événement survenu au début du siècle dernier. à l’époque, ces faits ont eu un retentissement considérable, avant de sombrer dans l’oubli au fil du temps. Il est intéressant de s’interroger sur le rôle joué dans cette affaire par les gendarmes visibles sur ces clichés.
Chronique d’un paisible village d’Algérie

Carte postale diffusée à la suite des événements de Margueritte.

          Alors que la plupart des clichés collectés par le major (er) Louis ne portent aucune indication, les costumes portés par certains personnages permettent de déduire que les faits se sont produits de l’autre côté de la Méditerranée, en Algérie. La légende inscrite sur une carte postale, « Insurrection à Margueritte (Algérie) », permet de lever définitivement le doute. Pourtant, rien ne semble prédisposer cette localité algérienne à être ainsi placé sous les feux de l’actualité.

          Créé en 1864 sur les pentes du Zaccar, sur la route reliant Alger à Oran ; à 120 kilomètres d’Alger et à 10 kilomètres de Miliana et à 730 m d'altitude, ce village de colonisation s’appelle d’abord Aïn-Turki (La Fontaine des Turcs), en référence à la présence d’une source captée à l’origine par les services du Génie militaire, puis érigée en fontaine publique. Miliana le village comptait une population voisine de 500 européens et ses vignobles donnaient des produits estimés.
          Le nom de Margueritte (parfois orthographié Marguerite) n’est donné que quelques années plus tard, en hommage au général Margueritte (1823-1870) qui a longtemps vécu à Kouba et a commandé la subdivision de Miliana ainsi que la brigade des 1er et 3e Chasseurs d’Afrique avec laquelle il s’est illustré au cours de la guerre de 1870 (1), s'attira les compliments admiratifs du Kaiser Guillaume "Oh, les braves gens".

          Comme dans tous les centres de colonisation, l’installation du village respecte un plan soigneusement établi et les infrastructures sont rapidement mises en place. Toutefois, l’essor de la cité se fait attendre et, au moment des événements de 1901, la bourgade se limite à une quarantaine de bâtiments espacés les uns des autres. La population européenne ne dépasse guère la centaine d’habitants face aux 3 000 musulmans installés aux alentours (2). Administrativement, la localité dépend de la commune mixte d’Hamman Rhira, englobée dans le douar d’Adélia. Elle ne dispose pas de brigade de gendarmerie en 1901.

          En ce début du Xxe siècle, la situation à Margueritte est paisible, comme dans le reste de l’Algérie où la colonisation française est solidement implantée. La dernière grande révolte remonte à 1871. L’effervescence ressentie en Kabylie en 1898 et les quelques crimes perpétrés ici et là ne suffisent pas à créer un sentiment d’insécurité, malgré la faiblesse numérique des forces de l’ordre et notamment de la gendarmerie. Ainsi, en 1901, 231 brigades de gendarmerie sont dispersées dans les trois vastes départements algériens.
          L’arme n’y compte au total que 1.192 hommes dont 31 officiers. De ce fait, la force publique se limite souvent au seul garde champêtre dans de nombreuses localités (3).

Carte postale du village de Margueritte.
La rocambolesque révolte d’avril 1901

          Le 26 avril 1901, les autorités de Margueritte apprennent par télégraphe du caïd d’Adélia qu’un groupe de six « indigènes » (4), armés se dirige vers la localité. Aussitôt, l’administrateur adjoint Monteils est envoyé avec deux cavaliers et le caïd pour intercepter cet attroupement suspect au col de Tizi-Ouchir, à quatre kilomètres du village.
          Mais une fois arrivés sur place, ils se trouvent en présence d’une trentaine d’individus déterminés.
          Préférant éviter toute effusion de sang, les quatre hommes se laissent désarmés. Les deux soldats sont ligotés et le caïd est emmené vers la maison forestière déjà occupée par les insurgés. L’administrateur adjoint, quant à lui, est contraint de se convertir à l’islam, de troquer ses habits d’occidental pour des hardes portées par les musulmans et de suivre ses ravisseurs.
          A mesure qu’ils se rapprochent de Margueritte, les rebelles voient leur nombre grandir. Rassemblés sous l’autorité d’un marabout, nommé Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed, ils appartiennent pour la plupart aux tribus Beni-Menasser, Rhiras et Bouaya. Les actes qu’ils commettent s’aggravent rapidement. Les rebelles pillent d’abord une voiture chargée de vaisselle, d’argenterie et de victuailles pour une noce à Vesoul-Bénian. Plus grave, ils assassinent en cours de route le garde champêtre de Margueritte, nommé Labessède, et ils saccagent la ferme d’El-Kalaa, appartenant à un certain Jenoudet. Épargné, celui-ci est contraint à son tour de se convertir à l’islam en prononçant les paroles rituelles.

          Vers midi, près de 200 émeutiers arrivent aux abords de Margueritte. Aussitôt, les portes des habitations sont enfoncées et les meubles brisés et sortis dehors. Les scènes de dévastations se répètent pendant une heure et demie. La plupart des Européens parviennent à s’enfuir, mais, quelques-uns, tombés aux mains des assaillants, sont contraints de se convertir à l’islam sous peine de mort. Habillés comme les autres musulmans, ils sont placés devant la troupe des insurgés qui prend maintenant la direction de Miliana. Ils doivent servir de boucliers humains.
          Toutefois, rapidement averties de la révolte, les autorités françaises dépêchent sur place des forces armées. Les premiers représentants de l’ordre sont les gendarmes du lieutenant Dupuch suivis de tirailleurs commandés par le chef de bataillon de Bazinet (5).

          Tous sont stationnés à Miliana. Les gendarmes ne tardent pas à retrouver les révoltés et à engager le combat. La citation décernée au lieutenant Dupuch témoigne de la violence de la rencontre : « Au cours d’une révolte des indigènes à Margueritte, le 26 avril 1901, a fait preuve de courage et de sang froid :
          1° en refusant de se laisser enlever ses armes et en s’échappant, malgré la fusillade dirigée contre lui par les révoltés qui voulaient le faire prisonnier ;
          2° en s’occupant, quoique déjà blessé, de requérir les moyens de transport rapides pour transporter les troupes de secours, où il a reçu deux nouvelles blessures, en occupant avec ses gendarmes le poste le plus dangereux. N’a songé à se faire soigner qu’après une poursuite énergique des révoltés et lorsque l’ordre et le calme furent rétablis »(6).
          Malgré la pugnacité des révoltés, l’affrontement tourne rapidement en faveur des militaires. La fusillade se solde par 16 tués du côté des émeutiers contre un tirailleur abattu du côté des forces de l’ordre qui comptent également huit blessés dont les gendarmes Claverie et Marimpouy (7).

          Le bilan des blessés chez les insurgés n’est généralement pas mentionné. Au total, l’insurrection de Margueritte a coûté la vie à huit Européens.
          La nouvelle de la révolte, qui se répand rapidement dans la communauté européenne, suscite quelques réactions de panique notamment dans les centres avoisinants de Boumedfa, Marengo, Meurad et Masséna. En revanche, les troubles de Margueritte ne déclenchent pas d’agitation d’envergure au sein de la population musulmane.
          Du reste, l’armée se déploie déjà dans la région, multiplie les démonstrations de force et entame la phase de répression consécutive à toute révolte en Algérie.

La répression de la révolte

          Dès le 26 avril 1901 au soir, les renforts convergent vers Margueritte. Le colonel de Laforcade, du 1er Chasseurs d’Afrique, reçoit l’ordre d’envoyer par train spécial le premier escadron de son régiment, rassemblant 110 hommes commandés par le capitaine Defrance. De même, une compagnie de zouaves d’Alger et des tirailleurs d’Orléansville se mettent en route. Une brigade de gendarmerie à cheval venant de Médéa occupe, quant à elle, la gare de Vesoul-Bénian.
          Toute la voie ferrée est gardée militairement dans les gorges de l’Oued Djer, ainsi que les ponts et les tunnels aux extrémités (8). à Margueritte, la communauté européenne participe à la défense de la localité. Les hommes et quelques femmes patrouillent armés de fusil Gras avec, autour de la ceinture, une cartouchière garnie. Aux alentours du village de colonisation, des battues sont organisées pour capturer les fuyards dans la campagne avoisinante. Quelques-uns uns des rebelles arrêtés servent de guides.

          La phase judiciaire de la répression débute parallèlement à la phase militaire. Dès le 26 avril, le procureur de la République Ponsier et le juge d’instruction Pheline prennent à Miliana le train de 19 heures pour se rendre à Margueritte. Ils s’installent à l’école où les gendarmes et les tirailleurs ramènent par bandes près de 200 arabes raflés par l’armée. Vêtus le plus souvent de haillons, les prisonniers, accroupis sur le trottoir ou appuyés au mur, attendent mornes et résignés, leur interrogatoire. Par la suite, les habitants de Margueritte viennent les reconnaître. Tous les suspects sont examinés avec la plus scrupuleuse attention. Ceux formellement reconnus sont placés sous la surveillance d’un piquet de zouaves, baïonnette au canon (9). Quand les premières formalités judiciaires sont accomplies, les prisonniers sont emmenés par convoi, sous bonne escorte, jusqu’à Miliana pour y être jugés. Les cartes postales réalisées à l’époque ont immortalisé les différentes scènes décrites plus haut.

Carte postale parue en 1901.

          Les hommes ainsi arrêtés vont avoir un parcours étonnant, comme on peut en juger. Au total, 125 inculpés sont envoyés devant la cour d’assises par la chambre d’accusation de la cour d’Alger.
          Toutefois, la cour de cassation, dessaisissant la cour d’Alger, décide de renvoyer l’affaire devant la cour d’assises de Montpellier (Hérault) à la grande indignation des colons. Cette première initiative pour dépayser l’affaire est déjà remarquable en soi.

          Le procès débute le 11 décembre 1902. à cette date, 14 inculpés sont déjà décédés en prison et plusieurs dizaines d’autres sont malades, ce qui donne une idée de leurs conditions de détention.
          L’arrivée de tels prévenus, accompagnés d’une cinquantaine d’avocats et de 85 témoins dont 40 Algériens musulmans, ne passe bien évidemment pas inaperçue. Une grande agitation règne au palais de justice de Montpellier où il faut aménager spécialement la salle des assises. Le procès suscite une grande curiosité parmi la population locale et attire des correspondants de la capitale.

          La revue l’Illustration traduit à sa manière cet intérêt par cette description de la salle des assises : « Celle où s’entassent les accusés, un fouillis de burnous et de turbans enveloppant des personnages de bronze, une masse blanche que des cordons de gendarmes encadrent de leurs lignes sombres et régulières, partagent en deux sections distinctes ; les principaux acteurs du drame et les comparses ». Le journaliste ajoute : « Détail qui achève de donner à l’ensemble l’apparence d’un troupeau parqué dans l’enceinte de la justice, chaque accusé est marqué à l’épaule d’un numéro d’ordre imprimé en noir sur un morceau de calicot ».

          Le meneur, Yacoub, est défendu par un avocat d’origine guadeloupéenne, maître Ladmiral. Celui-ci plaide avec passion en se servant du tribunal comme d’une tribune pour dénoncer à l’opinion métropolitaine le régime de l’indigénat. Le verdict est rendu le 8 février 1903, après 46 jours d’audience et trois délibérations du jury (10) . La lecture des condamnations dure plusieurs heures en raison du grand nombre d’accusés et de la traduction en arabe. La menace de la guillotine qui planait sur certaines têtes est définitivement écartée à l’annonce des circonstances atténuantes.

          Un nouveau soulagement parcourt le banc des accusés lorsqu’ils apprennent que 80 d’entre eux vont être prochainement libérés en raison de leur acquittement. Finalement, les condamnations concernent 26 prévenus. Elles comprennent des peines de prison allant de 6 mois à 2 ans et des peines de travaux forcés allant de 5 à 15 ans, assorties ou non d’interdiction de séjour. Le verdict le plus lourd est réservé à Yacoub, son second Thaalbi et Ben Sadock, tous condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Ils sont envoyés au bagne où les deux premiers meurent en 1905 dans des circonstances non éclaircies à ce jour.

Carte postale représentant les forces de l’ordre intervenues lors de l’affaire de Margueritte.
La perception de la révolte de Margueritte à travers les médias

          La diffusion de cartes postales relatives à l’affaire de Margueritte témoigne déjà que cet événement a marqué les esprits à l’époque. Toutefois, la lecture de la presse locale et nationale montre que cette révolte a largement dépassé son cadre régional pour susciter des débats au sein de la société française.
          Dans un premier temps, l’annonce de la nouvelle suscite un effet de surprise dans la presse locale qui ne s’attendait pas à un tel déferlement de violence. Le commentaire publié le 28 avril 1901 dans un quotidien algérien est révélateur à ce sujet : « On ignore la cause exacte de ces événements, mais il ne saurait être question d’un mouvement insurrectionnel (…). D’après les colons, bon nombre des ouvriers indigènes du village ont pris une part active au mouvement. Ainsi qu’il a été dit, ce mouvement est purement local et paraît résulter des discussions entre européens et indigènes, auxquelles le sentiment religieux ne serait pas étranger » (11) . Plusieurs quotidiens soutiennent la thèse religieuse en expliquant que « l’exalté » Yacoub Mohamed Ben El Hadj Ahmed aurait parlé de rejoindre le cheik Bouamama qui a prêché la guerre sainte dans le Sud oranais pour chasser les Français d’Algérie (12). D’autres journaux se perdent en conjectures, à l’image du Gaulois qui avance une curieuse hypothèse.
          Selon un officier de spahi, des missionnaires anglais auraient distribué des bibles en expliquant que les arabes seraient mieux sous protectorat anglais (13). Mais, quelles que soient les pistes retenues, fanatisme religieux ou non, les journalistes s’accordent rapidement à penser que cet événement n’est pas le signe avant-coureur d’une insurrection généralisée.
          Malgré son caractère local, cette révolte provoque également de nombreux commentaires dans la presse nationale. Certains articles sont conformes aux préjugés coloniaux de ce début de XXe siècle. Tandis que l’Événement réclame un châtiment exemplaire contre les Beni-Menacer, La République souhaite que l’on arme les colons habitant au milieu des populations arabes.

Carte postale exposant les « meneurs » de l’affaire de Margueritte.

          Affichant une certaine inquiétude, l’Echo de Paris publie le commentaire suivant : « Le soulèvement des environs de Miliana se produisant en pleine paix, que se passerait-il dès le début d’une mobilisation pour une guerre européenne ?

          L’anarchie qui a régné à Alger depuis trois ans, les haines de race et de religion exagérées et continuées même dans les garnisons depuis l’affaire Dreyfus, la faiblesse avec laquelle l’autorité civile protège les officiers, tout cela n’a pas échappé aux arabes ». Plus pittoresque, Le Petit Parisien daté du 19 mai 1901 met en avant l’attitude courageuse de l’institutrice du village, Mlle Goublet. Elle aurait lancé à l’adresse des émeutiers s’apprêtant à envahir sa classe : « Tuez-moi si vous voulez, mais ne touchez pas à ces pauvres enfants ». Son audace lui a valu la vie sauve ainsi qu’aux enfants. La gravure parue dans Le Petit Journal achève de donner à l’institutrice une stature d’héroïne. (16)

          Toutefois, Le Figaro livre, quant à lui, un commentaire plus mesuré dont voici un extrait : « Les Beni-Menasser ont pris sur eux de nous rappeler avec une certaine opportunité qu’il n’y a pas que des juifs en Algérie. Cette insurrection prouve deux choses : la première est que l’administration algérienne ne doit pas être profondément désorganisée et cela n’a rien d’étonnant ; la seconde est que les arabes sont mécontents, c’est-à-dire qu’ils sont maltraités. On leur refuse ou bien on leur distribue mal la justice ».

          Cette dernière remarque traduit parfaitement la particularité du traitement de la révolte de Margueritte dans les médias de l’époque. Plusieurs journalistes tentent de faire comprendre à leurs lecteurs les raisons de la révolte, voire témoignent d’une certaine empathie à l’égard des émeutiers. L’accusation glisse des rebelles vers la société coloniale et les spoliations de terre dont ont été victimes les Algériens musulmans. Ainsi l’Autorité, annonce de manière péremptoire le 26 mai 1901 : « Nous avons été durs, même impitoyables pour les indigènes. Nous avons, semé la haine par une législation féroce ». La Petite République estime, quant à elle, que « c’est la rapacité du fisc, ce sont les spoliations incessantes qui provoquent chez les indigènes l’exaspération et les sentiments de haine dont les événements, comme ceux de ces derniers jours, sont la manifestation ».

          Plusieurs personnalités politiques mêlent leurs voix à celles des journalistes. Dans Le Temps, le sénateur Pauliat livre, par exemple, cette réflexion : « Dans cette affaire, on a voulu voir un acte de propagande religieuse et de fanatisme musulman. Je n’en crois rien. Il y faut plutôt voir l’exaspération des peuplades qu’on a réduite à la misère. Dans un moment de révolte contre ce qu’elles regardaient comme une injustice dont elles sont victimes, elles se sont livrées à des attentats criminels » (14). Autre figure plus éminente, Georges Clemenceau, dans un article de la Dépêche de Toulouse, cite le séquestre préventif des accusés et prend une position politique : « Je demande que notre colonisation se fonde sur le respect du droit humain. Aux populations à qui nous enlevons leur indépendance, nous devons la compensation d’un régime de justice, de douceur, de haute humanité ».
          Malgré ces prises de position, aucune mesure d’envergure n’est prise en faveur de la population algérienne musulmane jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il faut attendre l’entre-deux-guerres pour que de timides réformes soient engagées sans jamais satisfaire aucune des communautés d’Algérie.

          Au final, les gendarmes immortalisés dans ces cartes postales ont assisté à un événement dont l’intérêt dépasse largement le cadre du simple fait divers. Ils ont été à la fois les acteurs et les témoins d’une affaire qui a eu des répercussions au sein de la société française de la Belle Époque, même si son souvenir s’est estompé au fil du temps. Malgré son caractère anecdotique, la révolte de Margueritte mérite d’être replacée dans le continuum historique de l’Algérie. Pour mieux en saisir la portée, il suffit de relire le funeste avertissement lancé par un quotidien à l’issue du verdict, le 8 février 1903 : « L’insurrection de Margueritte a été une révolte de prolétaires fanatisés, persécutés et affamés. Si la France laisse subsister ce régime, ou elle perdra l’Algérie ou elle aura finalement à réprimer des insurrections encore plus terribles » (15).

          1 Fils de gendarme, le général de division Jean-Auguste Margueritte est né en 1823 et mort le 6 septembre 1870 en Belgique.
          2 En 1932, Margueritte ne compte encore que 500 Européens, ce qui témoigne du faible développement de la localité.
          3 Jean-Noël Luc (sous la direction de), Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie, Guide de recherche, Maisons-Alfort, SHGN, 2005, p. 236.
          4 Nom donné à l’époque aux Algériens musulmans par l’administration coloniale.
          5 « Révolte en Algérie », L’Écho de la Gendarmerie nationale, n°1079, 5 mai 1901, p. 294.
          6 René Baulard, La Gendarmerie d’Afrique (1830-1930), Paris, Charles-Lavauzelle, édition Revue de la Gendarmerie 1930 p. 212.
          7 « L’insurrection de Margueritte », L’Illustration, n° 3037, 11 mai 1901, p. 316.
          8 « La révolte de Margueritte, communication officielle », L’Indépendant, écho de Constantine, journal quotidien, n° 9569, 28 avril 1901, p. 1.
          9 « Dépêches d’Algérie, aux environs d’Alger, le calme règne » L’Indépendant, écho de Constantine, journal quotidien, n° 9570, 29 avril 1901, p. 1.
          10 « Les troubles de Margueritte, cour d’assises de l’Hérault », Le Petit Journal, 9 février 1903, p. 3.
          11 « La révolte de Margueritte, communication officielle », L’Indépendant, écho de Constantine, journal quotidien, n° 9569, 28 avril 1901, p. 1.
          12 Né en 1833 ou 1840, le cheik Bouamama proclame le djihad contre les Français à partir d’avril 1881 et fomente des troubles à la frontière algéro-marocaine jusqu’à la date de sa mort en 1908.
          13 Cité dans « Dépêche d’Algérie, les événements d’Alger », L’Indépendant, écho de Constantine, journal quotidien, n° 9571, 30 avril 1901, p. 1.
          14 Cité dans L’Indépendant, écho de Constantine, journal quotidien, n° 9574, 3 mai 1901, p. 1.
          15 La Dépêche, 9 février 1903.
          16 -Son audace, sa fermeté en imposèrent aux bandits qui se retirèrent sans avoir fait aucun mal ni à elle ni aux enfants pour qui, si héroïquement, elle avait offert sa vie. Mlle Goublet a été félicitée par le gouverneur général ; elle recevra sûrement une récompense; mais nous lui devons, tous, notre admiration, ainsi qu'à cette merveilleuse phalange des instituteurs et institutrices de France, si laborieuse, si dévouée, si patriote, si courageuse enfin, comme on vient de le voir, quand la situation le commande.
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À propos des événements de Margueritte (26 avril 1901) AFN-collections, n°18-15 1998 1999

          Les évènements de Margueritte nous interrogent toujours passionnément.
          Le 26 Avril 1901, près de Miliana, des fermes furent saccagées, le village de Margueritte occupé et pillé pendant 5 heures par une centaine de révoltés où 8 meurtres furent perpétrés dont ceux des colons qui avaient refusé de se convertir à l'Islam. Ces faits entraînèrent en Algérie une véritable psychose comme en témoignent de nombreuses émissions de cartes postales et une littérature fleurie : ainsi exalta-t-on l'héroïsme de Mademoiselle GOUBLET, l'institutrice de Margueritte qui en s'interposant, sauva ses élèves de 300 (?) Beni Ben Asser déchaînés.
          L'ordre fut très rapidement ramené par les tirailleurs algériens au prix tout de même de la mort d'un officier, le lieutenant Dupuch et de 15 morts dans les rangs des rebelles. L'âme de cette révolte était YACOUB Mohamed Ben El-Hadj Ahmed qualifié le plus souvent de " Marabout Yacoub " en insistant sur le fanatisme religieux de l'individu. Une CP de Geiser (le n°320) nous dévoile pourtant un " instigateur politique ", Taalbi El-Hadj Ben Aïcha jetant sur cette révolte un inquiétant éclairage nationaliste. Yacoub bien que, grièvement blessé, avait réussi à fuir. Il ne sera capturé que le 2 mai, près de Djender, par l'administrateur DIARD. La répression, dans la région fut violente, des battues furent organisées et tous les individus mâles de 15 à 65 ans arrêtés.
          Il nous faut réfléchir, avec le recul que donnent 97 ans, aux causes de ces évènements, analyser les différentes formes de réactions qu'ils ont suscitées en Algérie et les décisions prises alors par la métropole.
          Ce début de siècle connut une forte crise de la céréaliculture, le manque de terres, les spoliations légales mais regrettables et les agissements de certains propriétaires exploitant les forêts voisines avaient accentué la misère d'une population dont le nombre ne cessait de croître. Des brigandages divers étaient les signes précurseurs de ce soulèvement. II n'empêche que ce massacre stupéfia la population européenne et la psychose d'une insurrection arabe s'installa. Cette crainte nourrit la violente campagne antisémite agitant la colonie depuis le décret Crémieux (1870) et réactivée par l'Affaire Dreyfus.
          Les juifs " accapareurs des terres européennes ou indigènes, usuriers notoires " seraient les instigateurs machiavéliques de l'agitation indigène et donc les responsables des malheurs présents de l'Algérie. D'ailleurs, ce même jour, le 26 avril 1901, Max Régis, maire antisémite d'Alger était blessé, après une échauffourée au Tantonville, grand café d'Alger. N'était ce pas l'évidence du complot juif ?

          Reste qu'à Paris, on comprit que les évènements de Margueritte mettaient en question le système même de la colonisation. Le maintien de la France en Algérie exigeait plus de souplesse et de réalisme politique, économique et culturel. C'est cette volonté que concrétisait la récente autonomie budgétaire de l'Algérie : désormais les recettes de l'Algérie reviendraient à l'Algérie.

          C'est aussi ce message qu'Emile Loubet, Président de la République, vint apporter en avril 1903. Ne vit-on pas cet homme, avec autant d'acharnement anticlérical en France, inaugurer et promettre nombre de medersas et de mosquées en Algérie, laissant ainsi espérer une véritable reconnaissance culturelle de la communauté arabe.

          Accompagné de Maruejouls, Ministre des Travaux Publics, il met en chantier un vaste plan d'aménagement du pays : lignes de chemins de fer, routes, exploitation de rainerais, ponts prestigieux etc...
          Et comme maître d'œuvre il nomme JONNART gouverneur général de l'Algérie auquel succédera, avec la même conscience LUTAUD. Deux proconsuls certes mais courageux, passionnés d'Algérie et combien clairvoyants !! L'un et l'autre nous montraient la voie d'une autonomie respectueuse de chacune des composantes de l'Algérie.
          Les traumatismes de la première guerre mondiale enterreront malheureusement cet effort.
          L'Algérie se figea.
          Oserai-je ajouter que Mademoiselle Goublet reçut les félicitations du Gouverneur Général. On était chiche de la croix à cette époque !!
          Michèle Brun
          25 avril 1998

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          Après la grande révolte de 1871, la paix semblait avoir repris ses droits, même si ici ou là, une agitation larvée se manifestait par des crimes et des agressions sans plan d'ensemble toutefois.
          Parmi ces incidents, le plus grave fut celui de Margueritte le 26 avril 1901.
          Ce jour là, les indigènes des environs de Miliana, conduits par un exalté, Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed, qui parlait d'aller rejoindre l'agitateur Bou Amama(1) se soulèvent, pillent les fermes, s'emparent du village de Margueritte, contraignent les habitants à se soumettre à l'Islam, font quelques victimes et poursuivent leur marche vers Miliana.
          Le Lieutenant de Gendarmerie Dupuch et ses gendarmes de Miliana, puis une compagnie de tirailleurs accourent au devant d'eux, et, après un combat très vif, réussissent à stopper cette révolte locale. Cette affaire avait dû particulièrement frapper les esprits puisqu'elle donna lieu à l'impression de plusieurs cartes postales.
          On peut également constater que la justice de cette époque n'était pas plus diligente que celle d'aujourd'hui, si l'on se base sur la note manuscrite de la carte représentant le Marabout Yacoub.
          Les évènements ont eu lieu en avril 1901 et le 15 avril 1903, il semble que la sentence n'ait pas été encore prononcée.
          Marcel HAUTEJA
          (1) Bou-Amama ou Bou aména, fanatique agitateur qui prêchait la guerre sainte en 1881 en vue de chasser les Français d'Algérie en provoquant une insurrection générale dans le Tell et qui se limitera en fait à la région des Hauts Plateaux.

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          Il y a quelques jours, une nouvelle parvenue en France y provoquait une légitime émotion..
          On ne parlait de rien moins que d'une révolte en Algérie.
          Les choses furent, heureusement, assez vite, mises au point, et voici ce qui fut définitivement reconnu exact.
          Aux environs de Miliana et près du village de Margueritte vit la tribu des Beni-ben-Asser, turbulente et toujours prête au désordre.
          Elle se plaignait, parait-il, des agissements de certains propriétaires qui exploitent les forêts voisines.
          Peut-être n'était-ce qu'un prétexte, car les excitations des marabouts ont été constatées.
          Quoi qu'il en soit 300 Beni-ben-Asser se précipitèrent à l'improviste sur le village de Margueritte, massacrant, saccageant, pillant, emmenant prisonnier l'adjoint.
          Les troupes campées aux environs accoururent et l'émeute fût aussitôt paralysée ; une répression sévère se poursuit, Elle est nécessaire, il faut donner un exemple à ceux qui seraient tentés d'imiter les Ben-ben-Asserben. Il est très important aussi, de rassurer les colons et les indigènes vivant sous notre domination.
          Cette échauffourée de Margueritte a été marquée par plusieurs actes d'héroïsme, en voici un, et non des moins remarquables.

          Mlle Goublet. institutrice, était occupée à faire sa classe, lorsqu'une clameur sauvage retentit. Les révoltés accouraient, menaçants, vers l'école.
          La noble femme s'élança au seuil de l'école, face aux assaillants et leur cria Tuez-moi si vous voulez, mais ne touchez pas à ces pauvres enfants. Son audace, sa fermeté en imposèrent aux bandits qui se retirèrent sans avoir fait aucun mal ni à elle ni aux enfants pour qui, si héroïquement, elle avait offert sa vie.
          Mlle Goublet a été félicitée par le gouverneur général ; elle recevra sûrement une récompense ; mais nous lui devons, tous, notre admiration, ainsi qu'à cette merveilleuse phalange des instituteurs et institutrices de France, si laborieuse, si dévouée, si patriote, (1) si courageuse enfin, comme on vient de le voir, quand la situation le commande.

LE PROCES DES INSURGES DE MARGUERITTE

          Dans notre Bulletin n°15 d'Avril 1998, Marcel HAUTEJA dans un texte intitulé "L'insurrection de Margueritte" relatait les faits survenus le 26 avril 1901 dans ce village près de Miliana .
          Il y a peu, on me confiait les volumes de "L'Histoire d'un siècle de 1843 à 1944" reprenant des articles parus dans l'Illustration.
          Quelle ne fut pas ma surprise d'y trouver un reportage sur le procès qui suivit ces évènements et qui apportait des réponses aux questions que se posait Marcel Hauteja.

          Je ne peux résister au plaisir de reproduire in-extenso le texte de l'Illustration de 1902-1903 que j'illustrerai de quelques cartes postales relatant les évènements et montrant ainsi la perception différente, de part et d'autre de la Méditerranée, d'un épisode violent frappant une petite communauté d'Algérie.

          Les débats du procès des insurgés de Margueritte se sont ouverts, le 15 décembre, devant la Cour d'assises de l'Hérault. Bien que les événements dont il doit être le dénouement remontent à plus d'un an et demi, ils ont été assez retentissants pour qu'on en ait conservé la mémoire, tout au moins sommairement ; on n'a pas oublié comment, le 26 avril 1901, à l'improviste, une bande d'Arabes fanatiques, sous la conduite d'un nommé Yacoub, se rua sur le village de Margueritte (département d'Alger), s'y livra au pillage, molesta les habitants, massacra plusieurs d'entre eux, et, capturée par une section de tirailleurs, fut emprisonnée et déférée à la justice. Les journaux, d'ailleurs, viennent de rappeler les circonstances précises de cette insurrection, à laquelle en son temps l'Illustration a consacré des pages documentaires (n° du 11 mai 1901).

          On a également expliqué comment, dans l'intérêt de la défense, la Cour de cassation s'était prononcée pour le dessaisissement de la Cour d'Alger au profit d'une juridiction métropolitaine.

          Pendant la longue et difficile instruction des 125 insurgés arrêtés, 14 sont morts en prison et 4 sont encore retenus par la maladie. C'est donc au nombre de 107 (1) que les accusés ont été transférés à Montpellier. L'arrivée d'un pareil contingent, grossi d'une cinquantaine d'avocats et de 85 témoins, dont 40 indigènes et 43 colons a, comme bien on pense, causé une véritable révolution de Palais. Il a fallu bouleverser, aménager tout exprès la salle des assises, qui présente l'aspect le plus curieux qu'on puisse imaginer.
          Notre photographie représente la partie la plus intéressante de la salle, celle où s'entassent les accusés, un fouillis de burnous et de turbans enveloppant des personnages de bronze, une masse blanche que des cordons de gendarmes encadrent de leurs lignes sombres et régulières, partagent en deux sections distinctes; les principaux acteurs du drame et les comparses.
          Détail qui achève de donner à l'ensemble l'apparence d'un troupeau parqué dans l'enceinte de la justice, chaque accusé est marqué à l'épaule d'un numéro d'ordre imprimé en noir sur un morceau de calicot.
          A tout seigneur tout honneur, voici le numéro 1, dont notre collaborateur a pu croquer le portrait pendant la lecture de l'acte d'accusation.
          C'est Yacoub-Mohamed-ben-el-Hadj-Amed, le marabout, simple tailleur d'échalas, un homme de trente ans, aux traits fins, non sans noblesse, à la barbe de jais, aux yeux ardents. Près de lui se tient son lieutenant, le cultivateur Taalbi, âgé d'une quarantaine d'années, au type également caractéristique, mais un peu plus vulgaire ; Abdallah, ce jeune illuminé sanguinaire qui coupait la gorge, aux Roumis en leur tournant la face vers l'Orient.
          Yacoub est défendu par Me Ladmiral, du barreau d'Alger, que la photographie reproduite ici représente causant avec le docteur Seguy, un des témoins importants de l'affaire. Originaire de la Guadeloupe, Me Ladmiral est un mulâtre foncé, ce qui ne diminue en rien l'influence qu'il exerce sur son client, comme le prouve l'incident suivant, curieux à noter.

          A l'audience, après avoir achevé le dessin où Yacoub figure au premier plan, notre collaborateur eut l'idée de le faire passer à l'accusé en le priant, par la bouche de l'interprète indigène, d'écrire son nom sur la marge. Un signe de tête négatif fut la réponse du marabout; alors l'avocat intervint, et Yacoub, cédant aux instances de son défenseur consentit à donner sa signature, tracée en caractères arabes avec le crayon même du dessinateur. C'est ainsi que l'Illustration, en original, peut offrir à ses lecteurs un autographe authentique du chef des insurgés de Margueritte.
          L'inévitable recours aux interprètes, les formes de la procédure scrupuleusement observées par M. le président Rouquet et M. le procureur général Lafont, le nombre des accusés, des témoins et des avocats, tout menace de compliquer et d'allonger les laborieux débats de ce procès monstre, où douze citoyens languedociens sont appelés, en vertu d'une assimilation conventionnelle et boiteuse, à juger selon nos lois une centaine d'hommes d'une autre race, de qui le tempérament, les mœurs, la croyance, la mentalité diffèrent essentiellement des nôtres."
          E.F.
          1-Les principaux accusés furent en général condamnés à 20 ans de prison et à la déportation en Nouvelle-Calédonie ; 81 furent acquittés. Yacoub et son lieutenant Hadj ben Aïcha moururent au bagne en 1905.
SOURCES :

          https://www.force-publique.net/2013/04/01/rhpg-6-laffaire-de-margueritte-avril-1901-benoit-haberbusch/

          Insurrection à Margueritte village du Zaccar près de Miliana dans le Tell Righa, alger-roi.net
          http://www.alger-roi.fr/Alger/margueritte/textes/01_insurrection_afn15.htm

          A propos de l'insurrection Margueritte
          http://www.alger-roi.fr/Alger/margueritte/textes/02_evenements_margueritte_afn18.htm

          Dévouement d'une institutrice lors de l'insurrection à Margueritte
          http://www.alger-roi.fr/Alger/margueritte/textes/04_institutrice.htm


AZAZGA
créé par Ies Ardéchois
Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui – N°194 - Mars 2011


         Azazga est une commune, chef lieu de daïra, située à 30 km à I'est de la ville de Tizi Ouzou. Elle est traversée par deux routes nationales : la RN 12, d'Est en Ouest, et la RN 71, du Nord au Sud. Elle est limitée au Nord par la commune des Aghribs, au Nord Ouest par celle de Fréha, au Sud Ouest par celle de Mekla, au Sud par celle de Souama, au Sud Est par celle d'Ifigha et à I'Est par celle de Yakouren.

          Azazga est situé en amont du fleuve Sébaou. De par sa position centrale, elle est devenue au fil des années un axe de transit très important et très fréquenté par les usagers et routiers.
          Azazga fut bâti sur un terrain marécageux nommé « ilmathen » (Ilmaten, les marécages), asséché pour les besoins ; jusqu'en 1962 il y avait des dizaines de fontaines dans toute la ville.
          D'une superficie de 77,05 km2, la commune se trouve à 550 mètres d'altitude, entourée de montagnes, de forêts, de terres agricoles, de rivières et du fleuve Sébaou. Le point culminant d'Azazga est à 1000 mètres d'altitude.
          Le territoire de la commune est constitué principalement de : sous-bois et forêts : 4387 ha, terres improductives et incultes (Maquis) : 1267 ha, pacage et parcours : 340 ha, surfaces agricoles utiles : 1711 ha

          En kabyle, Azazga signifie «les sourds », nom qui aurait été donné aux habitants du village par les Français. On dit qu'en effet, un jour, les habitants ont refusé d'entendre des troupes françaises passant à proximité et qui leur demandaient de localiser des rebelles des alentours ; de là serait issu le nom de la commune.
          Azazga est une localité riche par sa culture et son histoire.
          Azazga, village du chef lieu de canton de la commune mixte du Haut-Sébaou est créé en 1882 ; il est situé à 140 km Alger et distant de 100 km de Bougie et de Bouïra.
          Azazga bénéficie d'un plan d'aménagement génial, tracé ingénieusement sur un terrain plat par les Français après la bataille avec le Maréchal Randon.

          Les allées bordées d'arbres, de larges rues aux différentes formes géométriques, des placettes bien conçues, des jardins publics et le square avec ses plaqueminiers et, ses palmiers sont un véritable chef-d'œuvre. L'infrastructure administrative a été judicieusement distribuée à travers les quartiers pour mieux répartir la population et permettre l'occupation rationnelle de la ville.

          La charmante ville d'Azazga est implantée à la lisière d'une vaste forêt dense adjacente du massif montagneux fortement boisé de l'Akfadou. Son emplacement panoptique et belvédère sur le contre fort du Mont Aït-Bouhouni (Yakouren) lui permet de dominer l’immense vallée du Sébaou et la chaîne de montagnes qui l'encercle.

          L'épopée ardéchoise
          Qui a aimé, connu Azazga pour y être passé, y avoir vécu, rêvé peut être à I'ombre d'un chêne séculaire sera sans doute surpris voire étonné de la part que les paysans ardéchois ont pris à la création de ce village situé en Grande Kabylie, dans la partie orientale du département d'Alger, soit l'arrondissement de Tizi Ouzou...

          Lorsqu'un arrêté du 25 septembre 1880 substitue définitivement l'autorité civile à I'autorité militaire, le projet du futur centre est déjà bien avancé. II doit être établi sur le territoire de la commune mixte de Haut Sébaou, elle-même constituée par un décret du 25 août 1880.

          Le centre d'Azazga qui intéresse tout particulièrement la colonisation ardéchoise, est créé le 1er octobre 1881, sur le petit plateau d'Il Matten, siège de la toute nouvelle commune mixte du Haut Sébaou. Il est traversé par la route de Bougie et sa situation est jugée parfaite. En 1902, un administrateur adjoint de la commune mixte s'exprime ainsi dans un rapport : " Nul point, en effet, ne présentait de conditions plus favorables, tant du point de vue de l'avenir des colons qui y était assuré par l'excellence des terres, qu'à celui de I'occupation politique du pays.
          " Situé au débouché de la vallée du Sébaou et sur le passage le plus fréquenté des tribus maritimes de la Kabylie, ce village qui a conservé le nom d'Azazga est appelé à devenir très important." Sans doute I'espoir formulé s'est-il révélé trop optimiste, Il n'empêche que la création du village semblait annoncer des débuts prometteurs.

          D'emblée le principe d'un peuplement ardéchois fut admis. L'idée originelle revient à Joseph Firbach, préfet d'Alger de mars 1881 à 1888, et qui avait exercé les mêmes fonctions à Privas, du 24 mai 18704u 19 mai 1877.
          Firbach songe donc à faire appel à des paysans du Vivarais au moment où le pays est durement frappé par le phylloxéra et commence à se dépeupler. Le préfet s'attache surtout à fixer en Algérie des cultivateurs du Bas Vivarais, aussi verrons-nous les colons du début des années 1880, issus des cantons de Vallon, les Vans, Joyeuse, et, dans une moindre mesure Largentière et Aubenas. Les autres provenances ne se rapportent qu'à des cas exceptionnels.

          Mais comment pouvait-on devenir concessionnaire ? Un décret du 30 septembre 1878 avait totalement modifié les conditions d'attribution de concessions. Les terres domaniales comprises dans le périmètre d'un centre de population et affectées au service de la colonisation étaient divisées en lots urbains et ruraux. Le Gouvernement général était autorisé à concéder les terres alloties aux personnes qui justifiaient de ressources suffisantes. Pour les lots ruraux, le capital disponible représentait 150 francs par hectare. L'article 2 du décret attribuait au concessionnaire la propriété de l’immeuble sous la condition suspensive de diverses clauses. Le demandeur qui obtenait satisfaction devait résider sur la terre concédée avec sa famille, d'une manière effective et permanente, pendant les cinq années qui suivaient la concession. Cette dernière était provisoire pendant une durée de cinq ans. Ensuite, un titre définitif de propriété était délivré.

          Pendant cette période quinquennale, les concessionnaires pouvaient céder leurs droits, à condition d'avoir résidé pendant un an au moins. Pour les villages qui concernent notre étude, les concessions rurales comprennent 28 à 30 hectares ; les lots urbains où les maisons d'habitation doivent être bâties, sont généralement inférieurs à un hectare.

          Plusieurs familles ardéchoises s'étaient déjà établies dans un village voisin, Mekla, hors de la commune mixte du Haut-Sébaou et bientôt érigé en commune de plein exercice.

          À la fin de 1880 et au début de 1881, nous relevons parmi les concessionnaires mis en possession de leurs lots, les noms de cinq habitants de Saint-Remése Antoine Delympe, Henri-Adrien Dubois, Soubeyrand, Jean-François Jean-Auguste Maucuer et Auguste Vaisseaux. Un sixième Ardéchois, Jean-Martin Auriol, demeure à Montréal.

          Ces six colons arrivent à Mekla au moment où Firbach prend ses fonctions à Alger. Nous ignorons si le nouveau préfet du département est intervenu en leur faveur, comme il fera pour les aspirants-colons d'Azazga, mais le supposer n'est pas invraisemblable, justement lorsque nous voyons cinq noms de Saint-Remèze. La proportion majoritaire des colons issus de ce village se reproduira pour Azazga. Cette hypothèse pourrait aussi être confirmée par une lettre de Firbach au gouverneur général Albert Grévy, en date du 27 octobre 1881 ;
          " Le programme de colonisation de I'année 1881 comprend, entre autres projets, la création d'un centre de 80 feux à Azazga, commune du Haut-Sébaou arrondissement d'Alger (sic). (...) Je me suis efforcé dans ce peuplement, de grouper ensemble des familles originaires du même département ; vous voudrez bien remarquer, en effet, Monsieur le Gouverneur général, que sur 54 familles de la Métropole admises au peuplement d'Azazga, trente-six sont originaires du département de l'Ardèche.

          Il est permis d'augurer favorablement d'un tel groupement ; la prospérité des villages de Vesoul-Bénian et du Bois-Sacré est due principalement au caractère départemental qu'a emprunté leur peuplement, et tout porte à croire que les familles installées dans ces conditions à Azazga, seront définitivement acquises à la colonie.

          Le même jour, la liste de Propositions en faveur d'immigrants de la Métropole désignés pour Azazga, laisse apparaître 33 noms originaires de l'Ardèche sur 50 attributions. À quelques unités près, ce sont donc les chiffres de Firbach.

          Peut-être Firbach, préfet démissionnaire au moment du 16 mai 1877, et revenu en faveur après la démission de Mac-Mahon, avait-il conservé sur place un réseau d'amitiés ? Datée de 1881 une lettre d'un pétitionnaire pour Azazga, Jean-Jacques Champetier, des Assions, au préfet d'Alger le laisserait supposer :
          " Ainsi si Monsieur le Préfet voulait bien nous placer dans votre département, nous serions de vrais citoyens dévoués au Gouvernement, comme nous I'avons été à la 2ème circonscription(sic) de l'Argentière, pour élire notre aimable député Vaschalde. "
          Un autre, Eugène Rey, également des Assions, et déjà installé à Azazga, s'adresse en 1885 au même préfet d'Alger, pour hâter le règlement d'une affaire en suspens, à I'appui de sa demande, il affirme avoir soutenu une quinzaine de jours avant, il s'agit du scrutin du 4 octobre, les candidatures républicaines de Letellier et de Bourlier, élus députés d'Alger.
          Faute d'autres sources, nous ne pouvons que nous borner à des présomptions, mais la vraisemblance est grande.

         D'autres facteurs ont joué pour favoriser le départ. Ainsi, le 23 octobre 1881, Jean-Jacques Champetier, dans la lettre au préfet d'Atget, précédemment citée, insiste sur les difficultés matérielles et la précarité des conditions de vie : " (...) Nos pays sont malheureux. Le phylloxéra a ravagé complètement nos vignes. La seule ressource qui nous reste, c'est le mûrier qui nous fait un produit de très peu de valeur. Si nous avons quelque peu de blé, il nous faut deux mois pour semer un sac de blé... tout à force de bras et porter le fumier sur notre dos. Il faut avoir le cœur plus dur que le cheval pour résister à de pareilles fatigues. "
          Cette lettre au préfet d'Alger, constitue donc une demande de concession, mais Jacques Champetier, transmet le même vœu de la part de cinq de ses amis, Joseph Balmelle, André Pellet, Paul Sautel, Martin Bresson et Biscarrat. Toujours sous la plume de Champetier, on petit lire que les six demandeurs " ont appris la création d'un village nommé Azega (sic) par le nommé Deschanel, des Assions ".

          La période de la colonisation est largement endeuillée. La mortalité est forte. Elle atteint particulièrement les jeunes enfants au cours d'une épidémie de croup très meurtrière durant I'hiver 1883-1884. Du 1er janvier 1883 au 31 décembre 1892, les tables décennales de l'état-civil révèlent 109 décès pour le centre d'Azazga. Les naissances sont au nombre de 135 et les mariages, de 23. Ce dénombrement est légèrement incomplet, car nous ne trouvons nulle part mention de l'année 1882, où trois décès au moins se sont produits.

          Des pièces administratives en font état. L'un des trois défunts est Alexis Roche des Assions. En juillet 1883, le doyen des colons d'Azazga, Jean Deschanel, né le 10 septembre 806 à Saint-Jean-de-Pourcharesse, et venu des Assions, succombe à la maladie. Il n'était pas concessionnaire à titre personnel, mais avait accompagné ses quatre fils et ses deux gendres, pourvus de lots, comme nous I'avons vu. Son épouse, Marie Pascal, née aux Assions, le 3 octobre 1813, est morte à Azazga le 2 mai 1905. Elle était devenue à son tour la doyenne des colons du centre. Une de ses filles, non mariée, vivait auprès d'elle. Nous avons ainsi le seul exemple de sept frères et sœurs établis à Azazga. Cette transplantation ne fut pas un déracinement, les liens avec les Assions ne furent jamais rompus, et le fils aîné de Frédéric Deschanel se fixe à Chambonas.

          Les papiers administratifs sont remplis de doléances des colons qui éprouvent les plus grandes difficultés à faire vivre leurs familles et celles-ci sont souvent nombreuses. Nous trouvons une famille de sept enfants, une de huit. A deux exceptions près, les autres sont de quatre, cinq et six enfants. La difficulté des conditions matérielles croît aussi avec l'âge. Or en 1882, nous voyons sept concessionnaires quinquagénaires et quatre près d'atteindre la cinquantaine. Dans l'autre moitié quatre ont dépassé quarante ans et sept se situent entre trente et quarante ans.

          Tandis que commence la colonisation au milieu de tant de difficultés matérielles, une vie paroissiale s'instaure lentement. Azazga dépend de la paroisse de Fort-National, elle-même desservie par les pères Jésuites, de la fondation jusqu'en 1881. A cette date, elle passe au clergé séculier, mais le curé desservant est lui-même secondé par les Pères Blancs de Djemaa-Saharidj. En 1887, Mekla est détaché de Fort-National et devient mission autonome, confiée au clergé séculier. Le supérieur de la Mission, qui réside à Mekla est assisté, pour les différents centres, de deux auxiliaires.
          Celui d'Azazga est l'abbé Nicolas Froeliger (1861-1940) qui, en 1894, devient le premier curé d'Azazga érigée en paroisse.

          L'abbé Froeliger exerça son ministère à deux reprises et dans des conditions difficiles, de 1894 à 1899, et de 1906 à 1913. Le souvenir de ses bienfaits s'est perpétué tant que la paroisse a vécu.
          Devenu chanoine titulaire en 1932 il est mort en 1940. D'origine alsacienne, il avait été condisciple de Mgr Leynaud au séminaire de Kouba. De là datait la profonde amitié qui liait ces deux âmes sacerdotales. Le 25 mars 1940, l'archevêque d'Alger tenait à présider la cérémonie des obsèques du chanoine Froeliger, inhumé dans son village de Camp-du-Maréchal, où il s'était retiré dans sa famille.
          En 1962, curieux retournement de l'histoire, beaucoup de ces Pieds-Noirs d'Azazga retrouvèrent l'Ardèche dont ils avaient conservé quelques liens.
 J-M Lopez 

Alger-étudiant N° 36, 24 janvier 1925
LA MAISON QUI SE DEMOLIT
À la manière de Jean POMIER

       Il y avait là une maison
       Où des âmes animales
       Respiraient de l'oxygène
       Et de l'azote
       Dans le calme de leurs poumons :
       Il y avait là une maison.

       Une maison avec des fenêtres ouvertes
       Par où pénétraient de chauds rayons de soleil
       Des rayons ricochant sur les persiennes vertes
       Comme une mouche entrant dans un rayon de miel.
       II y avait là une maison.

       Or, un matin le ciel s'est obscurci
       Avec des nuages
       Avec de gros nuages gris
       Plus gris que des souris
       Et la pluie elle aussi se mit de la partie
       Avec des grondements et des chocs souterrains
       Comme un marteau cognant sur un chaudron d'airain
       Et le tonnerre
       Et les éclairs !
       Au choc: « Holà! » cria quelqu'un.
       Qui, ce quelqu'un ?

       Qui, ce quelqu'un qui a crié ?
       Ce n'est pas un cheval,
       La plus noble conquête
       Que l'homme ait jamais faite ;
       Ni l'écureuil, ni l'âne
       Ni le pinson qui flâne
       Qui crâne
       En picorant la peau d'une blonde banane
       Ni un chien :
       Un chien aboie
       Ils aboient les chiens
       Et bien !
       Ce quelqu'un c'était un homme !
       Ce quelqu'un n'était pas un homme

       Ce quelqu'un, c'était l'Homme !
       Et il n'avait plus de maison
       Ni de raison
       Ni de salade de saison
       La Maison n'était plus qu'un tas de noir charbon !
       Et l'Homme épilogua : « Dominus vobiscum !

       Pourquoi est-elle tombée la Maison de l'Homme ?
       L'Homme le lui demanda
       La questionna
       L'interrogea.
       Et vous ne savez pas ce qu'elle a répondu
       La Maison à l'Homme ?
       La Maison démolie qui venait de tomber
       La Maison démolie qui s'en venait de choir
       Elle répondit à l'homme geignant dans son mouchoir
       «Oh ! là là ! passe la main, dis ! laisse moi tomber ! »

       Et l'Homme passa la main sur son front
       Et sur son cœur
       Pour comprimer sa douleur
       La compresser
       La compressionner
       Il ne comprenait pas dans ses cogitations
       Comment il se faisait qu'une habitation
       Ait pu s'écrouler là sur ses fondations

       C'était pourtant une Maison fondée en mil huit cent
       Soixante Quatorze
       Une maison de confiance,
       Qu'il croyait éternelle
       Un foyer éternel comme l'éternelle France
       Et il était déçu dans sa claire espérance

       Un foyer éternel comme la claire France
       Et il était déçu dans sa désespérance
       D'un éternel foyer dans la France éternelle
       Mais il ferma son cœur à la juste supplique
       Articula ces sons : « Vive la République ! »
       Et entonna sans zizanie
       Les litanies
       A la Francitanie !
Janvier 1925. HERGE.



T’es un Pieds-Noirs mon frère
Pieds -Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui N°195 - Avril 2011

      

Si t'as pris la valise et parfois le cercueil
Et que tu marches droit malgré tous ces écueils,
Dans les plis du drapeau si t'as séché tes larmes
Et que vaincu mais fier, t'as déposé les armes,
Si tu regardes devant sans oublier I'histoire
Et que de tes racines tu gardes la mémoire,
Si la vue d'une orange te transporte vers ailleurs
Où la vie était douce et pleine de chaleur,
Si tous ces morts pour rien hantent encore tes nuits
Et que parfois tu hurles pour pas qu'on les oublie,
Si tu penses à tes pères qui traçaient les sillons
Et arrosaient la graine de leur transpiration,
Si le soleil a fui mais qu'il est dans tes yeux
Et transforme ta voix en accent merveilleux,
Alors redresse-toi tu peux en être fier
Maintenant j'en suis sûr, t'es un Pieds-Noirs mon frère

Louis des Issambres


HISTOIRE D'HIER
ACEP-ENSEMBLE N°286

LA NAISSANCE ET LA VIE DE
L’ENSEIGNEMENT FRANÇAIS
ET DE LA CULTURE
EN ALGÉRIE À PARTIR DE 1830
Maurice Villard
                  
               Ces textes proviennent des « Feuillets d'El-Djezaïr » publiés autrefois par le Comité du Vieil Alger et son secrétaire général Henri Klein, lesquels s'étaient attelés à la tâche de conserver le plus possible de souvenirs de l'Alger barbaresque et de montrer le lent travail de mise en place de bon nombre d'institutions afin que la nouvelle colonie s'éveille au monde moderne
                L'enseignement en Algérie était d'une excellente qualité, qu'il s'agisse des villes, des villages ou des douars les plus reculés du bled.
                Il est navrant, lamentable même, de constater que toute cette œuvre immense part aux oubliettes de I'histoire, l'Histoire telle que notre époque veut qu'on la raconte.

                1 - Les balbutiements
                Le 5 juillet 1830 au matin, les soldats français nettoyèrent au mieux leurs uniformes avant de les endosser et à 11 heures, la troupe se mit en marche pour occuper les points stratégiques de la ville
                Le gros de l'armée devait entrer par la Porte Neuve ( Bâb el Djedid) au son de la marche tyrolienne de Guillaume Tell et de la marche de Moïse.
                Mais avant d'arriver à la Porte, il avait fallu longer les fossés où étaient entassés pêle-mêle les cadavres horriblement mutilés des soldats français qui avaient été capturés. Les têtes coupées avaient été placées sur les murs de chaque côté de la Porte. C'était un spectacle affreux.
                Les drapeaux s'inclinèrent, les tambours roulèrent une marche funèbre et l'armée défila au port d'armes.
                On comprend que les chefs militaires eurent d'autres préoccupations que I'enseignement.
                Il fallut cependant bien vite penser à donner une certaine instruction aux enfants des familles des militaires et des fonctionnaires civils.
                En 1830-1831, on favorise donc l’installation de cours privés. Ce n'est qu'en 1832 que la machine se mit vraiment en route pour organiser I'enseignement officiel.

                1832.
                L'intendant Civil Genty de Bussy créa une petite école de garçons dite « d'enseignement mutuel » Une somme de 1.200 f fut prélevée pour son fonctionnement sur les 12.200 f affectés annuellement à l'instruction Publique (Recherches scientifiques et historiques).
                Trois autres écoles ouvrirent leur porte en même temps : dans le village de Kouba ( où figura comme élève le futur général Margueritte dont le père servait comme brigadier de gendarmerie) et de Dely-Ibrahim. Ces deux villages avaient été fondés par les immigrants du Rhin.
                La 3ème école fut ouverte à Bône
                Le 27 mai 1832, l'Ecole d'Enseignement Mutuel s'installa à l'angle des rues Jenine et des Trois couleurs. Cependant le 2 avril 1835, elle dut céder son local à un collège nouvellement institué.
                Alger avait donc une école privée de garçons, ainsi qu'une école de filles pour le dessin, qui fui crée et dirigée par un artiste italien Monsieur Yacary au 26 rue Navarin. Une école juive de garçons d'une quarantaine d'élèves suivit. L école laïque compta vite 200 élèves dont 60 israélites. Une école semblable fut créée à Oran en 1833.

                C'est aussi en 1832 que fut créé le jardin de naturalisation qu'on appela plus tard Jardin d'Essai et qui fut administré par Barnier et Armenton, (qui en dessina les allées), Bérard, Hardy, Rivière.
                En 1834 il reçut 25.000 arbres et s'étendit sur 80 hectares. L'allée des palmiers fut plantée en 1847. En 1867 il fut concédé à la Compagnie Franco-Algérienne puis fut concédé temporairement à la ville en 1909. Il reçut une foule de visiteurs célèbres ; Napoléon III, le Président Loubet, le roi Edouard VII, etc…
                Théophile Gautier a évoqué ce jardin dans son œuvre.
                - Des jardins botaniques furent plantés en 1837 à l'Hôpital du Dey, et en I887 aux Ecoles Supérieures.-

                C'est le 6 décembre 1832 que fut inauguré l'Enseignement Supérieur qui consistait en un cours d'arabe enseigné par M. Joanny Pharaon secrétaire-interprète du général en chef. M. Pharaon était diplômé de l'école des langues orientales à Paris où la première chaire d'arabe avait été créée par Henry IV. L’auditoire était composé d'officiers et de fonctionnaires
                En fait on peut considérer que l'Enseignement Supérieur était déjà représenté par les cours donnés dès 1831, rue Bouti, aux médecins militaires, et par les cours organisés par l'Intendant Bondurand à l'Hôpital du Dey. C'est le 27 janvier 1833 qu'eut lieu la première distribution des prix de l'Ecole de Médecine militaire. La cérémonie se tint dans la mosquée de la rue Sidi-Ferruch en présence des officiers supérieurs et de civils dont le maire d'Alger M. Cortin.

                1833.
                L'enseignement libre se développe. Le 9 mars Mmes Peysse et Imbert ouvrent au 36 rue Scipion une école de jeunes filles où l'on enseigne aussi « la belle écriture »
                Cette même année dans une mosquée de la rue Socgémah (Zoula Sidi Ahmed en Abdallah ) on installe une école privée dirigée par M. Galtier, bachelier. A Bâb el Oued s'ouvre rue du même nom, le cabinet littéraire de Mrs Brachek et Bastide.

                1834.
                L'école Galtier émigre rue du Sagittaire et elle deviendra collège. Les élèves sont des enfants de militaires et de colons, le coût des études est de deux francs par mois
                Le 11 avril un décret institue à Alger un poste de Directeur de l'enseignement qui est attribué à M. Lepescheux.
                Le 9 octobre M. Duthrônre arrive à Alger pour l’inspection des écoles.
                Le 7 novembre la presse informe le public que les candidats à recevoir un enseignement de français, d'arabe, de grec, de latin doivent se faire inscrire chez M. Lepescheux 25 rue de la Traversière. C'est en 1848 que sera créée l'Académie d'Alger. Le secrétariat de I'enseignement se logea rue de la Révolution et I'inspection primaire rue des Lotophages.

                1835.
                Le 2 janvier l'administration autorise l'ouverture d'une école privée rue Sidi-Hellel pour les études classiques.
                La même année le Conseil Municipal vote les fonds nécessaires pour I'entretien d'un collège avec un cours supérieur de mathématique et de français.
                Le 27 avril le collège ouvre ses portes : 36 élèves externes de la 8ème à la 3ème et un seul élève interne logé chez le principal du collège M. Barthélemy impasse Sainte-Philomène.
                Cette même année le maréchal Clauzel fonde avec l'érudit Berbrugger, la bibliothèque d'Alger, sise d'abord impasse du soleil, puis en 1838, rue Bâb Azoun dans une ancienne caserne turque, puis en 1848 rue des Lotophages ( les Lotophages sont ainsi nommés car ils consomment des jujubes.
                Ils vivent dans le golfe de Djerba. Ulysse est censé avoir séjourné chez eux ).

                1836.
                C'est Ie 4 avril que les demoiselles Delbès et Brun ouvrent une école gratuite au 43 rue Mahon dans un local offert par la mairie.
                Le 6 novembre Mme Bourdelin née Hebercourt fonde une école au 6 rue du Regard.
                L'Académie des Inscriptions et des Belles Lettres nomme une commission chargée de recueillir tous les documents possibles pouvant aider à la colonisation, de faire procéder à une étude géographique, d'étudier l'Afrique Romaine ; les membres de cette commission sont : Mrs Walkenaer, Hase, Quaremère, Desjobert, Dureau et le Malle.
                Le 6 août le cours d'arabe compte 10 élèves, l'école mutuelle 140, l'école privée de garçons : 37, etc. En somme 14 établissements comptant 223 garçons collège compris et 324 filles.
                En 1836 on crée une autre école de jeunes filles juives.
                Ajoutons que les condamnés du Fort Neuf (devenu plus tard caserne Pelissier à Bâb el Oued ) suivent un cours organisé par le colonel Marengo. C'est le colonel Marengo qui donna son nom au jardin proche du Lycée Bugeaud.
                On crée aussi un établissement scolaire pénitentiaire pour enfants à Birkadem.

                1837.
                L’orientaliste Bresnier ouvre un collège pour cours d'arabe en présence du maire et de l’intendant Bresson.
                L'arabe sera par la suite enseigné par des professeurs tels que : Charbonneau, Depeille, Marhuel, Richebé, Ben Sédira, Fagnan, Dephin, Ben Cheneb, Fatah, Soualah, Basset, Si Lounis, Houdon, Boulifa ( Berbère), Masquenay (Touareg), Colin ( Turc), etc. e 13 aout 1836 M. Delaporte avait offert à la bibliothèque son ouvrage sur le vocabulaire berbère édité à Paris. Quant à M. Micreditz propriétaire d'un café-chantant « La Perle «, il avait offert un manuel franco-turc. Le commandant Haznoteau donna une grammaire kabyle qui lui avait valu une mention de I'Institut.

                Au collège on inaugure aussi un cours d'adultes pour indigènes. Les leçons rédigées par le professeur Bled, donnent des résultats surprenants. Le gouverneur Général Damrémont visite le collège et les écoles en avril. Le 27 août l’intendant et La Moricière assistent au cours.
                Le 31 août on publie un état de l'enseignement ce qui donne : 1104 élèves dont 862 européens, 130 maures, 27 juifs, 85 juives.
                Le 11 novembre le duc de Nemours et le prince de Joinville arrivent par le navire « Ie Phare » et visitent le collège.
                En décembre la seule école de jeunes filles juives installée rue des Trois Couleurs compte 20 élèves.
                Outre les écoles de Kouba et Del-Ibrahim, on ouvre une école Privée à Mustapha, 2 écoles publiques et une privée à Oran, 2 écoles dont une juive à Bône.

                1838.
                Le 7 août, première distribution des prix au collège. La musique du 11ème de Ligne joue pendant que le professeur Besnier lit le palmarès. Cette même année arrive à Alger une future gloire de la science, Georges Aymé, qui révolutionne les connaissances en océanographie et sur la Méditerranée, tout en assurant des cours de physique. Cinq ans plus tard, le 20 avril 1843 son remplaçant sera un polytechnicien M. Petit. Alger comptera aussi d'autres savants dont Emile Maupas (biologie).

                1839.
                Fondation d'un collège arabe à Paris. En septembre, nouvelle visite du duc d'Orléans au collège d’Alger.
                Le duc d'Orléans était venu visiter le collège et les écoles en septembre 1837. Avec lui étaient arrivés les académiciens Hase et Blanqui. Notons la présence à Alger jusqu’en 1841 du grand Saint Simonien, le père Enfantin auteur « de la colonisation en Algérie ». Le Saint Simonisme était une critique sévère de la machine économique, des excès du capitalisme, de l’exploitation de l'homme par I'homme. Mais le Saint Simonisme se transforma en secte avec l’amour comme seule religion.

                1840.
                Le 6 octobre ouverture du cours Bresnier dans une salle du collège Bâb-Azoun. De deux professeurs initialement, leur nombre est passé à quatorze. L’externat est gratuit.

                1841.
                Le 10 août l'écrivain Toussenel auteur de : « l'Esprit des Bêtes » est nommé Commissaire à Boufarik.

                1842.
                Le 2 juillet le corps médical de l’armée donne à I'Hôtel de la Tour du pin un banquet en I'honneur du célèbre Larrey, doyen de la chirurgie française.

                1843.
                Le 6 janvier, Mgr Dupuch accompagné de l'inspecteur d'Académie Lepescheux, se rend au collège et il laisse une importante bibliothèque. L'enseignement religieux va s'étendre. En mai 1870 Mgr Lavigerie installera à El-Biar les sœurs de Saint-Joseph de l'Apparition dont la supérieure, était Mme de Vialar. Puis viendront en 1842 les Dames du Sacré Cœur et les Sœurs de St Vincent de Paul en 1846, les sœurs de Lazaristes 1842. la création du petit Séminaire de Saint-Eugène en 1849, du Grand Séminaire de Kouba en 1849, celui des pères Blancs à Maison Carré en 1874. Ajoutons pour 1849, l’orphelinat de Saint Vincent de Paul, ceux de Dely-Ibrahim ainsi qu'une foule d'autres établissements de bienfaisance.
                Le 25 avril arrivent d'Angers les Sœurs du Bon Pasteur dont la supérieure est la baronne de Stranski. Elles s’établissent à Chateau-Neuf (El-Biar) dans I'ancien consulat de toscane.

                1844.
                Le 14 juillet un décret est publié : les nominations dans l’enseignement seront faites dorénavant par le Ministre de l'instruction publique après entente avec le Ministre de la guerre.

                1845.
                Madame Luce, épouse du Chef de musique du 35ème de ligne, crée à ses frais, rue du Diable, une école de broderie indigène pour filles musulmanes, école qui ne tarde pas à donner des résultats remarquables. L'écriture, la lecture, le calcul sont également enseignés aux fillettes.
                A la mort de Mme Luce l'œuvre sera poursuivie par sa petite-fille, Mme Ben Aben. Ajoutons que la broderie sera aussi enseignée rue des Abderames par Mme Barroil, née Joly, son ouvroir brode en 1868 une parure orientale pour l'église Ste Clotilde à Paris.
                En 1865 les sœurs de la Miséricorde créeront une école de broderie rue des Pyramides. »
                En août, la cour du collège est décorée abondamment et elle est pourvue d'une scène avec cadre du peintre Lazerges.
                On y donne une soirée musicale et on y joue le Stabat de Mater de Rossini. On compte une centaine de musiciens et chanteurs conduits par Le directeur du théâtre, M. Curet. Le 10 septembre 1845 est publié le règlement général des écoles primaires approuvé par le ministre de la Guerre. Ordre est donné (article IV) de faire chanter aux élèves le «Domine salvum fac regem.
                La discipline était sévère : l'élève puni était mis au pain et à l'eau et enfermé en geôle pour un temps plus ou moins long ( pour certains délits).
                En novembre on annonce qu'Alger va pouvoir délivrer des diplômes universitaires.
                Pour les filles, seuls existent les établissements privés où les élèves sont de plus en plus nombreuses. Elles sont habillées presque uniformément du large chapeau appelé Paméla et de l'ample robe à multiples volants. Que chantent-elles ? « Glisse ma nacelle » « Robin des bois » « La fille de l'exilé »

                1846.
                Ouverture du pensionnat « I'Athénée des familles » dirigé par Mme Annette Sarget. Cet établissement rivalisera avec les plus prospères de la capitale dont, par exemple celui de Mme de Vialar rue Scipion. L'Athénée se trouvait rue de la Charte, puis rue de l'Etat-Major.
                On y enseignait l'écriture, la musique, la botanique mais aussi le maintien, la grâce et la danse. L’établissement était ouvert aux adolescentes, mais aussi aux jeunes dames mariées dont l'éducation n'avait pas été terminée. Les autres pensionnats fixent la même réclame bien que souvent les locaux aient laissé à désirer.
                Le 5 juillet arrive à Alger le comte Salvandy, ministre de l'Instruction Publique, beau-frère du commandant Feray qui doit épouser Léonie Bugeaud fille du maréchal. Le ministre visite toutes les écoles et le collège guidé par M. Lepescheux. Il nomme officier d'Académie I'instituteur Laurent (avec subvention de 300 f) pour Ie cours de chant qu'il a organisé. Rue du Laurier dans l’ancien local du café Minerve, célèbre pour ses cinq billards. Le chant fut par la suite enseigné par Mmes Luce, Daniel, Keil. Plus tard vinrent l’Orphéon puis la lyre Algérienne, les enfants de l’Algérie, la Maîtrise de la Cathédrale de l’abbé Pacouan, l'Ecole des beaux-arts etc. La musique arabe fut mise à la mode par M. Luce (créateur du Dani-Dan) et figurera, mise en harmonie dans l’œuvre de Saint Saëns (Bacchanale de Samson et Dalila).
                Le ministre avait été accueilli par le maréchal Bugeaud, la milice et les troupes avaient formé la haie à partir de l'Amirauté. Une réception avait suivi au Palais d'Hiver.

                Le 11 juillet le ministre va visiter Ie domaine de La Trappe. En 1880 c'est Guy de Maupassant qui sera attaché au cabinet du ministre et qui dira que le domaine de la Trappe, par son aspect, rappelle les belles propriétés agricoles de Normandie.
                Le 16 juillet un banquet est offert par la population au Bazar Gambini à l'angle des rues d'Isly et de Tanger. Le même jour le ministre inaugure le pont suspendu de Saint-Eugène qui fut illustré par cette curieuse phrase. : « Me primum in Libye construxit Gallia ponttem - Si non mole mea, nomine notus ero »
                (Je suis le premier pont que la France ait construit en Libye – Je serais célèbre sinon par mes proportions du moins par le nom que je porte) Le pont avait été baptisé du nom du ministre !
                Alger compte à cette époque deux écoles publiques de garçons. Une située rue Socgémah, dirigée par M. Carbonnel, l'autre rue du quatorze juin dont le directeur est M. Augagneux.
                Le 11 juillet paraît un décret du ministre de la guerre établissant le brevet de capacité primaire pour I'Algérie ( le CAP en somme)
                Le 10 septembre mort du savant Georges Aymé, suite à une chute de cheval sur la falaise de Saint-Eugène. Le ministre décide le 5 octobre l’érection d'un monument ( cimetière de Saint Eugène allée centrale)
                Le 8 octobre c'est la première session du brevet de capacité ; I'élève Simand est reçu,
                Le 1er novembre les sœurs de la Doctrine Chrétienne s’installent rue des Mulets (qui deviendra la rue Roland de Bussy).

                1847.
                Le 6 janvier l'école Luce reçoit l'autorisation d'ajouter à son titre, « sous le patronage de S,M la Reine des Français »,
                Le 1er mai le ministre de la Guerre institue des récompenses pour le corps enseignant : médaille d’argent et de bronze ( plus tard on créa une médaille d'or. La première à la recevoir sera Mme Caruel, institutrice à Bouinan en 1866.
                La IIIème République instituera une nouvelle médaille d'argent avec une prime de cent francs)

                1848.
                Le 7 septembre l'Académie d'Alger est créée. Ce même jour le collège est supprimé et remplacé par un lycée dans l’ancienne caserne turque rue Bâb-Azoun.
                Le 13 septembre M. Delacroix est nommé recteur.
                Voici un échantillon des traitements de l'époque : Recteur 14.000 f ; inspecteur d'Académie, 10.000 f : Inspecteur primaire, 4.000 f ; proviseur, 6.000 f ; Censeur, 4.500 f : Professeur de 6ème, 3.000 f ; de 7ème et 8ème, 1.000f ; etc.

                En octobre on inaugura le nouveau lycée Bâb-Azoun où Ie tambour est substitué à la cloche.
                Situation de l'enseignement au 31 décembre 1848 :
                1 chaire d'arabe à Alger
                1 lycée
                2 pensionnats libres subventionnés à Bône et à Philippeville.
                93 écoles dont 13 privées non subventionnées. Dans ce nombre 7 écoles mixtes (457 élèves arabes et juifs)
                1 école arabe-française à Alger
                3 écoles juives-françaises à Alger, Oran et Bône
                1 école de filles musulmanes à Alger
                1 école de filles juives à Alger
                La population étant de 103890 âmes, on compte 8.000 enfants scolarisés sans compter les écoliers arabes et juifs, les élèves des séminaires et les élèves des écoles religieuses musulmanes. ( Les feuillets d'El-Djezaïr 1920)

                1849.
                Le 1er août Ie Tout-Alger se réunit dans la cour du lycée Bâb-Azoun pour la distribution des prix. Un déluge interrompt la cérémonie qui est renvoyée au 1er octobre. (il en sera de même en 1872 )

                1850.
                Le 14 juillet paraît un décret d’organisation de l'enseignement des indigènes.
                Le 29 octobre l'érudit Berbrugger est chargé de mission en Tunisie.
                La mise en place de l'enseignement des indigènes ne se fait pas sans accrocs.
                En 1836 une classe pour « les petits » avait été créée et un cours pour adultes ouvert. En 1842 on adjoignit à un maître indigène un maître français. Mais en 1843 le muphti de la Grande Mosquée s'insurgea violemment à tel point qu'il fallut déporter le muphti et son neveu à l'île Sainte-Marguerite. En 1845 l’inspecteur général Artaud déclara qu'il fallait employer un maître français sachant l'arabe et comme adjoint un indigène lettré en français. En 1851 l'école de la rue Porte-Neuve s'ouvrira avec 50 élèves. En 1854 on y trouvera 210 indigènes et 12 français. L'enseignement religieux fut donné dans les écoles coraniques, les Zaouïas.

                1851.
                24 octobre : distribution solennelle des prix à l'ouvroir fondé par Mme Luce. On remarque que les jeunes mauresques ont le visage découvert. On donne une pièce, La Glaneuse. Deux filles indigènes de la suite d'Abd-el-Kader, nouvellement arrivées d'Amboise, disent un dialogue en vers, Ô France hospitalière c'est en versant des pleurs que je te dis adieu .. » la diction est très satisfaisante.

                1852.
                La colonisation se développe malgré une effroyable mortalité chez les colons (dans le sens habitants la colonie). On est obligé de créer des orphelinats. Le pasteur Monod de Copenhague organise celui de Dely-Ibrahim
                Le 12 janvier distribution des prix de l'école arabe-française de M. Delpeille. Le gouverneur Randon, Ie général Yusuf, beaucoup de fonctionnaires et de chefs arabes y assistent.
                Le 8 septembre distribution de récompenses dans la cour du lycée Bab-Azoun aux jeunes filles israélites de l'école dirigée depuis 16 ans par Mlle Héloïse Hartoche. Grande solennité. On donne une représentation d'Esther de Racine avec 125 jeunes filles vêtues de blanc (une année de répétition a été nécessaire.)
                Le 4 octobre c'est le tour de I'école de broderie de Mme Lucre, rue de Toulon.
                M. Droussard était l'heureux organisateur de cette fête.
                Le 8 octobre rentrée des classes avec messe du Saint-Esprit dans la cour du Lycée. Mgr Pavy, évêque d'Alger s'adresse aux élèves dans un discours. Il se félicite que l'on étudie les beautés des grandes œuvres des auteurs païens de I'Antiquité.

                1855.
                Nous arrivons en ce début d'année à 1411 élèves. Sur l’initiative du maréchal Randon on fonde une école de mousses indigènes. Une première école de mousses avait été formée primitivement sur le « Becherach » - un navire survivant turc qui servait autrefois de promenades du dey et qui fit naufrage à La Calle en 1841.- L'école fut transférée sur la « Ménagère », puis sur « l'Allier ». les résultats ne furent guère satisfaisants. Quant à l'école de mousses elle forma de 1855 à 1859 seulement 84 mains pour la marine marchande et 83 pour celle de I'Etat. Le recrutement fut réorganisé par le député Albin Ruzet par voie d'engagements ( les Baharias)

                Le 6 juillet la bibliothèque d'Alger reçoit du général Pélissier un livre religieux précieux trouvé dans la chapelle du cimetière de Sébastopol (13) ( guerre de Crimée où s'illustrèrent la brigade légère britannique et les Chasseurs d'Afrique français)
                - Un in-folio à reliure antique gaufrée et dorée avec 1 fermoir en cuivre. Une lettre du général accompagne l'envoi. Cette lettre fait remarquer que, sur une gravure, Saint-Paul a le jarret droit entamé par une éclat d'obus (biscaïen).

                C'est la ville qui contribue à payer les enseignants.
                Voici à titre indicatif leurs salaires :
                7 instituteurs à 1.500 f = 10.500 f
                3 instituteurs adjoints à 2.000 f
                9 frères 6.650 f
                2 maîtres de dessin et chant 5.000 f
                Matériel scolaire 5.650 f
                Frais de location 1.500 f

                Le 30 juillet fête des petites écoles communales. La distribution des prix a lieu au lycée avec la présence du gouverneur Randon, son épouse, l'évêque Pavy, le Préfet, Ie Maire de Guiroye et tous les Hauts fonctionnaires. Les 1500 enfants y figurent vêtus d'une sorte d'uniforme « simple et élégant »
                Le 3 octobre à l'occasion de la paix de Sébastopol, le ministre offre aux élèves 8 jours de vacances supplémentaires.
                Le 13 décembre, le musée d'Alger s'enrichit d'un superbe mortier de ménage en bronze provenant probablement d'une prise pirate. Dans ce mortier on voit des médaillons et on lit : « Fr A Bassompierre Franc. Polem. Gris. Helv. Praef » ( François-Antoine Bassompierre général en chef-polémarque des Français et Préfet des Suisses).

                1856.
                Le 19 avril une jeune musulmane de l'école Luce obtient le brevet d'institutrice : Mademoiselle N'Fissa ben Ali.
                Le 2 mai, réunion de la société historique sous la présidence de l'érudit Berbrugger. Elle publie ses travaux dans un bulletin : la « revue africaine », notons les œuvres à venir de Mgr Dupuch, Mgr Toulotte,
                Mgr Leynaud, de l'abbé Deyrieux, du père Ménage, etc.. mais n'anticipons pas).
                Le 11 novembre l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres félicite l'érudit Berbrugger pour ses travaux sur le Tombeau de la Chrétienne.
                Le 19 décembre, le Maire reçoit le parrainage du couple impérial pour deux enfants d'Alger Georges-Emile Lapra et Félicie-Marie Loiseleur venus au monde le 16 mars le même jour que le prince Impérial (14)
                -Qui sera tué par les Zoulous en Afrique Australe.-
                A Sétif 44 écoles sont ouvertes fréquentées par 900 élèves du 1er degré et 100 du 2ème degré.

                1857.
                Le 4 janvier, distribution des prix aux élèves des Frères de la Doctrine Chrétienne.
                Le 14 février visite du maréchal Randon à l'école des mousses indigènes qui tirent eux-mêmes les salves d'artillerie du salut et escaladent les mâts.
                Le 14 mars est créé le collège arabe-français place d'Isly (qui deviendra l'Hôtel du XIXéme corps) son directeur est l'orientaliste Charbonneau. Le costume des élèves est oriental.
                Le 16 mars soirée enfantine à l'occasion de l'anniversaire du Prince Impérial. Les jeunes indigènes sont nombreux. On tire un feu d'artifice et on danse le quadrille des Lanciers.
                Le 4 août création d'une Ecole préparatoire de Médecine dont le directeur est le docteur Bertherand.
                Le besoin d'une institution d'enseignement secondaire se faisait sentir depuis pas mal de temps. Un particulier, M. Ollivier qui avait appartenu, à l'enseignement public, ouvrit au N°49 de la rue Caraman à Constantine, dans une maison, des cours de latin, grec et autres matières. Il reçut aussitôt de nombreux élèves. Il dût s'adjoindre 3 maîtres et prit le titre de Directeur en novembre 1857. Le local étant insuffisant, ce petit collège fut transféré avec le concours de la municipalité, le 1er février suivant, dans un immeuble rue de la Fontaine au-dessus du Lycée actuel.

                1858.
                Création de l'Observatoire National, installé à la Colonne Voirol, puis à Kouba, puis à Bouzaréah où en 1896 il fut visité par le ministre Combe.
                Le 4 mars visite du maréchal Randon et de son épouse au collège arabe-français.
                Le 24 juin le lycée reçoit les trois fils d'un chef sénégalais récemment capturé. Ce même jour le Maréchal et son épouse offrent au Palais d'Eté, une collation aux élèves du Lycée. Ayant moi-même été « invité » avec d'autres élèves au palais d'Eté par le gouverneur Lebeau avant la guerre, j'ai conservé un souvenir digne d'un voyage au pays des Mille et Une Nuits.

                1859.
                Le 5 février le préfet Gery visite le lycée Bâb-Azoun et constate l’insuffisance des locaux bien qu'on lui ait ajouté la caserne Massinissa (nord du Square Bresson).
                Conclusion : il faut créer un nouveau lycée.
                Le 5 août en commémoration des victoires d'Italie et de la Paix, les vacances des élèves sont prolongées de huit jours.
                Le 21 septembre, distribution des prix de l’institut Bizet dans le jardin Marengo. C'est I'inspecteur d'académie Vignaly qui préside cette fête où l'on donne une représentation des provinces de France, où l'Algérie figure en bonne place.
                Le 24 octobre se crée une association des anciens élèves du collège et du lycée avec les noms suivants : Trollet, Delorme, Petit, Pourrière, Thumerèlle, Truffaut, Trèves, en tout une quarantaine.
                Le 27 octobre le commandant Hanoteau reçoit un prix pour sa grammaire kabyle ( devenue général il publie un essai de grammaire touareg.)
                Le 28 octobre, un buste et un portrait à l'huile du maréchal Clauzel sont offerts à la bibliothèque.
                Le 13 décembre un groupe de chefs indigènes reçus par le général Yusuf visite le collège arabe-français. Ils sont étonnés de la vie fraternelle et de la discipline.
                Le 14 décembre, premier banquet des anciens élèves du collège

                1860
                Le 25 mai I'Association des Anciens Elèves du Collège et du Lycée se donne pour objet la création de bourses d'internat. Cette année elle attribuera un prix de discours français pour la rhétorique.
                Le 29 mai le général de Martimprey reçoit dans sa campagne les élèves du collège arabe-français et leur offre un lunch. Assistent à cette fête le général Yusuf et le recteur Delacroix.
                La musique du 9ème de Ligne prête son concours .
                Le 28 juin distribution des prix du même collège dans la salle du Marché aux grains rue Joinville, Grande et belle cérémonie.
                Le 9 août, I'Association publie ses statuts.
                Le 14 septembre la Bibliothèque reçoit un don de M. Harambour Procureur Impérial à Constantine : un manuscrit de 1554 œuvre du prêtre Bartholomé Durador, de Cadix, explication en arabe de la religion chrétienne et sans doute destinée aux Maures convertis (ou à convertir) après la prise de Grenade.
                Le 16 septembre c'est l'arrivée de l'Empereur et de l'Impératrice.
                Le 1er décembre, les Anciens élèves donnent leur banquet annuel auquel assiste le Recteur.

                1861.
                Le 28 février la presse enregistre le décès de la première institutrice musulmane N'Fissa ben Ali de I'Ecole Luce.
                Le 10 décembre on procède aux premiers travaux de déblaiement sur l'emplacement que doit occuper le nouveau lycée près du jardin Marengo.

                1863.
                Le 21 juin on découvre un tombeau romain à 12 m de profondeur au cours des fouilles sur I'emplacement du futur lycée ( il fut conservé dans les sous-sols du lycée.)
                Cette année est fondée l'Ecole Normale d'instituteurs à Mustapha Supérieur. Elle émigrera dans des locaux neufs construits plus tard à la Bouzaréah. Plus tard sera fondée l'Ecole Normale d'instituteurs à Miliana.

                1864.
                Le chapelain britannique R.G.A Rogers fonde une bibliothèque au temple anglican, Ies Anglais sont nombreux à Alger (26 février)
                Le 16 octobre le Kabyle Ben Ali du collège arabe-français bénéficie d'une bourse ministérielle et va rejoindre l'Ecole Normale de Versailles où il retrouvera son ancien condisciple Ben Sédira.

                1865.
                Le 1er janvier le lycée compte 500 élèves.
                Le 7 février les élèves du Collège AF sont invités au palais où se tient une fête de bienfaisance. On note que les élèves musulmans acceptent les friandises puis vont se confesser à leur imam car bien involontairement la Maréchale de Mac Mahon leur a fait rompre le jeûne du Ramadan. L’Imam absout ... et proclame que ... l'aumône est la clef du paradis.
                Le 3 mai les élèves acclament l'Empereur qui revient à Alger. L'Orphéon chante devant Napoléon III, le cœur de la Muette.
                Le 26 juillet Mlle R... passe l'examen du baccalauréat ès-lettre. Elle n'a été précédée que de 2 jeunes filles à Paris.

                1866.
                Le nombre des élèves des écoles primaires en Algérie est de 40.000. Voici un comptage récapitulatif :
                1832 : 117 élèves - 1833 : 537 - 1835 : 644
                1841 : 1202 - 1844 : 7311 –
                1850 ; 9678 -
                1864 : 36867 et en anticipant un peu ; 1878 : 41203 élèves.
                C'est en 1866 que la gratuité scolaire est déclarée générale.

                1867.
                Le 5 janvier décès de l'ancien directeur de l'Ecole arabe-française M. Delpeille qui sera inhumé à Birmandreis.
                Le 25 septembre les élèves du collège arabe-français dont les noms suivent, partent pour l'Ecole Normale de Cluny ; Ibrahim ben Brimat, Rabat ben Belgacem, El Hachemi bel Ounis.
                Le 26 novembre une école privée de type Froebel s'ouvre au N° 50 de la rue Napoléon, ( plus tard rue de la Lyre).
                Puis elle sera transférée rue d'Isly où elle deviendra vraiment un « kindergarten » ( jardin d'enfants ou école maternelle.)
                Le Consul d'Espagne Vidal fonde une école espagnole que la Maréchale de Mac Mahon visite le 9 juin.

                1868.
                Le 26 juillet voit la fondation à Alger de la Société des beaux-arts ( on ouvrira une section « peinture » le 25 septembre 1873.)
                Le 1er octobre le Lycée s'installe (futur Lycée Bugeaud) - La construction couvrit une surface de 1ha 42a et coûta 2.902.800 f. Dès 1886 il fallut lui adjoindre l'annexe de Ben Aknoun.
                Le 16 décembre Berburgger fait transférer au Musée les inscriptions arabes qui décoraient certaines salles de l'ancien lycée Bab-Azoun.
                Le 18 décembre l'orientaliste Bresnier offre à la Bibliothèque un panneau enluminé bleu et or reproduisant le premier chapitre du Coran. On le dépose à la mosquée El-Djedid.

                1869.
                Le Ministre russe de l’instruction vient à Alger étudier notre travail pour faire de même en Circassie. En effet les résultats du Collège arabe-français sont remarquables
                Le 23 mars une excursion botanique et archéologique est conduite par le professeur Durando et le docteur Berjot aux dolmens de Guyotville ( quatre-vingt dolmens dans la région de Beni-Messous).
                Le 22 juin, décès de l'orientaliste Bresnier. Le 2 juillet, décès du savant Berburgger, colonel par ailleurs de la Milice.- ( Né à Paris, fonda la société Historique d'Alger, auteur de nombreux ouvrages -) Le 11 juillet le géographe Mac Carthy est nommé Conservateur de la Bibliothèque d'Alger.

                1870.
                De nouvelles statistiques sont publiées.
                Ainsi on compte en Algérie :
                1 école secondaire de médecine.
                1 lycée
                1 école normale
                8 collèges
                2 collèges arabe-français.
                485 écoles primaires publiques ou privés
                30 écoles arabe-français
                3 grands séminaires
                3 medersas
                1 école indigène d'arts et métiers
                Parmi les indigènes :
                9 suivent les cours de médecine
                5 ont été reçus aux écoles normales
                6 ont été reçus au brevet
                3 ont été reçus à l'école d'Alfort
                5 ont été reçus à St-Cyr
                22 ont été reçus à Saumur
                1 a été reçu au bac.
                1 a été reçu à l'examen d'inspecteur primaire
                Le 20 mars les Sœurs de Saint Joseph des Vans s'installent à El-Biar. Le 1er juillet les Trinitaires ouvrent leur pensionnat boulevard du centaure ( qui deviendra le boulevard Gambetta) Mais Alger comptera bientôt bien d'autres maisons d'éducation (Vachot, Brunet, Mouillard, Halloche, Battarel, Jeanne d'Arc, cours Fénelon, Simand, Montalembert, Reumeaux, St-Joseph d'El-Biar, Notre Dame d'Afrique, école Lavigerie.
                Puis c'est la guerre.

                1871
                Le 12 mars les lycéens donnent un concert patriotique dans la salle des Beaux-Arts avec le concours de Madame Luce et de Charles de Galland.
                Le 6 novembre, on ferme le collège et le lycée ouvre : les élèves sont en grande tenue, les classes sont formées en carrés et le roulement de tambour salue leur arrivée.
                Le 2 décembre mort de M. Bastide fondateur de la librairie littéraire et scientifique d'Alger.

                1872
                Le 2 mai la jeunesse scolaire participe à une vente publique, fonds destinés à la libération du territoire.
                Le 25 août le maire M. Jourdan publie la traduction en arabe du chapitre XIII de Don Quichotte (traduction faite par M. ben Sédira, professeur à l'Ecole Normale d'Alger.)
                Le 15 décembre, fondation de la Ligue de l'Enseignement,

                1873
                Fondation du collège Saint-François Xavier des Pères jésuites rue des Consuls, à l'ancien consulat de Suède ( un des élèves sera Ie futur général Mangin)
                Le 25 septembre, ouverture du musée de peinture des Beaux-Arts.
                Le 1er novembre ouverture au public de la Bibliothèque Municipale
                Le 28 Mademoiselle Fauconnet passe l'examen du brevet d'arabe ( plus tard seront créés le diplôme d'arabe, le brevet et le diplôme kabyle, le brevet des dialectes berbères ).
                A Sétif ouverture du collège Municipal, un nouveau bâtiment sera construit en 1913 qui prendra le nom de Collège Colonial qui deviendra le Lycée Eugène Albertini. L'EPS devint également le Collège moderne de jeunes Filles. On peut également noter la création de l'école de Doctrine Chrétienne.

                1874
                Le 8 mars M. Viviani ( père du parlementaire) obtient pour les lycéens en vacances, le bénéfice du demi-tarif sur les chemins de fer.
                Le 31 on découvre pendant les fouilles des dolmens de Guyotville des poteries, des ustensiles, des bijoux de bronze.
                Le 27 juillet, le général Chanzy préside la distribution des prix du lycée.
                Le 29, première distribution des prix au collège de jésuites avec la musique des zouaves.
                Le 18 décembre publication du décret de fondation de l'Ecole Normale de jeunes filles de Miliana.

                1876
                Le 29 avril le général Chanzy passe en revue les élèves du Lycée rangés dans la grande cour ainsi que la compagnie des jeunes fusiliers de cet établissement qui viennent d'être armés du fusil Chassepot
                Le 29 juin Alger compte une nouvelle bibliothèque.

                1877
                Le 5 janvier le professeur Maurice Wahl, successeur au Lycée de Georges Duruy, inaugure ses conférences au Cercle Militaire.
                Le 6 avril les élèves apprennent la destruction de 2 bellombras géants dans la cour de leur établissement.
                Le 1er juillet les élèves et anciens élèves offrent un étendard à la compagnie des Fusiliers du lycée.

                1878
                Le 26 décembre banquet pour fêter l’inscription du 1000éme élève. Discours de M. Grasset, proviseur.

                1879
                Les 10 août et 4 septembre, fondation de la première Société de Géographie.
                Président : M. Mac Carthy, présidents de sections : MM. Titre, Rinn et Samary.
                Le 18 août institution du certificat d'études primaires.
                Le 23 août l'élève Georges Martin obtient le 1er prix du concours général des Lycées et Collèges, il est proclamé 1er de France en Sorbonne.
                Le 30 octobre : le gouverneur général Albert Grévy visite le Lycée.
                Le 20 décembre : création à Alger des Ecoles Supérieures de Droit Sciences et Lettres.

                1880
                Le 10 janvier M.Masqueray est nommé directeur des Ecoles Supérieures ( il était I'auteur des premiers travaux sur Timgad).
                Le 25 avril le Lycée reçoit 11 jeunes Annamites envoyés par le Gouverneur de la Cochinchine.
                Le 3 mai inauguration des Ecoles Supérieures rue Scipion par le recteur Belin.
                Le 5 juillet première session du baccalauréat ès-lettres.
                Cette année un universitaire, M. Guillemin devient maire d'Alger. (Un autre universitaire M. Guillemin le deviendra en 1911).

                1881
                Le 3 janvier I'Ecole des lettres s'installe rue de la Licorne.
                Le 5 lévrier l'Armée cède à l'autorité civile le terrain du camp d'Isly où seront édifiées les Ecoles Supérieures.
                Le 3 mars l'Association des Anciens Elèves du Lycée crée 4 bourses d'internat.
                Le 3 avril grande exposition régionale à Mustapha Supérieur
                Le 14 avril ouverture du Congrès des Sciences présidé par le Dr Chauveau. On y traite du paludisme, de la clavelée, du charbon et de vaccination chez les indigènes.
                Le 8 novembre un décret institue l'Ecole des Beaux-Arts.
                Le 24 décembre, le Gouverneur Tirman visite le Lycée.

                1882
                Le 17 avril, arrivée de l’inspecteur général Fonein pour I'application de la loi sur l'enseignement obligatoire. Le certificat d'études primaires est créé.
                Le 10 août M. de la Blachère chargé de cours à l'Ecole Supérieure des Lettres et membre de l'école de Rome, reçoit mission de terminer son étude sur le drainage antique des terres Pontines et des Abruzzes.
                Le 20 décembre les Anciens Elèves du Lycée donnent un bal au Théâtre Provisoire (bastion Waisse) auquel assistent le Gouverneur Général, le Préfet
                Firbach, le général Loysel, le maire Feuillet.
                Cette année 1882 l'Ecole d'Agriculture de Rouiba est fondée.

                1883
                Le 20 décembre, Victor Hugo accepte la présidence d'honneur de la société l'Union Dramatique créée en 1881.

                1884
                Le 17 avril Paul Monceaux est nommé professeur du Lycée. Il deviendra plus tard professeur au Collège de France ( il est I'auteur du bel ouvrage I'Afrique Chrétienne).
                Le 6 août l'élève Chassagny est reçu N° 5 à l'Ecole Normale Supérieure (sciences). Il deviendra plus tard Inspecteur Général.
                Le 3 décembre l'historien Edouard Cat est nommé maître de conférence à l'Ecole des Lettres.
                Cette même année M Boissière auteur d'ouvrages d'archéologie ( il avait fait partie de la mission Desjardins qui avait relevé les inscriptions romaines des pays danubiens) est nommé Recteur à Alger.

                1885
                Conférence d'Elisée Reclus sur l'Angleterre et la Russie.
                On réorganise l'enseignement dit « des indigènes » On crée à l'Ecole Normale un cours spécial de formation d'instituteurs spécialisés
                L'Ecole Normale est transférée de Mustapha Supérieur à Bouzaréa.

                1886
                Le 1er octobre s'ouvre à Ben Aknoun un lycée annexe ( il sera validé en 1896 par le ministre Combes)
                On crée la Bibliothèque Pédagogique bien que chaque lycée et école supérieure ait sa bibliothèque propre.

                1887
                28 mars, Fondation à Oran d'une société des Anciens Elèves.
                12 avril arrivé de M. Berthelot ministre de L’instruction Publique qui vient assister au Congrès de la Ligue de l'Enseignement.
                13 avril, ouverture du Congrès de I'Ecole de Lettres rue Arago.
                Quant à l'Ecole de Droit, elle deviendra faculté en 1919 ainsi que les autres Ecoles (En plus des diplômes français elle délivra des diplômes de Législation Algérienne, de Droit Musulman, de Coutumes Indigènes). Quelques professeurs la rendront célèbre : Estoublon, Vincent, Lefèbre, Colin, Eeys, etc.
                L’école des Sciences rendit d'immenses services : géographie, géologie, recherche des applications industrielles et agricoles.
                Un observatoire existera à Kouba jusqu'à 1888, il sera transféré à Bouzaréa.
                Ajoutons une station de zoologie marine à I'Amirauté et une station météo.
                L’école de médecine verra passer comme professeurs : Scherb, Burch, Cabane, Curtillet, Trolard, Goinard, Rouvier, etc.
                Le 14 avril le ministre Berthelot inaugure Ies Ecoles Supérieures de l'Agha (36.000 m2 et un coût de 2.600.000 f.
                Le 15 inauguration du collège de Blida
                Le 18 inauguration à Kouba de la statue du Général Margueritte en présence des deux fils du héros de Sedan. ( A Alger se trouvent les statues du Duc d'Orléans, de Mac Mahon et les bustes du Maréchal Pelissier, du Docteur Maillot, de Cervantès.)
                Puis M Berthelot va visiter la Kabylie. Il Désigne une jeune indigène pour l'école d'Art Hichem, jeune fille qui se trouve de ce fait la première monitrice d'Algérie.
                Le 23 avril le gouvernement espagnol envoie une plaque de bronze pour que soit rappelé le souvenir de Cervantès esclave à Alger. Cette plaque sera installée au Hamma.
                Le 25 le ministre de I'instruction Publique M. Spuller commande au sculpteur Laurent Daragon un buste du général Cavaignac pour le village de ce nom.
                Le 2 octobre arrive à bord du navire « le Comorin » le jeune annamite Ki-Dong que le gouvernement a ordonné d'interner au Lycée ( de son vrai nom Nguyen-Kan âgé de 13 ans, d'une remarquable intelligence. Une sédition I'avait choisi pour chef. Plus tard dans son Pays il provoque un nouveau soulèvement. Ki-Dong signifie « enfant merveilleux »)

                1888
                Le 13 février une commission est nommée pour juger de l'authenticité historique de la grotte de Cervantès. En font partie MM. De Grammont, président de la Société Historique, Masqueray, Waille, Toubin, tous professeurs qui déclarent que la grotte du Hamma réunit toutes les conditions topographiques.

                1889
                Le 2 mars, à l'occasion du centenaire de la révolution, le ministre décide que les classes vaqueront du 4 au 8 mai.
                Le 21 juin le professeur Masqueray part pour I'exposition sur le Kleber avec deux Touaregs détenus au Fort Bâb-Azoun et auprès desquels il s'est initié au dialecte Tailog.
                Le 19 août arrivent au Lycée les princes sénégalais Insa-Bâ et Ibrahim, fils du roi des Nalous, Dina-Salifou (Ibrahim se distinguera pendant la guerre de 14-18, deux fois blessé, il recevra comme lieutenant la Croix de Guerre en janvier 1916).
                Le 1er novembre I'Ecole Préparatoire de Médecine est élevée au rang d'Ecole de plein exercice.

                1890
                Le 3 mars le Conseiller, à la Cour, Letourneux, auteur d'ouvrages sur la langue berbère, la zoologie, la botanique meurt à Saint-Eugène.
                Le 25 mars, Saint Saêns en villégiature à la Pointe-Pescade achève son opéra Ascanio.

                1891
                Le 31 janvier, l'écrivain poète François Coppée donne à la Mairie d'Alger une conférence au profit des pauvres. Y assistent le Préfet Tirman le Maire, les Professeurs. Le poète lit quelques unes de ses œuvres.
                Le 10 mai conférence à la Mairie par M. Forcin ; l'Algérie française et l’instruction des indigènes.
                Le 21 mai le lieutenant de vaisseau Julien Viaud (Pierre Loti) reçoit par télégramme sa nomination par élection à l'Académie Française. Un grand déjeuner est donné à bord du vaisseau amiral. ( Pierre Loti écrivit sur Alger « Les trois dames de la Casbah »).
                Le 28 juin mort du poète algérien Marie Lefèvre, archiviste de la Préfecture.
                En juillet lors de la remise des prix du Lycée Voltaire. M. Forcin exalte l'œuvre de I'enseignement des indigènes en Algérie.

                1892
                Le 13 janvier mort du botaniste Durando. Son cercueil est couvert de couronnes par le Club Alpin, La Ligue de l'Enseignement, l'Administration du Jardin d’Essai. Durando organisait des excursions conférences dans les environs d'Alger.
                Le 13 mars arrivée à Alger des deux comédiens, « les Coquelins » ( Cadet et Jean) et de Mademoiselle Favart. Ils donnent en Première représentation «Mademoiselle de la Séglière ».
                Le 16 mars concours de musique. Sont présentes toutes les sociétés d'Afrique du Nord, accompagnées de 900 musiciens et chanteurs de Métropole. A la fin du concours, défilé sur le « Boulevard » acclamé par une foule nombreuse intéressée par ces fanfares, ces lyres, ces harmonies, ces Philharmoniques, ces orphéons, ces estudiantines, ces Saint-Hubert.  
    


L'haltérophilie en Oranie
PNHA- N°195 - Avril 2011
 
                La cessation des hostilités, en 1945, fut propice au regroupement d'une poignée d'anciens haltérophiles : Parrès, Lubrano, Galiardo, Alenda, Duchamp qui eurent à cœur de faire reprendre une activité officielle à une branche sportive au passé oranais élogieux.
                La nouvelle réglementation était de surcroît favorable à cette reprise puisqu'elle ramenait de 5 à 3 les exercices imposés dans les compétitions, à savoir : développé, arraché et épaulé-jeté à 2 bras, avec 3 essais par mouvement.
                Mais la Fédération qui, jusque là, avait fait preuve de largeur de vues, compte tenu des problèmes inhérents aux événements de guerre, à I'occasion du critérium national de 1946, informa le Comité d'Oranie, qu'en raison "des difficultés actuelles de transport il ne fallait pas prévoir le déplacement à Paris des qualifiés pour la poule finale". Elle opposa un refus formel à la proposition d'un classement à distance, comme il avait été pratiqué les années précédentes, les épreuves étant contrôlées par des arbitres officiels. Et les résultats furent transmis à Paris. Les deux haltérophiles oranais, René Ybanez (léger) et Youssef Attik (mi-lourd), qui obtinrent dans leur catégorie les meilleurs résultats sur le plan national 215 et 305 kilos furent ainsi primés par le parisien Caysage (272) et le nordiste Deleuf (300). Ce qui fit dire à un journaliste local: "C'est à croire que dans la transmission, la performance de nos champions a perdu de son poids."


                En dépit de cette incompréhension fédérale, s'obstinant, le Comité d'Oranie s'efforça, par la suite, d'avoir régulièrement des représentants aux critériums nationaux réservés aux athlètes de première série n'ayant jamais participé à une finale du championnat de France.

                Cette ténacité s'avéra payante car prirent une première place, en 1950 en catégorie léger, René Ybanez, avec un total de 282,5 kilos alors qu'aux éliminatoires son exploit portait sur 287,5 et en 1953 en catégorie coq, le témouchéntois Bélando.


                L'histoire se renouvelant, dit-on, en 1960 I'oranien Marzuello (HC Témouchent), agent de l'E.G.A., ne put disputer la finale (plume) I'autorisation préfectorale indispensable pour quitter momentanément l'Algérie ne lui ayant pas été accordée en temps opportun. Aussi certains mauvais esprits, paraît-il, estimèrent que des succès sportifs de "Pieds-Noirs" en Métropole n'étaient, en haut lieu, pas souhaitables. Sur le plan championnat de France des victoires furent également obtenues par : Manah (Concorde) en 1953, en juniors (mi-lourd) Crespo (A.S.P.O.) en 1955, en juniors (léger).

                Outre ces derniers résultats prometteurs I'essor de l'haltérophilie oranienne se traduisit par le nombre de clubs affiliés. Les 3 de 1939 : Oranaise. Concorde, HC Témouchent, furent rejoints d'abord par la J.S. Saladéenne, l'A.S. Police Oran et après le début de l’insurrection de 1954 par la S.A. Sidi-Bel-Abbès, Mostaganem Epée, Sport et culture, la S.P.M. Mascara.

                Comme conséquence les clubs d'Oran perdirent jusqu'en 1962 leur suprématie sur le plan régional notamment au profit de H.C. Témouchent dont I'un des membres, Miras, prit en 1955 la présidence active du Comité d'Oranie qu'il marqua de son impulsion. Cette dernière société bénéficia, à partir de 1951, d'un animateur précieux en la personne du champion et recordman oranais, René lbanez, appelé par sa profession à I'intérieur du département.

                Néanmoins malgré également la création de compétitions s'ajoutant à celles officielles disputées dans diverses salles oranaises ou localités, contribuant de la sorte à la diffusion de cette discipline sportive, le Comité d'Oranie n'eut pas l'occasion de reconquérir sa place si convoitée de leader dans les championnats nord-africains. Pareille perspective semblait plausible puisqu’en 1960 et en 1961 les championnats réduits au plan algérien constituèrent des succès pour I'Oranie bien que les athlètes de I'Algérois se fussent, précédemment, affirmés, dans I'ensemble, comme les meilleurs des nord-africains.


                Ce cheminement laborieux des adeptes oranais de l'haltérophilie entrait bien ainsi dans le cadre de I'effort permanent de la généralité des branches sportives.
P. O.
    



BOXE à BÔNE
par DEPÊCHE DE CONSTANTINE

               BOUTEFNOUCHET et TEBBAKHA (MM Bône) iront à Narbonne disputer les quarts de finale des championnats de France de boxe

                Les 29 et 30 novembre dernier, Bône organisait les championnats d'Algérie de boxe amateurs, championnats qui nous valaient quatre titres.
                Le 16 décembre, à Casablanca, aux championnats nord-africains deux de nos quatre représentants obtenaient la plus belle des victoires : le poids plume Boutefnouchet et le mi-lourd Tebbakha, tous deux de l'USMB.
                Hamdi (JBAC) battu en demi-finale et le Sétifien Drabbia (SSS) à qui le champion René Cerdan barrait la route du titre des super-welters avaient, eux aussi, leur part de mérite.

                En février Boutefnouchet et Tebbakha s'en iront à Narbonne disputer les quarts de finale des championnats de France de boxe amateurs. Souhaitons-leur, d'ores et déjà, le meilleur des comportements et, qui sait.., peut-être une victoire.
                Souhaitons de même à notre concitoyen Emile Chemama, champion de France professionnel des poids coqs, un nouveau succès dans le combat au cours duquel, le 13 janvier et à Marseille, il défendra à nouveau son bien contre Théo Médina.
                Quant à nos deux espoirs Cohen (Bône) et Reddad (Sétif) qu'ils continuent ; ils sont, à Paris, sur la bonne voie.

                Auprès de l'arbitre international Asparaguerra, le sétifien Drabbia (super-welter) et le bônois Tebbakha (mi-lourd, celui-ci par la suite champion nord-africain) viennent d’être déclarés, à Bône — 30 novembre – champions d'Algérie de boxe amateurs.
DEPÊCHE DE CONSTANTINE
1er janvier 1952


L'Organisation Armée Secrète
Par M.José CASTANO,
« Le sursaut d’un peuple qui ne voulait pas mourir ».

       « L'OAS a été écrasée par une répression telle qu’aucun état civilisé n’en avait jamais déclenché une semblable contre ses propres nationaux » (Jacques Soustelle)

       Depuis plusieurs mois l’Europe subit une vague migratoire sans précédents en passe de déstabiliser ses institutions. De pauvres hères accostent par milliers nos rivages dans l’espoir d’y trouver le paradis et bientôt ils seront des millions… C’est « Le Camp des Saints », roman d’anticipation écrit en 1973 par Jean Raspail qui se réalise sous nos yeux...
       Cependant dans cet imbroglio où la misère côtoie l’intérêt et l’intrigue, il est une catégorie de migrants envers laquelle j’éprouve une aversion particulière : Les lâches et les poltrons.

       En effet, alors qu’en Afghanistan des soldats occidentaux continuent de mourir, que les pertes françaises se sont élevées à 89 tués et qu’au Mali 13 de nos garçons sont déjà tombés pour défendre la liberté de ces nationaux, je n’accepte pas de voir ces derniers, dans la force de l’âge, déserter leur pays. « Ils fuient la guerre », clament-ils à l’envi relayés en cela par la bien-pensance française... Mais un pays, ça se défend ! On ne fuit pas quand le danger sévit sinon cela s’appelle désertion… démission… lâcheté… traîtrise…

       Si ces jeunes gens dans la force de l’âge refusent de se battre, qui va le faire à leur place ? Cent de nos meilleurs soldats sont déjà tombés dans ces régions étrangères et hostiles pour un rêve de liberté qu’ils voulaient offrir à d’autres. N’est-ce pas suffisant ?

       Si ces hommes ont tourné le dos à leur pays, c’est qu’ils ne l’aiment pas. Comment dans ce cas pourraient-ils aimer la France ? Parallèle saisissant et contrastant entre ces derniers refusant le combat et cherchant leur salut dans la fuite et ces « soldats perdus » de l’Algérie française excluant toute idée de capitulation, de démission et d’abandon.

       Contrairement aux migrants, face à l’adversité, ces Français d’Algérie surent redresser la tête, s’unir et se défendre dans un combat inégal, cruel, inexorable, d’autant plus cruel et inexorable que chacun savait qu’il s’agissait du dernier… du combat du désespoir. Alors, un sigle… trois lettres allaient leur ramener l’espoir :
       Organisation Armée Secrète
       Ce sigle représentait un idéal de combat contre le déracinement et contre la honte. Il n’avait aucun caractère politique, puisque spécifiquement charnel.

       C’est après l’effondrement du putsch, d’avril 1961, que l’OAS devait atteindre la notoriété en Algérie et ne devint vraiment active qu’au lendemain de cette chose extraordinaire qui ne fut qu’une vaste fumisterie : la trêve « unilatérale » décidée par Paris et qui permit aux rescapés de l’Armée de Libération Nationale (A.L.N) de reprendre la population en main aussi bien dans les campagnes que dans les centres urbains. Attentats, égorgements, mutilations se multipliaient. Devant les cadavres des égorgés et les visages grimaçants des mutilés, toute velléité de résistance s’effondrait. Le ressort se brisait. Les Musulmans fidèles à la France étaient les premières victimes ; la peur, peu à peu, les menait dans les rangs du FLN.
       « De Gaulle veut notre mort ! » Ce fut le cri de guerre et de désespoir d’un million d’Européens qui, las d’apprendre le massacre de familles françaises, s’organisèrent en commandos. Les magasins arabes flambèrent à leur tour, le plastic détruisit des bains maures. Les affrontements, les combats de rues se multiplièrent sans que les forces de l’ordre n’arrivent à juguler cette flambée de violence. L’Algérie entière était déchaînée. Les « stroungas » explosaient partout et aux grenades lancées dans les tramways et les autobus par le FLN, répondaient les mitraillages des cafés maures. Partout du sang, des morts qu’on enjambait dans les rues. La folie s’était emparée de ce pays autrefois si paisible et si heureux.

       De nouveau la presse se déchaîna qualifiant de « monstrueux » les attentats commis contre les Musulmans. Elle baptisa du nom de « ratonnades » ces actions désespérées et affirma sans vergogne que « les tueurs nazis de l’OAS se livraient au racket et au massacre sur les Musulmans et les « patriotes » gaullistes ! »
       Faute de protection de l’armée ou de la police, la population européenne se faisait justice elle-même appliquant la loi du talion, condamnable par son aveuglement, mais explicable par les souffrances endurées depuis sept années.
       On oubliait la terreur qui avait régné depuis si longtemps, on ne se souvenait plus des charniers de Mélouza et d’El-Halia, des bombes du stade d’El-Biar et du casino de la Corniche, on ne prêtait aucune attention aux grenades du FLN qui explosaient chaque jour dans les quartiers européens, les cafés, les écoles, aux arrêts d’autobus. On feignait d’ignorer les enlèvements qui se multipliaient dans tous les coins du territoire, les égorgements et les viols. Seuls importaient les « ratonnades » que le journaliste, Yves Lavoquer, comparait aux « pogroms de la Russie tsariste et aux massacres nazis » !…

       L’OAS était une révolte : révolte des habitants de toute une province qui se sentaient abandonnés par la mère Patrie et qui se voyaient placés dans l’alternative suivante : quitter leur sol natal et devenir des déracinés ou rester sur place pour subir les spoliations et les vengeances, le couteau, la balle et la hache. Et qui formait ses rangs, sinon des hommes courageux, le plus souvent des humbles qui n’avaient ni privilèges à défendre, ni fortune à sauver ?
       L’OAS, c’était à la fois, le combattant de l’ombre, l’enfant qui collait une affiche et mourait le pinceau à la main, le vieillard qui guettait et sifflait à l’entrée d’un quartier pour avertir de l’arrivée des « forces de l’ordre », la ménagère qui transportait des tracts dans son panier en allant au marché et ces familles qui hébergeaient les légionnaires du 1er REP après la dissolution de cette prestigieuse unité. Elle était une armée d’ombres, l’armée miraculeuse de l’amour et du malheur. Elle représentait, pour la population d’Algérie, le dernier espoir et l’ultime recours contre un désespoir passionnel. C’était la bouée de sauvetage à laquelle le naufragé tente de s’accrocher.

       Ses éléments se battaient non par ambition, non par intérêt, mais parce qu’un sentiment sur lequel aucun raisonnement n’avait de prise -l’attachement profond à la terre natale- les avait conduits à la révolte. L’OAS c’était, comme l’a écrit Alain Peyrefitte, « le sursaut d’un peuple qui ne veut pas mourir » (1).

       Une évidence s’imposait cependant : S’il n’y avait pas eu le FLN, il n’y aurait pas eu d’OAS. Si de Gaulle avait laissé l’armée abattre le FLN –comme elle aurait pu le faire- il n’y aurait pas eu non plus d’OAS… c’est une vérité première.

       Durant un an elle fit la guerre, comme le FLN la fit durant sept ans et, pour son malheur, les Français de Métropole ne retinrent d’elle que ses aspects les plus noirs. Ils ignoraient –ou feignaient d’ignorer- les exactions du FLN, des barbouzes et des gendarmes mobiles. Ils ne considéraient déjà plus l’Algérie comme un département français… et ils s’en fichaient. Ils souhaitaient se débarrasser au plus vite du « boulet algérien » -terme propre au général président- Les communistes jubilaient et poursuivaient leur propagande de destruction basée sur la sempiternelle rengaine : « Les pauvres Musulmans exploités par les salauds de colons », terme englobant tous les Européens d’Algérie, qu’ils fussent employés, ouvriers, commerçants ou fonctionnaires, tous issus d’une immigration désirée… quand elle ne fut pas imposée par la Métropole avec les déportations de 1848 et 1870.

       Pour autant, l’OAS ne désarmait pas. Dans certains points du bled dont l’armée se retirait progressivement depuis l’été 1961, elle avait tenté l’implantation de maquis pour lutter directement contre l’ALN sans populations interposées et dans le secret espoir de dégager une portion de territoire où son autorité serait reconnue. Guelma, Bouira, Tipasa, Coléa… autant de vains essais. Les commandos furent encerclés par l’armée et, incapables de tirer sur des soldats français, se rendirent. L’ultime et spectaculaire tentative eut lieu dans l’Ouarsenis, le 29 mars 1962 et se solda par un sanglant échec et la mort de l’un de ses chefs, le commandant Bazin. Trahie, l’OAS, au lieu des alliés qu’elle attendait (les harkis du Bachaga Boualam et deux unités régulières de l’armée) tomba sur des concentrations de forces FLN dix fois supérieures en nombre dont il a été affirmé –et jamais démenti- qu’elles avaient été amenées à pied d’œuvre par les véhicules des gendarmes mobiles français. Un combat désespéré qui alla jusqu’au corps à corps, s’engagea. Les hommes de l’OAS qui échappèrent à la tuerie furent pourchassés et quand ils furent rejoints, sauvagement abattus. Ce fut là la dernière bataille de l’OAS… son Camerone !

       (1) Dans son livre « C’était De Gaulle », Alain Peyrefitte rapporte ce propos de l’homme de Colombey : « Les gens de l’OAS me haïssent parce qu’ils sont aveuglés par leur amour de la France. Mais si ceux qui soutiennent le FLN me haïssent tout autant, c’est parce qu’ils sont aveuglés par leur haine de la France ».
José CASTANO       
e-mail : joseph.castano0508@orange.fr
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       - 19 MARS 1962 - LE CESSEZ LE FEU… Ou la victoire du FLN
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VUES par des PHOTOGRAPHES
Diverses réceptions










































MON PANTHÉON DE L'ALGÉRIE FRANÇAISE
DE M. Roger BRASIER
Créateur du Musée de l'Algérie Française

A SUIVRE



ACCUSATIONS
De Jacques Grieu

     
En ces temps fort troublés, les médias, unanimes,
Brandissent « l’accusation » pour justifier nos peines ;
C’est un terme facile qui peut expliquer tout,
Et qui peut qualifier tous les maux parmi nous.

Quand tout tourne aussi mal, on en cherche la raison ;
C’est forcèment la faute de mauvais trublions.
Chacun pense trouver la bonne explication
Et le vrai responsable de de la désolation.

Car accuser les autres de ses propres déboires,
Est chose si aisée qu’on finit par y croire.
C’est quand tourne le vent, qu’on accuse la girouette ;
Le couac du musicien est dû à sa trompette.

Le mauvais ouvrier accuse ses outils,
Celui qui danse mal accuse le tapis.
Celui qui est ruiné dit « ce sont les impôts » ;
On accuse souvent les miroirs d’être faux !

Pourtant, nul n’est tenu de s’accuser soi-même ;
Ne nous défendons pas avant les anathèmes !
Qui s’explique, s’excuse ; mais qui s’excuse, s’accuse !
S’accuser n’évite pas que certains autres en usent...

N’accusons pas le puits de sembler trop profond
Quand c’est juste le câble qui n’est pas assez long !
On ne s’accuse de rage que pour faire croire aux gens
Qu’on sait encore mordre et qu’on est menaçant.

Si notre quotidien nous paraît étriqué,
C’est seulement soi-même qu’il en faut accuser.
C’est souvent accuser que vouloir trop juger ;
Ceux qui perdent la foi, leur Dieu vont accuser…

Jacques Grieu                  



GRAND REMPLACEMENT
PAR MANUEL GOMEZ
16 janvier 2025
    Je vis dans un pays où ceux qui nous dirigent sont aveugles, sourds et muets       
               Déjà en 2017, le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, misait sur le lobby des Algériens de l’étranger.
               Je vis dans un pays, la France, où j’ai l’impression (mais c’est bien davantage qu’une impression) que les personnalités politiques qui nous ont dirigés, qui nous dirigent et qui nous dirigeront, sont aveugles, sourdes ou muettes, tant elles ne comprennent absolument rien à certaines situations.

               Nous avons des « propagandistes » étrangers dans notre pays, principalement des Algériens, et nous sommes étonnés, surpris.

               Nous avons un pays, l’Algérie, qui se moque de nous, nous humilie depuis plus de soixante années, nous accuse de tous les crimes, exige notre repentance, des excuses et, ce qui est bien plus grave et déshonorant : « Ils les obtiennent de ceux qui nous gouvernent. »

               Et ce qui est bien plus grave c’est qu’ils manquent cruellement de mémoire et pourtant ce n’est pas si ancien puisque ces déclarations d’un Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, date à peine de 2017 et qu’elles ont été prononcées à Paris alors qu’il présidait le « Comité Interministériel de Haut Niveau ».

               Il n’avait pas caché la volonté de l’Algérie de compter de plus en plus sur « ses » citoyens installés à l’étranger (et particulièrement en France, bien entendu) pour jouer un rôle dans la politique et le social du pays qui les accueillait.

               Il était revenu, dans un premier temps, sur l’article 51 de la Constitution qui précisait : « Que la nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions publiques », affirmant que la communauté algérienne à l’étranger recelait des gisements de compétences, de capitaux et d’autres atouts, et qu’elle devait servir de « tête de pont » et de « ne pas rester indifférente devant toute tentative de la diviser ou de porter atteinte à l’unité de l’Algérie ».

               En quelques phrases, il demandait aux Algériens installés notamment en France de s’élever contre le pays qui les accueillait si celui-ci tentait de porter atteinte à l’unité du pays qu’ils avaient abandonné !

               Il leur demandait de s’organiser et d’être « unifiés et solidaires » et qu’il jugeait souhaitable la constitution d’un « lobby » des Algériens de l’étranger et qu’il considérait comme un acquis « toutes les démarches tendant à fédérer cette communauté algérienne de nationaux, binationaux et Algériens d’origine, de s’intégrer dans le système politique, économique et social de la France ».

               Le Premier ministre avait même été un peu plus loin en leur annonçant pratiquement la fin du 51/49, pour les Algériens établis à l’étranger afin qu’ils puissent bénéficier des mêmes avantages que les investisseurs nationaux résidents en Algérie (jusqu’à présent obligation pour un « non résident » de rechercher un partenaire algérien résident et majoritaire pour réaliser un projet d’investissement).

               Ils pourraient également bénéficier d’aide à la création de micros-entreprises, s’ils souhaitaient s’installer en Algérie et cela dans différents domaines d’activités, depuis l’agriculture, les biens et services et jusqu’à l’ouverture de cabinets de médecine ou d’architectures, etc. Alors qu’ils en étaient exclus jusqu’à présent.

               Qu’ils le sachent : L’immobilier en Algérie, c’est l’avenir !

               (Cela n’a pas intéressé ces Algériens qui investissent en masse, dès qu’ils en ont les moyens financiers, dans l’achat de logements en Espagne, sur toute la région du sud d’Alicante et jusqu’à Almeria et, bien entendu, pour les plus fortunés, en France.)

               J’avais espéré, suite à ces déclarations, qu’ils seraient nombreux à se montrer intéressés et qu’ils arrêteraient de fuir leur pays par tous les moyens, même les plus périlleux, comme l’avait fait les 13 533 Algériens qui avaient alors débarqué sur les côtes du littoral sud-est de l’Espagne, entre Murcie et le cap de Gâta, depuis la fin de l’été 2017, et notamment les derniers 500 qui venaient d’être interceptés et étaient incarcérés dans la prison d’Archidonna, près de Malaga, faute de place dans les quelques centres de rétention pleins à craquer, et cela dans des conditions plus que déplorables : sans sanitaire, douche, chauffage, lits et où ils risquent même leur vie, selon certaines ONG, puisqu’ils feraient l’objet de maltraitance.

               (Ces « migrants », dont nombreux possédaient leurs papiers d’identité et même de l’argent, et qui étaient issus de la classe moyenne, étaient rejetés par le gouvernement algérien qui refusait leur rapatriement et ne leur apportait aucune aide, refusant même le droit aux familles de certains de les faire revenir légalement.)

               Il s’agissait alors de mes réflexions mais, depuis 2017 ce sont des centaines de milliers d’Algériens qui ont été « accueillis » notamment par la France et, s’ils n’ont pas suivi les conseils de ce Premier ministre, de repartir afin de profiter de tous les avantages que, soi-disant, pouvait leur accorder l’Algérie, en revanche « ils obéissent depuis, et nos dirigeants paraissent le découvrir ces derniers jours « à l’ordre de s’élever contre le pays qui les accueillait », c’est-à-dire la France, comme les arrestations de ces derniers jours viennent de nous le prouver.

               Et, puisque nos responsables paraissent l’ignorer, qu’ils sachent qu’ils sont des centaines, pour ne pas dire des milliers, « à obéir aux ordres du gouvernement algérien ».



LA VILLE

De Jacques Grieu


Souvent près d’un grand fleuve ou au bord de la mer,
La ville a une histoire avec ses inventaires.
Chacun court, à la ville ; ils courent après quoi ?
Ils ne le savent pas, c’est sans doute après soi…
Mais sans pouvoir s’atteindre, ils meurent de fatigue.
Plus grande est leur cité, plus de chimères ils briguent.
Même les oiseaux toussent en la plupart des villes,
Devenues des parkings pour les automobiles.

Pas d’horizon, en ville, et pas non plus d’issue.
C’est un enfermement et chacun l’a perçu,
Mais y va librement. Et donc n’est pas déçu.
Pourtant des vieux villages, alors, on a voulu
Garder quelques morceaux de décor familier :
Le son ancien des cloches ou quelques rues à pied,
Quelques vieux pans de bois, la fontaine au quartier,
Encor quelques marchés et certains vieux métiers...

De voisins, à la ville, on a moins qu’en campagne.
La ville est solitude où de tous on s’éloigne.
La ville nous permet de voir sans être vus,
Mais… d’être vu sans voir, souvent à notre insu.
On s’y sent inconnu, mais des gens on connaît.
Des gens qui, comme vous, se pensent très secrets.
Au village on sait bien qu’on devient très connu,
Mais on connaît très peu et l’on est beaucoup vu.

Si certains gros malins ont parfois suggéré
« De construire en campagne la moindre des cités »,
Il est beaucoup d’exemples contre la mixité
Quand la ville et les champs sont en proximité :
On voit des citadins attaquer en justice
Le coq qui crie trop tôt et les « mets au supplice »,
La vache dont l’odeur irrite leurs narines.
Tout cela ne vaut pas la bonne nicotine...

Pendant qu’à la campagne, on travaille tranquille
On s’agite, on bourdonne, on s’affaire à la ville.
On y voit nuit et jour, voitures « voiturant »,
Camions « camionnant », les scooters « scooterant ».
En incessant ballets, les vélos « véloçant »,
Les tramways « tramoyant » et les bus « bussotant ».
Et dans ce tourbillon, les piétons qui piétinent,
Essayant d’éviter le trajet des machines.

« Poule née au village est mangée à la ville :
La campagne produit et la cité mutile ».
C’est en ville, dit-on, qu’on chante la campagne,
Mais si l’inverse est vrai, il faut vivre en montagne !
Des cités avilies, la campagne nous blâme :
La ville a la figure et la campagne a l’âme.
La première on subit, l’autre nous accompagne;
« Car l’homme fit la ville et Dieu fit la campagne »…


Jacques Grieu                  



L'ANE ET LE CHAMEAU.
Gallica : Revue de l'Orient 1854-1, pages 149-152

APOLOGUE SAHARIEN

                 Il était une fois, dit-on, un homme qui ne possédait pour tout bien qu'un chameau et un âne. Les accabler de travail et les faire mourir de faim, telle était sa façon d'agir avec eux. Aussi, rien de plus malheureux que ces deux pauvres créatures, et chaque jour voyait s'augmenter le nombre de leurs tribulations.
                 Indigné d'un pareil traitement, l'âne s'en ouvrit à la, fin à son compagnon d'infortune, et, le cœur gonflé de larmes, il lui retraça le tableau déchirant de toutes les misères que leur faisait subir heur impitoyable maître.
                 Ses plaintes se renouvelèrent plusieurs jours de suite, si bien qu'ils formèrent tous deux le projet de s'enfuir et d'aller chercher ailleurs le repos et le bien-être. L'occasion ne tarda pas à s'offrir.

                 Une nuit, que leur maître dormait en paix, nos deux gaillards prirent la clef des champs, et tant marchèrent qu'à la pointe du jour ils se trouvèrent sur une terre déserte que jamais n'avait encore foulé le pied de l'homme. Là coulaient silencieuses les eaux d'une rivière dont les bords étaient ombragés par une double rangée d'arbres. Tout autour se déroulaient de riches prairies avec leur moelleux tapis de verdure. Le site ne pouvait être en vérité plus enchanteur ils y établirent leur résidence. Avec quel plaisir ils broutèrent librement l'herbe tendre et se désaltérèrent aux eaux limpides du fleuve. Leur joie n'eut bientôt plus de bornes.

                 Que pouvaient-ils souhaiter de mieux ? S'engraisser et se reposer allaient être désormais leur unique occupation.
                 Aussi en peu de temps devinrent-ils gros et gras et acquirent-ils un tel embonpoint qu'ils purent se croire les rois de leur espèce.

                 Le printemps commençait à renaître ; la campagne s'émaillait de fleurs ; mille parfums enivrants, portés sur l'aile des zéphyrs, répandaient dans les airs leurs odeurs les plus suaves. Il faisait bon alors voir nos deux compagnons paître dans ces verts pâturages, gambader le long des pelouses et chercher dans une douce oisiveté le repos nécessaire à leurs membres dodus et rebondis.
                 Mais le printemps qui ramène les fleurs, ramène aussi les amours. L'âne ne tarda pas à en ressentir les cruelles atteintes, et il s'apprêta à les célébrer hautement dans ce langage sonore que chacun lui connaît. Le chameau chercha à l'en dissuader et lui tint ce discours : « Mon ami , considère combien est heureuse l'existence que « nous menons, et quel sort affreux nous attend, si l'on vient à découvrir le lieu de notre retraite. Trop parler nuit, et le bonheur fait des jaloux. Trèves donc à tes chants.

                 L'âne se tut et resta tranquille. Plus de voix, partant glus de gaîté. Que faire ? Il revint trouver le chameau et lui dit : «Frère, chanter est un besoin pour moi. Me taire plus longtemps ce serait me condamner à mourir. Le chameau eut beau déployer toute son éloquence, faire entendre tour à tour le langage de la menace et celui de la douceur, rien ne put triompher de l'entêtement de l'âne. Alors de sa poitrine trop longtemps comprimée s'échappèrent des notes effrayantes.
                 Jour et nuit les vallons d'alentour retentirent des sons éclatants de sa braillante voix. Les échos les redirent au loin, et, dans leur course aérienne, ils rencontrèrent par malheur un groupe d'Arabes.
                 Guidés par cette voix puissante, ceux-ci se mirent aussitôt en quête et ne tardèrent pas à découvrir la retraite de nos deux héros. Ils auraient bien voulu fuir, mais il était trop tard. Traqués, pourchassés de tout côté, ils tombèrent enfin entre les mains de la troupe avide qui les conduisit auprès des tentes, où ils furent bien et dûment garrottés. Les voile donc encore une fois captifs

                 L'époque des émigrations approchait. Cet embonpoint qui leur rappelait temps plus heureux devint pour eux une source de malheurs. Leur dos parut propre à porter les plus lourds bagages. On les chargea en conséquence, puis on les poussa en avant et l'on se mit en marche.

                 Au bout de quelques pas, l'âne, pliant sous le fardeau, s'arrête. Vingt bâtons aussitôt se dressent pour le stimuler. A chaque pose qu'il fait, ce sont de nouveaux coups et de nouvelles blessures. Pourtant, le voyant harassé de fatigue, les gens ont pitié de lui et lui enlèvent successivement toute sa charge pour la mettre sur le dos du chameau. Malgré cet allégement, l'âne n'en continua pas moins à faire le rétif, et finit même par ne plus vouloir avancer. Alors les coups plurent drus et serrés sur ses cotes, mais ce fut en vain : dans sa tête il avait résolu de ne pas faire un pas de plus. Ses maîtres n'avaient pourtant point envie de le laisser en route. Fatigués de frapper, ils vous le couchèrent â terre, lui lièrent les pieds et le chargèrent sur le chameau. Alors son camarade, se tournant vers lui, lui dit d'un ton de reproche «. Ta conduite est vraiment indigne, car si nous souffrons, ce sont tes chants qui en sont cause. — Des maux qui nous accablent, n'accusons personne, lui répondit l'âne tout béatement. Les destins l'ont ainsi voulu : que leur volonté soit faite !
                 Le chameau indigné détourna la tête, et, malgré le faix dont il était surchargé, il n'en continua pas moins à marcher de pied ferme jusqu'à ce que la petite caravane eût atteint la crête d'une colline aux pieds de laquelle descendait un affreux précipice. Le rocher coupé à pic n'offrait à l'œil du voyageur que l'aspect de la mort.

                 En cet endroit le sentier plongeait sur le bord de l'abîme. « Je me sens des velléités de danser, dit le chameau s'adressant à l'âne. — Oh ! Garde-t’en bien, répondit le baudet tout tremblant au haut de sa monture.
                 — Mais, reprit le chameau d'un ton narquois, tu chantais bien naguère : pourquoi ne pourrais-je pas danser aujourd'hui ? Chacun son tour. » Et là-dessus il se met à sauter, à faire des gambades. L'âne eut beau se cramponner, à la troisième secousse il roulait au fond de l'abîme et expiait, par une mort tragique, son égoïsme et son entêtement.
Traduit de l'arabe
PAR M. CHERBONNEAU,
Professeur d'arabe à la chaire de Constantine.



ECHOS
Tirailleur Algérien N°511 du 4 novembre 1900

Source Gallica

                 Les petites modistes de la rue Bab-Azoun fournissent, actuellement, le plus beau contingent du bataillon de Cythère.
                 Il n'est pas rare d'apercevoir dans les coins obscurs d'une baignoire d'avant-scène de nos salles de spectacles les minois chiffonnés de quelques demi-dégrafées qui passent leur journée à orner un joli chapeau féminin et, le soir, à trousser leurs jupons de soie.
                 Elles vont bien les petites.

***

                 La gracieuse Emma doit posséder un secret merveilleux, car les années ne l'outragent pas le moins du monde. Aussi faut-il voir combien elle est recherchée par nos plus beaux gentlemens, qui se disputent les faveurs de la belle dégrafée.
                 Esprit, plastique, gaite, tels sont les moyens de séduction d'Emma.
                 Un nous assure qu'un beau blond, appartenant au monde de la finance, se serait tellement épris de cette enchanteresse qu'il ne reculerait même pas devant le conjungo.

***

                 On nous annonce que le curé d'une petite commune des environs d'Alger aurait choisi, comme membre du conseil de fabrique, un vieux beau qui patachonne à... langue que veux-tu.
                 La nouvelle s'étant répandue dans les milieux où l'on s'amuse, nos horizontales ont décidé de faire une excursion dominicale pour aller voir le marguillier à la place d'honneur qu'il doit occuper à l'église.
                 Ce qu'elles vont se gondoler les petites filles.
                 Raoul est bien capable de les retenir à déjeuner au presbytère.
                 Ce serait la communion des seins.

***

                 On nous affirme que sans l'intervention des témoins, toujours très conciliants, le duel Mouricaud-Moussât aurait pu avoir les conséquences les plus graves.
                 Gérard avait demandé une rencontre au élyso-pompe à jet continu jusqu'à extinction de chaleur vitale d'un des deux adversaires.
                 Moussât exigeait un combat d'un genre nouveau.
                 Les adversaires auraient été commodément installés devant une table bien dressée et devaient absorber du couscous jusqu'à ce que le bedon de l'un deux éclata.
                 Heureusement tout s'est arrangé et nous n'aurons à déplorer la perte d'aucun de nos amis.

***

                 L'ineffable Du Grouin semble se consoler de la perte de son épouse dont le deuil ne lui pèse pas trop.
                 On le voit tous les soirs papillonnant dans les bons endroits où l'on s'amuse autour des belles petites qui se paient sa hure de goret.
                 Pauvre roussin comprendras-tu qu'on se moque de toi !


CLAUDE TENNE
(Envoyé par Mme A. Bouhier)
Encore un "centurion" brisé par le Charlot !!!

          7 janvier 1996.

          "Un légionnaire, un diable, le seul évadé de l'île de Ré", Claude Tenne, se suicide d'une balle en plein en cœur.
          "J'ai pris conscience d'être un "Pieds-Noirs" par le sang versé. L'Algérie perdue, il m'a semblé que je perdais mon pays. Nous voulions sauver cette Algérie qui devenait notre patrie. Là-bas, nous nous sentions chez nous".

          Outre son parcours exceptionnel on se souviendra de sa rocambolesque évasion de prison en 1967 qui mit en émoi le pouvoir et rendit fou De Gaulle. La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère parlent de l’évasion du « Sing Sing » français. Jamais personne ne s’était évadé de l’Ile de Ré.
          Parachutiste en Algérie, Claude Tenne fut incarcéré à l'île de Ré pour sa participation au putsch d'Alger et aux opérations OAS. Durant son séjour carcéral il avait repéré que les affaires des détenus libérés étaient entreposées dans des grandes malles quittant la prison sans être fouillées. Pendant une année, il s'entraîne: judo, karaté, yoga puis, le 3 novembre 1967, il se glissa dans une cantine en retenant son souffle. Un réseau Algérie française l'aidera ensuite à passer en Suisse puis en Espagne.

          Le plan "Rex" déploya une armada de policiers sur tout le territoire. 150 000 hommes à la poursuite de l'ancien légionnaire.
          Né le 15 décembre 1936 à Paris, il s’engage en 1954 dans la Légion. Un nouvel état-civil lui est donné, il s’appellera désormais Marc Tenard né en Suisse, nationalité d’emprunt savamment choisie, parce qu’il ne sait parler que le Français et que les légionnaires doivent être tous de nationalité étrangère.
          Envoyé sur Marseille au Fort St-Nicolas, il embarquera pour Oran, puis rejoindra la Maison mère de Sidi Bel Abbes.
          Marc Tenard est affecté au centre d’instruction « le Kreider », situé aux abords de la frontière marocaine, puis sur Zeralda, où le 1er R.E.P tant espéré l’attend. C’est à la B.E.T.A.P de Blida, qu’il décochera son brevet de parachutiste.
          Premier combat pour le légionnaire Marc Tenard, pourvoyeur comme tous les premiers combattants, puis voltigeur. Marc est toujours volontaire pour nettoyer les grottes.
          Il obtient un première citation, pour avoir leurré les locataires d’une grotte, en présentant sa veste de treillis, qui instantanément fut lacérée par les mitraillettes en action.

          Ce jeune légionnaire est de ce fait reconnu, si bien que l’on fait appel à sa technique, dans les autres compagnies, quand il faut un nettoyeur de grottes.
          Sa technique est de ne pas s’embarrasser d’un F.M, juste descendre, armé d’un poignard et d’un pistolet.
          Il a 21 ans, lorsqu’il participe à la bataille d’Alger, près de la Casbah. Il prend également part à la bataille des frontières près de la Tunisie, où le REP déplore 150 tués, et 400 blessés.

          Dans les rangs de la 2e Cie commandée par le Capitaine Ysquierdo, il assiste à la chute dramatique de l’alouette du Colonel Jeanpierre.
          A la fin de la semaine des barricades, avec sa compagnie, il présente les armes lors de la reddition, avec les honneurs, de Lagaillarde et de ses hommes qui iront quelque temps former le commando Alcazar au sein du 1er REP. Ce sont ces hommes qu’il retrouve, quelques mois plus tard, dans l’OAS.

          Le REP se politise. Les officiers et sous-officiers sont écœurés de voir tomber leurs hommes pour rien puisque au plus haut de l’Etat les discours témoignent de l’abandon en préparation de l’Algérie.
          Le 21 avril 1961, c’est le Putsch. Tenne participe à l’investissement de la caserne Pelissier, puis de la caserne d’Orléans, de l’Amirauté et garde l’aérodrome militaire de Maison Carrée.
          Quand le REP quitte Zeralda en chantant le fameux « Non, je ne regrette rien », pour être dissous, Tenne déserte. En civil, avec son P.M., il rejoint Alger en voiture.

          Il retrouve le « Sergent » Bobby Dovecar, l’un des « Maréchaux de la Légion » qui a fui la Yougoslavie communiste, « français par le sang versé ». Il rejoint aussi le Lieutenant Degueldre qui fonde alors les Commandos Delta.
          C’est ainsi qu’il participe au commando qui a pour mission d’exécuter le commissaire Gavoury, chargé de la lutte anti O.A.S. à Alger. Il lui est demandé d’agir au poignard pour frapper l’imagination : le « coup de la sentinelle », qu’il a appris à la Légion.

          Quelques jours plus tard, alors qu’il se trouve en compagnie du lieutenant Degueldre et son grand ami Karl, légionnaire d’origine allemande, fiancé à une « Pieds-Noirs », leur cache à la Bouzaréah est encerclée par les gendarmes mobiles. Marc fait « Camerone » pour permettre au Lieutenant de s’enfuir. Et puis, n’ayant plus de cartouches, il fonce vers le ravin. Il reçoit une balle dans le rein, une autre dans le ventre. Ayant perdu connaissance, il est ramassé comme mort et jeté dans un camion.

          Deux mois de coma à l’hôpital Maillot. Trois opérations. Une tentative d’enlèvement par les barbouzes. Marc arrache ses drains et ses tubes. Il veut mourir par crainte de parler lors d’une séance de torture. Le 3 août 1961, il s’envole par avion vers le Val de grâce à Paris.
          En octobre, il rejoint la Santé. II retrouve son ami Karl, qu’il croyait mort à la Bouzaréah, et le Sergent Dovecar dont il partage pendant un mois la cellule. La plupart du temps Marc Tenard, qui a refusé de révéler son identité est allongé car ses blessures ne sont pas guéries.

          Son procès débute le 28 mars, deux jours après le massacre de la rue d’Isly. Dovecar, Karl et Marc sont en uniforme, décorations pendantes. Piegst, le « Pieds-Noirs », est en civil.
          Dovecar et Piegst sont condamnés à mort, Karl et Tenne sauvent leur tête.
          Il arrache ses décorations, imité dans ce geste par Karl et Dovecar, et les lance à la tête des juges militaires qui s’enfuient.
          Tenne fait partie du premier convoi pour Ré. Ils remplacent, dans les geôles puantes, les anciens prisonniers du FLN libérés.

          C’est à Pâques 1967 que Claude Tenne a l’idée pour la première fois, de s’évader dans une malle. Il avait repéré que les affaires des détenus étaient entreposées dans des grandes malles quittant la prison sans être fouillées. Pendant une année, il s'entraîne ferme : judo, karaté et surtout yoga. Le 3 novembre 1967, il se glisse dans une cantine en retenant son souffle. Un réseau Algérie française l'aidera à passer en Suisse, puis en Espagne franquiste.

          Son évasion de Ré a rendu fou De Gaulle. Le plan Rex a mobilisé 150.000 hommes : policiers, gendarmes, militaires, barbouzes. Les Parisiens ont vécu leur pire rentrée de week-end et l’acteur bien connu, Pierre Tornade se retrouva en prison pour avoir revêtu, en partant de chez lui, sa tenue de scène … de légionnaire. Comme si un évadé… !
          La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère parlent de l’évasion du « Sing Sing » français. Jamais personne ne s’était évadé de l’Ile de Ré.

          Il écrit son livre : « Mais le Diable marche avec nous » qui paraît à » La Table Ronde » en 1968. En mai 1968, gracié comme tout OAS, il revient en France.
          Il a une famille avec laquelle il n’a jamais vécu. Il redémarre à la base. Son objectif : ouvrier puis contremaître. Il fait des chantiers en France, en Belgique, puis au Moyen-Orient.
          Il achète une maison à Maurous dans le Gers. Un aspect rude du bâtiment et ses propres rêves le feront l’appeler « La Commanderie ».

          En 1983, il est condamné à douze ans de réclusion, cet épisode de sa vie est lié à des questions et problèmes d’ordre privé dans le cadre de sa famille. Il fait huit ans de prison.
          Tenne ne se reconnaît plus dans cette armée, cette Légion qui ne peut plus s’enorgueillir que du rôle de constructeur de routes ou de cible comme « soldats de la paix ». La dérive de la France l’écœure.

          Marc-Claude a choisi de partir, le 7 janvier 1996 à minuit, à Toulouse, sur une petite place qu'il appelait «mon village». Debout. Une balle dans le cœur ! Il a choisi de partir, pendant qu'il en était encore temps, rejoindre le Lieutenant Degueldre et le Sergent Dovecar. Marc a voulu les rejoindre pendant que sa forme lui permettait encore de courir derrière eux, au Paradis des héros de l'Algérie Française...
Par Régis des Landes
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RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS N°74
Docteur Pierre Cattin
HISTOIRE DES UNIVERSITES D’ALGER
                  
          En 1959, à l'occasion du cinquantenaire de l'Université d'Alger, M. Xavier Yacono, historien et ancien professeur à l'Université d'Alger puis à celle de Toulouse Mirait, avait rédigé, avec d'autres enseignants, une brochure relatant les nombreuses péripéties qui, depuis 1830, avaient jalonné la vie de cette remarquable institution qui honora la vie intellectuelle de l'Algérie Française.
          Chronologiquement, ce fut d'abord l'enseignement médical qui fut créé le premier et qui, en s'élargissant petit à petit à d'autres disciplines, constitua le moteur qui entraîna l'Algérie vers un enseignement général de haute qualité. Mais que d'obstacles se présentèrent sur cette route dont la bureaucratie métropolitaine, le plus souvent, mais aussi, parfois, algéroise ne furent pas des moindres !
          Dès le 2 janvier 1832, en raison de l'urgence qu'il y avait à former sur place des officiers de santé et des auxiliaires, ceci afin de répondre aux immenses besoins médicaux de la population musulmane, complètement abandonnée par le pouvoir turc, un enseignement médical était créé dans un local de l'ancien palais du Dey, dirigé par le médecin principal de l'Armée, M. Stéphanopoli et par M. Baudens, un des meilleurs chirurgiens français de cette époque.

          Le 6 décembre de la même année, des cours mixtes en langues arabe et française étaient inaugurés par Joanny Pharaon, ancien élève de l'Ecole des Langues Orientales, relayé plus tard par M. Bresnier, orientaliste lui aussi, qui soulignait, dans son cours inaugural de janvier 1837 : « L'intérêt de ces études conjointes, permet de mieux connaître et apprécier le caractère des peuples que nous sommes appelés à initier peu à peu aux vastes idées de notre civilisation. » (Xavier Yacono in « Itinéraires » revue mensuelle de juin 1982). Des cours semblables en français et arabe furent initiés à partie de 1848 à Constantine puis à Oran.
          En dehors de l'assimilation, il y avait aussi l'intérêt immédiat de former des interprètes attachés aux Tribunaux et aux diverses administrations L'enseignement médical déborda rapidement, quant à lui, le cadre strict de la médecine traditionnelle pour s'étendre à celui de la botanique, de l'agriculture de l'hydrographie et, bientôt, de la géologie et de l'étude des sols, en somme à tout ce qui concernait l'hygiène et les possibilités d'amélioration des conditions de vie de la population musulmane.

          En mai 1835 était institué un corps enseignant de dix membres titulaires et dégagés des crédits pour l'acquisition d'une importante documentation de près de 800 volumes. L'élévation de l'enseignement public en Algérie en Académie le 7 septembre 1848, concrétisa le résultat de tous ces efforts improvisés, au début, mais animés par des hommes à l'esprit pionnier entreprenant.
          Chose curieuse, cette promotion éducative déplut, au début, à certaines autorités locales : une crise économique comme il y en aura tant, par la suite on faisait redouter toute dépense nouvelle telle des « frais de rectorat » alors que l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire étaient encore balbutiants. N'était-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ? L'avenir devait, au contraire, montrer que cette percée administrative était salutaire pour la marche vers l'institution de l'Université. Pourtant, dans l'immédiat, les autorités françaises préférèrent opter pour la réorganisation des Medersas de Constantine, d'Alger et de Tlemcen en 1850, ceci afin d'ouvrir des écoles de droit supérieur, musulman, destinées à former des candidats aux emplois du culte musulman et de l'instruction publique.

          Le 4 août 1857 fut une date importante dans l'histoire de l'enseignement car il décida de la reconnaissance d'une Ecole Supérieure d'Enseignement Médical et le recteur Delacroix, un instant décrié à Alger, montra, dans son discours inaugural de rentrée, toute sa largesse de vue. Après avoir célébré la valeur unificatrice du lien commun de l'enseignement ouvert à toutes les populations qui commençaient à arriver d'Espagne, d'Italie et du bassin méditerranéen, se surajoutant aux populations arabes, il traça l'avenir de cet enseignement : « Bientôt l'Ecole de Médecine devra avoir comme complément un enseignement des Sciences et des Lettres. Grandissant ensemble en se prêtant mutuellement appui, ces deux établissements suivront l'accroissement de la population algérienne et sauront conquérir, avec le temps, le titre de Facultés. ».

          Quant à l'enseignement local du droit, il devenait nécessaire pour former les juristes, avocats et notaires. La société algéroise se modernisait tandis que l'agglomération atteignait 70.000 habitants, chiffre fortement structuré dans le pays, avec deux lycées à Alger et Constantine, dix collèges communaux et quatre institutions libres totalisant vers 1878, plus de 3142 élèves (Xavier Yacono o.c.).
          Mais on ne pouvait obtenir son baccalauréat que devant un jury métropolitain qui se déplaçait, annuellement, et ensuite, pour poursuivre des études, il fallait séjourner en métropole. Il était donc nécessaire de couronner l'excellent enseignement secondaire existant désormais en Algérie par un enseignement supérieur autonome, délivrant des diplômes nationaux.
          Alors commença une longue lutte entre les partisans de cette promotion ultime de l'enseignement algérien et la bureaucratie parisienne, jalouse de son autorité jacobine et centralisatrice, méfiante et hostile (déjà !) envers tout ce qui se réclamait de la France en Algérie... Finalement, un homme doté d'une forte personnalité, scientifique de renom et ministre de l'Education Nationale, Paul Bert, fit voter la loi du 20 décembre 1879 créant quatre écoles d'Enseignement Supérieur à Alger.

          Une école de Droit, surtout le droit commercial et administratif et les coutumes indigènes.
          Une école de Sciences mathématiques, physique et chimie, Sciences naturelles, orientée vers l'étude du développement des techniques agricoles en Algérie.
          Une école de Lettres avec un département important pour l'étude des langues et dialectes arabes, la géographie et l'archéologie du bassin méditerranéen.
          Mais l'école de Médecine, créée déjà en 1857, devra attendre l'année 1893 avant de devenir école de plein exercice : les deux dernières années d'études et la délivrance du diplôme vont exiger, jusqu'à cette date, le départ des étudiants vers Montpellier. (Toujours le centralisme !).

          Ici, un fait particulier mérite d'être souligné : le haut niveau de connaissances, en particulier médical et scientifique ira toujours de pair avec un souci de particularisme extrêmement fécond. Ainsi, en dehors de la filière de l'Enseignement, les professeurs seront recrutés parmi la magistrature et le Barreau pour le Droit, les professeurs de lycée pour les langues et la littérature, des officiers issus des Grandes Ecoles Militaires et des ingénieurs des Mines et des Ponts et Chaussées pour les mathématiques, ainsi que des personnalités du monde économique ouvrant ainsi l'enseignement à la société civile et au monde actif.

          Le Sénateur de Rozère va souligner cet aspect novateur exemplaire : « Un jour viendra, peut-être, où nous sentirons le besoin de modifier l'enseignement de nos vieilles Facultés et de substituer, à l'exemple d'Alger, une variété féconde à l'uniformité traditionnelle qu'elles ont eu jusqu'ici. ».
          A partir de 1880, l'Algérie entre dans une nouvelle phase d'expansion économique. Le plan Freyeinet avait stimulé la construction des chemins de fer, le port d'Alger se développait avec l'aide de la Chambre de Commerce et les crédits de la Banque d'Algérie permettaient de développer la production céréalière et bientôt, l'envol de la production vinicole. La ville d'Alger atteignait 120.000 habitants, devenant une grande métropole se développant vers Mustapha supérieur.

          L'école de Médecine poursuivait aussi son ascension. Elle allait compter 179 élèves en 1880 et la renommée des professeurs comme Trollier, Curtillet, Vincent, Battandier, dépassait largement le cadre local. II en était de même pour les journaux et publications tels que l'Algérie Médicale, le Bulletin Médical de l'Algérie, la Gazette Médicale de l'Algérie.
          L'école des Sciences avait débuté sous l'autorité d'un scientifique notoire, Auguste Pomel qui, devenu sénateur, obtint des crédits pour développer son enseignement pratique, extrêmement fécond, sur l'étude des sols et des engrais, la lutte contre l'érosion des terres arables, fléau ancien du Maghreb. Une équipe de géologues remarquables mit au point une « carte géologique de l'Algérie » qui fut une innovation et un point de départ pour les études ultérieures sur les gisements d'hydrocarbures. C'est grâce à son enseignement théorique et pratique que l'école des Sciences contribua à transformer la fertilité des sols autrefois stériles et misérables sous la domination turque.

          L'école de Droit, qui avait obtenu la première le privilège de conférer le diplôme de licence, sans négliger l'étude du droit théorique, se consacrait au droit coutumier, au droit coranique et aux lois musulmanes. Deux juristes célèbres, Adolphe Lefébure et Robert Estoublon publièrent une série de travaux dans le Bulletin judiciaire de l'Algérie et le remarquable Code de l'Algérie annoté ainsi que la Revue algérienne de législation et de jurisprudence.

          Quant à l'école de Lettres : « Quelle diversité avec des cours de littérature latine et grecque, du syriaque, de l'arabe, de l'Histoire en général, de l'Histoire de l'Afrique... » constatait son directeur, M. Masqueray dans son discours d'entrée du 14 décembre 1881. Deux élèves, entre autres, de cette école, devinrent illustres : S. Gsell, historien des années 20 et surtout P.E. Gauthier qui dans les années 30 publia une série de travaux inédits sur « l'Histoire de l'Afrique Noire et de l'Afrique Blanche » et « Le passé de l'Afrique du Nord », ouvrages qui ont eu le mérite de faire connaître les oeuvres du grand historien et géographe arabe du XIVe siècle, Ibn Khaldoun. On consulte encore aujourd'hui les livres de P.E. Gautier et la fureur iconoclaste anticolonialiste n'a pu les faire oublier.
          Au début du siècle, le brillant bilan de ces quatre écoles apparaissait extrêmement positif et semblait justifier l'obtention du grade d'Université. Le barrage administratif veillait à toute innovation tandis qu'une partie de l'Assemblée des Délégations Financières manifestait des réticences, car cette Assemblée, créée en 1898, avait obtenu, depuis 1900 le contrôle du budget.
          Sous l'influence du recteur Jeanmaire et du Gouverneur Général Jonnart, cette demande de promotion universitaire trouva, enfin, un écho propice dans les milieux politiques.

          Après les conclusions favorables de deux commissions d'enquête en 1906 puis en 1908, le Parlement votait enfin la loi du 30 décembre 1909 conférant au groupe des quatre écoles d'Alger le grade d'université et cette loi portait la signature prestigieuse de Georges Clemenceau. Tout en maintenant son haut niveau scientifique, l'Université d'Alger gardait son particularisme africain en une heureuse synthèse méditerranéenne. Dans les 50 ans suivants, cette Université se dota de moyens matériels considérables, engendrant une quinzaine d'Instituts de Recherche.
          Des professeurs seront détachés à la tête des grands musées d'Afrique du Nord, d'autres vont donner leur enseignement dans les écoles d'ingénieurs, dans des instituts d'études juridiques à Oran et Constantine. Un très large échange va se faire avec les membres de l'enseignement supérieur de métropole, le poste d'Alger devenant une promotion enviée, surtout dans les disciplines scientifiques et médicales. La Faculté de Médecine d'Alger couplée dans ses recherches avec l'Institut Pasteur d'Alger, va devenir la plus grande référence du monde pour l'étude des maladies tropicales.

          Géographiquement, l'Université, dont les bâtiments construits entre 1884 et 1887, au lieu dit « le camp d'Isly » qui se trouvait encore dans la commune de Mustapha, était située au cœur de la ville d'Alger devenue une agglomération dépassant 400.000 habitants, au début de la rue Michelet avec un effectif de près de 5.000 élèves inscrits.
          Alger voyait naître son Quartier Latin, aussi studieux que dynamique parfaitement intégré au rythme de vie de la grande cité. Lors de la tragédie des Barricades, les Facultés d'Alger et les étudiants devaient jouer un rôle, se trouvant en première ligne du combat.
          Bien peu de temps auparavant, en 1959, lors de la cérémonie du cinquantenaire de son Université, Alger avait vu des ministres gaullistes venir célébrer, au côté de Paul Delouvrier, ministre résidant, et en présence de tous le corps enseignant, « les grands mérites de l'Université d'Alger, fleuron de l'Algérie Française ». Moins de trois ans plus tard, ordre était donné par ces mêmes ministres de jeter sur ce prestigieux passé le sable de l'oubli. UN POSTE AVANCE DE LA PENSEE, DE L'INTELLIGENCE ET DE LA CULTURE FRANÇAISE S'ETEIGNAIT EN AFRIQUE. Pour établir « sa dictature de misère et de sang » la révolution algérienne n'avait pas besoin de savants.

          Pourtant, en un demi-siècle, la Recherche et l'Enseignement avaient honoré la renommée intellectuelle et scientifique de la France en Algérie de trois prix Nobel : Alphonse Laveran, prix Nobel de Physiologie en 1907 - Charles Nicolle, prix Nobel de Médecine en 1927 - Albert Camus, prix Nobel de Littérature en 1957. Et le récent prix Nobel de Physique fut attribué à Claude Cohen-Tannoudji, un ancien élève du Lycée Bugeaud, le grand lycée de garçons d'Alger.
          Par le travail acharné de ses ancêtres pour la mise en valeur d'une terre aride et abandonnée, par le courage et l'héroïsme de ses fils au service de la France durant deux terribles guerres, par le renom intellectuel et scientifique de son Université, les fils des pionniers venus de France et d'Europe auraient mérité un autre sort que celui de leur écrasement et celui de la désintégration d'une oeuvre magnifique, accomplie pour la gloire et le renom d'une ingrate patrie qui n'hésita pas, le 18 mars 1962 à Evian, à gommer tant d'efforts et de sacrifices d'un seul trait de plume trempée dans leur sang !

Docteur Pierre Cattin
    


RAPPEL D'HISTOIRE
VERITAS N° 78
Par André ROSSFELDER
ROBERT LAFFITTE
Français d’Algérie et initiateur des découvertes pétrolières sahariennes
      
           Quand, en 1932, Robert Laffitte, sa licence passée en Sorbonne, doit choisir son terrain de thèse doctorale, c'est naturellement qu'il regarde vers l'Algérie, un territoire encore peu étudié et cinq fois plus vaste que l'Hexagone, et qu'il accepte l'un des sujets les plus difficiles : le massif de l'Aurès, rugueux, sauvage, mal connu, et de la taille de la Corse.
           Vite séduit par le pays où son ancêtre maternel, Justin Canton, avait été militaire à la conquête et, bien plus tard, maire de Bougie, il cherchera à le connaître en tous sens, de l'Est à l'Ouest et de la Méditerranée au Hoggar et il le portera, en lui, pour le reste de sa vie, dans une époque heureuse comme dans la blessure du souvenir.
           « Curiosité, une certaine impatience, difficulté à me plier à la discipline, le goût de « voir »... Quand il m'a fallu choisir une carrière, j'ai choisi les sciences naturelles et, après une hésitation qui dura peu, la géologie plutôt que la biologie. J'espérais que le métier de géologue me permettrait mieux de voyager, de voir non seulement les pays mais aussi les gens. » m'écrivait-il un jour. Un sens de la liberté et un « goût de voir » qui devaient être dans ses gênes.

           Son grand-père, Baptiste « Paul » Laffitte, jeune anti-bonapartiste de Haute Corbière, avait échappé de justesse aux recherches de la police de Napoléon III pour partir à l'aventure vers la Louisiane, devenant plus tard un industriel respecté de Philadelphie et même, pour un moment, Consul de France de cette ville. En fait, la famille souriait à l'idée d'avoir quelque lien de parenté lointaine avec le célèbre corsaire du même nom.
           Mais, pour Robert Laffitte, il y avait bien plus dans son « goût de voir » que la simple curiosité du voyageur : le désir de comprendre et d'aller au fond des choses, les pays, par leur sous-sol comme par leur histoire et leur préhistoire, les gens par leur langage comme par leur culture : « Arrivé à Alger, le temps de me présenter au chef du Service géologique de l'Algérie, je suis reparti dans la semaine sur Batna et l'Aurès. J'ai ainsi découvert ce pays, non pas comme un homme du XXe siècle, mais comme un de ces pionniers qui rencontraient encore des autochtones qui ne connaissaient pas les Français et se montraient tels qu'ils étaient, alors que plus tard, ayant appris à connaître ceux devant qui il leur fallait s'incliner, ils ne livraient que ce qu'on attendait d'eux. J'ai donc eu une grande chance de me trouver parmi ces gens, en ces années 30 à 40. Je pouvais, dès 1932, parler avec eux, dans leur langue. »

           Quand vint le temps de son service militaire, c'est encore naturellement que Robert Laffitte regarde vers le large et choisit la Marine. Rappelé en 1939, il vivra de près ou de loin les grandes tragédies qu'elle connaîtra à cette époque : le drame de Mers El Kébir - dont il suivra les secrets, heure par heure, comme officier du chiffre à Casablanca -, les combats fratricides de Dakar, ceux du 8 novembre 1942 et le sabordage de la Flotte de Toulon.
           Esprit objectif et inquisiteur qui aime aborder l'Histoire par le caractère et les motivations de ses principaux acteurs, peu d'entre eux échapperont à son regard critique, mais il gardera ses jugements pour lui quand il parlera de ces affaires en public avec l'objectivité d'un historien. Pourquoi cette réserve ? « J'ai été un marin ». Cette fidélité à l'égard des siens qu'on nomme « loyauté» allait, chez lui, de concert avec l'indépendance du jugement. Nous retrouverons l'une et l'autre tout au long de sa carrière.

           Démobilisé, Robert Laffitte reprend ses fonctions de géologue et se voit confier une nouvelle mission : le Gouverneur Général de l'Algérie, l'Amiral Abrial, souhaite qu'on dresse un inventaire des ressources pétrolières du territoire. A cette époque, ces ressources se résument à un petit champ productif assorti d'une distillerie rudimentaire à Tliouanet, dans le Cheliff, à un suintement de naphte près de Sidi Aïssa dont le produit est directement utilisé par quelques camions diesel et à une multitude d'indices mineurs qui ont déjà entraîné une longue histoire d'espoirs exagérés, de trous secs et de sociétés qui viennent puis s'en vont, naissent et meurent, une histoire centrée pour l'essentiel autour du Bassin du Cheliff.

           En confiant le soin du rapport à Robert Laffitte, le directeur du Service des Mines et de la Carte géologique, Gaston Bétier, lui recommande de ne pas être trop clair dans son langage technique, ni trop optimiste dans ses conclusions, autrement dit : le dossier ne manquera pas de finir entre les mains de l'Occupant. L'avis est facile à suivre, le rapport peut honnêtement conclure qu'il n'y a rien d'important à signaler sauf à étendre les recherches et il sera encore dans les tiroirs du Gouverneur quand les Alliés débarquent en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942. La Marine rappelle alors l'enseigne de vaisseau Laffitte.

           Cette étude d'inventaire, l'attraction des espaces, son attachement pour l'Algérie et une nouvelle affectation totalement inattendue vont se combiner pour faire de lui à terme, sinon le découvreur des grandes richesses du Sahara - un titre qu'il entendra partager avec toute une équipe de géologues, géophysiciens, foreurs et dirigeants - du moins le véritable promoteur de leur exploration pour avoir été l'initiateur de cette équipe. Il va en trouver la clé au Moyen Orient.
           En, effet, après deux ans de service actif, l'Amirauté le détache auprès du Ministère des Affaires Etrangères qui le fait nommer, au printemps 1944, professeur de géologie à l'Université Farouk 1er à Alexandrie. Sa mission accessoire est de prendre le pouls de l'opinion musulmane dans cette région du monde et, en particulier, celui de la jeunesse. Il s'en trouve une autre. Les possibilités pétrolières du Moyen Orient, depuis la Mésopotamie et l'Iran jusqu'à la Libye, en passant par l'Arabie, sont en train de connaître un renouveau d'activité.

           De son poste et de ses périples alentour au contact des géologues anglais et américains qui ont repris - ou n'ont jamais quitté - leurs recherches, il découvre la nouvelle pensée de l'exploitation pétrolière : il faut voir au-delà des anticlinaux de piémonts, regarder vers les grands espaces plus tranquilles, se méfier des indices trop évidents qui peuvent aussi bien signaler le voisinage d'un gisement que son épuisement, penser à la séquence alors nouvelle, et aujourd'hui banale « roche-mère, roche-magasin et roche-couverture » et recourir à des méthodes sismiques pour découvrir des structures favorables là où la géologie reste muette. Les grandes découvertes de la plate-forme arabique et du Golfe ne font que commencer. Celles du Sahara vont lentement prendre forme avec son retour à l'Université d'Alger, la guerre finie.

           Robert Laffitte va s'employer à convaincre le Service des Mines et le dirigeant de la section de recherches minières, Armand Colot, de réorienter son équipe vers les pétroles. II fait signe à son ami géologue Michel Tenaille et à l'ingénieur de sonde Fernand Leca de les rejoindre depuis le Maroc où les premières découvertes pétrolières de la société qui les emploie semblent minces et sans lendemain.
           Ainsi va naître la SN REPAL (Société Nationale de Recherches et d'Exploitation du Pétrole en Algérie) dont Robert Laffitte sera le géologue conseil et l'administrateur, tout en occupant la chaire de Géologie Appliquée à l'Université d'Alger. Comme il est bon d'avoir un inspecteur des finances à la présidence d'une société d'Etat, le directeur des finances en Algérie, Roger Goetze, accepte le poste. Deux sondeuses italiennes de moyenne capacité sont récupérées en Libye comme dommage de guerre et mises en oeuvre dans le Cheliff. Le Sahara est encore bien trop loin, trop cher et trop peu connu.

           A cette époque de l'après guerre, les équipements de forage et de géophysique manquent autant que les moyens logistiques et financiers et quand ils commenceront à être réunis, il y aura un autre obstacle à franchir : le grand maître de la politique énergétique française, Pierre Guillaumat pour qui la géologie est une science divinatoire, a décidé qu'il n'y aurait pas d'aventure saharienne tant qu'il n'y aurait pas de découverte sérieuse dans le nord de l'Algérie. D'ailleurs, il a invité la puissante Standard Oil à venir travailler dans les territoires du Sud et, après études, elle s'est excusée, prouvant, pour lui, que les pétroles du Sahara étaient une utopie !

           Laffitte va pourtant poursuivre sa quête. L'opposition de Guillaumat fléchit quand la SN REPAL trouve un partenaire en la CFP (Compagnie Française des Pétroles qui deviendra plus tard TOTAL) que sa part dans les pétroles d'Irak destine à la fortune. En fin 1948, après une grande tournée saharienne avec Tenaille, Bruderer, chef géologue de la CFP et Menchikoff le saharien, le schéma est mis en place : formations favorables à la genèse et à la collecte du pétrole dans le Paléozoïque, couvertures épaisses d'argiles et de sel dans le Trias. Quant à la reconnaissance des structures sous les sables et graviers du désert, si la réflexion sismique s'avère décevante, la sismique réfraction que recommande le patron de la Compagnie Générale de Géophysique, Léon Migaux, se révèle efficace.

           Un autre opposant s'est dressé au passage. Un ami pourtant : le géologue méhariste Conrad Kilian, personnage haut en couleurs qui signe « L'Explorateur Souverain », ses mémorandums contre ce projet saharien. Un peu de jalousie professionnelle car dans la cinquantaine de ses notes méritantes sur la géologie du Sahara, le mot « pétrole » n'apparaît jamais, mais il lance une grande idée concurrente : il veut que la France cesse de porter son intérêt vers le désert algérien aux possibilités douteuses - « une diversion » disait-il - et annexe le Fezzan, sa « Phezzanie » qu'il dote généreusement d'un potentiel pétrolier « plus grand que l'Iran et l'Irak réunis » et, précise-t-il - « qui existe bien quoiqu'il reste toujours à découvrir ». Sa campagne fait long feu mais il faut l'évoquer car, inexplicablement, il est parfois cité, aujourd'hui encore, comme « l'inventeur des pétroles sahariens» aux dépens de l'équipe qui mérite ce titre.

           La passion que Robert Laffitte a développée pour l'Algérie ne se limitera pas à étendre ses travaux et pérégrinations à l'ensemble de son territoire. Il a voulu aussi connaître et comprendre en profondeur les peuples et leur Histoire. Si son « goût de voir » et sa profession l'amènent au cours de sa carrière à visiter le monde - de l'Islande et du Spitzberg à la Grèce, du Maroc à l'Egypte et au Liban, de la Mauritanie et de la Sierra Léone à la Turquie et aux Indes, de l'Australie aux U.S.A., au Canada, au Mexique, aux Antilles, l'Algérie reste la terre où il a pris racine, s'est marié et a vu naître ses enfants.

           Hassi R'mel, Edjeleh, Hassi Messaoud. Nous sommes maintenant en 1960. Le terrorisme s'est essoufflé. L'avenir brille. N'a-t-on pas souvent comparé l'Algérie à la Californie pour sa taille, sa nature, ses ressources ? De Gaulle en décide autrement.
           Dans les misères de l'Abandon si atroces et impardonnables pour avoir été si clairement évitables, Robert Laffitte a partagé la peine des Pieds Noirs, déchirement de la terre qu'il avait fait sienne, sentiment d'une injustice nationale, perte des travaux de toute une vie, auxquels s'est ajoutée pour lui l'amertume de connaître trop bien à la fois la chance perdue et le gâchis assuré.

           Mieux que quiconque, il avait avancé et vécu l'essor de l'exploitation pétrolière en Algérie, évalué son potentiel, étudié l'histoire de la fondation française et l'anarchie des siècles qui l'avait séparée de la paix romaine. Il pouvait, lucidement, évaluer l'immense folie d'abandonner ces richesses aux plus incapables de tous les candidats au pouvoir et savoir ce qu'ils en feraient dans leur Etat né par la terreur, formé au butin plutôt qu'à l'entreprise et décidé à s'enfermer dans une religion dont l'esprit totalitaire et fataliste l'inquiétait.
           L'Algérie dite « nouvelle » qui doit à la France son nom, ses frontières, ce qui lui reste de champs fertiles, de routes et de barrages, le Sahara qui ne lui avait jamais appartenu et le robinet pétrolier d'où coulent quatre-vingt-dix pour cent de ses exportations, a voulu abolir la mémoire de ces pionniers, effaçant ainsi celle de Robert Laffitte, initiateur des découvertes sahariennes, grand géologue de l'Algérie et dernier doyen de la Faculté des Sciences d'Alger.

           C'est là toute la triste histoire de ce pays qui honore les noms de ceux qui l'ont conduit à la déchéance en reniant ceux dont l'œuvre *, jusqu'à ce jour, l'aide à survivre.
           Et c'est aussi l'infortune de ce peuple, invité depuis quarante ans à chercher ailleurs qu'en lui-même les raisons de sa malédiction. La mémoire de Robert Laffitte est pourtant loin de disparaître ailleurs. Elle reste bien vivante parmi tous ceux qui l'ont connu, dont ceux qui, comme moi, ont eu le privilège de l'avoir pour maître et pour ami.

André ROSSFELDER
    


LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


               Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il a continué jusqu'à son dernier souffle. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous, j'ai fait des mises à jour et ajouté d'autres communes, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir. Jean Claude est décédé, et comme promis je continu son oeuvre à mon rythme.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Guelma, Philippeville, etc. a été fait pour d'autres communes de la région de Bône et de Constantine.

POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et du Constantinois
    
CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net
Autres Communes

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

 
De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.

    PDF 191                                                  PDF 191A

    PDF 192                                              PDF 193

    PDF 194                                              PDF 195

    PDF 195A                                                  PDF 196

    PDF 196A                                                  PDF 197

    PDF 197A
Pierre Jarrige

Site Web:http://www.aviation-algerie.com/

Mon adresse : jarrige31@orange.fr

Test d'embauche !
Envoyé par Annie

     3 candidats corses passent un test d'embauche

     Le premier candidat s'assied et on lui demande de compter jusqu'à 10.
     - Oui, bien sûr : 10.9.8.7.6.5.4.3.2.1.
     C'est bien, et dans l'autre sens, maintenant ?
     - Non, j'ai travaillé à la NASA et j'ai toujours compté ainsi !
     Désolé, mais vous ne convenez pas !!!

     Candidat suivant
     Le deuxième candidat :
     - Oui, bien sûr : 1.3.5.7.9.10.8.6.4.2.
     C'est bien, et dans le bon ordre, maintenant :
     - Non, j'ai travaillé comme postier à Ajaccio et j'ai toujours compté ainsi en passant de boîte en boîte...
     Désolé, mais vous ne convenez pas

     Candidat suivant
     Le troisième candidat :
     - Oui, bien sûr : 1.2.3.4.5.6.7.8.9.10
     C'est parfait !... Où avez-vous travaillé auparavant ?
     - À la mairie de Serra Di Ferro, aux services techniques
     À la mairie ? Je n'en reviens pas ! Mais, dites-moi, bien que ce ne soit pas nécessaire, pouvez-vous continuer après 10 ?
     - Mais évidemment : Valet, Dame et Roi



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Notre liberté de penser, de diffuser et d'informer est grandement menacée, et c'est pourquoi je suis obligé de suivre l'exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d'information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d'expression, tel qu'il est reconnu par la Résolution 59 de l'Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d'expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».
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