SOUVIENS-TOI ET N'OUBLIE PAS
MAURICE VILLARD

35 ans déjà, toute la communauté Européenne ainsi que les Musulmans fidèles à la France quittaient à jamais leur terre natale après 8 années de souffrances et de drames.

Ce fut un exode traumatisant, le désespoir, l'incertitude du lendemain, les familles déchirées, dispersées.

Pour le plus grand nombre, le débarquement eut lieu à Marseille.

Faut-il se rappeler que chaque jour, les navires surchargés déversaient des milliers de personnes, femmes, enfants, vieillards. Citons le "Kairouan" dont la capacité était de 1200 passagers et qui faisait des rotations avec plus de 2600 personnes. Voyages épouvantables dans les cales, les plus chanceux sur les ponts, jetés au sol, après avoir attendu, sur les quais des jours et des nuits, leur embarquement. Dans les aéroports même scénario, citons Maison-Blanche où la file d'attente s'échelonnait sur plus d'un kilomètre, les familles campant dans les fossés. Partout, dans toutes les villes côtières: Alger, Oran, Philippeville ou Bône, les familles s'entassaient, espérant un hypothétique embarquement.

Le gouvernement français avait volontairement réduit les rotations hebdomadaires des navires les ramenant de 16 à 3. Devant ce déferlement, on expliquait: "Ce ne sont que des vacanciers".

En débarquant, les longues files étaient contrôlées par des compagnies de CRS et les inspecteurs de R.G.

Aucune organisation, pas d'accueil, aucun renseignement, pour le mieux l'indifférence. La cite phocéenne n'en finissait pas de montrer son hostilité. En lettre géantes à la peinture on pouvait lire: "Pieds-Noirs retournez chez vous". Dans les rues sur les trottoirs les mots d'accueil étaient: "Colonialistes, Racistes, Bandits". Déferre, le maire, en rajoutait, n'hésitant pas à déclarer: "Que les Pieds-Noirs aillent se réadapter ailleurs"'. Les Harkis, soldats de la France, furent hués, insultés sur les quais par les communistes et les algériens du FLN.

Rien ne fut prévu pour l'hébergement, les familles s'entassaient dans des chambres sordides, des appartements répugnants et en ruines, d'autres passaient les nuits dans des halls d'hôtel ou même sur le trottoir, traînant pour la plupart, deux valises et quelques baluchons qui étaient toute leur fortune. Beaucoup avant de partir, ne pouvant les emporter, détruisirent, en les embrasant, les souvenirs, les reliques de plusieurs générations. A perte de vue, le long des bassins de la Joliette s'entassaient pêle-mêle, beaucoup éventrés volontairement au déchargement, les containers de ceux qui avaient pu sauver du désastre quelques affaires et meubles.

Les Marseillais avaient oubliés qu'ils avaient acclamé, choyé ces mêmes hommes, particulièrement ceux de la 3 ème D.I.A. qui avaient délivré la ville de Marseille du joug nazi.

35 Ans après.

A l'initiative du comité: "35 ans déjà", présidé par le docteur Pélissier, des milliers de Pieds-Noirs se retrouvent à Marseille.

Jean-Marc LOPEZ a eu le grand mérite d'oser et de réussir ce grand rassemblement. Le succès est pour lui la meilleure des récompenses, nous pouvons le remercier et le féliciter.

Marseille, le parc Chanot était en cette occasion notre Algérie, toutes nos villes et villages, nos cimetières et nos monuments, c'était notre mémoire. Non, nous n'avons rien oublié.

Présents, les défenseurs de notre Algérie, le Colonel Antoine Argoud, le Colonel Château-Jobert, le Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, le Docteur Jean-Claude Perez, les filles du Colonel Bastien Thiry, le fils du Lieutenant Degueldre.

Toutes les grandes associations, les amicales, les Harkis étaient présents. Les stands parfaitement agencés, décorés de superbes photos rappelant les réalisations qui avaient fait de ce territoire désertique, une superbe province française. Les artistes présentent leurs ouvrages, leurs plus belles toiles, tout est axé sur le souvenir de notre pays perdu.

Les très nombreuses familles de province de Constantine, se retrouvent sur le stand de l'A.C.E.P.-Ensemble, on recherche une photo: "Ah! voilà mon quartier, tiens mon équipe de foot".

On déguste les pâtisseries orientales et le thé à la menthe, c'est une autre façon de vivre que nous souhaitons transmettre.

Tous se connaissent, se reconnaissent: "Te souviens-tu du temps heureux de notre Algérie?" L'accent de chez nous résonne sous ces hangars du parc. Des milliers de famille venant de toute la France, certaines de l'étranger cultivant le culte du souvenir, montrant la vitalité et la confiance en l'avenir de notre peuple Pied-Noir.

(Revue Ensemble N° 209, pages 6-7, Octobre 1997)


Page Précédente RETOUR Page Suivante