N° 46
Décembre

http://piednoir.net

Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Décembre 2005
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Les dix derniers Numéros :
EDITO

HCR 2…….. Et TRAITE……
Halte à la Solution Finale…….

    Chers Amis

    Par décret du 23 octobre 2005, Un Haut Conseil des Rapatriés, version N°2, a été désigné par le gouvernement encore pour deux ans, avec les mêmes attributions que le HCR 1. Ses membres étant nommés par le 1er Ministre, sans choix et concertation avec les Associations représentatives, ce haut conseil n'ayant même pas le pouvoir d'élire son Président et ses vices Présidents, ceux-ci étant aussi nommés par Matignon !.

    Dans toute son iniquité, cette façon de faire bafoue toutes les règles de la démocratie.
    On se moque encore une fois de nous !

    Nous avons fait connaître notre position sur le sujet et fait des propositions dans le sens d'un conseil élu par ses pairs, en refusant d'être mis devant le fait accompli et en mettant nos compatriotes qui se prêteraient à ce jeu devant leurs responsabilités.

    Nous n'avons rien contre les hommes, tout à fait honorables, dans la mesure où leurs objectifs sont les intérêts moraux et matériels de leurs compatriotes.

    Nous n'accepterions pas qu'ils soient simplement une caisse de résonance de décisions gouvernementales engageant toute une communauté dont ils ne seraient pas les élus.

    Ce HCR 2, devait être installé officiellement le 30 novembre à 16 H 30 par M. Mékachéra. A l'heure où j'écris ces lignes, nous ne savons pas si cela s'est réalisé ou pas. Silence radio des membres du HCR et des sites gouvernementaux.

    Cela pourrait faire sourire, mais l'heure est grave car M. Mékachéra qui devait procéder officiellement à cette installation, devait parler du prochain Traité D'Amitié que M. Chirac signera avec son Ami Bouteflika. Ce Traité où les Français d'Algérie feront une fois de plus les frais, nous n'en voulons pas, tant que nous ne savons pas ce qui se cache derrière tout cela et sans notre participation. NON à un EVIAN BIS.

    La non reconnaissance de ce traité n'est pas dirigée contre le peuple algérien qui lui aussi a souffert de cette guerre civile, mais contre les manigances de deux présidents aussi égaux dans les sens du terme.

    Cette installation du HCR doit servir de prétexte à M. Chirac pour obtenir l'approbation de ce Traité et il pourra se prévaloir d'un accord des Français d'Algérie. D'ailleurs Mme Guedj l'a déjà annoncé à Alger. NON ce HCR n'est pas notre représentation, nous ne le reconnaissons pas en tant que tel.

    C'est la raison pour laquelle, en accord avec des associations représentatives, j'ai adressé aux membres du HCR2, une lettre leur demandant leur démission le jour de leur installation, afin de lancer un message fort à M. Chirac qu'une UNION des Français d'Algérie est possible pour dire çà suffit, trop c'est trop ; Nous voulons être représentés par nos défenseurs ; Non à l'inutilité qui servira la repentance unilatérale.

    Ce HCR2, qui ressemble au HCR1 dont certains pouvaient écrire et dire dans les réunions que " c'était le Haut Conseil des Renégats qui avait accepté de siéger et de nous représenter en sachant qu'aucun pouvoir, ne fut-ce que de protestation, ne leur serait donné ni au présent, ni à l'avenir. En acceptant de jouer ainsi les potiches, ils cautionnent, par leur seule présence, le gouvernement dans ses faits les plus immondes ". On ne peut qu'approuver à cette simple analyse.

    J'ai reçu beaucoup de messages sur ce sujet, j'ai lu et pour cet édito j'en reprends des pans entiers. J'aurai voulu les faire lire à tout le monde, mais le temps et la place me manquent. J'aurai pu, ainsi, montrer que je ne suis pas seul à penser de la même manière.
    Oui nous sommes toujours un certain nombre à prêcher dans le désert.
    Par la faute à des présidents d'associations qui ne veulent pas prendre les vrais problèmes par le bon bout ou alors parce qu'ils défendent leurs avantages personnels.

    Dans les messages reçus, j'ai vu des demandes d'actions revendicatives plus musclées. C'est vrai, ce serai une des solutions dans ces temps agités, mais malheureusement la communauté est vieillissante, amadouée parce qu'elle a trouvé un certain " confort " dans son malheur. Elle ne connaît plus la mobilisation.
    Nous ne sommes pas des agriculteurs, des anti-OGM, des syndicalistes pour faire aboutir nos revendications par de la casse à l'instar de certaines racailles de villes et de champs que nous avons vu ces derniers jours.
    Nous avons bien vu à Marignane pour l'inauguration de la stèle. Un escadron de CRS et la police municipale qui n'a pas hésité à maltraiter des vieux, et cela a suffit. Donc je doute d'un succès avec des actions " musclées ".

    C'est peut-être dérisoire, mais je crois plus à l'action d'Internet avec nos sites qui sont énormément visités et même fouillés minutieusement. Je crois aussi au matraquage par courrier des parlementaires surtout à l'approche d'élections.

    C'est sur qu'une UNION des P.N. serait ce qu'il y a de meilleur, mais franchement tant qu'une génération qui tient les rênes de notre communauté n'aura pas disparue, cette bande de présidents qui n'en n'ont rien à foutre des véritables problèmes de nos communautés, je ne vois pas l'ombre d'une UNION poindre à l'aube de 2006, surtout que le soleil est caché par le sable du Simoun de la honte soulevé par ces présidents. Ils sont mêmes prêts à aider Chirac à nous l'enfoncer comme son père spirituel, Charlot.
    Comme les arméniens, les juifs ou les Espagnols, ce seront nos petits-enfants et arrières petits-enfants qui pourront faire éclater nos vérités.

    Seule, pour nous sauver, une UNION forte, déterminée, sincère, sans arrières pensées personnelles et si manifestement courageuse que les adversaires finiront un jour soit par s'y rallier, soit par plier devant elle. Aidons-nous de la voie de la sagesse et de l'intelligence, sinon nous allons tourner en rond, continuer de nous battre contre des moulins à vent et à subir davantage cette conjoncture mafieuse qui nous dépasse.

    Quelqu'un a écrit " que chacun tire "la charrue" de son côté. Il manque, à notre tête, un Chef, un meneur, Un Challe par exemple ? "

    Je suis entièrement d'accord, mais pour trouver un chef, un vrai, faisons des états généraux des Français d'Algérie qu'une poignée de vrais militants prépare. Faisons les le plus vite possible et mettons au pied du mur les associations. Bâtissons une armée pour combattre et pas une administration pour aller chercher des honneurs. Il y a encore des Hommes et des femmes courageux (ses) pour prendre ce flambeau.
    Il ne faut pas hésiter à dénoncer dans nos milieux, sites et médias P.N. les associations qui refuseraient de se rendre à ces états généraux et à publier les débats.

    Comment procéder: En commençant tout simplement à demander la démission immédiate de tous ceux qui ont été nommés arbitrairement par le gouvernement. Personnellement je ne reconnaît pas à ce HCR le droit de me représenter en tant que P.N. (ou rapatrié) ou exilé. Pourquoi pas une pétition adressée aux membres du HCR et au gouvernement, leur demandant de démissionner sans délais.
    Ceux qui ne suivraient pas pour n'importe quel motif devront être porter sur le banc des associés du pouvoir qui nous renie. (Et je suis mesuré dans mes propos)
    Je m'étais excusé pour les amis qui siègent au HCR, pour cette demande, mais il n'y a pas d'autres solutions, ils ont déjà eu deux ans pour constater ce que c'est le HCR, ils doivent se décider, c'est maintenant ou jamais. L'amour propre et la conscience doivent dicter la conduite de tous les membres.
    Si ce H.C.R., non nommé démocratiquement par ses pairs, entérine une repentance unilatérale de la France, qu'il sache qu'il se met en état de péché mortel vis à vis de notre communauté déjà trop meurtrie !
    Comment pouvons-nous accepter l'inacceptable devant un état de fait qui voit la représentation nationale d'une communauté nommée, sans consultation, par un gouvernement en place ?
    C'est encore une mesure d'exception discriminatoire inique à notre encontre qui relève purement et simplement d'un mépris officiellement affiché.
    S'il devait s'avérer qu'un H.C.R. reste sans réaction devant un affront supplémentaire qui semble s'annoncer, nous considérerions qu'il n'est là que pour "la gamelle", se rendant en plus complice d'une forfaiture!
    Nous devons intégrer dans notre problème, que ces compatriotes là, s'ils acceptent une telle nomination antidémocratique, n'aurons alors plus à se plaindre d'être victimes d'injustices violant la Constitution, le code civil et les droits de l'homme.
    Ils s'en feront alors complices !
    Il est pratiquement certain qu'aucun de ces "nominés" n'évoquera et ne proposera une représentation issue d'un scrutin !
    C'est peut-être la guerre que nous devons déclarer dans nos propres rangs, mais c'est le moment de faire le ménage.

    En commençant par forcer ce HCR2 à s'interroger sur le problème de sa légitimité!
    Nous aimerions être informé sur:
    1- Les critères des nominations:
        a) La représentativité réelle a-t-elle été examinée, si oui,
        b) l'intéressé a-t-il reçu l'aval de son conseil d'administration ?
    2- Pourquoi apparaît-il que plusieurs membres d'une même association soient présents dans ce H.C.R. alors que la parité devrait être de règle ?
    3- Pourquoi ce manque de communication et d'information des actions de ce H.C.R. avec les Associations représentatives, en règle avec leurs statuts, déclarées à la Mission Interministérielle aux Rapatriés et à toutes les instances légales.
    4- Certains membres de ce Haut Conseil ne représentent-ils pas qu'eux-mêmes ?

    Quant aux objectifs,
    - La mémoire : ne pas accepter l'insulte permanente qui nous est faite actuellement dans les médias ; par ce gouvernement Algérien de corrompus, mis en place avec la main de fer de l'armée ; par des intellectuels et faux historiens ; par une fange importante de l'éducation nationale soutenue par des partis et hommes politiques plus soucieux de leur élection que de la vérité historique

    La réaction doit être appropriée or, là, que je sache c'est le silence total alors que l'intransigeance devrait être la réponse à notre attente.
    - Se faire le porte parole de ce petit peuple pied-noir, la majorité, qui ne possédait là-bas même pas le toit qu'il avait sur la tête et à qui ils ne reste que les yeux pour pleurer son ciel bleu et sa douceur de vivre. Ils doivent obtenir un juste "Pressium doloris".
    - L'indemnisation, comment accepter d'être traité comme des Français hors la loi édictée par le code civil de la république Française (art 545) et l'article 17 des droits de l'homme et du citoyen. Aucune catégorie de citoyen, à part nous, n'accepterait un tel traitement.
    La réaction du H.C.R., là aussi, sur ce sujet brûlant, doit être sans compromis et à la hauteur de l'injustice ou alors partir car nous continuerions à ne pas comprendre et pour certains à trop comprendre!

    Un traité d'amitié est en passe d'être signé avec l'Algérie, sujet brûlant s'il en est, et devant la gravité de cette décision, avec en préalable lune repentance unilatérale, nous lançons ici à un H.C.R. l'appel solennel de ne pas entériner l'inacceptable. Sinon, ils se rendraient alors coupables d'une trahison que nous dénoncerions publiquement !

    OUI à un traité d'Amitié avec le peuple Algérien, celui avec lequel nous n'avons jamais rompu, NON à un traité d'amitié sans repentance et reconnaissance des crimes de l'après 19 Mars, en violation des accords d'Evian, dont même le sinistre Mesmer accuse ce petit pion de BOUTEFLIKA.
    Prostitution devant des chefs égorgeurs devenus gouvernants dictatoriaux, tortionnaires, exploiteurs et corrompus qui ne respectent même pas leur peuple, JAMAIS !
    Parce que lorsque Chirac autorise son ministre de l'intérieur à être présent pour l'anniversaire du 1er Novembre 1954, Pavillon Dauphine à Paris, lorsque l'on est capable de parler de respect mutuel avec un gugusse qui insulte notre communauté toutes origines confondues et que l'on mandate un ambassadeur à embrasser les babouches des assassins au pouvoir, on est capable de tout.
    L'erreur dit-on, est humaine. Mais là c'est d'aveuglement qu'il s'agit.

    Vous allez dire, il est fou ce jeune con, con oui mais lucide.
    On peut tourner et virer pour choisir le moment opportun et les mots pour le dire.
    En attendant, l'histoire se fait sans nous, sans que nous ayons notre mot à dire.
    Mais cette fois-ci nous serons les uniques responsables de notre malheur, si nous ne réagissons pas.

    Ceci n'est pas la pensée d'un fou, ni de quelqu'un qui veut s'ériger en chef, mais celui d'exilés qui savent qu'un nouveau drame est en train de se jouer sur notre dos et veut encore éviter que des compatriotes du HCR acceptent d'en être les complices volontaires ou involontaires en pensant ou assurant qu'ils ont notre approbation.
    Comme mes amis, vrais militants, je n'ai jamais manié la langue de bois, mais vous pouvez compter sur moi pour dénoncer la duplicité, la complicité, la félonie, car seul l'intérêt général de nos compatriotes nous anime.

    Je ne suis pas un élu, ni un bateleur de foire qui a la berlue, je n'ai pas de titre de gloire à jeter à la "Fugure" ou en pâture, je ne suis qu'un simple P.N. qui anime des sites Internet avec des Amis. Mais depuis quelques années sur le Net, je vois et je lis beaucoup de choses, des bonnes et des mauvaises et je constate que cette communauté Internet c'est la plus vivante. Elle est plus jeune que celle des associations et elle a envie que les choses changent. Nos enfants et petits enfants arriveront derrière nous, laissons leur du matériel pour continuer le combat de la mémoire car hélas nous n'aurons pas le temps de le gagner seuls et le temps nous est compté.

Vous trouverez la lettre et mon message à cette adresse

La liste des nominés au HCR 2
    

Merci à tous                                   Jean Pierre Bartolini                         

        Diobône,
        A tchao.


Aprés votre visite,
(---n'oubliez pas de Cliquer --- )
Pétition contre un traité d'amitié Franco-Algérien baclé.
La pétition est ouverte à tout le monde Pieds-Noirs

À M. BOUTEFLIKA
Envoyé par M. Robert ANTOINE

À M. BOUTEFLIKA

Nous les sans patrie,
Nous le peuple méprisé et non reconnu,
Nous dont la sueur ne vaut pas celle d'un burnous,
Nous dont le sang vaillamment tombé
Ne permet plus que de demander :

PARDON

Pardon d'avoir laissé nos terres et nos maisons

Pardon d'avoir été trahi
Pardon de fermer nos yeux sur la naissance à Paris de votre Algérie
Pardon d'avoir gravé sur place une empreinte indélébile de notre génie
Pardon d'imaginer que de nos sangs mêlés dans la bataille aurait jailli la Fraternité
Pardon de vous accompagner dans nos écoles
Pardon de vous accueillir aujourd'hui encore à bras ouverts.

Je prie pour que de son trou sorte la vérité, nue et sans fard
Celle que l'on nous cache, celle qu'on manipule.
Si nous avons commis des erreurs de guerre, elles sont condamnables,
Celles d'en face, sont similaires.
Je crie, je hurle, dans un désert qui n'a jamais appartenu à ceux qui jouissent de son sang noir.

Mon pays n'existe plus, mes yeux sont secs, le temps a fait son oeuvre.
Alors, nous retrouvons nos émotions entre nous, parias de l'âme.
Bivalence entre l'intérieur et l'aspect extérieur
Jeux d'acteurs, comédie humaine.


Robert ANTOINE le 01 /10/2005

La France doit demander pardon
Envoyé par M. JP Ferrer

Oui, la France doit demander pardon.

Oui, la France et les caciques des 4ème et 5ème républiques doivent demander pardon aux Algériens, mais aussi aux Marocains, Tunisiens, aux familles des anciennes AEF et AOF, Malgaches, Tahitiens, Calédoniens, Guyanais, Martiniquais, Guadeloupéens, aux Viet-Namiens, Cambodgiens, Libanais, Syriens de les avoir entraînés dans des conflits mondiaux sanglants pour ensuite les abandonner.

Oui, la France du Second Empire doit demander pardon au Mexique d'avoir porté la guerre sur son sol.

Oui, la France doit demander pardon aux Indiens d'Amérique du Nord de les avoir massacrés et aux Français qui s'y étaient installés de les avoir abandonnés

Oui, la France de la Révolution et du Premier Empire doit demander pardon aux Autrichiens, Italiens, Polonais, Hongrois, Espagnols, Russes de les avoir envahis et massacrés au nom de la Liberté.

Oui, la France de Richelieu et de Louis XIV doit demander pardon aux Protestants pour le siège de La Rochelle ou la nuit de la Saint-Barthélemy.

Oui, la France de Saint-Louis et de ses prédécesseurs doit demander pardon aux habitants du Moyen-Orient d'avoir voulu les exterminer au nom du Christ et aux Juifs qu'elle a pourchassés et brimés sur son propre sol.

Oui, la France doit demander pardon, car elle a honte de son histoire.

Oui, La France doit demander pardon à tous les Français qui ont œuvré pour elle.

Oui, La France doit demander pardon à tous les Français qui ont aimé son drapeau, qui ont cru en elle, pour les avoir lâchement abandonnés.

Oui, mais dans sa demande de repentance la France ne doit surtout pas oublier les Pieds-Noirs et les Harkis, qu'elle a laissé massacrer ou enlever.

JP Ferrer


J O Y E U X A N N I V E R S A I R E
M. R O S S O   Alias    M. P I K

Cent ans déjà ! Quel grand bonheur !
Chacun garde une lueur d'espoir dans son cœur,
Et si j'arrivais à cet âge, en un si bon état…
Non ! Non ! Cela est un miracle ou peut-être pas ?

Alors tous les regards se tournent avec admiration,
Vers notre Ami Roger qui déclare avec détermination :
" Hé bien ! À présent le temps me paraît bien long ! "
Et sa gracieuse épouse partage la même opinion.

Et pourtant, Cher Roger le temps semble vous épargner !
Vous avez dit "épargner ", je dirais même mieux "conserver " !
Un poète passant par-là rétorque : " Elixir de jouvence, je suis tout à fait de votre avis ",
Puis un artiste lui répond : " Mais regardez son regard, son sourire, sa silhouette, tout est vie "

Allez ! Donnons-nous la main et prenons le verre de l'Amitié,
Enfin ! Promettez-moi ni ivresse, ni satiété !
Je vous confie : " oui ! Mais au fait le temps est son ami quoi qu'il en dise ! "
Et c'est pourquoi nous l'embrassons tous de cent grosses bises.

Marseille, le 19 Novembre 2005
Avec toute notre tendresse,
Colette LEVY
Aquarelle de Mme Colette Levy
Aquarelle de l'auteur sur M. et Mme ROSSO
Site : http://www.amisdebone.com


M. Raoul DAUSSIN
N° 2 de Février 1950
de M. D. GIOVACCHINI
Envoyé par sa fille

Un Sous-préfet Républicain et Français d'abord

         Je le connais fort peu. J'ignore beaucoup de sa vie et de ses convictions politiques.
         Comme tout bon Sous-préfet, il doit, sans lutiner dans les champs, faire son métier en dansant sans repos sur le cercle élastique que les diverses équipes ministérielles placent sous des orteils agiles, mais fatigués.
         Besogne ingrate durant toute une carrière parsemée d'écueils, car, à travers les multiples nuances des échelons Hiérarchiques, la décision et l'initiative sont choses difficiles parfois impossibles.
         S'il veut se payer le luxe d'une âme bien accrochée, cela ne va pas sans risques.
         Un Sous-préfet devrait cependant, par définition, avoir la vie dure. On parle toujours de leur suppression, comme on parle depuis des décades du Département de la SEYBOUSE et de la péréquation. L'espèce est vivace et demeurera tant que les Régimes auront besoin de caser les amis et les amis de nos amis.
         Nous ne pouvons que souhaiter de les voir choisis dans la qualité la moins mauvaise du genre.
         M. DAUSSIN, nous affirme-t-on, fut un vrai Résistant. Non pas à la manière de ceux d'Aïn-Mokra ou du massif de l'Edough, puisque, lui, au moins, vécut en zône occupée, accomplissant de périlleuses missions. Il n'y a que les camouflés, les m'as-tu-vu en peau de lapin, qui refuseraient de lui rendre justice.
         De bonne société, il sait, déguster du champagne extra sec, et y aller d'un laïus agréable, si la fête l'exige. Son langage ne manque ni d'élégance ni d'à-propos et toujours, il sait traditionnellement porter un toast à l'Algérie, à là France républicaine et à la Patrie.
         Il sait être simple, cérémonieux et même mondain, ce qui ne gâte rien. Toutes les qualités et les faiblesses d'un sentimental sont les siennes. Aussi, gagnerait-il à savoir se tenir davantage sur la réserve... administrative, et beaucoup parler sans avoir rien dit ni promis. Mais, pour agir ainsi, il faudrait avoir la perfidie d'un F., et ce n'est pas toujours possible.
         J'ai l'impression qu'il est de l'école de cette bonne lignée de Français qui de JAURES à HERRIOT formait la garde vigilante de cette belle République habilitée à gouverner dans le pays du bon sens et de la mesure.
         Les doctrinaires et les rhéteurs ont souvent fait trop de mal. On ne peut être démocrate si on est prisonnier de la démagogie et de ses lâches facilités
         M. DAUSSIN est issu de ce bon sol gaulois, où les métèques de l'étranger ne sauraient facilement s'acclimater.
         S'il peut avoir des défauts, peu nous importe. A chacun sa besace.
         Ce qui nous intéresse en lui, c'est qu'il a choisi l'amour de la France comme règle de sa vie administrative, et cela au-dessus de ses intérêts et même des partis.
         A l'heure où tant d'esprits nuageux encourageaient l'épanouissement - sous la livrée trompeuse de l'émancipation humaine - du nationalisme musulman, il mettait son savoir et sa souplesse à défendre, contre vents et marées, la cause de la souveraineté française.
         Le P. P. A. et l'U.D.M.A. ne l'aiment guère. Raison suffisante pour que nous reconnaissions en lui l'homme qui a vu clair et qui a accompli un grand devoir.
         Le temps lui a donné raison contre les erreurs, même sincères de ses propres amis, et le temps lui donnera également raison contre de soi-disant élus modérés, qui, par calcul ou faiblesse, se sont rendus complices des trublions de l'anti-France.
         Aujourd'hui, il peut se flatter de trouver sa propre récompense, et la meilleure, dans l'attitude courageuse et salvatrice, d'un socialiste clairvoyant, le Gouverneur Général M. Edmond NAEGELEN.
         M. DAUSSIN n'est pas de ces hommes qui suivent le char de la Victoire. Il sait tenir tête à l'orage, et lutte pour prévenir le mal en résistant aux embûches de l'opportunisme.
         Si nos Ministres savaient toujours placer à des postes de combat, non pas des partisans, ni des soliveaux budgétivores, mais des hommes à l'esprit sain et au coeur solide, avec pour maxime. " France d'abord ", bien des économies de salive, d'encre, d'argent et surtout de sang seraient réalisées.
         M. DAUSSIN a bien mérité de l'Algérie. Qu'il m'excuse de l'avoir involontairement compromis. Je suis à mon aise pour écrire ce que je pense.
         Je n'ai pas comme F... Ganelon, le P. P. A. BEN… sur la conscience, et de plus, je n'attends rien, même pas... le Mérite Agricole.



Ça qu'on vous a pas dit … !         N° 31
Christian AGIUS
le Maltais de la route de Bugeaud,
y ramasse dans les poubelles de luxe…
ma, tombe de ses morts, c'est la franche vérité !!!


Diocane, c'était bien les vacances, l'été dernier, dessur les plages, le champ de pastèques, les canusses… : tu fais des nefs, des mayonnades à les gonzesses, tu te tapes les merguez et les brochettes, tu te mets le tafanar au soleil, des fois qui serait pluss blanc que la conscience à Benguèche, tu…………………..
Ma tia pas vu que Galouzeau, pendant ce temps, y t'a ramené le taux du livret A de 2,5 à 2 %, qu'y ne donne plus de pognon aux routes nationales, " désormais à la charge des départements ", comme y disent les patos, pluss un tas des zautres mesures qu'il avait la chkague de dire avant les vacances, cette fatche de calamar !....


Tu savais pas pourquoi tous les candidats à devenir députés y se battaient comme des chats maigres de la rue Saindi Carnot pendant les campagnes électorales, hein ?
Je vas te le dire : leur président, Jean-Louis Debré (ça te rappelle son père que pluss faux-cul tu peux pas trouver…), il a installé en-dessous le palais Bourbon un practice de golf, rien que ça, et des salles où y peuvent se reposer des épuisantes séances à la chambre : escrime, broderie, plus des portes qu'elles peuvent s'ouvrir qu'avec le code…


Le deficit public américain (400 milliards de dollars !.......et ça donne des leçons au reste du monde…..) y va s'améliorer ac les deux cyclones qui viennent de secouer les cocotiers en Floride et Louisiane !....


Les Anglais, qui président en ce moment l'union européenne, y viennent de refuser d'enscrire la demande française de baisse de la TVA des restaurants et du bâtiment : tchoufa !
Comment ça s'appelle un président de la raie publique et un premier ministe qui sont même pas capabes de maîtriser une TVA chez eux ???????...


L'ANPE, tu sais ce machin que beaucoup de malheureux y vont voir quand y sont dedans la merde, y vient de se faire épingler par la statistique : elle placerait que 5% des demandes !!!!!!!!!!!
Ca l'empêche pas de recruter 1200 conseillers de pluss que ses actuels 23000 salariés………
Le serpent qui se mord la queue, diocane !


Bravo les écologistes du gouvernement : la taxe dessur le pétrole elle s'applique aussi à…………l'huile végétale et aux bio-carburants !
Les affaiaiaiaires !!!!!!!! Fils…


Les Américains, y ressemblent à un chat qu'il est tombé en-dedans une bassine d'eau chaude !
Pour prouver qui zavaient raison d'envahir l'Irak, y zont lancé une souscription nationale exceptionnelle pour sa reconstruction : 600 dollars récoltés !!!!!!!!!
A peine la quête que le père Mizzi il avait ramassé à la procession de Saint-Augustin…………..


Les chinois y foutent pas la merde en-dedans les banlieues, ma, tranquille, fils, y s'installent : un restaurant tous les kilomètres le long de la nationale 19… !


Tapie, il a gagné devant la justice ( ?) son procès pour les magouilles du Crédit Lyonnais !!!
Total : 18 milliards de zorros payés par le ralouf de contribuable français pour renflouer cette banque, pluss 135 millions de zorros pourquoi y vient de gagner ce procès !
Il a été tchoutche de pas plumer d'autres affaires !!
Ma, tu vas le retrouver : y met ce pognon de côté pour…………. se présenter aux érections de 2007 !!!!!!


Lucien Léger, l'assassin du petit Luc Taron, y vient d'être libéré.
Il a fait une déclaration à la radio : " …parfaitement en forme : ni cholestérol, ni problèmes cardiaques… "
Comme le petit qu'il a tué et ses parents morts de chagrin…
Diocanamadone, que je m'le trouve pas en-devant moi !!!!!


Le fils de Galouzeau y s'est fait ramassé par la police après une bagarre.
Papa y l'a fait confisqué le rapport de police : normal ! Zeb !!!


Quand un fonctionnaire y fait une connerie dedans l'exercice de ses fonctions, c'est……………le ralouf de contribuable qui paye : diocane ! Tranquille, fils……….

La suite au prochain numéro :
te fais pas de mauvais sang,
J'en ai encore des tas en dedans les tiroirs….


LE GACHIS FATAL

Christian Agius




LA PROPHETIE ET LE MESSAGE DU BIENHEUREUX PERE CHARLES DE FOUCAULD
Dans l'ouvrage de Christian Agius
ALGERIE : LE GACHIS FATAL

24 € franco de port
chez l'auteur :
CHRISTIAN AGIUS
la Borie, 24750-Champcevinel


LE PLUSSE DES KAOULADES BÔNOISES (32)
La "Ribrique" de Rachid HABBACHI
ÇA QUE MOI, J’VOUS L’PREPARE
POUR LA BONNE ANNEE

       Tu ois, moi qu’y m’arrive pas souvent d’aouar des idées qu’elles sont bonnes, je m’ai dis comme ça, un jour d’y a quèques jours pourquoi que j’me fais pas plaisir et les z’aut’ avec moi en faisant ça que tout l’monde il a envie de faire, je parle du monde bônois bien sûr et ça qu’il a envie de faire, c’est revenir un p’tit peu dessur not’ langue, tu sais, celle-là là qu’on est en train de s’l’oublier bien-bien, doucement-doucement mais sûrement-sûrement.
Photo M. Rachid Habachi

       Cette langue que, purée de sa race affoguée elle colle à moi comme elle colle la gale, j’peux pas l’oublier à cause qu’elle me gratte jusqu’en dedans la cervelle et comme ça, elle me vient la grattelle jusqu’au bout des doigts que j’en ai cinque pasque j’te parle seulement de la main droite, celle-là là que moi, j’écris avec, quan c’est qu’y m’arrive d’écrire. Cette langue que j’te parle et que les jeunes, les pauv’, y s’la connaissent pas ou qu’y z’ont oublié son nom, c’est le Tchapagate qu’il est cousin avec le Pataouète d’Alger et le Tchaparlao d’Oran. Ce Tchapagate comme j’te dis, il a pas envie de s’affoguer comme ça, bêtement pasqu’un jour il a déménagé de Bône vers la Patosie, il en a pas l’envie, mais alors pas du tout et un jour, tu ois pas, y m’a fait de l’œil et y m’a dit, t’y es pas capabe de me remettre en dessur la selle et me faire oiyager jusqu’à ceux-là là qu’y coient plus z’en moi, qu’y sont en train de me perde et les z’aut’, ceux-là là qu’y m’ont perdu à de bon.

       Moi, comme un caplate qu’il aime jouer, j’ai pris le pari, j’y ai dis chiche et me oilà parti pour une aventure, j’te dis que ça. De tous les trous de ma cervelle qu’elle est comme tout l’monde y sait, un mental troué, non, pas l’esprit, c’est, tu sais ce formage suisse qu’en plusse, quan il est râpé, on s’le met dessur la macaronade, de tous ces trous, j’te disais, moi j’m’ai sorti tous les mots que là, y dormaient comme elles dorment les tortues à chez nous z’aut’ mais en plusse, eux z’aut’, ces mots y te dormaient l’hiver et l’été en passant par le printemps et l’automne et comme les pauv’, y oiyaient pas le jour, un jour y z’auraient fini par s’affoguer et y’alors comme y dit le poètre, adieu veaux, vaches… Eh non ! ça c’est une aut’ histoire. Ces mots y z’auraient fini par s’affoguer à de bon et y’alors, adieu toute cette culture qu’elle fait l’identité de nous z’aut’ qu’on est à de bon des ingrats, qu’on est en train de faire comme y font les parents endignes qu’y jettent leurs z’enfants à l’Assistance Publique et le malheur tu ois, c’est ça qu’on est en train de faire.
       Pour te revenir un peu à ce pari que moi, j’l’ai accepté et que j’l’ai pas regretté, y fallait faire quèque soge et faire quoi ? Espliquer simplement ça qu’elle est la situation, la situation des mots bien sûr, ça qu’y sont ces mots et comment y sont, grâce à un cyclope y dit, pas çui-là là de « l’aut’ y sait » d’Omar, non, un vrai cyclope y dit que manque y dit tout avec plein des pages qu’elles z’ont même un numéro de par en bas et quan c’est que t’y es pas tchoutche, tu devines à de bon que c’est un liv’ avec plein des mots, mille deux cents ézactement, pas z’un de plusse, pas z’un de moins et j’en suis sûr à cause que c’est mon fils qu’il a de l’anstruction, qu’il a presque le cerfiticat, qu’y s’les z’a comptés un par un, en six mois de temps ; mille deux cents mots avec ça qu’y veulent dire, et pas seulement ça, ces mots y sont en dedans d’une histoire qu’elle raconte elle aussi une histoire et quelle histoire, c’est celle-là là d’une famille qu’elle te vient direct de Procida pour s’installer à Bône. Què c’est, atso ! tu connais pas Procida ? allez ouah ! c’est pas grave pasque moi non plus je m’la connais pas.
       Une aventure, j’te dis que ça, ousque t’y as que des z’en haut et des z’en bas, mais plusse qu’à même des z’en haut pasque dedans la vie y faut balayer la tristesse comme tu balayes devant chez toi pour faire prope mais tu ois là, c’est plutôt pour faire gai. Un exempe tu veux ? « Une femme elle a venu complètement ch’bing à cause qu’y a un singe qu’il est en train de sercher les poux dedans la tête de son goiye qu’il avait pas trois ans et en plusse, le goiye il était tout jouapsse, il avait l’air de s’amuser un wagon, il avait pas peur et il avait comme du plaisir qu’on s’occupe de lui. Le singe qu’il a l’habutude du monde autour de lui, y s’est pas senti dérangé, il a continué son travail comme si qu’y avait personne mais Gilberto il a été obligé d’arrêter la tchaklala d’la mère quan c’est que le goiye il a commencé lui aussi à sercher des poux dessur le dos du singe et faire comme lui, s’les affoguer un par un en faisant la même grimace. » et, des pages comme celle-là là, t’y en as pas tout à fait un wagon, mais t’y en as qu’à même plein et quan j’ter dis plein, c’est plein. Main’nan, pour le cyclope y dit et ses mots, rien que pour te faire venir le petit sans kémia et sans z’anisette, j’ten sers quèques z’un :
       Arico : Lorsqu’ils sont de mer, ce sont ces petits coquillages qu’on nomme tellines en Patosie et qui n’ont aucun lien de parenté avec un certain chanteur. Personnellement et cela, n’engage que moi, je préfère les premiers, ils sont plus digestes.
       Baccacaulérat : La peste qui atteint tous les étudiants de fin de cycle secondaire et lorsqu’ils en guérissent, qu’ils ont franchi l’obstacle, ils peuvent prétendre à l’accès aux usines à faire des fartasses.

       Béret baxe : Si on le dit comme ça, c’est basque on sait pas le dire atorment
       Oilà un p’tit peu, en gros ça que moi j’vous l’prépare pour la bonne année et si que vous êtes bônois à de bon, une p’tite révision de vot’ Tchapagate natal elle vous f’ra pas du mal au contraire, la rate y vous la f’ra grossir et la pécole vous l’attraperez pas. Allez ouah ! d’avance je vous z’embrasse à tous et je vous dis, bonne année, bonne santé et mets ta main dedans le porte-monnaie.

       Pour tout contact à compter du 20 décembre : caroube23@yahoo.fr

Rachid HABBACHI


Paru dans l'EST, écrit par A. Chihani

"LÀ OÙ T'Y AS DES MOTS, BESSIF T'Y EN AS DES GROS ! "

Rachid Habbachi
à la rencontre du "Tchapagate"

Ça n'est jamais facile d'aller de front à la rencontre du patrimoine, quelle que soit sa nature. Quand il est matériel, il est généralement facile de s'en réclamer, s'il n'est plus aisé de le détruire.


       Combien de témoins, comme les statues millénaires de Bamyan, en Afghanistan, ont disparu au seul prétexte qu'ils ne répondaient plus aux valeurs du "maître" du moment. Combien d'autres, moins ou pas du tout médiatisés, ont disparu dans le silence absolu, souvent par simple ignorance des populations qui en détenaient, sans le savoir vraiment, l'héritage. Il est encore moins facile d'aller à la découverte, à la compréhension, ou à la transmission de l'autre héritage immatériel celui-là, porté le plus souvent par le langage. Hypocrisie serait de nier par exemple, l'occultation du dialectal en Algérie, sous toutes les formes qu'il ait pu avoir depuis les premières présences connues au Maghreb, notamment celles dites berbères, Tifinagh, Tamazight, et autres appellations. L'Algérie, à travers les siècles, a toujours été un centre de passage, de transit, de villégiature, d'occupation, de colonisation, d'amour dans toutes ses déclinaisons, de violences aussi. A ce titre, elle a été au carrefour de langues aussi diverses que variées, les une plus "populaires" que les autres, certaines profondément enracinées dans la mémoire collective, malgré les atteintes du temps et des agressions officielles.
       En allant à la rencontre du " Tchapagate ", langage parlé bônois de la période française, mais inspiré des occupations antérieures et mélangé aux autres langues présentes en Algérie, M. Rachid Habbachi a certainement voulu affronter un tabou, entre autres fantômes qui hantent le passé algérien. Il annonce d'ailleurs bien la couleur en dédicace anonyme de son ouvrage, le second du genre: " "Oh, va de là! Si que tu parles pas tchapagate, c'est t'y es pas bônois, et si que t'y es pas bônois, y' alors, pourquoi c'est que tu vis". Non seulement amateur mais surtout dépositaire des bônôisades (également appelées Bônoiseries), il allie le verbe cru des pêcheurs "Caroubiens" aux allégories "place d'armistes" des années trente. Bien sûr, pour cette édition seconde, il a choisi de raconter une belle histoire d'amour avec Gilberto pour auteur et accompagnateur principal, nomade de Procida en Patosie, en passant par les sublimes rivages de notre belle Annaba.
       Mais le plus qu'il a voulu apporter, sans nul doute, c'est ce que son "cyclope y dit" nous livre comme termes utilisés à profusion et quotidiennement à cette époque, qu'il nous dit simplement de ne pas oublier. Parce que son histoire, comme il le dit lui-même, "j'ai ajouté un peu de Kdeub pour la faire mousser comme l'écume de la mer, pour qu'en un mot comme en trois, elle vient belle, elle fait envie, elle fait un peu rêver, elle rappelle un peu le "passé". L'histoire qu'il raconte dans cette édition "bônoise", elle n'est pas possible, autrement qu'à la vivre ou l'avoir vécue. A l'endroit ou à l'envers, elle est celle de gens qui aiment cette ville de Annaba, qu'on l'appelle Bône, Hippone, Bouna, ou Ubbon! Des gens qui seraient encore capables de s'aimer malgré les vagues, la houle, et l'oubli, souvent.

       Toujours est-il que lui, il y est allé "à la Goumba" (à la téméraire, ndlr), sans vouloir "achpète" (attendre) ce qu'on pourrait penser de son oeuvre. Mais "Akrabi" (mettons le H pour mieux saisir), il n'a pas tort, le "Babaillon". Et comme il le certifie lui-même, et (tout) comme Bagur nous reste inconnu, restons aussi discrets que "Baïtes" qui ne connaissent pas la grippe aviaire, en attendant. Rachid, c'est le "Bônois", de cette "deuxième nationalité de laquelle nul ne peut être déchu", membre de cette bande en voie de disparition capable de produire des Bônoisades (Histoires toujours tirées par les cheveux que seuls les Bônois sont en mesure de comprendre et surtout de croire, nda ). A le lire, l'on est toujours tenté de puiser un "préfixe - suffixe - gérondif - et autres torsions conjuguées de la langue, mais il suffit de le suivre, simplement, pour retrouver le bagou bônois de l'époque, et de l'apprécier.
       ' Allez, quelques échantillons! "Chita": "Pour beaucoup c'est la singesse à Tarzan mais c'est aussi la brosse en arabe et celui qui pratique la Chita est qu'à même un lécheur"...
       "Falso": "C'est çui-là qui fait miroir par devant et ciseaux par derrière. On dit de cette sorte de gens qu'elle pratique l'hypocrisme...
       "Patos": "Français de métropole"...
       "Va fêter les cafards": "Arrête de dire des bêtises et va voir si je suis ailleurs"...
       Croyez-moi, il y en a d'autres! Notre ami Rachid Habbachi, dont notre journal a déjà abrité quelques "Bônoiseries" succulentes, n'y est pas allé de main morte, pour justement ressusciter ce "parler" bônois d'une certaine époque, encore vivante et vivace aujourd'hui. Son mérite, et sans doute l'écueil qui ne permet pas à son oeuvre d'être reconnue sous nos latitudes, c'est son franc-parler, son identification et son identité. Il se réclame d'une époque, que d'aucuns veulent révolue, mais qui fera toujours partie du patrimoine, immatériel, de Annaba. Son parler, son dialectal, son populaire. Marqué d'une période donnée de son histoire, il reste une partie de son vécu. Bônoisâdes ou Bônoiseries, peu importe, il serait judicieux de les réinventer toutes, nombreuses, qui font le bagou de Annaba. II s'y sera employé avec témérité, d'autres s'y essaieront peut-être. Et pourquoi pas en écoutant les Anciens? A 66 ans et des poussières, il a encore des choses à dire, et sûrement qu'il les dira. L'auteur a produit "Les bônoises d'après...suivi de courtes" en 2.000 (avec interview dans l'EST), "Des bônoises...à de bon" (évoqué également dans nos colonnes). Bientôt, il nous livrera "Un schkoll dans la tête". Bon vent, Rachid!

ELLES SONT BIEN BÔNE
Par M. Fernand Bussutil dit OTTO BUS
Envoyé Par Jean Louis Ventura               N°16
ELLES SONT BIEN BÔNE
FERNAND BUS

A tous mes Amis bônois, si douloureusement éprouvés par les événements d'Algérie et dispersés dans tous les coins de France et du Monde, avec mes affectueuses pensées.

F.B.

" FUGIT IRREPARIBILE TEMPUS " (Virgile)
LE BOURRICOT

          Un jour, Moi et Augu on s'allait à la Foire
          Ac un p'tit bourricot qu'on voulait se faire oir
          Pour pas s'le fatiguer et gagner le Grand prix,
          Une oiture à deux roules, vite vite on s'avait pris,
          On se le met dessur, en avant seulement
          Et laisse-le qui crie telment il est content.
          On se quitte la Colonne, le monde laisse qui rigole,
          Moins cinq on se renverse dans une petite rigole.
          On s'était retourné pour répondre à Calantche
          Qui se disait de nous : " Votre toiture elle fait gantche
          Vous êtes tous des gougoutzes et comme elle dit Hortense
          La plus bête de tous, c'est pas çuilà qu'on pense. "
          On se le laisse tomber pour pas faire un scandale.
          Je fais descendre la bête ; elle se comprend que dale
          Je me monte dessur, Augu tire la oiture
          Et nous oilà partis pour la grande aventure
          On s'avance liche à liche, long il est le parcours
          Ma comme nous s'arrivons à la hauteur du Cours
          Un homme, laisse-le qui crie: " Aga--moi cette bonbonne
          Tsur ce p'tit animal ; il faut venir à Bône
          Pour oir des choses bancales, et ce pauv' meskinette
          Qui se tire la oiture, maigre comme une bicyclette
          Allez ! Descends de là et prends-toi les brincards
          Toi qu't'y es large d'épaules qu'on dirait un placard. "
          Comme y me dit je fais pour pas faire des histoires.
          Augu il est content et laisse qui chante victoire.
          Ma à peine arrivé la rue Prosper-Dubourg,
          Le monde y se rassemble, y lance des calambours.
          D'la rage je laisse tomber la oiture à deux roules
          Je monte à coco darrière Augu et roule,
          Le bourricot y peine, y se pousse des soupirs,
          Nous autres on est à l'aise et laisse qu'on se respire,
          Ma comme on se passait la Maison Bourderon
          Des femmes elles nous ansultent, nous traitent de fanfarons
          Elles disent que c'est honteux de oir des choses pareilles
          Elles nous jurent des morts ; ça siffle dans nos oreilles.
          Axes nous restons nous autres et on se désespère.
          C'est dur à contenter tout le monde et son père. Alors,
          Moi et Augu on se descend de l'àne,
          On se rencontre Antoine qui marchait en bécane
          " A de bon, qupil nous crie, vous êtes trois bourricots,
          Vot'Place elle est dans l'champ tout plein de coquelicots. "
          Alors je me tiens plus, j'y dis à cette caplate
          Challah qu'ta chambrière d'la roue elle se clate
          Que te t'affogues par terre, la bicyclette dessur,
          On est des bourricots, c'est certain çà c'est sûr
          Ma au jour d'aujourd'hui on me dira plus rien
          Je veux faire à ma tête et me le fais bien bien.

Il était une foi !
Envoyé par M. Pierre Rio

Une histoire de chez moi,
Bonnant-mallant
Au pupître de mon accent
S'effritant au fil du temps
D'un air attendri
Carillonant tant et tant:
Casablanca !
Ici, le soleil chante
La rîme est la-bas
Allégresse bercée
Au rythme qui bas !

Sa résonnance
Ennivre mon âme amante
Sur ses cordes palpitantes
Ses gammes, ses variantes
Murmurant ça et là
L'esprit d'une chanson ,
Ouvrant ainsi mes yeux
Sur la clemence du lieu,
L'instant est généreux
Emouvant et heureux,
Nostalgie donne-moi le La
D'une autre foi,
Le chame vertueux
Des jouvancelles en joie,
Dulcinées aux corp de femme
Attisants à nos coeurs
La braise et la flamme,
Il était une foi ;
La foudre à Casablanca !

Le 22 10 2005 Rio pierre


LA PÉPINIÈRE
BÔNE son Histoire, ses Histoires
Par Louis ARNAUD

          En revenant de Saint-Cloud, on empruntait, sur la droite, un chemin bien ombragé qui tournait autour de la ville, pour aller rejoindre la route de Bône à Philippeville, au 4ème kilomètre, tout près d'une petite construction en ruine, bâtie à flanc de coteau, que l'on appelle encore la " Maison Crénelée ".
          Ce chemin s'appelait alors le " Chemin de Ceinture ".
          Il faut remonter au commandement du Général d'Uzer, c'est-à-dire tout au début de l'occupation française, pour trouver l'explication de la présence d'une maison crénelée en cet endroit.
          La route de Philippeville, ou du moins ce qui en tenait lieu, était alors, la seule voie d'accès par laquelle les tribus rebelles et les pillards pouvaient venir attaquer les habitants de Bône et mettre leurs biens en péril.
          Le Général avait donc organisé dans les parages de la ville, des postes avancés qui étaient tenus par des militaires dont la relève s'effectuait tous les huit jours.
          Les maisons qui avaient été construites pour abriter ce détachement, étaient naturellement munies de créneaux permettant à leur occupants, au cas où ils auraient été surpris par les hordes ennemies et encerclés, de se défendre contre leurs assauts, en attendant l'arrivée de renforts.
          Cette " Maison Crénelée " a dû servir à cet usage, ou tout au moins à des fins du même ordre, pendant de longues années encore après la pacification de la province, car la route de Bône à Jemmapes fut, de tout temps, dangereuse pour les voyageurs imprudents, presque toujours porteurs d'importantes sommes d'argent, destinées à leurs achats, ou provenant de leurs ventes.

          Le " Chemin de Ceinture " après avoir traversé le faubourg de la Colonne Randon, prenait, pour les habitants de Bône, la dénomination de " Chemin de l'Orphelinat ", dénomination qui lui a été conservée dans le public.
          Sa première partie qui va de la route du Fort Génois au Pont blanc est devenue le boulevard Mermoz en même temps qu'elle a perdu ses beaux et grands arbres.
          Le chemin de ceinture constituait avec la route du Fort Gênois qui lui faisait suite, la plus agréable des promenades. La chaussée était spacieuse et toujours ombragée. Elle traversait une campagne verdoyante, et silencieuse où quelques rares maisons rustiques, sans style, dénonçaient seules, la présence d'agrestes habitants.
          Aujourd'hui, le boulevard Mermoz et le boulevard Pétrolacci, qui ont pris la place du Chemin de Ceinture et de la route du Fort Génois, ne traversent plus la campagne verdoyante et n'ont plus d'ombrage. Le silence aussi a disparu, et des centaines de petites villas se pressent sur leurs bords, enlaidissant les lieux que seule la nature paraît autrefois de son charme.
          Les automobiles, les autobus, et les bruits habituels de la ville en mouvement ont mis leur note désagréable et discordante dans cette atroce transformation des jolis paysages du temps de la " Douceur de Vivre ".
          Le stade mouvementé et bruyant, a lui aussi, pris la place de la tranquille et silencieuse Pépinière dont les admirables platanes, les gros chênes et les palmiers ne sont plus que des souvenirs.
          C'était un parc délicieux qu'abritaient ces grands arbres dont les feuilles s'agitaient sans cesse sous la brise marine venant du grand large par la trouée du Sémaphore.
          Le mérite de sa création ne revenait pas aux autorités locales. La Pépinière avait fait partie du programme des premières réalisations agricoles prévues dans ce nouveau territoire inculte jusqu'alors.
          La Pépinière, devait être un jardin d'essai à l'instar de celui d'Alger qui est une des plus belles curiosités de la Capitale algérienne.
          Hélas il ne reste plus de notre pépinière que la maison de son directeur et l'allée qui y conduisait.
          Cette allée partait de l'entrée principale où l'on voit aujourd'hui une grille que l'on ne ferme plus depuis longtemps.

          Les massifs qui la bordaient, de chaque côté, étaient de véritables fouillis de verdure et de fleurs de toutes sortes.
          Ils étaient séparés de l'allée par une haie de rosiers du Bengale taillés à un mètre de hauteur à la façon d'un mur aux arêtes vives et nettes.
          Cette barrière de roses formait, par endroits des recoins sous des berceaux de chèvre feuilles de bignones ou de glycines où se cachaient des bancs de bois. En arrière, des palmiers mettaient leur note exotique dans cet amas de fleurs et d'arbustes de France, seringas et rosiers, aux parfums enivrants et subtils.
          Tout près de la maison du Directeur, et sur la gauche, il y avait un parc où vivaient des cerfs et des gazelles du pays qui faisaient la joie des enfants. Il y eut même autrefois un lion qui avait été capturé tout jeune, dans les environs de Bône.
          L'allée centrale se divisait alors en deux pour entourer la maison et se reformait aussitôt après l'avoir dépassée.
          Mais c'était un tout autre spectacle, plus vaste et plus grandiose.
          C'était une allée superbe et large, bordée par d'imposants platanes, aux troncs énormes, qui tamisaient les rayons du soleil et laissaient courir la brise marine venant du nord.
          Des pelouses de gazon s'offraient aux joyeux ébats des enfants en arrière de ces grands arbres.
          Après ces pelouses, d'autres plantations, entourées d'une clôture de fusains taillés, parachevaient agréablement le décor.
          Il y avait là, encore, dans ces enclos de verdure, tous les spécimens des espèces qu'autrefois la Pépinière offrait pour le peuplement des jardins et des routes, car c'était, là, le véritable but de cette création gouvernementale.
          La Pépinière, comme le jardin d'essai d'Alger, avait été fondée pour réunir toutes les essences et espèces d'arbres, d'arbustes et de plantes susceptibles de vivre sur le sol et dans le climat algériens.
          La Pépinière a joué un grand rôle dans la reconstitution de la région bônoise qui avait été tout particulièrement dévastée et ruinée avant la venue des Français.
          Dans le journal de Bône, " La Seybouse ", du 14 octobre 1846, paraissait une liste des " arbres et arbrisseaux susceptibles d'être livrés par " la Pépinière du Gouvernement pendant la saison 1846-1847 " qui donne la mesure de l'oeuvre entreprise par le Gouvernement général, pour favoriser l'essor de l'agriculture et de l'horticulture dans la région bônoise.
          Plus de quatre mille jeunes arbres fruitiers greffés.
          Poiriers, pommiers, pêchers, cerisiers, pruniers, noyers, figuiers, greffés de deux ans également, sont déclarés disponibles et offerts au public.
          De même, dix mille peupliers de la Caroline, de deux ans d'âge, et dix mille arbustes à fleurs, ou d'ornements, tels que : acacias, lilas, arbres de Judée, saules pleureurs, sophoras du Japon, des ormes, des mûriers, des peupliers d'Italie, et enfin une large nomenclature de plantes et d'arbrisseaux d'agrément groupant près de trois mille sujets parmi lesquels des alisiers, des balisiers, des saulanums, des daturas.
          A côté de cet organisme administratif, une société d'agriculture, d'inspiration tout à fait locale, avait été formée dans la ville, sous la présidence du Docteur Moreau véritable apôtre de la colonisation française en ce pays, qui secondait de façon très active et très intelligente, les efforts de l'Administration. C'est sur son initiative qu'eut lieu la première exposition agricole dans les bâtiments de la Pépinière (bâtiments et terrains qui ont servi, en partie tout au moins, à l'installation du court de tennis et ses dépendances, et de la Régie des tabacs).
          Ces locaux avaient aussi abrité une magnanerie gouvernementale qui fonctionna pendant assez longtemps.
          Le climat de la région, comme celui de la Provence, était particulièrement propice à cette industrie, et les plantations de mûriers convenaient parfaitement à son sol.
          Ces arbres eurent alors la grande vogue dans l'agriculture du pays. Il y eut des mûriers partout : des chemins en étaient bordés et même, la partie des allées qui jouxtait le petit square de l'église, où fut créé plus tard, le jardin de l'hôtel de ville, était complantée de mûriers dont les troncs droits surmontés de la masse verte de leurs feuilles formaient un ensemble bien agréable à voir.
          A l'entrée de la magnanerie de la Pépinière il y avait deux grands cèdres, si grands et si majestueux qu'ils devaient faire rêver les jeunes écoliers à qui l'on avait appris que Bernard de Jussieu avait rapporté du Liban un arbre de cette espèce dans son chapeau.
          Une autre allée de jolis palmiers, tous pareils, coupait perpendiculairement la grande allée aux platanes, juste en son milieu. A l'un des angles que formait ce croisement, il y avait un puits dont la noria était actionnée par un moteur aérien. Le puits et la noria étaient comme enfouis sous d'épais buissons de roses et, sur la haute armature métallique de l'aéromoteur, grimpait jusqu'au sommet, jusque dans la nue, la Reine des jardins, comme si elle avait voulu mieux planer sur ses soeurs, les autres fleurs, et traiter d'égal à égal avec le Roi des forêts, un chêne majestueux, qui lui faisait presque face.

          De cette noria fleurie, l'allée des palmiers, à gauche, s'en allait rejoindre la traverse qui reliait la route du Fort Génois (rue Marcel Vigo) et le chemin de Ceinture (avenue Mermoz).
          Dans cette traverse se trouvait la folie maison de l'entreposeur des tabacs, dont le style mauresque s'harmonisait parfaitement avec la végétation exotique qui l'entourait.
          Il y avait, en arrière des palmiers qui bordaient l'allée, en un harmonieux désordre, toutes sortes d'arbustes : des phoenix échevelés, des kentias élégants, mais peu soignés, et des sabals énormes dont les lourdes palmes retombaient jusqu'au sol broussailleux, et, plus loin, entourant un bassin aux bords de granit, des touffes de bambous noirs voisinant avec des arbrisseaux étiques et divers se réfléchissaient ensemble dans l'eau immobile, comme en un grand miroir.

          La grande allée centrale, toute bordée de platanes, qui aboutissait à l'entrée du cimetière, commençait aussi, derrière la maison du Directeur, par un tombeau.
          C'était un sarcophage romain, qu'en 1867, le Général Faidherbe, nouveau commandant de la Subdivision de Bône, avait offert à l'Académie d'Hippone qui venait de le choisir comme président.
          Ce sarcophage, dont les sculptures presque intactes représentaient un combat d'amazones, provenait de la région souk-ahrassienne où le Général l'avait découvert. Venait-il de Thagaste ou de Madaure ? On ne sait.
          Il n'en a pas moins été transporté à Hippone.

          Ce parc admirable a été impitoyablement détruit pour taire place à un stade.
          La Régie des tabacs et la jolie villa mauresque, affectée au logement de l'entreposeur, construites aux environs de 1890, dans ses emprises, n'avait porté aucune atteinte à sa beauté, car le style des bâtiments et l'élégance orientale de la villa, entourée de phoenix, de sabals et de chamérops, convenaient bien au caractère quelque peu exotique de ce coin d'Algérie qui commençait à s'européaniser.

          Après la Pépinière, le Chemin de Ceinture, tout bordé de frênes et " d'arbres de carmousses ", allait paresseusement vers les " Quatre-Chemins " et l'Orphelinat. Il allait, entre de bien rares villas, dont le nombre a centuplé depuis, qui serrent de près, au point qu'on ne la voit plus, la petite et bien humble chapelle Ste Anne, que vénéraient tout particulièrement, les vieux Colonnois.
          Avant la modeste chapelle, il avait laissé, sur sa droite, la promenade des Béni-Ramassés et de l'Oued-Kouba qui n'avait pas la moindre habitation sur ses bords, pendant tout son parcours qui venait finir, en beauté, sur la mer tout près de la plage Chapuis.
          C'était une promenade charmante, et surtout, pour nous, enfants, des plus divertissantes, à cause de petits yaouleds qui attendaient sur le bord de la route le passage des voitures du dimanche.
          Ils étaient là, trente ou quarante qui se précipitaient à la suite de celles-ci en scandant sur l'air des " Lampions " : " Un sou M'sieur ", " donne un sou ", " Attiné sourdi, M'sieur... ", et cette escorte sautillante et gambadante suivait implacablement les promeneurs assourdis par leurs cris, jusqu'à ce que l'un d'eux se décidât à jeter dans leur direction, le sou si tapageusement réclamé.
          C'était alors un joli spectacle, le clou de l'attraction...
          Ces quarante petits gamins, dont le plus âgé n'avait pas sept ans, se précipitaient, tous ensemble, vers la petite pièce de monnaie qui roulait vers la pente, avant de s'aplatir dans la poussière et ce n'était plus qu'un monstrueux amas de corps, bras et jambes qui s'accrochaient entre eux ou se repoussaient pour arriver jusqu'à la minuscule piécette.
          Cela durait assez longtemps parfois, mais dès qu'apparaissait une autre voiture, le groupe qui se roulait dans la poussière se disloquait et la sérénade reprenait inlassablement : " Donne un sou M'sieur, donne un sou, Attiné sourdi "...

          Le Lycée Saint-Augustin a remplacé le Séminaire du même nom depuis 1905 dont les alentours désertiques, complètement submergés l'hiver, par les eaux de pluie, où coassaient les grenouilles et croissaient les joncs sont aujourd'hui occupés par de jolies petites villas qui forment le quartier de l'Etoile.
          Un petit oued, le " Zaffrania ", qui charriait les eaux de pluie des Béni-Ramassés et des derniers contreforts de l'Edough jusqu'à la Boudjima, passait à travers les terrains submergés l'hiver.
          Cet oued, que longeait un étroit sentier, seulement utilisé par les habitants des Béni-Ramassés, a disparu. Il a été canalisé et recouvert par de la maçonnerie qui a permis l'établissement du boulevard Alexandre Papier.
          Alexandre Papier, entreposeur des tabacs, était un homme d'une érudition remarquable. Il fut Président de l'Académie d'Hippone, dix ans après le Général Faidherbe, et le demeura pendant vingt-neuf ans consécutifs. Ses " Lettres sur Hippone " constituent une documentation très savante et très utile pour l'histoire de notre ville et de sa région.
          Il avait épousé la fille du Colonel Marengo qui fut inspecteur des milices en Algérie.
          Ce Colonel s'appelait, en réalité, Capone ou Capon, et il avait été contraint d'abandonner ce patronyme pour prendre celui de Marengo dans les conditions glorieuses que voici
          Au soir de la bataille de Marengo, en 1800, le Général Bonaparte avait fait appeler le grenadier Capone qui lui avait été signalé pour sa bravoure et qu'il tenait à féliciter lui-même.
          Le Général désagréablement surpris par le nom immérité que portait ce valeureux soldat, ordonna que le nom de la victoire à laquelle il venait de participer si brillamment, remplacerait désormais le nom de Capon.
          J'ai moi-même entendu rapporter cette anecdote par la fille du Colonel qui, quoique très simple, de manières et de mise, exigeait qu'on l'appelât Papier-Marengo.
          Le large boulevard qui suit servilement les méandres de l'Oued Zaffrania est aujourd'hui l'une des plus belles artères de notre banlieue et les élèves qui l'empruntent pour aller au Lycée Saint-Augustin ignorent certainement qu'il y a cinquante ans à peine, il n'y avait à sa place, qu'un mauvais ravin infesté de moustiques et que nulle maison ne se trouvait sur ses bords.


BÔNE MILITAIRE
du CAPITAINE MAITROT
                              Envoyé par M. Rachid Habbachi                      N° 11

Bône Militaire                                                   44 SIÈCLES DE LUTTES
du XXIVème avant  au XXème Siècle après notre ère
Médaille de Bronze à l'Exposition Coloniale de Marseille 1906
Médaille d'Argent de la société de Géographie d'Alger 1908

Deuxième Partie
BÔNE FRANÇAISE

CHAPITRE XI
Occupation définitive de Bône en 1832
8 février au 26 mars

Ce qu'étaient et ce que devinrent
les acteurs de la prise de Bône


        En se débarrassant du commandant Huder et de ses zouaves, les Bônois avaient cru faire une action d'éclat ; ce en quoi, ils s'étaient abusés singulièrement. Ils n'avaient fait que changer de maître. Ibrahim, par le fait même qu'il occupait la Casbah, allait les lier à sa fortune.
        La garnison de la forteresse se composait d'une centaine de Turcs. Leur chef fit appel aux bandits qui avaient été transportés en Asie Mineure.
        Quatre cents d'entre eux accoururent aussitôt avec l'espoir de voir renaître les beaux jours de la piraterie.
        Ibrahim se crut alors assez fort pour attaquer Ben Zagouta ; il descendit dans la plaine, traînant derrière lui une partie des habitants de la ville, obligés de faire cause commune avec lui. La rencontre eut lieu en avant du pont d'Hippone.
        Les Arabes croyaient avoir facilement raison de cette poignée de brigands ; mais le désordre de leurs bandes vint se briser contre la discipline des Turcs. Le combat dura deux jours, sans aucun avantage pour l'un ou polir l'autre des adversaires. Les Turcs rentrèrent dans leur repaire, laissant entre les mains de l'ennemi 250 des leurs, tant soldats qu'auxiliaires.

        Ben Zagouta fit égorger les Bônois mais conserva les Turcs par lesquels il espérait entraîner le reste de la garnison.
        Le bey, exaspéré de ce qu'il considérait comme un échec, fit arrêter et décapiter Ben Zagouda et le remplaça par un homme de tout autre valeur, le bach-lampa, Ali ben Aïssa, qui arriva avec Deb.
        Le nouveau général renonça à toute guerre active, il se contenta d'investir la ville du côté de la terre avec ses troupes, tandis qu'il faisait bloquer le port par une felouque qui arrêta immédiatement les opérations de ravitaillement des montagnards de l'Edough.
        Poussant plus loin ses moyens d'action il fit raser tous les jardins qui bordaient la partie Ouest de la ville et transforma ainsi la plaine fertile en un immense marais que, de nos jours encore, on arrive avec peine à dessécher.
        La guerre était sans quartier ; tout individu, pris de part ou d'autre, était égorgé sans pitié.
        La situation devenait intenable. Aussi, une députation de trois notables, sur l'instigation de Mustapha-ben-Kerim, résolut, au bout de six mois de siège, de se rendre à Alger. Elle réussit à percer la ceinture d'investissement malgré l'ennemi et surtout malgré l'opposition des Ben Cheick qui n'avaient pas renoncé à rendre la ville au bey Ahmed.
        L'affaire du 28 septembre 1831 avait été un échec pour nous, aussi bien au point de vue militaire qu'au point de vue diplomatique.
        Notre bonne foi et notre loyauté d'Occidentaux avaient été bernées par la duplicité et par la ruse des Orientaux. Le retentissement de cette affaire avait été immense en France.
        Le général Berthezène avait été rappelé et remplacé par le général Savary, duc de Rovigo, ancien aide de camp de Napoléon, intelligent et actif mais d'un caractère implacable et ne reculant pas devant une cruauté, quand besoin s'en faisait sentir.
        Arrivé avec des instructions précises au sujet des provinces de l'Est, le nouveau gouverneur essaya de traiter avec le bey Ahmed.
        Celui-ci reconnaîtrait la suzeraineté de la France, paierait un tribut annuel et consentirait à la cession de Bône ; de plus, il interdirait tout commerce d'exportation ou d'importation avec Tunis en dehors de Bône.
        En échange, la France lui accorderait sa protection et se chargerait de l'entretien et de l'armement de ses troupes.
        Le bey aurait accepté, mais il ne voulut jamais céder Bône. Le gouverneur rongeait son frein depuis six mois. Aussi accueillit-il avec joie les notables bônois ; mais il ne voulut pas se lancer à l'aveuglette. Il lui fallait être renseigné exactement sur l'état des choses.
        A la ruse et la froide cruauté des Arabes, il voulait opposer l'astuce et l'intrépidité d'un homme élevé chez eux et par eux.
        Il ordonna au capitaine Yusuf, des Chasseurs Algériens, de s'embarquer sur la Béarnaise avec la députation et d'aller faire une enquête sur les lieux mêmes. Le bâtiment quitta Alger, le 2 février et alla mouiller, le 8 février, sous les murs de Bône, aux Casarins, après avoir subi une tempête épouvantable, le soir du départ et avoir relaché à l'île de la Galite.

        La Béarnaise, aussitôt mouillée, arbora le pavillon parlementaire.
        Le lendemain matin, 9 février, un canot monté par des Arabes armés jusqu'aux dents accosta. Yusuf remit au patron une lettre du duc pour Ibrahim et demanda trois otages.
        Aussitôt après l'arrivée de ceux-ci, Yusuf monta à la Casbah, vers une heure ; sur la porte se dressaient trente tètes grimaçantes en putréfaction c'étaient celles d'Arabes de Ben Aïssa, tués dans une rencontre de nuit.
        L'entrevue avec Ibrahim fut assez orageuse ; elle eut lieu en turc et Yusuf en profita pour renseigner la garnison sur ce qui se passait réellement.
        Le duc de Rovigo ne leur accorderait le pardon de l'affaire Huder que s'ils faisaient leur soumission. Ibrahim se vit alors obligé de quitter ses grands airs, d'ailleurs sans effet, sur la froide contenance de son adversaire.
        Le capitaine revint à bord vers quatre heures du soir, avec deux lettres de soumission, l'une du commandant du château, l'autre des habitants de la ville (1).
        La Béarnaise appareilla le 10 février et arriva à Alger le 17, après avoir subi une nouvelle tempête. Après une quarantaine de onze jours, Yusuf se rendit chez le gouverneur.
        Sans ordre, celui-ci ne pouvait envoyer de troupes, mais il fallait, cependant, avant que les ordres n'arrivassent, dépêcher quelqu'un à Bône pour prévenir toute trahison qui pourrait ouvrir les portes à Ben Aïssa ; il fallait en même temps ravitailler la ville.
        Le capitaine d'Armandy, de l'artillerie, fut chargé de cette tàche ardue et délicate. Il reçut du général gouverneur les instructions verbales suivantes :
        " Empêchez que la ville de Bône ne soit prise avant un mois ou six semaines ; alors j'y enverrai des troupes pour la défendre ou bien un bâtiment qui vous ramènera. "
        Le général Trezel, chef d'Etat-Major, lui donna des instructions plus précises.

        Le capitaine Yusuf lui fut adjoint ; l'officier algérien quittait Alger après avoir reçu du chef d'Etat-Major une lettre contenant les plus grands éloges. (2).
        La goélette partit d'Alger le 23 février 1832, emmenant à son bord les capitaines d'Armandy et Yusuf, les maréchaux des logis d'artillerie Colomb, et Charry et le canonnier Montech, ordonnance du capitaine d'Armandy.
        La Béarnaise escortait et remorquait au besoin la felouque la Casauba, chargée de 30.000 rations de vivres (30.000 kilogs de biscuits, farine de froment et riz). Le capitaine de ce dernier bâtiment était le raïs Mohammed, ancien capitaine de vaisseau de guerre de la Régence, l'équipage était composé de Maures.
        Le 28, les deux bâtiments mouillaient aux Casarins. Le 29, ils aperçurent 200 Arabes défilés de la Casbah ; un canot vint à bord disant que ces indigènes étaient de l'armée de Ben Aïssa et que le général désirait s'entretenir avec le capitaine Fréart. Celui-ci refusa l'entrevue.
        Le canot s'éloigna après avoir essuyé de la Casbah deux coups de canon qui ne l'atteignirent pas.
        La Béarnaise se rapprocha de la côte et Yusuf descendit à terre, après un salut de treize coups de canon, rendus coup pour coup, et se rendit à la Casbah saluer Ibrahim au nom du consul ; c'était le titre que portait le capitaine d'Armandy.
        Puis le capitaine et tout l'Etat-Major de la Béarnaise, en grande tenue, sauf le lieutenant Retailleau qui resta à bord, se rendirent à terre au milieu d'une foule de Bônois et furent reçus par 80 Turcs qui firent une fantasia en leur honneur avec les fusils des zouaves de Bigot.
        Arrivés à la porte de la Casbah, ils furent salués de nouveau par les quarante-trois pièces du fort et conduits chez le bey, dans le bastion N O qui formait le réduit du château, séparé du reste de la forteresse par une forte porte crénelée.
        Ibrahim les reçut dans une grande chambre carrée, n'ayant pour tout ameublement, qu'un sofa formé de quatre planches de sapin recouvertes d'une peau de tigre et pour tout ornement qu'une glace de Venise, un fusil arabe dont le fût et la crosse étaient ornés d'incrustations de nacre et de perles et enfin un instrument terrible encore maculé de sang, destiné à couper les tètes.
        Un homme à longue et épaisse barbe rousse mélangée de poils gris, enveloppé dans deux burnous fanés et superposés, l'un blanc sale, et l'autre cerise, la tête couverte d'un capuchon, était assis sur le sofa, les jambes croisées à la mode orientale. C'était le bey.
        Ce cruel Osmanli, qui pouvait avoir 55 ans, était de grande taille et de constitution athlétique.
        Ses yeux noirs, profondément enchassés sous leurs arcades, étaient garnis d'épais et longs sourcils qui les voilaient en partie ; sa bouche disparaissait sous d'énormes moustaches ; son regard était faux et son expression féroce.
        Pendant qu'une de ses mains tenait un bouquet de jonquilles, l'autre était appuyée sur de longs pistolets et un yatagan montés en argent, qu'il portait à la ceinture. Un sabre à fourreau d'argent était déposé près de lui sur le sofa, derrière lequel se tenaient debout les principaux officiers turcs de la garnison. On voyait les notables de ville accroupis sur des tapis à la droite du bey et Yusuf assis, les jambes croisées, sur une peau de lion. (3).
        Le bey Ibrahim reçut très bien les officiers français, offrit son bouquet au capitaine Fréart et fit servir le traditionnel café.
        Le notable Mustapha ben Kerim, qui avait tenté autrefois d'empoisonner Ibrahim et qui redoutait des représailles, ne savait comment se débarrasser de sa tasse, aussi son embarras fut-il salué d'un fou rire qui gagna jusqu'aux Français.
        Le consul remit la lettre du duc de Rovigo au bey qui la fit lire à haute voix par le cadi.
        Le capitaine exposa ensuite qu'il amenait deux canonniers hors ligne pour diriger l'artillerie et des vivres pour la garnison, exprimant le désir de voir remettre place et fort au pouvoir des Français à leur arrivée.
        Ibrahim accepta les vivres, mais se réserva de répondre plus tard aux autres propositions.
        La visite avait duré une heure et les Français, sans s'en douter, avaient couru les plus grands dangers, l'intention d'Ibrahim était de les arrêter et de s'emparer de la Casauba ; la proximité des canons de la Béarnaise l'empêcha seule de mettre son projet à exécution.
        Le bey fit alors conduire le capitaine en grande pompe à la maison qui lui avait été préparée en ville.
        C'était, disent les relations, une maison dont les fenêtres donnaient en dessous du mur d'enceinte. Elle devait être du côté de la porte de la Marine et probablement aux bureaux actuels de la place, car c'est le seul front donnant sur la mer et que celle-ci ne vint pas, à cette époque, battre directement ; car, comme on le verra plus loin, en bas du mur se trouvait une plage de sable.
        De plus, ce ne peut être dans la rue d'Armandy, également parallèle à la mer, parce qu'en venant de la Casbah, le capitaine eut eu à parcourir la ville pour se rendre chez lui. Les officiers de la Béarnaise firent leurs adieux au consul qui resta en ville avec les trois artilleurs. Toutefois, le capitaine Fréart, assez inquiet de ce que leur réservait l'avenir, leur laissa 200 kilogs de poudre et la Béarnaise appareilla pour Tunis, emmenant Yusuf, qui devait aller faire des achats de chevaux dans son ancien pays d'adoption, c'était du moins le bruit qui circulait au carré des officiers ; il n'en était rien.
        Le capitaine ne put, d'ailleurs, même pas descendre à terre, sur les conseils de M. Lesseps qui vint le voir à bord, accompagné de plusieurs de ses anciens camarades des mamelucks.
        Le 14 mars, un cavalier arabe, envoyé de Tabarca par le capitaine d'Armandy, arriva à Tunis et remit une lettre au capitaine Fréart.
        Bône était prise par Ben Aïssa et le consul était à bord de la Casauba avec les trois artilleurs.
        Le 16, après une nouvelle tempête, la Béarnaise arriva à hauteur du Cap de Garde : le timonier de quart signala un bâtiment à vapeur cinglant vers Bône.
        A neuf heures, ce furent cinq navires bombardant la ville ; on crut que c'était le corps expéditionnaire qui venait d'arriver ; c'était une erreur.
        Il n'y avait, en réalité, qu'un bâtiment à vapeur, le Pélican, à quatre cheminées et trois mâts, sous le commandement du lieutenant de vaisseau Alliez.
        Ce navire venait voir ce qui se passait à Bône
        Après avoir rallié la Béarnaise, il retourna sur Alger.
        Peu après, la Béarnaise fut accostée par la Casauba ayant le consul à son bord.
        Mais laissons la parole au capitaine d'Armandy.
        Rade de Bône, 8 Mars 1832.
        Partis d'Alger le 23 février, nous mouillâmes avec la Béarnaise, le 28 au soir, dans la baie des Caroubiers, à deux milles environ à l'Ouest de celle de Bône ; le lendemain, à la pointe du jour, au moment de l'appareillage, nous découvrîmes sur une plage voisine une troupe de gens armés ; bientôt après, une chaloupe se détacha du rivage et amena à bord de la goêlette un Turc, se disant envoyé du général de l'armée de Constantine, de la part duquel il apportait une lettre qui engageait le capitaine du navire à lui envoyer quelqu'un, soit musulman, soit chrétien, avec lequel il put communiquer, disant avoir des choses de la plus haute importance à faire connaître.
        " Ne jugeant pas convenable de hasarder personne dans une entreprise de cette nature, dont on ne nous laissait pas même soupçonner le but, je priai le capitaine de répondre par écrit à Sidi Ali ben Aïssa que, ne pouvant retarder notre départ et contrevenir ainsi aux ordres que nous avions d'aller mouiller dans la rade de Bône, nous nous y rendions et que nous serions toujours enchantés d'y recevoir ses communications, soit par écrit, soit de vive voix.
        " Cette lettre resta sans réponse et la barque ne revint plus à notre bord.
        " A peine entrés dans la rade de Bône, deux bâteaux de cette ville vinrent accoster la Béarnaise amenant les principaux habitants, le beau-père d'Ibrahim Bey et plusieurs des grands attachés à sa personne.
        " Le capitaine Joseph mit pied à terre aussitôt et monta à la Casbah pour y annoncer notre arrivée qui parut faire tant de plaisir au bey qu'il nous fit saluer par toute l'artillerie de la ville et du fort. La goêlette lui rendit ce salut par une autre de quinze coups de canon.
        " Mais d'abord, j'étais descendu à terre accompagné de M. Fréart, capitaine de la Béarnaise, et de trois officiers de son état-major ; une partie de la garnison de la Casbah nous attendait sur le rivage ; elle nous y salua d'une salve de mousqueterie et nous accompagna jusqu'à la citadelle où Ibrahim nous accueilli fort bien. Il était entouré des principaux personnages de Bône qui parurent nous voir avec le plus grand plaisir. Je remis au bey la lettre dont j'étais chargé pour lui; il la reçut avec respect et la fit lire à haute voix pour que tout le monde dans la ville en eut connaissance. Son contenu procura une telle satisfaction que tous les habitants en rendirent grâce à Dieu en récitant la Fataha, espèce de Te Deum musulman.
        "Cette première audience terminée, je fus conduit dans la maison qui m'était destinée ; en traversant la ville, je fus tristement frappé de l'air de désolation et de misère qu'elle présentait aux regards : les rues étaient désertes, la plupart des maisons paraissaient abandonnées, beaucoup tombaient en ruines ; d'autres, sans habitants, avaient leurs portes brisées ou toutes grandes ouvertes, et l'aspect de celles qui étaient encore occupées prouvaient que le propriétaire, découragé, sans espoir comme sans ressources, ne pensait nullement à réparer le toit sous lequel il désirait peut-être la mort comme terme de ses maux.
        " La maison, dans laquelle je fus conduit, était sans doute l'une des plus belles et les mieux conservées de la ville, mais elle n'offrait que les quatre murs et des fenêtres sans châssis.
        " J'y campai et, ayant pris congé du capitaine de la Béarnaise, qui était pressé de quitter la rade peu sûre de Bône, et qui unit à la voile le même soir, je restai seul avec mes trois hommes au pouvoir d'Ibrahim que l'on peut, à bon droit, accuser de la mort de plus d'un Français et dont l'extérieur ne prévient pas en sa faveur.
        " Ses manières polies m'avaient paru forcées et, semblable à un tigre apprivoisé, il paraissait gronder encore en faisant des caresses.
        "Je ne demandai pourtant pas d'otages, ne croyant avoir rien à craindre des habitants de la ville et Ibrahim n'ayant personne près de lui (son fils n'étant pas venu le rejoindre) qui lui fut assez cher pour que sa vie puisse répondre de la nôtre.
        "Tenant cependant à remplir la mission dont vous avez eu la bonté de me charger et justifier votre confiance, je fis en musulman : je me confiai à ma destinée.
        " Le lendemain, premier mars, je montai à la Casbah où j'eus une longue conférence avec le bey ; il me fit part de ses projets et des espérances qu'il avait d'être, avant peu, secouru par ses amis du Sahara. Je lui dis qu'il devait se confier bien davantage à vos promesses et n'attendre son salut que de la France, qui saurait lui donner tous les secours nécessaires, s'il se défendait assez bien pour se maintenir jusqu'au moment de leur arrivée. A cela, il me répondit en me conduisant au-dessus de la porte de la Casbah où il me montra les têtes de sept malheureux tombés entre ses mains et seuls trophées de tous les avantages qu'il me dit avoir remportés sur ses ennemis, en m'annonçant que tant qu'il aurait des vivres et des munitions sa citadelle serait imprenable. Il finit par me demander les provisions que vous lui aviez envoyées et dont le capitaine Joseph lui avait promis la moitié.
        " Ne pouvant, après cela, paraître vouloir le rationner et bien sûr qu'il ne vendrait pas ce que je lui donnerais, je mis à sa disposition soixante sacs de blé et vingt-cinq de riz, me réservant ainsi le droit de disposer, comme je l'entendrais, de plus des deux tiers du chargement de la felouque.
        " Il me remercia et je le quittait après lui avoir demandé la permission de visiter les murailles de la ville.
        " Ma proposition parut l'enchanter, niais il me donna pourtant un de ses soldats les plus fidèles sous prétexte de m'accompagner partout et sans doute aussi pour épier toutes mes démarches.
        "Bône est bâtie au pied de la colline sur laquelle s'élève la Casbah qui la domine entièrement ; elle a la forme d'un quadrilatère irrégulier, entourée d'une chemise flanquée de quelques feux croisés en avant d'elle. Je trouvai la face de Sud ou de la porte de Constantine assez bien gardée et armée d'autant de pièces qu'il était nécessaire à la défense de ce côté ; à une lieue de distance, l'on apercevait dans un vallon le camp des troupes de Constantine, dont j'évaluais la force à 1.200 à 1.500 hommes d'après le nombre des tentes ; je me trompais au moins d'environ la moitié, ainsi que je l'appris quelques jours plus tard. Les assiégeants, pour venir attaquer la ville, devaient passer sur une chaussée qui traverse un marais, qui s'étend depuis une petite rivière jusqu'au pied de la colline de la Casbah, couvrant ainsi parfaitement le front attaqué, de sorte que je regardais Bône d'une défense très aisée. Les trois autres côtés de la ville étaient moins bien armés, encore plus mal gardés et laissés, faute d'hommes, presque entièrement à leur propre force.
        " Le 2 mars au matin, je fis délivrer au bey les grains que je lui avais promis la veille ; en sortant de chez moi je trouvai deux notables ; je ne les avais plus vus et j'en avais été très surpris ; je leur en fis amicalement le reproche. Ils m'assurèrent s'être présentés chez moi et que le janissaire d'Ibrahim, qui était à ma porte, leur en avait refusé l'entrée. Je montai sur le champ à la Casbah pour me plaindre d'être tenu ainsi en charte privée. Le bey fit l'étonné et me promit que, désormais, je pourrais recevoir qui bon me semblerait.
        " Dès que je fut rentré chez moi, je fis prier les cadis, muphtis, etc..., d'y venir et j'eus avec eux une longue conversation. Ils me parlèrent longuement de leur triste sort qu'ils me peignirent des plus sombres couleurs et qui me parut être, en effet, véritablement déplorable.
        " Assiégés depuis huit mois par l'armée de Constantine, ils avaient peu à peu épuisé leurs provisions dont Ibrahim Bey s'était fait donner par force le reste pour nourrir les soldats de la citadelle.
        " Une seule ressource leur restait, c'était, de se procurer quelques vivres sur la côte voisine du Cap de Fer (Sidi Akacha ; en arabe) dont les habitants étaient leurs amis. Sidi Ali ben Aïssa la leur avait enlevée en se procurant une chaloupe qui, en courant sur les leurs, les empêchait d'avoir aucune communication avec le dehors, et ils témoignèrent les plus vifs regrets que nous n'eussions pas retenti cette chaloupe lorsqu'elle était venue à bord de la goélette.
        " Pressurés par Ibrahim, redoutant la vengeance d'Ahmed bey, mourant de faim, réduits à manger de l'herbe pour soutenir leur misérable existence, voyant leur population diminuer tous les jours, ou par la fuite ou par la mort de quelqu'un d'entre eux, ils n'avaient, me dirent-ils, d'autre espoir que dans la France. Je leur répondis qu'ils pouvaient y compter, que vous vous occupiez d'eux avec sollicitude, que ne pouvant mieux faire pour l'instant à cause de la mauvaise saison, vous m'aviez envoyé vers eux pour les assurer de votre bienveillance et leur apporter des vivres qui pourraient les aider à attendre les secours plus efficaces que vous comptiez leur faire passer bientôt.
        " L'annonce des vivres leur fit plaisir, mais lorsque je leur dis que je ne pourrais leur distribuer que quatre cents livres de blé ou de riz par jour, je vis la tristesse se peindre de nouveau sur leur figure.

        " Quatre cents livres, me dirent-ils, c'est une bien faible pitance pour toute une population affamée : ne pourriez-vous donc pas nous en donner une plus grande quantité pour faire vivre nos pères, nos femmes et nos enfants ? Serions-nous heureux de manger en les voyant autour de nous mourir de faim !
        " Mais, leur dis-je, si je vous livre toutes les provisions que j'apporte et que vous les dévoriez en un jour, comment ferez-vous le lendemain ?
        " Si après avoir déchargé votre felouque, vous ordonnez à son capitaine de transporter quelqu'un de nous au cap de Fer et d'y prendre les vivres que nous achèterons, nous n'aurons plus à craindre le besoin et nous n'aurons que des grâces à vous rendre et les bénédictions pour le général en chef de l'armée française qui vous a envoyé.
        " Ne pouvant résister à leurs prières, je leur promis de faire ce qu'ils désiraient, si le capitaine de la barque jugeait qu'il pût faire ce voyage sans danger.
        " Pour leur plaire, je fis appeler à l'instant ce raïs et comme il m'assura qu'il n'y avait rien à craindre, il fut arrêté que le chargement apporté d'Alger serait débarqué et déposé chez moi et que la felouque irait ensuite chercher des vivres sur la côte. Cette décision prise, les notables se retirèrent en m'assurant de toute leur reconnaissance.
        " Cependant, j'avais remarqué avec peine que quelques-uns d'entre-eux, entre autres le cheick et Islam Sidi Ahmed, le personnage le plus important de la ville, avait pris peu de part à la conversation. Je ne savais qu'en penser et m'en informai à diverses personnes qui me laissèrent mon incertitude, tandis que d'autres nie dirent qu'ennuyé des malheurs de son pays, on le soupçonnait de traiter avec le général des assiégeants.

        " Le 3 Mars, malgré le mauvais temps, l'on débarqua de la felouque 90 sacs de blé ou de riz ; j'en distribuai sur le champ quelques-uns aux notables de Bône, les chargeant d'en faire la répartition parmi leurs concitoyens les plus nécessiteux.
        " Le soir du même jour, Ibrahim me fit prévenir qu'il avait appris, par ses espions, que les troupes de Constantine nous attaqueraient dans la nuit suivante ; je la passai sous les armes avec mes hommes et fis une ronde sur les remparts pour m'assurer qu'on y fit bonne garde. Je trouvai tout en bon ordre et la nuit se passa sans que nous fussions inquiétés, bien que de temps à autre, il y eut quelques coups de fusil tirés.
        "Le lendemain, 4 mars, étant le premier jour du Beyram, je montai à la citadelle dès le matin, accompagné des principaux habitants pour y souhaiter les bonnes fêtes à Ibrahim. C'est un usage oriental, je le connaissais et je crus devoir m'y conformer.
        " Le bey reçut, en Oléine temps que les miennes, les félicitations de tout ce qu'il y a de marquant à Bône ; il nous régala d'un concert de tambours et du spectacle d'un combat de lutteur et d'un autre au sabre.
        " Tout me parut avoir pris un air plus riant ; les gens que je voyais se presser autour du bey, me semblaient lui être dévoués. Il leur fit quelques petites distributions d'argent et de burnous et je le quittai enfin persuadé qu'il avait encore assez de partisans et qu'il pouvait, sans crainte, se maintenir jusqu'à l'arrivée de nos troupes.
        " La journée se passa comme si l'ennemi n'eut pas été aux portes.
        " Le soir, la fatigue me fit coucher de bonne heure et je dormais lorsque, vers minuit, des coups de fusil me réveillèrent ; je m'habillai à l'instant et fis lever les trois artilleurs que j'avais avec moi, J'envoyai en même temps un des soldats d'Ibrahim, que j'avais à ma porte, s'informer de ce qui se passait ; il revint et m'apprit que les assiégeants attaquaient, mais mollement le front de Constantine ; je fis prendre les armes à tout mon monde et me disposai à me rendre de ce côté, lorsqu'en ouvrant la porte pour sortir, cinq ou six personnes armées, mais pâles de frayeur, se précipitèrent dans la maison, me priant de les sauver, me disant que la ville était prise et qu'il fallait fuir, et fuir à l'instant, si nous voulions éviter d'être massacrés.
        " Surpris d'une nouvelle à laquelle je m'attendais si peu, je commençai par faire barricader la porte. La maison où je restais, donnait sur le rivage de la mer ; je fis disposer une corde à une fenêtre pour pouvoir y descendre au besoin.
        " Deux ou trois mauvaises chaloupes s'y trouvaient sur le sable ; j'envoyai les Arabes effrayés, qui s'étaient réfugiés chez moi, pour s'assurer de deux d'entre elles et les mettre à flot.
        " Ces dispositions prises pour assurer notre retraite en cas de besoin, je montai sur la terrasse pour mieux entendre ce qui se passait dans la ville ; tout m'y paraissait assez tranquille et comme l'on continuait à tirer des coups de fusil, entremêlés de quelques coups de canon du côté de la porte de Constantine, je pensai qu'une terreur panique avait fait fuir les Arabes qui s'étaient réfugiés chez moi. Je voulais donc sortir pour aller m'assurer de leur vérité, mais les deux soldats d'Ibrahim, qui étaient encore dans la maison, refusèrent de m'accompagner.
        "Pendant que je cherchais à les décider à me suivre, on frappa à la porte. Je fis demander qui
        "C'était el Mohammed Serradj, l'un des députés de Bône à Alger, me répondit en me priant de lui ouvrir.
        " Il entra, suivi d'une vingtaine de Turcs et d'Arabes, dont la plupart connaissant la maison, se précipitèrent vers la fenêtre donnant sur la mer et en descendirent au moyen de la corde qui y était attachée ; ils s'embarquèrent sur une barque et s'éloignèrent du rivage.
        " Mohammed Serradj me confirma la nouvelle que l'on avait déjà donnée que la ville était prise, mais que Sidi Ali ben Aïssa, au nom de son maître, promettait quartier à tout le monde ; il me dit cependant que nombre de gens s'étaient déjà retirés dans une des mosquées de Bône, à Sidi Mérouan, regardée comme un asile.
        " D'après celà, je m'assurai que les habitants ne se fiaient pas plus à ces promesses que je n'avais envie de le faire moi-même. Cependant, n'entendant rien dans la ville qu'elle fut prise d'assaut, je n'ajoutai point encore foi à ce que l'on disait et refusait toujours de me retirer comme tout le monde m'engageait à le faire. Enfin, vers quatre heures et demie, j'entendis de mes propres oreilles le crieur de Sidi Ali annoncer la miséricorde de Dieu et du prophète, Aman Alaah, Aman Reçoul Allah, que El Hadj Ahmed Pacha promettait asile à tous les habitants de Bône, quelle que fût leur religion.
        " Dès lors je n'eus plus de doute et la ville étant prise, je pensais à faire retraite, ne jugeant pas prudent de me fier à des paroles qu'on pouvait désavouer ou interpréter comme on voudrait. Dans ce moment, on vint me prévenir que l'on voyait beaucoup de gens armés sur les terrasses voisines de la mienne ; il n'y avait donc plus un instant à perdre ; nous descendîmes sur le rivage, abandonnant nos effets et nous nous éloignâmes à force de rames.
        " Le jour commençait à poindre, nous fûmes aperçus et salués de quelques coups de fusil qui heureusement n'atteignirent personne. J'arrivai à bord où je trouvai que le raïs, prévenu par les fuyards qui nous avaient précédés, avait tout préparé pour mettre à la voile. Je fis lever l'ancre et louvoyer dans la haie des Caroubiers.
        " D'après ce que j'ai appris de divers côtés, ajoute le capitaine d'Armandy dans un autre rapport daté du 10 mars, c'est-à-dire cinq jours après l'événement, il paraît que le cheick el Islam a traité de la reddition de Bône ; qu'il a indiqué aux soldats de Sidi Ali ben Aïssa la route qu'ils devaient prendre pour s'y introduire sans être vus.
        " C'est du côté du Nord, sur le côté opposé à celui de la porte de Constantine, qu'ils sont rentrés par une vieille brèche qu'on n'avait pas réparée.
        " Les promesses que Ben Aïssa a sans doute faites pour se faire livrer la ville, n'ont pas l'air de rassurer les habitants depuis le cheick lui-même jusqu'au dernier. Chacun tremble pour l'avenir ; tout le monde cependant semble espérer que ma présence produira un bon effet et évitera bien des malheurs, je le désire, sans y croire : je ne quitterai la rade que s'il est nécessaire que je monte à la Casbah pour nous la conserver et ce sera dans l'un ou l'autre endroit que j'attendrai vos nouveaux ordres. "
        "Le 4 mars, à dix heures du soir, les Arabes avaient fait irruption dans la ville de la façon suivante. Ils avaient pénétré, au nombre d'une trentaine, dans le jardin que l'on voit sur la gauche du plan-perspective de 1852 ; armés de haches, ils avaient contourné la ville, couverts par la grande obscurité de la nuit, en suivant le rempart Est et en passant devant la porte de la Marine.

        Arrivés devant le fort Cigogne, ils s'étaient mis à l'eau et avaient gagné une petite porte autrefois murée et communiquant avec la mosquée de Sidi Mérouan.

        Le muphti, mis dans le complot par les frères ben Cheick, avait détouré cette ouverture qui correspond à la rue Saint-Pierre actuelle. Massés dans la mosquée, les assaillants en étaient sortis pour aller ouvrir la porte de Constantine (4) en criant dans les rues : " Bénissez le Seigneur, enfants de Mohammed, car notre grâcieux général Ben Aïssa vient de vous soustraire à la tyrannie de l'infidèle Ibrahim. Il veut que vos biens soient respectés. C'est l'ordre de notre maître, le bey de Constantine. "
        Le capitaine d'Armandy avait pris ses précautions en cas d'alerte ; il avait attaché une corde à une des fenêtres et avait placé dans une salle basse un baril de poudre de façon à ne pas tomber vivant aux mains des soldats de Ben Aïssa.
        Le 5, au matin, la Casauba après avoir louvoyé toute la nuit, revient mouiller hors de la portée des canons.
        Dans l'après-midi, un canot vint à bord avec le capitaine du port, le muphti, le cadi, le général de cavalerie de Constantine Ali Aga et quelques maures. Ces émissaires venaient apporter les excuses de Ben Aïssa au consul et lui dire que le général serait heureux d'avoir une entrevue avec lui.
        Malgré les craintes et l'insistance de sou entourage, le capitaine répondit à Ali Aga : " Je veux bien aller trouver Ben Aïssa mais à la condition que tu resteras ici en otage et si ce soir, je ne suis pas revenu, la Casuaba te portera à Alger. "
        Ali accepta sans hésiter, le capitaine en conclut qu'il n'y avait rien à craindre et emmena le général de cavalerie avec lui.
        Le consul se rendit à terre et bien que protégé par Ali Aga, eut beaucoup de peine à traverser la foule que le succès avait rendue insolente. Il fut reçu par Ben Aïssa dans le marabout de Sidi Brahim.
        Le général l'accueillit par ces mots : " Tu es un brave, je t'estime, j'aime le courage, et avec des hommes de ta trempe, on peut toujours s'arranger. " Puis ne voulant pas être en reste, Ben Aïssa fit éloigner tout le monde et les deux officiers restèrent seuls dans le marabout.
        J'ai insisté sur ces glorieux détails parce que la modestie du capitaine d'Armandy lui interdisait d'en parler dans ses rapports que je vais reprendre, après toutefois avoir expliqué comment le cavalier qui prévint le capitaine Fréart était parti de Tabarka et non de Bône.
        Ben Aïssa avait remis une lettre à d'Armandy pour le duc de Rovigo. Le capitaine ne pouvant aller lui-même à Alger ni se priver de la Casauba, résolut de la faire porter par un bateau corailleur. Mais tous avaient disparu, effrayés par le succès des Arabes.
        La Casauba se mit à leur poursuite et les rencontra, le 8 Mars à Tabarka. Un bateau prit la lettre pour Alger laquelle n'arriva jamais et un cavalier partit pour Tunis ; la felouque rentra le 11 mars.

        Le consul écrivit à bord de la Casauba, à son retour de Tabarka, le rapport suivant :
        " La ville de Bône prise ou plutôt rendue aux troupes d'Ahmed Bey, commandées par Ben Aïssa, m'a forcé de me retirer en toute hâte à bord de la petite felouque chargée des vivres que nous avions amenés d'Alger.
        " Je la fis éloigner tout de suite hors de la portée des canons de la ville et me mis à croiser dans la baie, ne pouvant abandonner Ibrahim Bey, qui se maintient toujours dans la Casbah où je serais allé le rejoindre, toutes les avenues n'étant pas assez bien gardées pour que je ne puisse le faire, si la connaissance que j'ai du caractère turc ne m'eut fait craindre que ses soldats ne m'y eussent vu entrer avec peine, et si je n'eusse cru qu'avec de pareilles gens, l'espérance d'être secourus ou de pouvoir se sauver à mon bord au besoin, n'eût produit un meilleur effet que ma présence parmi eux.
        " Ibrahim a trouvé le moyen de me faire parvenir une lettre. II me demande de prompts secours en vivres et en soldats. Je lui ai répondu que l'un et l'autre m'étaient impossibles pour le moment, mais que j'allais vous expédier la Béarnaise à laquelle j'ai envoyé un exprès pour me la faire revenir tout de suite et que sans doute vous prendriez les mesures nécessaires pour le secourir de toutes manières.
        " Je lui conseille en attendant de se défendre, mais en l'engageant à ménager la ville, lui promettant de ne pas m'éloigner, quelque temps qu'il fasse, et d'être toujours à portée de le recevoir à mon bord, s'il était forcé de se retirer, avant l'arrivée de votre réponse ; auquel cas, je lui recommande d'enclouer toutes les pièces et de disposer une mèche pour faire sauter le magasin aux poudres pour que les troupes de Constantine ne puissent, en se logeant dans la Casbah, nous empêcher de rentrer dans Bône, si ce qu'il me reste à vous apprendre ne change rien aux projets que vous avez formés sur cette ville.
        " Dans l'après-midi du 5, jour même de la prise de Bône, une chaloupe partie de terre vint m'apporter une lettre du général Ben Aïssa, de Constantine, qui m'engageait à aller le voir. Le porteur de cette missive, Hadj el Mohammed el Merkanti, ou capitaine du port, l'un des notables de la ville, me dit en me la remettant que je pouvais en accédant à la proposition de Sidi Ali ben Aïssa éviter de grands malheurs à sa patrie ; dès lors, je ne balançai pas à répondre à Ben Aïssa que je me rendrais le lendemain près de lui, s'il m'envoyait quelques-uns des chefs de sou armée pour me faire traverser une ville remplie d'une soldatesque qui, n'ayant peut-être jamais vu un seul Européen, pouvait m'insulter contre ses ordres les plus précis.
        " Le 6 au matin, un bateau amenait à bord le secrétaire de Ben Aïssa et trois des principaux habitants de Bône. Je descendis à l'instant avec eux. Je trouvai le rivage couvert d'une foule de soldats avides de me voir et que je ne pus traverser qu'avec peine, sans entendre cependant aucune injure. L'on m'amena un cheval, je le montai et me rendis au camp de Ben Aïssa qui se trouvait à une demi-lieue de la ville.

        Le général, naguère négociant, ayant eu l'occasion de voir des Européens, soit à Tunis, soit ailleurs, me reçut avec politesse. Il me témoigna le regret qu'il avait éprouvé en apprenant que ma maison avait été pillée, malgré les ordres contraires qu'il avait donnés. Il m'assura qu'il ferait faire des recherches et que tout ce que l'on trouverait à moi me serait rendu. Je le remerciai et le priai en même temps d'étendre sa bienveillance aux habitants de la ville qui étaient dans des inquiétudes mortelles.
        " Il me le promit en me disant que son maître El Hadj Ahmed Pacha n'avait désiré s'emparer de Bône que pour se rapprocher de la mer, avoir de ce côté un point de communication avec nous et parvenir à faire la paix avec les Français qu'il aimait beaucoup. Je lui répondis que si telles étaient en effet les intentions de sou chef, je m'estimerais heureux de pouvoir être l'intermédiaire des propositions qu'il aurait à vous faire et l'engageai, en conséquence à lui écrire tout de suite pour que je puisse vous transmettre sa réponse, par le navire que j'attends de Tunis à chaque instant.
        " II me demanda si je savais sur quelle base le bey de Constantine pourrait espérer de traiter avec la France ; ma réponse fut que n'ayant pas été envoyé pour faire un traité de paix, je n'avais aucune instruction à cet égard ; mais que je pensais que S. M. le roi des Français s'étant emparé d'Alger par la force de ses armes et la grâce du Tout Puissant, il voudrait que tous les anciens vassaux du dey de cette Régence se reconnussent pour ses sujets et lui payassent les tributs auxquels ils étaient soumis par le passé.
        " Cette proposition lui parut inadmissible. " Je n'oserais, me dit-il, la faire connaître à mon maître dont j'encourrais sûrement l'indignation si je la faisais et lui-même serait mis à mort ou tout au moins repoussé par ses sujets s'il voulait l'accepter, et s'y soumettre ". Je me bornai donc à lui répondre que je me chargeais de vous faire savoir quelles étaient les intentions d'Ahmed Pacha dès que je les connaitrais moi-même.
        " Voici quelle était la réponse, car il paraît jouir de toute la confiance de celui qui l'a élevé :
        " El Hadj Ahmet Pacha, descendant d'une longue suite d'aïeux, deys d'Alger ou de Constantine, allié par sa mère et sa femme aux chefs des plus puissantes tribus arabes du Sahara, ne peut se connaître vassal d'un prince chrétien.
        " Sa loi, sa religion et les préjugés de ses sujets, encore plus que les siens propres, l'en empêchent ; mais il désire vivement être en paix avec lui et devenir son ami. Pour cela, il accordera aux Français les privilèges les plus étendus et les plus grandes facilités pour commercer avec son pays. Le port de Bône et tous ceux qui se trouveront dans ses Etats leur seront toujours ouverts, des consuls pourraient y être établis et y jouiraient des prérogatives, mais la souveraineté de la terre restera à Ahmed Pacha.
        " A ce compte, lui dis-je, la conquête d'Alger ne nous aurait procuré aucun avantage, car nous jouissons déjà de tout ce que vous nous offrez aujourd'hui.
        " Croyez-vous donc que nous ne puissions pas nous emparer de Bône et de tous les autres points de la côte, comme nous l'avons fait de la régence ? Croyez-vous donc que nous ne puissions pas aller à Constantine et au delà si notre roi le commande ?
        " Tout est aux mains de Dieu, mec répondit-il, les Français sont braves et nous savons qu'ils peuvent tout ce qu'ils veulent ; quels avantages retireront-ils d'une course dans notre pays ou en s'emparant de nos côtes ? Nous cesserons à l'instant tout commerce et toutes relations avec eux ; nous les tiendrons bloqués dans les villes, nous les harcèlerons dans leurs marches, nous ruinerons le pays devant eux, tellement qu'après beaucoup de dépenses et de sang répandu de part et d'autre, ils seront obligés de se retirer ou de nous exterminer tous jusqu'au dernier avant de pouvoir espérer jouir paisiblement de leurs conquêtes ; tandis que la paix peut nous rendre tous heureux et tranquilles.
        " Je communiquerai, lui dis-je, votre réponse au général en chef de l'armée d'Afrique ; lui seul peut décider ce qu'il y a à faire.
        " Avant de me laisser partir, Sidi Ali me pressa de revenir prendre possession de ma maison ; mais je lui répondis qu'ayant été accrédité par vous auprès d'Ibrahim Bey, je ne pouvais sans de nouveaux ordres de votre part, rester dans une ville dont il n'était plus maître et profitant de cette ouverture, je lui dis qu'Ibrahim étant notre ami, je regarderais comme une preuve du désir que son maître avait de faire la paix avec nous, s'il lui accordait une suspension d'armes jusqu'à la réception de votre lettre. A cela, il me répondit qu'il ne croyait pas la chose impossible, qu'il en écrivait à Ahmed, mais qu'il pouvait me promettre que si jamais Ibrahim se réfugiait sous votre pavillon, il serait, dès lors, hors d'atteinte et sous une sauvegarde inviolable. Notre conférence se termina là et je retournai à bord où l'on commençait à être inquiet sur mon compte ; cette entrevue avait duré plus de sept heures.
        " Je crois qu'Ahmed Bey a véritablement envie de faire la paix avec nous, et je pense qu'il me sera facile de l'amener à accepter vos propositions. Les Arabes, ses sujets, quoiqu'en ait dit Ben Aïssa, le désirent autant que lui ; la politesse de tous les chefs et même des soldats lorsque je descendis à terre, me le prouve.
        " Je suis allé deux fois chez Ben Aïssa, pour plaire aux habitants de la ville, qui sont venus m'en prier ; j'ai diné une fois chez lui avec les chefs de son armée qui tous faisaient des voeux pour la paix. Ben Aïssa a fait rechercher mes effets, presque tout a été retrouvé, les seules choses aisées à cacher sont perdues.
        " Nous sommes au 12 mars ; j'attends la Béarnaise à chaque instant, malgré le mauvais temps qui se prépare.
        " Ibrahim, qui le sait, me presse de l'enlever de la Casbah. Tantôt il m'écrit qu'il n'a plus de vivres tandis que je sais qu'il en a encore pour un mois ; tantôt, que ses soldats veulent le quitter, ce que je crois assez, si je voulais le recevoir à bord, je cherche à lui donner du courage, en l'assurant que je ne l'abandonnerai pas, et que, d'ailleurs, Ben Aïssa le laisse tranquille.
        " Voilà ce que j'ai cru devoir faire pour que la Casbah ne tombe pas aux mains d'Ahmed. Je vous renouvelle ma promesse d'y aller moi-même dès que la Béarnaise sera partie pour Alger ; mais tout cela ne pourra nous la conserver qu'autant qu'un bateau à vapeur m'apportera promptement vos ordres. Si vous désirez que nous la gardions, 300 hommes d'infanterie, 20 canonniers, 10 obusiers de montagne approvisionnés, quelques ouvriers en fer et en bois, du fer, du bois et des vivres seraient nécessaires pour la mettre à l'abri de toute atteinte, mais alors je plaindrais le sort de la ville qui pourrait bien être pillée, brûlée et abandonnée par les troupes de Constantine.
        " Ibrahim m'avait écrit hier que, redoutant les suites du siège de la Casbah pour sa femme, son beau-père et quelques autres personnes au nombre de huit, il me priait de les recevoir à bord de la felouque ; je lui répondis que j'irais les chercher moi-même en leur indiquant le lieu où j'irais les prendre. Je m'y rendis, bien en effet, malgré le mauvais temps et fus étonné de n'y recevoir qu'une lettre où le bey me disait que ses soldats s'opposaient à leur départ et qu'ils l'avaient menacé de s'enfuir ou même de faire pis si quelqu'un sortait de la citadelle. Il me priait en conséquence de leur écrire pour les rassurer, en leur promettant que je ne les abandonnerais pas plus que leur chef, s'ils étaient forcés d'évacuer la Casbah. Considérant les funestes conséquences qu'une révolte pourrait entraîner avec elle, j'écrivis la lettre suivante :
        Ibrahim Bey fit aux soldats qui sont sous ses ordres, de la part du consul français. (C'est le titre que l'on me donne ici).
        " Salut.
        " J'apprends que vous désirez vous sauver à bord de la felouque que je monte ; mais elle est trop petite pour vous recevoir tous et comme je vous regarde tous comme des Français, je ne veux prendre personne si je ne vous prends tous. La goélette que j'attends de Tunis est bien petite aussi, et le capitaine n'est point sous mes ordres. Cependant, à son arrivée, je verrai si elle peut vous prendre ; dans le cas contraire, je l'expédie de suite à Alger, en écrivant à M. le Général en chef pour le prier de m'envoyer un bâtiment à vapeur pour vous prendre. Ainsi, ne craignez rien, restez tranquilles, dans la Casbah ; elle est forte, vous y avez des vivres pour plus de quinze jours, attendez donc et je vous promets de ne pas quitter la rade que vous ne soyez sauvés.
        " Les Français sont braves, ils ne forcent pas les femmes, les enfants et les vieillards à partager des dangers qui ne sont pas faits pour eux ; si vous voulez donc que je vous considère comme des Français, laissez partir les enfants, les vieillards et les femmes qu'Ibrahim veut m'envoyer. Ce sera autant de bouches de moins à nourrir et partant plus de vivres qui vous resteront.
        " De toutes manières, le navire à vapeur que je demande à Alger vous sauvera, soit en vous prenant à bord, soit en faisant la paix avec Sidi Ali ben Aïssa qui m'a promis dans ce cas, de vous laisser tous sortir avec vos bagages.
        " Attendez donc et ayez bon courage ".
        " Cette lettre parut avoir produit l'effet que j'en attendais, car Ibrahim m'a fait le signal dont nous sommes convenus pour m'apprendre que ses soldats sont plus traitables.
        " Je recevrai donc probablement sa femme et les personnes qui l'accompagnent dès que la mer sera moins mauvaise ".
        Après sa visite à Ben Aïssa et celle faite à Ibrahim, le capitaine continua à aller voir journellement l'un et l'autre. Il arriva ainsi à gagner les bonnes grâces des deux adversaires : du premier qui, plus noble, savait honorer le courage, de l'autre qui, plus lâche, tremblait de se voir abandonner.
        Ben Aïssa avait consenti à cesser les hostilités actives jusqu'à la réception de la réponse du duc de Rovigo, mais il resserra son blocus et annonça même un jour au baron d'Armandy qu'il avait dressé un plan pour s'emparer de la Casbah.
        Il avait fait établir une batterie derrière des fascines sur une place de la ville et avec une des plus grosses pièces des remparts, il avait l'intention de faire sauter la porte de la Casbah vue de face, à 100 mètres, pendant que ses colonnes massées dans les replis du terrain s'élanceraient à l'assaut ; mais il ignorait que la porte très étroite formait, comme toute porte fortifiée, un couloir à angle ; c'eut été un insuccès car les pièces du dessus de la porte auraient haché cette masse d'hommes arrêtée par la brisure du chemin. Toutefois, d'Armandy agissant en diplomate, ne put qu'admirer et prévenir Ibrahim.
        Le 26, arriva le Pélican, commandant Alliez.
        Le commandant du vapeur demanda à d'Armandy s'il comptait rester ou s'il voulait être ramené à Alger.
        Le capitaine répondit : " Je ne puis me résoudre à abandonner la partie ; mais si vous voulez me confier 20 hommes de votre équipage, je monterai avec eux à la Casbah, j'y arborerai le pavillon français et je m'y maintiendrai pendant que vous, vous irez chercher des renforts à Alger. "
        M. Alliez, plus mécanicien qu'homme de guerre, refusa ; l'affaire, il faut le reconnaître, était audacieuse.
        Le Pélican appareilla à midi en emportant les dépêches pour Alger.
        Après l'arrivée de la Béarnaise, le capitaine alla trouver Ben Aïssa dans l'après-midi du 26 mars et...

        " Je le rassurai, écrit le baron d'Armandy, en lui promettant de ne rien tenter de contraire aux intérêts de son maître, avant d'avoir reçu la réponse aux dépêches que j'avais adressées par le bateau corailleur, si, de son côté, il voulait me donner sa parole que, pendant le même temps, il n'entreprendrait rien contre Ibrahim Bey.
        " Ben Aïssa me refusa, disant qu'il avait perdu à ma considération plus de vingt jours devant la Casbah, dont il aurait dû s'emparer le lendemain de la prise de Bône ; qu'Ahmed Bey lui reprochait son inaction, et, qu'en conséquence, il comptait commencer les hostilités le même soir ou au plus tard, le lendemain matin si, dans le courant de la nuit, je ne pouvais décider Ibrahim à se retirer à mon bord et ses soldats dans ma maison de ville, où il me promettait de les respecter comme sous la protection du pavillon français.
        " Je répondis à Ben Aïssa que je ne pouvais plus ajouter beaucoup de foi à ses assurances, depuis qu'il avait manqué à ce qu'il m'avait promis relativement aux habitants de Bône, que l'enlèvement d'un nommé Si Hassan, mon protégé, me faisait craindre que les soldats d'Ibrahim, une fois hors de la Casbah et sous ma seule protection, il pourrait leur en mésarriver à ma honte éternelle. Ben Aïssa crut me tranquilliser en me remettant ses promesses par écrit, niais elles ne me rassuraient pas plus que ses paroles.
        " D'ailleurs, lui dis-je, j'ai été envoyé auprès d'Ibrahim bey, par le général en chef ; mon devoir depuis la prise de Bône, était peut-être de rester auprès de lui ; si je ne l'ai pas fait, c'est que j'avais cru que vous désiriez sincèrement la paix, mais votre refus aujourd'hui me fait douter de vos sentiments ; d'ailleurs, je n'ai ni le droit ni le pouvoir d'ordonner au bey d'évacuer sa forteresse ; je ne puis que lui offrir un refuge à mon bord, où il m'est impossible de prendre ses soldats. Je crois, d'après ce qu'il m'a écrit, que je n'obtiendrai pas ce que vous désirez de lui et je vous préviens que si, dans ce cas, vous commencez les hostilités, je serai obligé de m'éloigner du port de Bône, pour ne pas être témoin de la mort d'un homme auprès duquel j'ai été envoyé en mission amicale.

        " Faites ce que vous voudrez, me répondit Ben Aïssa, mais il me faut la Casbah dans deux jours par la force, si vous ne me la faites par remettre demain par capitulation ".

(1) De la part d'Ibrahim, ex-bey de Constantine, actuellement à Bône, au Général en chef. Salutations.
" J'ai reçu votre chère lettre qui m'engage à être tout d'accord avec vous et à faire la paix. Ma soumission a été faite, cependant, il y a longtemps; mais pour vous l'assurez davantage, j'ai ouvert mon coeur à Yusuf qui mérite votre confiance.
" Je ne demande pas mieux de me présenter à vous, mais je ne puis laisser la ville de Bône une seule minute, car les ennemis parviendraient à leurs desseins.
" J'ai chargé Yusuf de tout mon pouvoir ; tout ce qu'il fera auprès de vous sera bien bien fait.
" Salut.
" IBRAHIM BEY. "
De la part des notables de la ville de Bône au Général en chef.
" Vous vous demandez quels sont les sentiments qui nous animent et si nous nous souvenons des bienfaits que nous avons reçus de vous ? Sachez par le nom de Dieu que personne de notre ville ne nie vos bienfaits. Quant à nos sentiments, nous sommes fidèles et n'avons jamais eu l'idée de trahir les Français. Si vous avez été trompé, ce fut par d'autres que nous.
" Les habitants de la ville ont reçu Yusuf avec plaisir et lui ont dévoilé les sentiments qui les animes ; il vous répétera tout ce qu'il a entendu dire et les assertions fondées de leur innocence.
" Ceux qui cherchent à faire des révoltes ne sont pas musulmans. Par la grâce de Dieu, nous le sommes, nous.
" Yusuf vous dira quel mal nous ont fait les Arabes de Constantine ; nous espérons que vous prendrez notre vengeance.
" Si vous ne nous envoyez pas de provisions, nous mourrons de faim. Il y a une partie des notables qui ont fui depuis longtemps à Tunis, craignant l'entrée à Bône de Ben Zagouta et de Ben Aïssa qui, autrefois, nous ont fait beaucoup de mal.
." Salut.
" LES NOTABLES DE BÔNE. "

(2) Monsieur le Capitaine,
" Monsieur le Général en chef me charge de vous témoigner sa satisfaction pour la manière dont vous vous êtes acquitté de notre dernière mission à Bône. Il désire que vous y retourniez pour suivre les mêmes affaires et lui en rendre compte aussitôt que vous en aurez l'occasion.
" Le capitaine d'artillerie d'Armandy, qui a longtemps résidé en Arabie et en Orient, part aussi sur la Béarnaise. II est chargé d'offrir à Ibrahim Bey, le secours de ses conseils pour la défense de la place, il s'entendra avec vous pour la distribution par portion des vivres que le général en chef envoie à la garnison.
" L'objet de ce mode de distribution est de tenir cette garnison et son chef sous votre dépendance au moins jusqu'à ce que les assiégeants se soient retirés.
" Vous prendrez, l'un et l'autre, les précautions que votre connaissance des Orientaux vous suggérera pour votre sûreté et celle de la felouque la Casauba, qui pourrait être laissée à Bône pendant le voyage de la goélette à Tunis.
" Si vous jugez, l'un et l'autre, qu'il n'y ait point d'inconvénients à la laisser et pour vous à séjourner à Bône jusqu'au retour de la goélette, vous reviendrez avec cette goélette à Alger.
" Le Général en chef demande pour vous au ministre de la Guerre la décoration de la Légion d'honneur.
TREZEL.
P. S. --- Si l'on ignore à Bône que nous avons ici des assassins du capitaine Bigot, il faut bien se garder de laisser transpirer cette nouvelle.

(3) Ces détails sont racontés dans son Journal par l'élève de Cornulier Lucinière. (Prise de Bône et de Bougie, Général de Cornulier).

(4) C'est bien à la porte de Constantine qu'ils se rendirent et non à la porte El Mekaber, quoiqu'en prétende M. Bouyac, car cette porte est désignée par deux témoins de l'époque, M. de Cornulier-Lucinière et M. d'Armandy, et ils descendirent probablement par la rue Louis-Philippe complètement couverte des vues de la maison du consul qu'elle laisse sur sa gauche.

A SUIVRE       

Un Massacre à Bone le 23 (1) Mai 1816
document transmis par M. Alain Biscos
Les Causes

           L'Afrique du Nord a, depuis fort longtemps, dés le Xeme siecle, commercé avec l'Europe.

           Au XIIIeme siecle les navires Marseillais jouaient un rôle important sur les côtes barbaresques, Ruffi, historien, raconte qu'en 1220 « Les Marseillais avaient, en ce temps là, dans la ville de Bougie, en Afrique, un quartier de la dite ville ou les marchands y négociaient faisaient leur demeure.»(2)

           La France avait repris à son compte la pêche du Corail entre Bougie - Didjelli et Bône-La Calle, anciennement réservé aux Pisans, Florentins.

           Divers traités entre la France et Alger, entre autre celui du 11 mars 1679 permettait de pêcher le corail au Bastion de France (comptoir le plus ancien), La Calle, Cap de Rose, Bône, Collo, Gigéry et Bougie, et aussi dans les quatre premiers comptoirs permettait d'avoir une chapelle et d'y tenir un religieux.

           A Bône, la maison de Bône qui avait été achetée des deniers du Bastion, était très grande et très logeable et son personnel se composait de cinq agents pour faire le négoce (3)

           Au traité d'Aix la Chapelle en 1816, les puissances signataires avaient décidé de s'affranchir de la piraterie et de l'esclavage régnant au Maroc, Algérie, Tunisie et Tripoli. L'Angleterre fut chargée d'exécuter la décision.

           Lord Exmound parti donc d'Angleterre avec une petite flotte afin de faire part aux pays arabes des décisions des "grands" du moment, il fit halte à Tunis puis à Tripoli et sur le chemin du retour s'arrêta à Alger. Il voulut compléter son oeuvre, en obligeant le dey d'Alger à accepter les clauses relatives à la cessation de la course et à l'interdiction de conserver les esclaves chrétiens.

           Mais Omar dey d'Alger accueillit fort mal ses prétentions et protesta qu'il lutterait jusqu'à la mort plutôt que de se soumettre à une humiliation semblable.

           L'Amiral dut se contenter de la promesse faite par le dey d'envoyer à Constantinople un ambassadeur qui irait ensuite en Angleterre traiter la question.

           Pendant ce temps le bey d'Alger, fort en colére, ordonna au bey de Constantine de s'emparer des biens Anglais se trouvant à Bône dans le royaume d'Alger, afin de pouvoir négocier avec les puissances Européennes.

           M'HAMED TCHAKER le beylik de constantine, réputé pour son caractére sanguinaire, se chargea de l'opération.

           En 1832 lors de la prise de Bône il existait encore, à côté de la porte de la mer (bab el biard) la maison de France où se trouvaient magasins, entrepôts, chapelle nécessaires à la collectivité visitant depuis des siécles cette partie de la Méditerrannée().

           De même les Pisans dés le XIVéme siécle avaient à Bône un établissement très important « Dans l'enceinte de la ville, les hommes de la commune de Pise possédaient une fonde ou loge avec une église, un four et un bain pour leur usage particulier(4)

           Les pêcheurs corses, environ 500 pour la plupart d'Ajaccio, travaillaient sous pavillon Anglais, on comptait une cinquantaine de « gondoles »(5) montées chacune par une dizaine de marins, il y avait aussi des marins Anglais, Gênois, Provençaux, Maltais...environ 2000 au total (6)

           En ce dimanche 23 mai 1816, jour de l'ascension, les troupes du dey de constantine encerclérent la chapelle où était célébré l'office religieux, pour arrêter les corailleurs.

           Les pêcheurs refusant de se rendre aux injonctions, les janissaires usérent de la force. Les pêcheurs encerclés dans deux maisons se défendirent jusqu'au moment où la population se joignant aux janissaires, il leur fut impossible de continuer le combat. (7).

           Ils furent emprisonnés ainsi que tous ceux qui se trouvaient dans un hopital et eurent à subir des sévices tels que bastonnade, lapidation entre autre.

           Le Consul de France d'Alger M. Deval estima à environ 40 les pêcheurs tués, ce qui ne fut jamais confirmé.

           Les pêcheurs furent libérés le 24 Mai 1816 par le vice consul Anglais, qui faisant office de vice consul français, procéda à la remise en liberté des pêcheurs.

           Quelques uns « blessés ... » repartirent plus tard.

           Toutefois il faut se rappeler que 800 pêcheurs de nationalité Anglaise furent emmenés à Alger .

           Bilan de l'opération

           Si tous les historiens s'accordent à dire que 800 pêcheurs furent envoyés à Alger la divergence se fait sur le nombre total 1000 ou 2000

           Il est certain que 2000 personnes ne pouvaient se trouver dans la chapelle de Bône, il s'en suit que le raid des turcs agissait contre Bône mais aussi la Calle puisque tout fut dévasté et pillé, il en fut de même de la maison du consul Anglais d'Alger.

           La population Kabyle des environs de La Calle, qui vivait en bonne entente avec les étrangers fut aussi touchée.

           Dans Annaba (T2 de H'sen derbour) il est dit à propos de Chaker-bey « Il ne se passait pas d'heure sans qu'il éventra un malheureux voyageur ou à défaut un berger, « ce fut pour lui l'occasion d'étendre sur le bastion déjà isolé et sur les douars avoisinants un voile de deuil sous lequel sa passion sanguinaire trouva matiére à s'assouvir.

           Etant donné les 96 morts parmi les 500 pêcheurs Corses, plus les décédés des suites de leurs blessures et ceci sur le seul constat des dires des personnes civiles, on peut évaluer à environ 20% les pertes sur 2000 pêcheurs présents ce jour là à Bône soit environ 400 pêcheurs décédés sans compter hélas les Arabes ou Kabyles dont aucune statistique ou récit ne nous donne le nombre.

           C'est autour du 3 Juin 1816 à l'arrivée des premiéres « gondoles », qu'Ajaccio apprend la nouvelle. Il manque 8 gondoles et leur équipage à l'appel plus 16 marins ce qui porte à environ 96 le nombre de marins morts ou disparus, ajouté à cela les 87 blessés .

           A la connaissance de cet événement les puissances Européennes demandérent à l'Angleterre d'aller chatier le royaume d' Alger.

           Lord Exmounth fit voile le 24 juillet 1816 de Portsmouth vers Alger, ayant sous ses ordres 12 batiments de guerre, il fut rejoint à Plymouth par le contre-amiral Milne commandant 2 vaisseaux de ligne et quelques frégates et corvettes. A Gibraltar il ajouta à son escadre 5 chaloupes canoniéres et un brulot, il s'adjoint aussi le vice-amiral Hollandais Van-der-Capellen avec 6 frégates.

           A la tête d'une escadre de 36 voiles, dont « la reine Charlotte » de 110 canons et le Belzebuth chargé de fusées à la Congréve, Alger fut atteint le 26 Aout 1816 .

           Devant le refus du dey d' Alger de libérer les prisonniers et de verser des compensations pour ce qu'il avait fait à Bône la flotte bombarda et détruisit une grande partie d'Alger ainsi que la flotte. Bilan de l'opération pour les anglais 128 tués et 690 blessés, pour les Hollandais 13 tués 52 blessés, par contre côté musulman la batterie du mole et du phare furent détruites, la flotte algérienne incendiée, environ 7000 musulmans (d'aprés Mohammed Chérif Sahli) tués ou hors de combat, il s'en suivit aussi un blocus de la côte algérienne donc arrêt des activités maritimes d'Alger

           La France à l'époque visait le renouvellement du contrat des établissement de la Calle et de Bône à son profit, aussi étouffa-t-elle l'affaire (comme d'habitude)

           Pour savoir approximativement le nombre de tués Européens il faudrait faire le tour de toute les Archives des pays ayant eu des Marins le 26 Mai 1816 à Bône : France (Provence), Malte, Sicile, Sardaigne, Florence, Naples, Gréce, Baléares, Espagne.

(1)le Dr.SHAW dans Voyage dans la regernce d'Alger prend la date du 20 mai 1816
(2)Relations Primitives de la France avec l'Algérie (Magasin pittoresque 1856 T24)
(3)Histoire des Etablissements et du commerce Français de 1570 à 1793 (Paul Masson) 1909
(4)Le Commerce et la navigation en Algérie (Elie de la Primaudaie 1860)
(5)Bateau ponté à un ou deux mats d'une dizaine de métres pouvant contenir une dizaine de marins
(6)Le Corail en médéterannée (oeuvre collective 2004)
(7)Archives départementales corse du sud

Reference
- Voyage dans la regence d'Alger (SHAW) 1830 p 64
Histoire de l'afrique Septentrionale (MERCIER) 1868 p 493
La Cale (FERAUD) 1877 p 594
Alger et les cotes d'Afrique (FONTAINE DE RESBECQ) p 104
Le corail en mediterranée (Commun) 2004
Chaker Bey site internet
Traité de la France avec les pays d'Afrique du nord p 37 à 44
Histoire des établissements et du commerce français p 36- 106- 250
Bone 1832-1962 (CATALDO) 1986
Annaba T2 H'SEN DERDOUR
Archives départementale de Corse du sud



PAUVRETÉ
La tumeur maligne de Annaba
Envoyé par M. Gilbert Pavia

NDLR:Encore un méfait de la colonisation, l’Algérie abrite sa pauvreté actuelle dans une ancienne école primaire datant du début de la période coloniale.
Où est l’argent du pétrole ?
Notre "COQUETTE" devenue CHICAGO ? Pauvres Annabis !

(Sidi Belaïd, St-Augustin

EL WATAN
Edition du 1er novembre 2005

Ils sont partout en milieu urbain, rural et dans les banlieues.
Ce ne sont plus seulement ceux parqués dans les bidonvilles, mais il y a aussi les habitants des cités des classes moyennes. Cadres supérieurs, moyens, architectes, ingénieurs, médecins, cadres d’exécution, simples travailleurs, tous sont victimes des départs volontaires induits par la compression des effectifs ou la dissolution des entreprises.

Ces dernières années, leur nombre a augmenté. Ils avaient commencé à faire la manche dans la discrétion auprès d’abord des proches. Au fil des mois, ils ont étendu leur rayon d’action dans la mendicité aux amis, aux voisins et à tous ceux qui ont pour eux un regard de sympathie, ceux qui les avaient connus du temps où ils étaient cadres gestionnaires roulant carrosse.
Aujourd’hui, ils forment l’image d’une région que l’on qualifiait durant les années 1980 jusqu’au début des années 1990 de la capitale du fer et de l’acier, important pôle de pétrochimie, de construction et de l’habitat. Tous sont mis sur l’orbite pauvreté et désespèrent d’en sortir.
A chaque événement religieux comme le Ramadhan et l’Aïd, ils s’enferment ou rasent les murs. Ils voient leurs enfants dépérir, le ventre tenaillé par la faim ou nourris seulement d’un verre de lait à la lumière d’une chandelle, l’électricité ayant été depuis longtemps coupé. Tout autour de cette catégorie de citoyens devenus pauvre, gravitent, de fondrière en fondrière, les satellites de la misère, des baraques où s’entassent par centaines des paysans venus des régions limitrophes
en rupture de terres trop sèches.

Dernière adresse : les dépotoirs

La pauvreté à Annaba, ce sont aussi ces hommes et ces femmes qui n’éprouvent plus de gêne à fréquenter le dépotoir de chaque marché. Chacun semble avoir ses habitudes. De par les importantes quantités de fruits et légumes rabougris ou pourris qui y sont jetées, le dépotoir du marché Souk Ellil est particulièrement prisé.
On les trouve également sur la place du Champ de mars (cité FLN), un quartier hier résidentiel devenu une tumeur maligne au beau milieu du centre-ville de la commune chef-lieu de wilaya. Le wali, son chef de daïra, le P/APW et le P/APC n’y habitent plus. Particulièrement ces deux derniers des enfants de la ville connaissant mieux que quiconque ce que fut ce lieu à l’époque coloniale avec «ses chants de mars».
Aujourd’hui c’est un immense dépotoir à ciel ouvert fréquenté par les pauvres, les drogués et les délinquants.
Des odeurs pestilentielles s’en dégagent.
Seuls le directeur de l’exécutif de la wilaya et les élus de la commune ne les sentent pas. S’il décourage les passants à fréquenter le voisinage, ce dépotoir joue le rôle de ruche, à la différence qu’on n’y collecte pas du miel mais des denrées alimentaires (viandes, fromages, légumes secs, fruits et légumes) gâtées.
Mon mari est décédé. J’ai quatre enfants à nourrir. Je préfère m’abaisser dans le tas d’ordure des fruits et légumes pour récupérer se qui pourrait l’être que de tendre la main. La mendicité ne paie plus, car il y a trop de faux mendiants et de faux pauvres. Quant à l’assistance sociale vaut mieux ne pas en parler. Elle profite à ceux qui n’en ont pas besoin, considère Mme Yamina, la quarantaine largement dépassée. Si dans les différentes communes, les enfants de la rue sont de plus en plus nombreux, ils sont des dizaines à se rendre à l’immense dépotoir de Berka Zerga". De 6 à 18 ans, en guenilles, le teint toujours blafard, masqué d’une couche de crasse, les pieds nus, ces enfants semblent être nés en ce lieu.
Ils sont devenus des spécialistes de la fouille et de l’identification des camions en provenance des quartiers huppés. La pauvreté, c’est aussi l’exploitation de l’homme par l’homme. Que ce soit à Oued Zied, à El Hadjar, à "Meboudja" ou à "Berrahal", il est impossible de ne pas voir en fin d’après-midi des enfants de 13 à 14 ans sortir de ce qui semble être des taupières.
Ils sont employés par des limonadiers, des tapissiers, des menuisiers, des cimentiers... tous activant dans la clandestinité. On les retrouve aussi dans l’agriculture, notamment lors des campagnes de culture industrielle (tomate, tabac). En été, ce sont les salles des fêtes qui les emploient en contrepartie d’un montant très dérisoire et des restes du festins, ils triment durant plusieurs heures.
Les magasins d’habillement les sollicitent également à 200 DA par jour pour un commerce à l’étalage à même la voie publique. Coiffeuses, couturières (pour les plus chanceuses), femme de ménage, nurses, filles de joie..., pour une «pincée» dedinars. Celles de l’assistance ont le finir dans un cabaret ou faire les trottoirs du côté de l’autoroute, à Rizzi Amor ou dans un hôtel chic.

Les SDF de Sidi Belaid

Il n’y a pas que les sans domicile fixe (SDF) de Sidi-Belaïd qui vivent quotidiennement une vie « Danka». Le centre de regroupement des SDF de Sidi-Belaïd à la vieille ville Annaba est tout sauf un lieu destiné à soulager un tant soit peu la misère des quarante pensionnaires qui y sont hébergées.
Ils sont là depuis des années. Malgré les pressions et les risques potentiels d’effondrement de cette bâtisse construite il y a plusieurs siècles, ces pensionnaires résistent. Ils sont restés comme pour défier ceux qui les ont parqués en ce lieu pour mieux les oublier. Peut-être pour ne pas voir leur pauvreté, leur misère, leur déchéance humaine. On se rappelle d’eux à l’occasion d’une fête religieuse ou d’une cérémonie officielle. Avant de mourir de différentes maladies en majorité pulmonaires ou à transmission hydrique, plusieurs de ces pensionnaires ont eu le temps de voir la toiture disparaître, les tuiles emportées par le vent, jamais remplacées. Au centre de Belaïd, le danger de mort est réel, le drame peut survenir à tout instant.
On n’y peut rien. Nous n’avons pas où aller. Nous avons beau alerter tous ceux parmi les bienfaiteurs qui nous rendent visitent, en vain. A elle seule l’association El Ihcen ne peut pas être d’un grand secours, ont affirmé les pensionnaires de ce centre. La bâtisse est une ancienne école primaire datant du début de la période coloniale. Les menus travaux, engagés par la commune pour "raccommoder" ce qui peut l’être, ont été vains. Les multiples opérations de replâtrage et de bricolage n’ont eu d’autres effets que de créer d’autres problèmes d’étanchéité. Au froid de l’hiver et l’humidité suffocante de l’été s’ajoutent les maladies à transmission hydrique et autre.
Beaucoup de pensionnaires tous âges et sexes confondus s’en plaignent régulièrement.
Il y a quelques années certains malades ont laissé leur vie et c’est dans le strict anonymat d’une ambulance de la Protection civile qu’on les a enterrés. D’où cette appellation sinistre de "mouroir" que les voisins attribuent à ce centre de Sidi-Belaïd à chaque fois que quelqu’un s’y intéresse. ! Vous voulez parler du mouroir de Sidi-Belaïd. Là où des vieilles personnes SDF s’éteignent doucement dans l’indifférence générale, répondent les voisins avec un regard coupable.
Un regard parfois très significatif de cette impuissance à voir quotidiennement des êtres humains vivre dans des conditions pire que celles des animaux domestiques. Particulièrement en ce début du Ramadhan qui permet à beaucoup de se rappeler que les SDF de Sidi Belaïd existent.
Ils ont besoin d’aide et également d’un geste, regard ou parole de soutien. Parfois, nous avons l’impression d’être des pestiférés dans une société arabo-musulmane qui nous ignore et tente de se faire bonne conscience en se rappelant de nous durant le Ramadhan et autres fêtes religieuses. Il n’y a pas que l’aspect matériel auquel nous aspirons.
Il y aussi cette chaleur humaine à travers un geste ou une bonne parole pour nous faire oublier notre sollicitude et aussi les longues nuits de veille à écouter les voisins vivant en famille et à les envier. Dans le comportement des uns et des autres, l’on ne retrouve pas la grande générosité, la bonté et surtout la disponibilité de tout instant à apporter aide et assistance aux plus démunis qui caractérisaient le saint que fut Sidi-Belaïd

Dirdi la généreuse

Ce qui a fait dire à plusieurs pensionnaires du centre, qu’on les a mis là dans un taudis faisant fonction de centre en attendant de les jeter à la mer, car considérés comme des gêneurs. http://www.elwatan.com/2005-11-01/2005-11-01-29310 Une réaction des autorités locales est nécessaire pour mettre un terme aux risques qu’encourent les 40 SDF hébergés au centre de Sidi Belaïd. L’état actuel de la toiture représente un danger certain pour eux. Une fois la toiture réparée, ce centre aura une plus grande capacité d’accueil qui passerait à 150, mais il n’ y a pas que la toiture&, a indiqué Mme Dirdi, présidente de l’association.
Cette mère de famille bénévole parle des pensionnaires du centre de Sidi-Belaïd comme de ses propres enfants. Femme de caractère, elle lutte au quotidien pour attendrir et sensibiliser tous ceux et celles qui peuvent apporter un plus pour soulager la misère des autres. Ils sont beaucoup dans mon association à travailler jour et nuit pour les SDF, les familles démunies et celles dans le besoin. Nous n’avons aucun mérite et estimons que nous ne faisons pas assez pour eux, a t-elle ajouté.
C’est ce combat de tout instant qui lui a permis de décrocher l’autorisation pour la mise en place d’un restaurant spécial Ramadhan. Il est destiné à servir des repas chauds sur le site même durant tout ce mois sacré de jeûne et de piété. Si nous arrivons à trouver les aides financières nécessaires, nous étendrons notre activité sur toute l’année.
Les bénévoles sont nombreux. Il s’agit d’un acte béni sur lequel insiste notre religion. Notre intention n’est pas d’imiter les fameux restos du cœur d’ailleurs mais de créer le trait d’union entre d’une part les bienfaiteurs et ceux dans le besoin. Et de l’autre, se positionner en interlocuteur crédible et fiable auprès des autorités locales et nationales, a indiqué un autre membre de cette association.

Djabali      

Rien qu'un rapatrié !
Envoyé par M. Pierre Rio

Qu'on porte à boire
A ce rapatrié
Qui broie du noir
Autour de l'encrier,
Es une larme
Qui vient lui tomber
Sur la marge
De son cahier
Un peu bigarrée;
Puisqu'il s'est fâché
Se mettant à crier
Mort aux vaches
Et tous les négriers !

Ca porte à croire;
Quelque chose s'est passée
Dans son histoire
Quelque chose S'est cassé,
C'est peine à le voir
Plutôt que d'en parler,
Un certain soir
Il m'a tout raconté;
Dans son déboire
Il s'est mis à me susurrer;
Je lui sert à boire
Il me remercie
Je quiesse du regard
Il me sourit, puis il s'enfuit !

( Ce n'est qu'un pied-noir
Rien qu'un bidaoui
Qui broie du noir
A corps et à cri
Son seul espoir
Serait de retrouver un ami
De chez lui )

Le 23 10 2005 Rio pierre


Le rêve de Camerlo Farrugia
Par M. Claude RIZZO
Tiré du Roman : Le Maltais de Bab el-Khadra

 
       Camerlo Farrugia n'était pas plus bête qu'un autre. Il avait même hérité de son père de cette forme d'intelligence pratique, bien plus adaptée aux problèmes de l'existence que tout ce que l'on peut apprendre à l'école.
       Camerlo Farrugia savait à peine lire et écrire. Mais quelle importance. Personne n'a jamais demandé à un cocher maltais de Bab el-Khadra de réciter les fables de La Fontaine. Par contre, et c'était là l'essentiel, il connaissait Tunis comme la poche de son bleu de travail, la Médina autant les quartiers européens, et pouvait sans hésiter vous conduire dans n'importe quelle ruelle des souks des Tanneurs ou de celui des Parfums.

       La veille, Camerlo Farrugia avait mis longtemps à s'endormir. Il y réfléchissait encore en assistant à la première messe du matin, appelée ici " Messe des cochers "
       En sortant de l'église du Sacré Cœur, sans doute inspiré par le bon Saint Paul, sa décision était prise.
       Le soir même il rendit visite à son cousin Coco Zammit ; un Zammit de la rue Malta Srira, dont le frère " faisait boucherie chevaline " au marché central, à ne pas confondre avec son autre cousin, un Coco Zammit lui aussi, celui qui s'était marié avec la plus jeune des filles Caruana de la rue de Monastir, et qui lui, tenait un éventaire de salaisons au marché de Bab el-Khadra.
       Les deux cousins s'étaient assis devant un verre d'anisette accompagné de sa kémia.
       - Je suis venu te voir, dit Camerlo Farrugia, parce que tu connais les automobiles aussi bien que moi je connais les chevaux.
       - C'est vrai, je n'ai plus rien à apprendre en mécanique. Mais je suis surtout un spécialiste pour les Renault, mais aussi pour les Citroën, et je me débrouille pas mal dans les autres marques, répondit Coco Zammit d'un ton modeste.
       Il but une goutte d'anisette avant de demander :
       - Pourquoi ta question, tu veux t'acheter une automobile à présent ?
       - Iva ! Mais pas pour me promener jusqu'à La Goulette le dimanche, mais pour faire le taxi-bébé.
       Coco n'en revenait pas.
       - Toi, taxi ?
       - Oui, pourquoi ; c'est un miracle à t'entendre ?
       - C'est pas un miracle, mais cocher, c'était quand même le métier de ton père, répondit Coco Zammit.
       L'argument porta. Camerlo Farrugia se rendait bien compte que sa décision représentait un sacrilège. Une réticence qu'il s'était employé à vaincre depuis que cette idée lui était venue à l'esprit.
       - C'est quand même pas de la faute de mon pauvre père si de nos jours les taxis nous mangent la laine sur le dos. Bientôt, à Tunis, il n'y aura plus que les vieux, ceux qui ont peur des automobiles, qui prendront nos karrozzins, dit-il, un ton plus haut.
       - Ne t'énerve pas. Je te disais ça sans malice. Alors tu es décidé à faire le taxi, et tu veux que je t'aide si j'ai bien compris ?
       Camerlo Farrugia approuva d'un geste de la main.
       - Tu sais que je n'ai rien à te refuser. Bon, comment tu vois ton affaire ? demanda Coco Zammit.
       - Tu es mécanicien, tu peux peut-être m'apprendre à conduire, et m'expliquer un peu de mécanique en même temps. Pour la licence, je m'en occupe par une connaissance qui est bien placée à la Résidence. Après, tu me trouveras une quatre chevaux, une bonne occasion, et surtout pas trop chère.
       - C'est comme si c'était fait, lui dit son cousin en lui servant un autre verre. Et tu verras, tu apprendras vite. Nous, les Maltais, nous avons la voiture dans le sang.
       - Une quatre chevaux, c'est après tout qu'un gros attelage, en conclut Camerlo.
       Ils prirent ainsi rendez-vous pour le dimanche suivant avant de trinquer à nouveau. La nouvelle méritait bien une troisième tournée.

       Camerlo Farrugia avait franchi un premier obstacle. Ne lui restait plus qu'à décider son épouse, fille de cocher, qui elle aussi était née au-dessus de l'une de ces écuries maltaises qui bordaient l'avenue Garros. Pour y parvenir, il eut l'habilité de lui parler de sous, de gros sous. Gracieuse ferma alors les yeux. Elle se vit habillée comme une Métropolitaine, couverte de bijoux comme Mme Bismuth, allant le dimanche en famille déguster un poisson complet à La Goulette. Elle accepta sans trop de réticences.

       Ainsi, Camerlo Farrugia vendit sa calèche et son cheval et devint propriétaire d'un taxi-bébé.
       Jamais, avant cette fameuse nuit, il ne regretta sa décision. L'abondance régnait chez les Farrugia de Bab el-Khadra. Les cochers du quartier éprouvaient de plus en plus de mal à nourrir leur famille et leurs chevaux. Gracieuse Farrugia se pavanait à la messe du dimanche dans des robes qu'elle achetait désormais dans les magasins de la rue de France.

       Puis il y eut ce rêve. Et Carmelo, à l'image de bien des habitants du quartier, croyait aux messages contenus dans les rêves.
       Son père lui apparut dans son sommeil. Celui-ci, dans sa tenue de cocher, son fouet à la main, portait sur son visage toute la misère du monde.
       - Mon fils, qu'as-tu fait ? lui dit-il d'une voix où se lisait sa détresse. Tu as vendu la karrozzin qui appartenait à mon père, qui déjà la tenait du sien. Ton geste aura des conséquences graves, mon fils. Des conséquences dont tu porteras seul la responsabilité.
       Ceci étant dit, le père s'éloigna en courbant l'échine. Et Gracieuse, éveillée en sursaut, découvrit son époux à genoux sur le tapis, bras ouverts, suppliant la Madone, les saints du paradis et tous ses morts de lui pardonner son crime.

       Ce rêve bouleversa l'existence de Camerlo Farrugia qui, de ce jour, ne vivait plus que dans l'attente de la punition annoncée par son père.

       Puis l'événement politique s'emballa. Ce fut ainsi, qu'un beau matin, Camerlo Farrugia et bien d'autres Maltais, accompagnés de Siciliens et de Juifs de Tunis, certains pleurant dans leur mouchoir, d'autres serrant les poings, virent disparaître au loin le port de La Goulette. Ils quittaient le pays où étaient nés leurs ancêtres, laissant derrière eux leur église, leur synagogue et leur cimetière.

       En vous promenant à Marseille, quartier de Sainte Marguerite, peut-être pourrez-vous rencontrer Camerlo Farrugia. Si vous lui demandez de vous raconter la fin de son histoire, voici ce qu'il vous dira :
       Le nationalisme tunisien, Bourguiba, l'arrivée au pouvoir de Pierre Mendés France, l'indépendance de la Tunisie et le départ des Européens, ne représentèrent que les péripéties de la punition que son père lui avait infligée.




Romans de Claude RIZZO :
      - Au temps du jasmin
      - Le Maltais de Bab el-Khadra
      - Je croyais que tout était fini.

Les 3 ouvrages parus aux éditions Michel LAFON

Claude RIZZO
Villa la Clarté - av Roi Albert 1er 06100 Nice
E-mail : claude.rizzo@wanadoo.fr


COLONISATION de L'ALGERIE
  1843                           Par ENFANTIN                      N° 7 
1ère PARTIE
CONSTITUTION DE LA PROPRIÉTÉ.

1er Chapitre : État ancien de la propriété en Algérie.
2ème Chapitre : État actuel de la propriété en France.
3ème Chapitre : État de la propriété pour l'Algérie française.

CHAPITRE II.

ÉTAT ACTUEL DE LA PROPRIÉTÉ EN FRANCE.

SOMMAIRE DES PRINCIPES DE CE CHAPITRE.

PROPRIÉTÉ FONCIÈRE.


        Son caractère général est INDIVIDUEL, incommutable, immobile, et, par exception, COLLECTIF, mais alors plus immuable encore.
        INDIVIDUELLE : elle est libre ou engagée par hypothèques , mais toujours entourée de moyens de favoriser son immutabilité.
        COLLECTIVE : elle appartient à l'État, aux communes, aux établissements de bienfaisance, à des associations; mais alors, traitée comme propriété de mineurs, elle est plus immuable encore.
        DROIT SUPERIEURE. Expropriation pour cause d'utilité publique. -- Loi des successions, favorable à la division en petites propriétés et à la petite culture, obstacle à la réunion en grandes propriétés et à la grande culture.

PROPRIÉTÉ MOBILIÈRE.


        Son caractère général est plus INDIVIDUEL encore, mais elle est facilement aliénable, échangeable, mobile; elle ne prend le caractère COLLECTIF que dans la propriété MIXTE.
        INDIVIDUELLE : elle est absolument libre, et toujours entourée de moyens de favoriser sa mobilité.
        DROIT SUPERIEUR : - aucun. - Pas de confiscations. - Facilité d'éluder la loi des successions. - Possession vaut titre.

PROPRIÉTÉ MIXTE.


        Son caractère général est mobilier par le titre, et par là INDIVIDUEL; Foncier par le fond, - et par là COLLECTIF.
        Le TITRE, qui est individuel, est une action, donnant droit à part dans les bénéfices généraux d'une ASSOCIATION.
        Le FOND, qui est collectif, est confié à la gestion d'intéressés dans la société, conformément à des conventions d'ASSOCIATION,
        DROIT SUPERIEUR : - quant au FOND, l'expropriation pour cause d'utilité publique; - quant au TITRE, aucun directement, si ce n'est la loi des successions, quand le titre est nominatif.

CHAPITRE II.

ÉTAT ACTUEL DE LA PROPRIÉTÉ EN FRANCE.

        I. - J'ai dit que j'exposerais, ou plutôt que je rappellerais ici les principes généraux sur lesquels la propriété est constituée en France.
        Et d'abord, il est bon de remarquer que la constitution de la propriété a reçu une forme nouvelle depuis un demi siècle seulement, et qu'elle est une des expressions les plus puissantes et les plus claires de notre grande révolutions Elle doit donc renfermer, à ce titre, trois éléments distincts, comme toutes les institutions de notre époque : elle doit inévitablement porter encore, dans plusieurs de ses parties, l'empreinte sensible, quoique cachée, de l'institution ancienne; presque partout doit se montrer clairement la haine de cette institution renversée; et enfin, un principe nouveau d'ordre social doit se faire jour et apparaître, dans quelques formes nouvelles que la propriété revêt, à notre époque de rénovation, de réédification.
        Ceci devient évident, si l'on examine séparément la propriété foncière et la propriété mobilière, celle-ci empreinte d'un caractère d'indépendance, de liberté, d'égalité, l'autre, au contraire, marquée encore au coin des servitudes créées par le sentiment de hiérarchie et de conservation.
        Ici, comme partout, la féodalité et l'égalité, l'ancien ordre et la liberté luttent encore; néanmoins on est parvenu, par quelques procédés tout-à-fait nouveaux, introduits dans la propriété, procédés qui sont plus particulièrement l'expression de l'époque présente et des besoins vrais de l'avenir, on est parvenu, dis-je, à combiner ces deux sentiments d'ordre et de liberté, de mouvement et de conservation, sous l'influence d'un principe nouveau d'association, qui, chaque jour, se développe davantage, et qui paraît destiné à un grand avenir.
        Je veux dire que le principe d'association féodale n'a pas seulement été détruit par le principe d'individualité et d'égalité, mais qu'il a été remplacé, sur certains points, par un nouveau principe d'association, le principe d'association industrielle.
        Ainsi, toutes les grandes entreprises agricoles, commerciales, industrielles, qui dépassent les forces d'un individu, telles que les dessèchements de marais, défrichements de terres, semis de landes, ou bien telles que les chemins de fer, ponts, banques, grands armements maritimes, mines, fabriques usines, manufactures considérables, toutes ces entreprises, dis-je, se réalisent sous une forme qu'on pourrait nommer un juste-milieu entre la propriété foncière et la propriété mobilière, sous forme de sociétés anonymes, en commandite ou en participation, civiles ou commerciales, dans lesquelles le droit de propriété individuelle des intéressés ne repose plus directement sur la chose même, mais sur un titre représentatif d'une part d'intérêt dans le produit général de l'entreprise.
        Les différentes formes de la propriété peuvent donc se partager en trois classes
        La propriété foncière, où vit encore le principe d'ordre ancien.
        La propriété mobilière, où règne la liberté la plus complète.
        Enfin, la propriété foncière et mobilière à la fois, celle qui est foncière par le fond et mobilière par le titre, ce qui a fait donner à l'ensemble des faits qui s'y rapportent le nom de mobilisation de la propriété foncière ; c'est celle que je nommerai propriété MIXTE.
        Je dirai peu de choses des deux premières classes, et je m'arrêterai davantage sur la troisième, qui est, je le répète, une création particulière à notre époque.

        II. - M. Dupin aîné a dit à la tribune ;
        " Le sol est ce qui présente le plus de sûreté en apparence; et cependant c'est à ce gage qu'on se fie le moins, c'est celui qu'on redoute le plus. Pourquoi? c'est qu'il y a un contresens dans la législation; c'est que la loi des HYPOTHÉQUES, qui devrait être faite pour assurer les créances, ne laisse pas les créanciers sans inquiétude sur leur conservation; et la loi d'EXPROPRIATION, qui aurait dû être conçue pour en assurer le recouvrement, agit en sens précisément contraire; c'est-à-dire qu'on semble avoir tout fait, tout imaginé contre le créancier, pour empêcher qu'il n'ait son argent à l'échéance. Au contraire, le législateur semble avoir accumulé les précautions en faveur du débiteur, pour favoriser sa mauvaise foi Tout est rapide dans le commerce : saisie des biens, saisie de la personne, honneur, tout est atteint, quand on ne paie pas à l'échéance ; au contraire, par un préjugé qui nous vient de la terre, et qui s'est enraciné à je ne sais quelle époque dans la législation et qui se perpétue comme le préjugé cruel du duel, c'est le débiteur civil qui est l'homme intéressant, et c'est le créancier hypothécaire qui a l'odieux dé l'expropriation. "

        III. - Ne peut-on pas expliquer ce contresens de la législation, ce préjugé qui nous vient de la terre, et cette différence entre les lois relatives à la propriété du sol et celles qui président à la richesse commerciale, de la manière suivante?
        Les lois relatives à la propriété foncière ont toujours été faites, et sont encore généralement faites, par des propriétaires fonciers, et non par les créanciers des dits propriétaires. Ces lois doivent donc naturellement avoir été conçues dans l'intérêt exclusif et même aveugle du propriétaire, et au détriment du créancier. Ces lois ne sont pas des conséquences d'un préjugé venu de la terre, qui n'a pas de préjugés, mais d'un préjugé des propriétaires de terre, qui faisaient la loi.
        D'un autre côté, les lois sur la richesse commerciale, au contraire, ont été inspirées, faites et sont appliquées même, par les plus riches commerçants, qui sont plus habituellement créanciers que débiteurs; ces Iois doivent donc naturellement être favorables au créancier et rudes au débiteur. En effet, la loi des faillites, et celle sur la contrainte par corps, sont aussi sévères pour le débiteur, que notre régime hypothécaire et l'expropriation sont funestes au créancier.
        N'oublions pas que c'est, un riche banquier, Casimir Périer, qui, de nos jours, a le plus fortement réclamé la révision du code hypothécaire; comme c'est à notre plus illustre avocat, à M. Dupin lui-même, que nous devons la plus constante et la plus énergique protestation contre le duel ; et espérons que la sage raison de la toge triomphera du préjugé de l'épée, et que l'irrésistible logique du coffre-fort ou de la bourse triomphera, de plus en plus, du préjugé de la terre.
        Pour me servir encore d'une image de M. Dùpin, je dirai : Si les lièvres faisaient la loi aux loups-cerviers, ils leur imposeraient des muselières; ainsi firent autrefois les nobles propriétaires du sol, envers les juifs, les lombards, les banquiers, leurs créanciers; de là l'origine de ce préjugé de la terre et de cette faveur accordée au débiteur foncier.
        Et de même, si les loups-cerviers faisaient la loi aux lièvres, ils mettraient aux pattes de ceux-ci des entraves, et leur passeraient au cou un noeud coulant, afin de les prendre, de les étouffer, de les égorger, comme on dit en langage de bourse ; c'est ce que les capitalistes ont réalisé par la loi des faillites et de la contrainte par corps.
        C'est vraiment un des mérites de notre époque, une preuve du sentiment de justice générale qui cherche à s'établir, un témoignage du besoin de substituer, à la domination exclusive d'une ou de quelques classes de la société, la représentation équitable de toutes les classes qui la composent; c'est, dis-je, un signe de notre équité, que ce besoin de réviser, d'une part, notre régime hypothécaire en faveur du créancier, de l'autre, notre législation commerciale en faveur du débiteur.
        Ces réflexions sur la propriété foncière et la propriété mobilière peuvent sembler d'abord étrangères au sujet que je veux traiter ; elles ne le sont pas, parce qu'elles font ressortir l'esprit dans lequel la loi a été conçue, et les motifs qui tendent à la modifier. En effet, nous montrerons tout-à-l'heure que ce sont les inconvénients de la législation foncière et ceux de la législation mobilière qui ont le plus contribué à la création de ce que j'ai nommé la mobilisation de la propriété foncière, la création de la propriété mixte.

        IV - Posons donc en principe, comme M. Dupin, que la loi foncière a été faite en faveur du débiteur et contre le créancier, et que la loi commerciale, au contraire, a été faite en faveur du créancier et contre le débiteur.
        Mais le rapport de créancier et de débiteur n'est pas le seul que la richesse établisse entre les hommes ; il en existe un bien plus puissant, c'est celui que la richesse établit entre les hommes qui possèdent et ceux qui ne possédent pas.
        De ce point de vue, examinons la législation foncière, telle qu'elle a été formulée sous l'influence de la Révolution française.

        IV - Cette révolution a été faite par les hommes qui ne possédaient pas ou qui possédaient peu, et qui d'ailleurs ne possédaient qu'à charge de redevances et servitudes qu'ils ont voulu détruire ; elle a été faite par le tiers-état et le bas clergé séculier, aidés du peuple, contre la noblesse, le haut clergé et le clergé régulier ; elle devait donc, en général, dans l'état, être favorable aux non-propriétaires et aux petits propriétaires, et défavorable aux grands, comme dans les familles elle serait favorable aux cadets et aux filles, et hostile au droit d'aînesse. - C'est ce qui a eu lieu.

        Le principe d'égalité de partage, la destruction des apanages, majorats et substitutions, la liberté donnée, pour ainsi dire, â toute terre d'être vendue, à tout homme d'acquérir, ont favorisé l'accroissement du nombre des propriétaires, et, par conséquent, la division de plus en plus grande des propriétés, et même la destruction progressive de toutes les grandes propriétés, y compris la plus grande de toutes, le domaine de l'État.
        N'y aurait-il pas ici quelque chose d'analogue à ce que nous avons fait remarquer tout-à-l'heure, en parlant du rapport entre le créancier et le débiteur? N'a-t-on pas exagéré, par réaction contre les grandes propriétés et leur immobilisation dans les familles, le principe de division et la facilite de mutation de la terre? C'est ce que pensent beaucoup de bons esprits, et l'on ne peut pas se dissimuler qu'en dehors même de la protestation inévitable des héritiers et représentants de l'ancien ordre de choses beaucoup d'hommes qui ne rêvent pas du tout un retour impossible vers les institutions du passé cherchent s'il n'y aurait pas un moyen de ne pousser la division de la propriété, et de ne favoriser les mutations de propriétaires, que dans des limites qui seraient favorables et non contraires à la culture, comme cela arrive si fréquemment aujourd'hui.

        VI. - En effet, lorsqu'un observateur s'élève sur un coteau qui domine une commune, il est frappé de l'aspect bizarre et confus que présente aujourd'hui le territoire de la commune ; la terre semble avoir été morcelée de la manière la plus incompatible avec les nécessités du labourage et des plantations, avec les exigences des communications et les besoins d'irrigations ; et les prodiges de production de la culture à la bêche, dans les jardinets qui entourent le village, n'empêchent pas de reconnaître, qu'ici des pentes de montagnes déboisées ne montrent plus qu'un roc nu, que là des ruisseaux qui devraient être entretenus, nettoyés, encaissés, sont desséchés, parce que les nombreux propriétaires riverains ne veulent pas contribuer, même pour leur part, à là réparation commune, et se ruinent d'ailleurs entre eux par des procès de cours d'eau que partout enfin où un grand travail d'utilité commune à tous ou utile à plusieurs devrait être entrepris, l'égoïsme du petit propriétaire l'élude ou s'y refuse.
        D'un autre côté, les économistes, les bons agriculteurs prêchent inutilement, par leurs écrits ou par leur exemple, les avantages des baux à long terme, si les mutations des propriétés s'opèrent à terme court, si les habitudes générales des propriétaires les poussent à se réserver toujours la plus grande liberté, pour augmenter, diminuer ou aliéner complètement leur propriété, enfin si le fermier lui-même ne songe qu'au moment où il pourra changer sa position de fermier, contre l'honorable position de propriétaire de quelques hectares, pour l'acquisition desquels il emprunte à gros intérêt et se ruine.
        Qu'on ne m'accuse pas de méconnaître les grands avantages de la destruction des propriétés féodales et ceux qui résultent de la division des terres seigneuriales, et même de la facile mutation des propriétaires ; mais à côté de ces avantages, sur lesquels je crois inutile de m'arrêter, parce qu'en général on lès exagère, il existe des inconvénients que je tiens à signaler, parce qu'ils sont encore, eux aussi, au nombre des motifs qui ont fait chercher et découvrir le moyen d'associer, sous forme de propriété mobilière, les intérêts de: plusieurs propriétaires fonciers.
        Comme je l'ai déjà dit, pour l'exploitation des mines, l'aménagement et les défrichements des forêts, les semis de landes et dessèchements de marais, et mille autres grandes entreprises qui exigent l'esprit de suite, la persévérance, de grands capitaux, de l'unité dans la direction et l'administration, on a cherché le moyen d'échapper à la division de la propriété, par suite d'héritage ou de vente partielle, à la mutation des propriétaires, à l'égoïsme étroit de chaque intéressé, à la mobilité de vue et à l'inconstance d'une masse anarchique, comme le serait nécessairement la réunion de propriétaires qui ne confondraient pas leurs propriétés individuelles dans une propriété commune, sur laquelle aucun d'eux ne conserverait de droit direct.

        VII. - Comme toutes les réactions, celle qui a eu lieu contre le système de la grande propriété féodale a été exagérée, non en ce qu'elle détruisait la féodalité, mais parce qu'elle détruisait aussi la grande propriété et la stabilité qui lui est nécessaire. Au principe ancien, au principe de conservation et d'immobilisation, on a substitué avec excès le principe de division du sol et de mutation de propriétaires, sans songer que certains produits de la terre et certains sols, exigent impérieusement la grande culture, et la perpétuité d'une même pensée dans le cultivateur.
        Et l'exagération a produit ici ce qu'elle produit toujours : le principe et les intérêts qui ont voulu dominer outre mesure, souffrent en raison de l'excès où ils sont tombés. De même que notre régime hypothécaire, favorable au propriétaire débiteur qui ne peut où ne veut pas payer, est défavorable au propriétaire qui a besoin d'emprunter, de même aussi, en morcelant outre mesure la propriété, on a rendu très difficiles, pour ne pas dire impossibles, les réunions de terres que l'on voudrait effectuer dans l'intérêt de l'agriculture ; de telle sorte que le grand propriétaire peut très bien gâter une grande propriété en la brisant en miettes, mais qu'il n'est pas possible au petit propriétaire de former une grande propriété par la réunion de parcelles de terre. Tout propriétaire qui lira ceci me comprendra, parce que tous savent ce que c'est que d'acheter un morceau de terre enclavé et de payer la convenance.

        Résumons tous les inconvénients que je viens de signaler, afin de mieux comprendre ce qui a été imaginé pour les éviter.
        Pour la propriété foncière, morcellement indéfini du sol, mutation du propriétaire, inconsistance du fermier cultivateur, obstacle à la grande exploitation agricole ou industrielle et d'un autre côté, par le régime hypothécaire, difficulté d'emprunter; et difficulté de réaliser une créance foncière.
        Pour la propriété mobilière, responsabilité individuelle terrible, qui compromet la liberté et l'honneur, et par conséquent non-seulement les biens et la personne, mais le présent et l'avenir même de la famille.

        VIII. - La société anonyme et la société en commandite permettent d'échapper à presque tous ces inconvénients, et de profiter des véritables avantages attachés à l'étendue, à la durée, à la stabilité de la propriété foncière, et de ceux qui résultent de la mobilité, de la rapidité, de l'indépendance des richesses commerciales.
        Dans ces associations, les intéressés n'ont aucune action directe sur l'exploitation et l'administration du capital social, mobilier ou immobilier ; ils ne sont pas propriétaires d'une partie déterminée de ce capital, mais seulement d'un titre qui leur donne droit à une part des bénéfices généraux de l'association.
        Je suis loin de prétendre que cette forme convienne aujourd'hui à toute espèce d'entreprise, agricole ou industrielle, mais je désire faire réfléchir à la nature des entreprises auxquelles elle a été appliquée et s'applique chaque jour, et à la qualité des personnes qui la mettent en pratique.
        Si tous les hommes qui possèdent un capital foncier ou mobilier mettaient eux-mêmes en oeuvre ces instruments de travail, soit comme agriculteurs, soit comme manufacturiers ou négociants, c'est-à-dire s'il n'y avait pas une classe, assez considérable même, d'hommes qui afferment leurs terres, louent leurs maisons et usines, et prêtent leurs capitaux, en un mot une classe de capitalistes, restant étrangers au travail, la société anonyme et la société en commandite n'existeraient pas sous leur forme actuelle ; en effet, des propriétaires travailleurs pourraient bien s'associer et mettre en commun leurs capitaux et leur travail, et se distribuer entre eux le bénéfice général de l'entreprise, en proportion de l'apport de chacun, en capital et en travail(1) ; mais ces associés seraient en même temps les directeurs, administrateurs , employés de l'entreprise puisque j'ai supposé que ces propriétaires étaient en même temps des travailleurs qui mettaient en oeuvre leurs capitaux.

        Or, dans l'ordre social actuel, il n'en est pas toujours ainsi; une foule d'hommes perçoivent des fermages, dés loyers ou des intérêts, de terres, de maisons et de capitaux qui leur appartiennent, mais qu'ils ne mettent pas en oeuvre. Il en est même beaucoup, parmi eux, dont le seul travail consiste à recevoir et dépenser cette triple espèce de revenu ; enfin, il en existe un assez grand nombre, les banquiers, dont l'occupation est de faire passer les instruments de travail, des mains de l'homme qui ne sait ou ne veut pas les mettre en oeuvre, dans celles de l'homme qui veut les employer.
        Ce sont donc les capitalistes, et ces derniers surtout, les banquiers, qui ont imaginé et qui pratiquent le système des sociétés en commandite et anonymes, et peut-être même cela explique t-il pourquoi il y a un assez grand nombre de ces sociétés qui n'ont produit que de fort mauvais résultats pour les actionnaires; une grande partie de ceux-ci étant étrangers au travail industriel et même très souvent à toute espèce de travail. Ce sont des capitalistes qui trouvent que des terres à affermer ou des maisons à louer exigent trop de soins; que des prêts individuels, faits à des négociants, entraînent trop de soucis, et que des prêts hypothécaires sont trop chanceux; ces capitalistes ont préféré employer leurs capitaux de la manière qui leur laisse le plus de loisirs, et qui leur permet de réaliser en un instant, à la Bourse, leur fortune, ce qui n'est pas possible quand cette fortune se compose de terres, de maisons, de créances hypothécaires ou commerciales.
        Ce sont les mêmes causes qui ont contribué à l'invention des emprunts publics, et qui ont fait, de ces fonds, l'un des rouages les plus importants du mécanisme économique des peuples modernes.
        Les capitalistes, en inventant ces différentes manières de placer leurs fonds, faisaient ainsi la critique des lois émises sous l'inspiration des propriétaires fonciers, et sous l'inspiration des principaux agents de la richesse commerciale.

        IX. - C'est qu'il y a en effet, sous le rapport de la richesse, trois classes bien distinctes, dont les intérêts sont très différents ; savoir : les propriétaires fonciers, les industriels et les capitalistes. De la première classe sont sorties les lois qui régissent la propriété foncière; à la seconde: est dû le code de commerce; mais c'est la troisième classe, celle des capitalistes, qui, souffrant des excès et des fautes des deux premières, les corrige l'une et l'autre; c'est elle qui fait réformer le régime hypothécaire et la loi des faillites, et améliorer l'expropriation pour cause d'utilité publique ; c'est elle aussi qui est vraiment créatrice des fonds publics, des banques; des sociétés par actions, comme ce sont les juifs autrefois qui ont inventé la lettre de change.

(1) C'est ce qui a lieu, en général, dans l'association commerciale ordinaire, mais non dans la société en commandite et la société anonyme, dans lesquelles une part des bénéfices est attribuée à des actionnaires étrangers au travail de l'entreprise.

A SUIVRE

ASPECTS ET REALITES
DE L'ALGERIE AGRICOLE
Envoyé par M. Philippe Maréchal                    N° 13


Par cette Brochure qui sera diffusée par épisode au cours des Numéros suivants, nous allons faire découvrir des aspects et des réalités qui ont été déformées par les fossoyeurs de l'Algérie Française et dont les conséquences se poursuivent et dureront encore plusieurs décénies.
             

Les Techniciens
De l'Agriculture Algérienne
Vous présentent
ASPECTS ET REALITES
DE
L'ALGERIE AGRICOLE

" Quand je débarquai à Alger pour la première fois, il y a une vingtaine d'années, j'éprouvai une impression à laquelle, j'imagine, un Français n'échappait guère. J'arrivais dans un des rares coins du monde où nous pouvions nous présenter avec orgueil. "

Jérôme et Jean Tharaud.       

III - TEMOIGNAGES
B. -ALGÉROIS
Colonisation française dans le Titteri - (Médéa)
PAR
YVES MARCAILHOU D'AYMERIC
Ingénieur de l'Institut Agricole d'Algérie (1920)
Agriculteur à Damiette (Alger)
ET
Jean RIVOALLA
Ingénieur Agricole (Alger 1947)
Diplômé de l'Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques Appliquées
Ingénieur des Services Agricoles de Médéa (Alger)

      Au Sud de l'Atlas Tellien, à 100 kilomètres d'Alger, le plateau du Tittéri s'étend de Média à Boghari. Le climat est rude : hiver rigoureux, été chaud avec sirocco, la pluviométrie est insuffisante et capricieuse. Le relief accidenté est, dans la partie Nord, défavorable à la culture mécanique. Le Sud du plateau est Voué aux céréales (Berrouaghia) et à l'élevage du mouton (Boghari) ; dans la partie Nord, les terres sont propices à la culture de la vigne et des arbres fruitiers.
      A l'arrivée des Français, la population était presque uniquement pastorale : les autochtones vivaient dans des gourbis (oraisons de pisé, très rarement de pierre, recouvertes de chaumes ou de diss), cultivant un peu de blé, pratiquant surtout l'élevage de la chèvre, l'un des plus dangereux destructeurs de la végétation. Dans les rares villages s'était développé un artisanat du cuir. Au point de vue ethnique, il s'agissait d'un mélange de Berbères, de Maures espagnols, de Turcs et d'Arabes avec une faible communauté israélite.
      Toutes les Terres qui furent allouées à la colonisation étaient en friche et couvertes de broussailles. Elles appartenaient au Dey d'Alger, (qui ne se souciât) pas de les mettre en valeur.
      Alger la Blanche, adossée à la colline de Bouzaréa. (Cliché Cie Aérienne de Photographie, Alger)

DAMIETTE

      A 2 kilomètres de Médéa, ce centre fut créé de toutes pièces à proximité d'une source, Aïn Dahab, où s'étaient groupés quelques gourbis au toit de chaume. En 1848, le Gouvernement français installe sur un plateau l'une vies 42 colonies qui lui font honneur. 142 familles auvergnates, alsaciennes, lyonnaises, vendéennes et parisiennes arrivent dans des chariots tout comme les pionniers américains du Midle-West. Ils viennent parce qu'il y a du chômage chez eux et qu'on leur a parlé d'une Terre Promise. Ils déchargent leurs bagages maigres et hétéroclites, logent sous la tente en attendant que le Génie construise des maisons pour les abriter. Ils sont sans ressources : l'armée doit les nourrir, et c'est dans les sacs de farine de l'Intendance que l'on taille des vêtements pour les gosses !...


Campagne algérienne : Région de Sakamody (Alger).

      Les terrains une fois délimités, on accorde 8 hectares et 1 boeuf par famille. Les biens des quelques musulmans installés dans cette zone ont été intégralement respectés.
      Mais les rendements de ces terres maigres sont décevants, la récolte fournie par les 8 hectares alloués est insuffisante : la misère s'installe. Pourtant ces Français s'accrochent ici ; les femmes travaillent aux champs près de leurs maris.
      En 1851, beaucoup, découragés, se font rapatrier après avoir défriché leur lot. Ils sont remplacés, en 1852, par des déportés républicains. La lutte s'engage entre ces hommes tenaces et endurants, et ces terres accidentées si peu accueillantes aux céréales. Un moulin à eau se crée, puis un second...
      Peu après, la vigne vient sauver le pays et sa colonisation chancelante. Les colons défoncent leurs terres, plantent, entretiennent eux-mêmes leur vignoble. Actuellement, la vigne, à Damiette, s'étend sur 700 hectares. Toutefois, la région est restée en partie céréalifère et le village s'enorgueillit d'un des moulins les plus modernes de l'Algérie.
      La commune de Damiette compte 5.800 habitants dont 300 Européens. C'est la petite propriété qui domine : en moyenne, 7 hectares de vigne par exploitant, et 35 colons sur 55 cultivent moins de 5 hectares.
      Le village de Damiette ressemble étonnamment à n'importe quel village de France avec ses arbres centenaires, son boulanger, son épicier, son café, sa cave coopérative, la salle des fêtes, son harmonie municipale, le jeu de boules, l'église et son curé, son petit cimetière...

MEDEA

      C'était un village, en 1842, quand les troupes françaises en firent la conquête. Les cultures étaient pratiquement inexistantes, sauf quelques îlots de maraîchage près des sources. Les militaires s'installèrent, puis vinrent les commerçants, puis des Alsaciens, des Espagnols. Des concessions furent allouées, mais de trop petite surface, trop difficilement rentables. Seules la vigne et l'arboriculture fruitière purent s'y développer.
      La commune de Médéa compte aujourd'hui 26.000 habitants dont 2.500 Européens, qui permettent à une ville de 9.000 habitants de prospérer.
      Les cultures se répartissent comme suit :

 
Vigne 
Céréales
Autres Cultures

Européens (365 agriculteurs)

Musulmans (6.000 agriculteurs)

4.900 ha

1.100 ha

3.000 ha

21.000 ha

1.100 ha

16.000 ha

      Les petites et moyennes propriétés sont tris fréquentes chez les Européens (22 hectares de vigne en moyenne) ; 31 viticulteurs possèdent moins de 10 hectares ; 2 domaines seulement dépassent 100 hectares. En outre, ces propriétés sont souvent morcelées : il n'est pas rare de voir des exploitations de 10 hectares comprenant 7 a 8 parcelles parfois éloignées les unes des autres de plusieurs kilomètres. Les rendement sont faibles (30 hl/ha pour la vigne, 8 q/ha pour les céréales). Aussi, les conditions d'existence sont-elles précaires pour de nombreux agriculteurs.
      Du fait de la présence française, la population autochtone a considérablement augmenté. La culture de la vigne lui assurait dans la région un travail régulier. Nous imitant, l'indigène, a son tour, s'est mis a planter vigne et arbres fruitiers. Les méthodes culturales françaises lui ont montré que le travail du sol est payant.
      Les organismes installés par le Gouvernement français pour le développement économique de la région fonctionnent à la satisfaction de tous : banques, caisses de crédit, coopératives vinicoles, coopératives de céréales, coopératives de défoncement, le Service de la Défense et Restauration des Sols, les Sociétés Agricoles de Prévoyance, les Syndicats d'élevage, les Syndicats agricoles et viticoles ; l'électrification se poursuit...
      Le progrès social est tout aussi spectaculaire dans notre région : l'indigène couvre aujourd'hui ses toits de tuiles. II envoie ses enfants a l'école communale; ses filles fréquentent l'école d'artisanat. Quatre-vingt pour cent de l'effectif des écoles et du lycée de Médéa, et soixante pour cent des fonctionnaires locaux sont Musulmans. Beaucoup sont professeurs, instituteurs, docteurs. L'un d'entre eux est ambassadeur de France dans un pays du Proche-Orient.


EL AFFROUN
PAR
Jean-Marcel MOREAU
Ingénieur Agricole (Alger, 1946)
Chef du Laboratoire des Associations Agricoles d'El-Affroun (Alger)

Paul POUNY
Auditeur régulier à l'Institut Agricole d'Algérie (1947)
Chef de service des Associations Agricoles d'El-Affroun (Alger)
ET
Marcel SURZUR
Ingénieur Agricole (Rennes. 1924)
Directeur des Associations Agricoles d'El-Affroun (Alger)

     

Le pays

      Entre le Gué du Bou Roumi et celui de l'Oued Djer, au pied de l'Atlas Tellien, de basses collines s'avancent sur les alluvions de la plaine. Elles dominent et surveillent les routes antiques de Sufazar (Blida) à Cesarae (Cherchell) et la voie romaine de l'Oued Djer au Chéliff par Miliana et Appidium Novum (Affreville). point de passage obligatoire au Sud des marécages du lac Hailoula et de la Mitidja, ce tronçon de route a toujours été le lieu des batailles que livraient les montagnards avides, encadrés par les Turcs, aux caravanes et aux voyageurs mal gardés ainsi qu'aux laboureurs de la vallée. Telle est l'origine du nom " El-Affroun c'est-à-dire " les combats ", d'où est issue la légende du brigand Affroun, fils du démon Aa'fritt, toujours ressurgissant de la brousse, éternelle incarnation du coupeur de routes aux instincts démoniaques.
      Ce nom de lieu, transmis par la langue du pays, évoque les plus terribles réalités : le vol, le pillage, le viol et le rapt des femmes, la razzia des troupeaux, l'incendie des habitations, la torture et le meurtre des hommes qui défendaient leurs familles ou leurs pauvres moyens de subsistance, en un mot, l'oppression : c'est tout cela qu'a fait cesser la pacification française à partir de 1840.

     

La colonisation française

      De 1848 à la fin du 19ème siècle, l'histoire d'El-Affroun est l'histoire douloureuse de la plupart des villages de colonisation de la Mitidja, de leurs débuts souvent tragiques, dans des territoires infestés de paludisme, avec le typhus, le choléra, la dysenterie endémiques.
      Les pionniers de la colonisation agricole de 1848-1849, suivis des déportés de 1850 et des colons libres des années suivantes, ont peu à peu transformé cette " terre infernale " comme on l'appelait alors. Ils n'avaient pas eu la chance de trouver réunis, sous un climat modéré, un sol facile à exploiter et de l'eau en quantité suffisante pour les hommes, les animaux et les cultures. Leurs efforts furent rudes, à la mesure de la nature hostile, et le succès vint lentement. Cette lenteur d'ailleurs n'est pas seulement imputable aux tâtonnements et aux erreurs individuelles ou collectives des colons : il serait contraire à la vérité historique d'ignorer les lenteurs de l'administration de ce temps, qui pesèrent très lourdement sur l'avenir de cette colonie agricole. Rien n'était fait de ce qu'elle avait promis : les maisons n'étaient pas construites, les rues n'étaient marquées que par des piquets fichés en terre. Les arrivants furent entassés pêle-mêle dans des baraques où la promiscuité rendait la vie douloureuse. Les semences annoncées par l'Etat n'arrivaient pas, le matériel agricole, même l'outillage de jardin, était de qualité plus que médiocre. La viande, corrompue et immangeable, fut supprimée, puis remplacée par de la morue...
      Cependant - les documents historiques en témoignent - les colons de 1848 n'ont pas plus mal réussi que ceux établis par l'Etat, en Algérie, à d'autres époques. S'il y eut des défaillants, ils furent remplacés au fur et à mesure. Quand ils eurent surmonté les mille inconvénients provenant d'un changement de climat et du bouleversement de leur vie, de leur métier, de leurs habitudes, ils se montrèrent aussi tenaces, aussi travailleurs, aussi économes que leurs devanciers ; ils ajoutèrent à ces qualités un esprit d'initiative et d'entreprise qui les conduisit au succès.
      Les épreuves ne leur avaient pas été épargnées : les terribles épidémies causaient l'encombrement des cimetières, les tremblements de terre qui laissaient toutes les maisons en ruines et des dizaines de cadavres sous les décombres, les nuages de sauterelles qui ravageaient les récoltes apportant avec elles la famine et le typhus ; toutes les angoisses et toutes les souffrances, les pionniers les ont endurées de 1848 à 1870 avec une ténacité et un courage indomptables.
      Quand l'industrie du crin végétal, de création récente dans le Sahel, fut transportée, en 1869, à El-Affroun, le bien-être entra partout ; les salaires et les profits améliorèrent la condition générale. Jusqu'à la grande époque de la viticulture, on peut dire que les colons de ce pays ont vécu et prospéré de la production du crin végétal. Mais le destin d'El-Affroun fut définitivement fixé quand vinrent la vigne et le tabac, cultures riches et sociales.
      Vue sur la Mitidja (Boufarik).
      Au premier plan : vignes : au fond : orangers. (Cliché Cie Aérienne de Photographie, Alger)
      L'esprit de collaboration, de mutualité et de coopération fut la force vive et le levier qui donna tout son essor à cette belle région. Comme dans toutes les autres régions agricoles de l'Algérie, cet esprit se manifesta par d'importantes réalisations et créations parmi lesquelles les associations agricoles méritent la première place.

     

Les associations agricoles d'El-Affroun

      Les associations agricoles d'El-Affroun se sont attachées à réaliser une oeuvre double :
      - créer des institutions tendant à l'accroissement de la richesse générale, c'est-à-dire une amélioration de la production agricole, en utilisant comme moyen d'action la coopération. L'ensemble de ces institutions forme ce que l'on peul appeler l'oeuvre économique ;
      - créer d'autre part des institutions tendant à faire profiter la population entière de la prospérité ainsi accrue, en contribuant au mieux-être de tous : c'est là l'oeuvre sociale.

     

1. Institutions économiques.

     
LA CAISSE REGIONALE D'EL-AFFROUN.

      La Caisse Régionale s'est fixée pour but essentiel de faciliter, par le crédit, la tâche combien difficile des colons et des fellahs.
      En 1955, les prêts consentis se sont élevés à plus d'un milliard et demi de francs dont furent bénéficiaires 200 sociétaires européens et 150 sociétaires musulmans.
      Par ailleurs, administrée de façon très souple, elle est devenue familière à la majeure partie de la population de la région qui lui confie toutes ses opérations bancaires et d'importants dépôts de fonds.
      Elle a vraiment été, et reste encore, la base solide sur laquelle repose tout ce qui existe dans la zone d'El-Affroun en fait d'oeuvres mutualistes et sociales, dont la création eût été impossible sans elle.

     

LE SYNDICAT AGRICOLE D'EL-AFFROUN

      Son rôle est de grouper les commandes de ses adhérents, afin d'obtenir des conditions de prix intéressantes, en même temps que des produits d'une qualité indiscutable.

     

LA TABACOOP DE LA MITIDJA

      C'est certainement l'une des créations dont le succès a été le plus complet. La Tabacoop joue un rôle de premier plan dans la culture du tabac de la région, en défendant le producteur et en s'efforçant d'améliorer la culture. Elle groupe actuellement 849 sociétaires dont 643 Musulmans, et 2.028 usagers dont 1.837 Musulmans. En 1955, les apports se sont élevés à près de 40.000 quintaux, représentant environ 600 millions de francs.

     

LA CAVE COOPERATIVE D'EL-AFFROUN.

      Comme toutes les autres Caves Coopératives, si répandues en Algérie, elle rend de très gros services aux petits propriétaires qui ne peuvent pas posséder une cave personnelle.

     

LA VITICOOP D'EL-AFFROUN

      Elle a pour but la distillation des vins, des lies, des marcs et la rectification des alcools ainsi produits. Elle groupe 89 adhérents en grande majorité d'origine européenne.

     

LE SYNDICAT D'ELEVAGE

      Ce syndicat permet aux agriculteurs d'améliorer leur cheptel dans de bonnes conditions.

     

El-AFFROUN-ASSURANCE

      Elle pratique tous les genres d'assurances agricoles selon la forme mutualiste. Ses clients sont au nombre de 253, parmi lesquels on compte 106 Musulmans.
      Ce rapide exposé, forcément incomplet, suffit a montrer que, grâce au fervent esprit mutualiste des colons de la région d'El-Affroun, à l'origine seuls artisans de la coopération, les conditions de la production agricole ont pu être notablement améliorées.

Dispensaire d'El-Affroun (Alger)

     
II. Institutions sociales.

      Les associations agricoles d'El-Affroun auraient jugé qu'elles avaient incomplètement rempli leur rôle si elles n'avaient pas prolongé leur oeuvre économique par un ensemble de réalisations sociales de même envergure. Ici connue là, l'idée directrice a été d'étendre à tous des bienfaits réservés à une minorité de privilégiés. En particulier, les associations agricoles ont fait porter leur effort sur la population indigène, cherchant à la faire profiter de leur activité économique et à l'associer à leur œuvre.

     

EL-AFFROUN-ASSURANCES SOCIALES

      Cet organisme créé en 1949, assure le service de la Sécurité Sociale dans le secteur agricole de la région. Cette caisse perçoit les cotisations patronales et ouvrières, constitue les dossiers éventuels de ses assujettis et paye les prestations correspondant aux maladies. Elle verse d'autre part un pécule à la naissance et un capital aux ayants droit de l'assuré social décédé. El-Affroun-Assurances Sociales groupe actuellement 2.800 assujettis, correspondant au personnel des 190 propriétés de sa circonscription.

     

L'ECOLE PROFESSIONNELLE

      Elle forme, depuis 1933, des ouvriers spécialistes de la motoculture. Elle a permis à de nombreux Musulmans d'acquérir une instruction technique faisant d'eux des ouvriers qualifiés.

     

LA SOUPE SCOLAIRE ET POPULAIRE

      Celle-ci fonctionne, depuis 1927, sous l'autorité de la directrice de l'école de filles, et distribue des repas chauds aux élèves nécessiteux et aux indigents de la commune.

     

L'OEUVRE DES ENFANTS D'EL-AFFROUN A LA MONTAGNE.

      Cette oeuvre assure un séjour dans la station d'altitude de Chréa aux enfants dont les parents ne peuvent consentir de tels frais.

     

LA SOCIETE D'H.B.B.M. D'EL-AFFROUN

      Sa création remonte à 1925. Elle a permis d'édifier 29 logements pour la population européenne, et 100 pour les Musulmans.

     

L'HÔPITAL-DISPENSAIRE

      Celui-ci, tout d'abord infirmerie de quelques lits en 1925, est aujourd'hui un établissement moderne de 118 lits, ayant soigné, en 1955, 791 Musulmans et 90 Européens pour un total de près de 35.000 journées de soins.
      Les institutions sociales que nous venons d'évoquer succinctement ont exigé, l'on s'en doute, un gros effort financier ; les associations agricoles ont été et demeurent leur principal soutien ; ce sont elles, d'ailleurs, qui assurent gratuitement la comptabilité et l'administration de toutes ces oeuvres.
      Un aspect caractéristique de l'action menée tant par les associations agricoles d'El-Affroun que par toutes les associations agricoles d'Algérie réside dans la part de plus en plus importante faite aux populations indigènes et aux problèmes qui sont les leurs : éducation de l'élément autochtone, amélioration de son niveau de vie, accélération de son évolution. Une personnalité métropolitaine éminente a déclaré, à la suite d'une visite en nos murs :
      " ...Nous pensions, en venant en Algérie, vous aider des conseils de notre vieille expérience dans la voie de la mutualité et de la coopération, mais nous devons reconnaître en toute sincérité que, si nous n'avons rien à vous apprendre en cette matière, nous avons en revanche de riches enseignements à tirer de vos réalisations sociales et humanitaires. "

      Ainsi, jusqu'au 1 novembre 1954, date à partir de laquelle le terrorisme tente de détruire les bienfaits de 114 ans de présence française, on a pu dire qu'El-Affroun était une heureuse bourgade où chacun pouvait accéder à une vie libre de plus en plus large et aisée, avec la possibilité pour le paysan musulman, comme pour le colon français, de vivre paisiblement de son travail et d'élever une famille dans la sécurité du lendemain.


El-Affroun : Cité musulmane. Au premier plan gourbi.


A SUIVRE       

QUAND L'ORAGE PASSA
par M. Robert Antoine                  N°17
DIVAGATIONS

BOMBINETTE ET COCOTIER

      L'année 1966 fut pour moi riche en événements et voyages puisque, dès mon retour d'Hamaguir, l'on m'annonçait mon départ, prévu pour fin juin vers les Îles sous le Vent, et plus spécialement Tahiti.
      Les Îles sous le Vent composent un archipel où l'on peut compter à peu près 800 îles et îlots. Géographiquement c'est pratiquement à l'opposé de la France dans l'hémisphère sud.
      Cet éloignement est très désagréable pour un reporter photographe, car la Presse parisienne, avide d'événements, essaie de trouver un moyen pour avoir le plus rapidement possible des résultats. Ma mission était simple: envoyer des photos de l'explosion de la première bombe atomique française. Aussi, suis-je envoyé au journal " France Soir " pour m'initier au maniement du bélinographe.
      Cet ancêtre très éloigné de la télévision lisait très lentement, ligne par ligne, la surface photographique et la transformait en signaux binaires, radiodiffusés par un lecteur électromécanique.
      On arrivait à reconstruire une photo sur un récepteur, par un procédé inverse. C'était long, avec une qualité très moyenne mais la feuille journalistique s'en contentait.
      Un petit problème supplémentaire, puisque nous n'avions pas encore de satellite de transmission, il ne restait que la radio et jamais un bélino n'avait été envoyé de Tahiti vers la France, les relais radio n'existant pas, Tahiti était trop loin !!!
      Bref, on fera des essais une fois sur place, avec l'aide de la Marine.
      Partir pour Tahiti, l'idée est agréable en soi, mais y accomplir une mission photographique, c'est à dire développer, tirer les photos, cela implique un matériel important et il faut surtout ne rien oublier.
      Deux caisses de 1 m3 chacune furent construites, chargées uniquement de matériel de laboratoire photo, et envoyées deux mois avant notre départ. J'étais personnellement responsable du contenu, M. Dalencourt s'occuperait de l'acheminement de ces caisses vers Papeete.
      L'équipe qui devait traverser les océans était désignée, 3 cameramen, plus le chef de l'ECPA en personne le Lt Colonel DARET, le chef de la Section photo Mr Dalencourt, un Reporter-photographe, votre serviteur.
      Ce que la France devait démontrer au monde, c'était notre capacité à être opérationnels en temps de guerre, avec un engin atomique.
      Certains le comprendront, d'autres seront tout à fait contre.
      Ce que je peux dire c'est que 57 ans ont passé sans qu'une guerre mondiale ne vienne endommager gravement notre planète. La folie des hommes est grande, mais la dissuasion a fonctionné, par peur ou par raison, la question est posée.
      Pour l'heure, ce n'est pas un problème pour moi. Je suis militaire ce qui ne me laisse qu'une alternative : obéir ou démissionner.
      On me dit que, depuis la première explosion à Reggane au Sahara, les progrès sur la sécurité ont été importants. On connaît mieux certains effets, encore qu'il y ait beaucoup à découvrir... Fin mai 1966 nous embarquons sur un KC 135 de l'Armée de l'Air.
      Qu'est - ce qu'un KC 135 ? Un gros avion servant de pompe à essence à d'autres, qui viennent se ravitailler en vol.
      Départ du Bourget, avec un équipage de choix puisque le Général MITTERAND, le frère de François, Commandant des forces stratégiques Aériennes est notre Commandant de bord. Curieuse famille les MITTERAND, puisque l'un est à l'apogée de sa carrière, je parle du Général, tandis que l'autre bataille avec un autre général, Président de la République à cette époque. J'ai nommé De Gaulle.
      Il parait que les deux frères ne s'entendront jamais et qu'une haine féroce attise les deux camps. L'avenir nous prouva l'inverse mais n'anticipons pas, nous sommes toujours en 1966, nous avons atterri à Miami pour cause de panne de réacteurs, l'avion est immobilisé pendant quelques jours. C'est une panne "pipeau" c'est à dire que notre avion est en parfait état de marche mais l'équipage avait, parait-il, besoin de se dégourdir les jambes et de prendre quelques repos made in U.S.A.
      C'est ce que l'on a bien voulu nous faire entendre ? Peut - être le Général MITTERAND avait-il quelques contacts à établir aux States.
      Quant à nous, nous étions logés dans un magnifique hôtel bordant la plage " The crown" Le rêve, mais le rêve américain. Tout est dans le décor, une réalité souvent décevante. Je m'explique : Une plage magnifique, mais pas un baigneur. Pourquoi ?
      A cause des requins. On a bien essayé de mettre un filet, mais ces fauves arrivent à les franchir. Reste la piscine, et je n'aime pas la piscine, ni la faune qui s'étale sur ses berges. Dans l'hôtel, la climatisation maintient une température agréable mais, dès que l'on est dehors, une moiteur vous envahit.
      Comme tout bon Français, j'estimais qu'un hôtel, aussi confortable soit il, n'est pas un lieu de vie. Un petit tour à pied dans les environs s'imposait. Les vieilles pierres, les châteaux n'existent pas, et l'on se déplace uniquement en automobile même pour faire 100 mètres. Nous n'avions pas de voiture et nous voulions marcher, c'est certainement pour cela que nous avons été contrôlés trois fois par la police ... c'est tout au moins l'explication que l'on nous a donnée, je n'ose pas en imaginer une autre....
      Il nous a fallu vivre comme des Américains et, qui plus est, comme des Américains en vacances, ce qui fut pour moi le comble de mon incompréhension envers cette soit disant civilisation. Mes collègues furent moins choqués, et manger des haricots rouges sucrés n'était pas, pour eux sacrilège; ils comprenaient ces gens qui usaient leurs temps devant une machine à sous, passaient leurs vacances sans sortir de l'hôtel où, certes tout se trouvait, de la boîte de nuit, au bar, aux piscines, aux restaurants. Tout sauf la liberté. Les horaires, les tenues, tout était programmé sauf sortir de ce vase clos, pour voir ailleurs...

      Heureusement je fis la connaissance de Canadiennes venues passer des vacances, avec qui l'on pouvait s'exprimer, voire plus, si affinités...
      J'exprimai mon étonnement sur le mode de vie américain et je fus aussitôt pris pour un vieux barbon. On changea de sujet ....
      Je n'aurais jamais imaginé que des Français s'américaniseraient si vite, adopteraient un mode de vie, une manière d'être, contraires à leur passé, leur culture. La mode soufflait d'outre-Atlantique et il fallait être "in". Un exemple : A cette époque les Américains portaient le "Bermuda", un pantalon peu esthétique. Jamais je n'aurais imaginé que cette horreur passerait l'Océan. Il a fallu attendre un an pour rattraper ce retard vestimentaire, et ce fut un beau succès en Europe.
      Je suis donc très mauvais juge en matière de mode, peut être par peur du ridicule mais, quand tout le monde est fou, le marginal est celui qui ne l'est pas !
      Ma deuxième remarque, c'est l'extraordinaire adaptation des Gaulois à ce qui vient du Nouveau Monde, in, look. C'est vrai depuis des siècles, mais je n'avais jamais vu de si près cet engouement.

      Je quittai Miami sans aucun regret. Notre prochaine escale : Los Angeles. Par le hublot de l'avion je contemple le désert du Texas et ses monts tabulaires ; nous nous posons à Los Angeles. Une ville extrêmement étendue tracée au cordeau avec ses quartiers de différentes ethnies. Un saut chez Mickey car notre avion rentre encore dans une période de révision !
      Je quitte la terre américaine sans regret, et j'ai une pensée attendrie pour Pascal et sa logique.
      Puis c'est l'océan Pacifique avec de l'eau sous les ailes pendant 6000 kms.
      Pour égayer le voyage il y a le baptême du "passage de la ligne."
      Quand nous survolons l'Equateur une grande bassine est placée dans l'allée centrale et le sacrement a lieu avec une coupe de champagne coulant sur notre corps. Me voilà baptisé au nom de Neptune, avec comme Parrain le Général MITTERAND. Heureusement, je ne suis pas seul car les nouveaux enfants de Neptune doivent payer le champagne à l'équipage et aux passagers, lors de la remise des actes de baptême. Nous étions une bonne douzaine à recevoir ce certificat et la note fut moins douloureuse.
      L'arrivée à Tahiti par les airs est assez impressionnante. L'aéroport de Faa est construit pour une grande partie sur la mer et la prise de piste permet de faire croire aux passagers qu'ils amerrissent ... Nous sommes le 3 juin 1966.
      Nous quittons notre bel oiseau qui, en 35 heures de vol, nous a conduits dans ce que la Métropole croit être un paradis.

      Si l'on se contente des couronnes de fleurs que l'on reçoit en débarquant, et du paysage que l'on vient de survoler, on a tendance à croire que les vieilles histoires de marins ont un côté crédible, et que, ma foi, on pourrait aller jusqu'à vérifier la véracité des romans de Pierre Loti. Ne contait-il pas fleurette à la reine Pomaré, sous l'ombrage d'un ananas en fleur... ! Merveilleux contes de nos anciens, peu de personnes pouvaient vérifier la hauteur d'un pied d'ananas, à peine plus grand qu'un pied d'artichaut, mais c'était beaucoup plus poétique, plus exotique.
      De l'aéroport à notre hôtel, il n'y a pas long.
      Nous logeons dans des farés aux toits en feuilles de palmes, tout confort. Notre habitation sur pilotis est proche, près de la plage et quoi de meilleur qu'un bon bain pour nous délasser des fatigues du voyage.

Photo de M. Robert Antoine

      Le temps de le dire, nous voilà dans l'eau, un peu déçus par sa tiédeur, car cela ne nous rafraîchit pas. Heureux quand même de se baigner dans le Pacifique si différent de ma Méditerranée.
      Sur la berge sont restés les anciens qui depuis quelques instants s'agitent et nous font des signes. Trop loin pour les entendre, par réflexe, je regarde autour de moi, et j'aperçois trois ailerons faisant de beaux sillages, à une quinzaine de mètres : Des requins ! Ce n'était pas les dents de la mer, mais cette compagnie est extrêmement gênante pour le méditerranéen que je suis, et qui, d'habitude, ne fréquente pas ces bêtes là lors de ses baignades.
      Un crawl de compétition, et nous voilà sur le rivage, à regarder les ailerons grisâtres fendre l'onde avec élégance.

      Notre séjour à Papeete est de courte durée. Il nous faut moissonner un maximum de documents, tant sur les hommes, les installations, que sur les moyens.
      C'est la Marine qui supporte le plus gros poids de mise à disposition de matériel. Le chapelet d'îles nécessite toujours une embarcation, ce qui ne rend pas facile la logistique. L'Armée de l'Air assure les transports aériens et les rotations entre Faa, Hao, Mururoa. II faut dire que l'on prend l'avion comme on prend l'autobus...
      Notre autobus nous transporte à Mururoa, l'atoll où aura lieu la première expérience de tir.
      De gros travaux de Génie ont été effectués, et différents sites opérationnels portent des noms de femme. Celui où nous logeons se prénomme Martine.
      Sur cet atoll inhabité une piste d'envol a été construite au ras des flots, des baraquements, un mess, des hangars. Il a fallu faire sauter une partie de la barrière corallienne pour que des navires-hôtels puissent entrer dans le lagon, où cohabitent techniciens, savants atomistes, marins, et passagers.

      Le "DE GRASSE ", magnifique croiseur, une des plus belles unité de notre flotte, est là : c'est le PC de cette vaste opération.
      Il dénote un peu à côté de ces navires-hôtels, et ses canons sont en ce lieu quelque peu obsolètes. Il renferme cependant le centre de décontamination de Mururoa, mais nous en reparlerons.
      Notre équipe est très sollicitée car il y a beaucoup à voir et nos déplacements, tantôt maritimes, tantôt terrestres, ne sont pas toujours aisés.
      Nous quittons notre logement " Martine" pour une couchette sur le "DE GRASSE". C'est à bord du croiseur que nous assisterons au tir, et j'apprends incidemment que les tourelles du DE GRASSE sont compensées en gîte et en houle par un système électronique. Pour moi, c'est merveilleux puisqu'en pointant la tourelle vers le lieu de tir j'aurai une chance de photographier les premiers instants de l'explosion.
      Je demande que l'on arrime mes appareils sur une de ces fichue tourelle. Impossible car il faut percer la tourelle.
      L'Amiral ne peut donner cet ordre, il faut une autorisation de Paris.
      Un message part, expliquant le pourquoi de la chose car, sans ce moyen il aurait été impossible de photographier les premiers instants de l'explosion, puisque personne, dans les 30 secondes qui suivront l'explosion, ne doit se trouver sur le pont.
      Le commandant du bord n'est pas très optimiste, malgré les bonnes raisons que nous lui fournissons....Mais déjà, nous devons nous transporter à bord de l'OURAGAN", assister à une répétition de débarquement.
      Curieux navire que cet OURAGAN. En fait, c'est un bâtiment qui plonge comme un sous-marin. II s'enfonce dans l'océan, pour permettre à des "DUCK" ou engins de débarquement de rentrer, en naviguant, à l'intérieur de sa plate forme immergée. Quand ils sont rangés, le navire porteur ferme ses portes, chasse l'eau par ses ballasts, reprend sa ligne de flottaison et file vers sa destination, en l'occurrence le DE GRASSE qui a pris sa position de tir. Nous serons à 40 Kms du point "P".
      Une embarcation de l'Ouragan est mise à l'eau pour nous permettre de rejoindre le DE GRASSE. Le coeur un peu serré, nous allons nous renseigner sur la décision que Paris a prise au sujet de la tourelle. A bord nous rencontrons notre patron, le Lt Col DARET, et le reste de l'équipe.
      La réponse vient d'arriver : c'est OUI, mais un seul trou!
      Content, mais pressé puisque nous sommes le 30 juin 1966 et que le tir doit avoir lieu demain vendredi à 5 h 37'.
      Nous trouvons une bonne compréhension chez les marins artilleurs, responsables de cette tourelle, qui arrivent à percer le blindage et à arrimer une caméra et deux appareils photos en y travaillant toute la nuit.

      Nous sommes prêts et, par autorisation spéciale, nous serons sur le pont pendant le tir, avec des vêtements spéciaux, des lunettes extrêmement noires, la tête appuyée sur notre bras, nous cachant les yeux.
      Vendredi 5 heures 37' ... le tir est reporté.

FEU

      Si j'ai pris le soin de créer un nouveau chapitre, c'est que je dois placer mon lecteur dans les conditions de 1966.
      En 50 ans la Science a fait tant de progrès qu'il est difficile à ceux qui sont nés avec l'électronique d'imaginer nos problèmes de l'époque.
      Un exemple : Aujourd'hui si vous voulez prendre une photo il vous suffit de cadrer et d'appuyer sur le déclencheur. La photo est réussie à 99 %
      Hier, ce n'était pas le cas. Il fallait régler la distance, le diaphragme, la vitesse. Certaines de ces valeurs étaient données par une cellule photoélectrique et, pour la couleur, quand on était professionnel, un thermocolorimétre s'imposait.
      Mon problème de l'instant restait les réglages de mes appareils.
      Le tir devait avoir lieu vers 5 heures 30, à cette heure là le soleil n'est pas encore levé. Je n'avais jamais photographié auparavant d'explosion atomique, donc aucune expérience. Ma cible était à 40 kms et il m'était impossible de la voir, de la distinguer ; même l'atoll de Mururoa était invisible. Ma cellule photoélectrique restait muette et son aiguille ne décollait pas du zéro. Bref nous y étions ... .
      Sur mon agenda, à la date du samedi 2 juillet 1966 sont notées ces indications : 1/125 - 3,5 N & B 1/50 3,5 C. La distance est réglée sur l'infini !
      J'ai longtemps tenu secrètes ces notes, plus par coquetterie que par raison, car le Dieu des photographes m'avait, ce jour là, inspiré.

      Les marins ont un vocabulaire particulier, qui est très explicite et précis. Le jour "J" le "branle bas" est à 4 heures. Nous sommes sur le pont vers les 4 heures 50, nous réglons avec l'ami Duru, lui sa camera, moi mes 2 appareils photos en noir et blanc et mon appareil couleur automatique 12 vues.
      Nous sommes sur le pont quand la voix de l'amiral nous prévient que nous sommes à "H" moins 5 minutes.
      C'est le moment de se mettre en position, chausser ses lunettes spéciales, rabattre sa cagoule, sa visière, placer son bras droit sur la visière et, en tournant le dos à l'explosion, appuyer sa tête contre les infrastructures du "DE GRASSE".
      De notre main libre mais gantée nous tenons les boutons de commande de nos appareils. 5. 4..3. 2.1. FEU.
      La voix de l'Amiral est laconique. Après le FEU aucun bruit, sinon la perception fugitive d'un éclair, malgré nos équipements, notre position et un silence profond . . . étonnant.
      Mes doigts sont crispés sur les boutons de la télécommande de mes appareils, mais nous ne bougeons pas avant qu'une voix, dans le haut parleur, nous indique que le tir a réussi et que nous pouvons nous déplacer.
      Vite, regardons si tout a fonctionné. OK
      Le colonel DARET me demande de développer de suite et sur place avec les moyens du bord une pellicule. Je rechigne, arguant que les révélateurs à bord ne sont pas aussi puissants que ceux préparés par nos soins à Papeete. Il est intraitable, il veut des résultats immédiats. ..Je m'enferme donc dans le noir pour développer une pellicule de 400 ASA où il n'y a qu'une seule photo…

Photo de M. Robert Antoine

      J'ai des sueurs froides, chaudes, je ne sais. Pour un développement normal il faut 4 minutes, et cela fait 20 minutes que je trempe ma pellicule dans ce révélateur qui, pour moi, n'est qu'une mauvaise soupe.
      Je prie tous les saints que je connais, car je ne vois rien sur le film à la lueur de ma cigarette. .20 minutes écoulées, 20 minutes de cauchemar, on frappe à la porte du labo "le Colonel est pressé". La réponse est verte et brutale !
      Le fixage d'une pellicule demande 10 minutes, après ce laps de temps on peut allumer les néons.
      Sur la pellicule une énorme boule noire, dans un ciel laiteux, ce qui donnera l'inverse sur un positif. Je montre cela à mon Colonel, il a l'air content mais pressé, car il part pour Papeete où il fera tirer le négatif et développer l'autre pellicule noir et blanc. Le film couleur sera développé à Paris.
      Sur le pont, je jouis d'un spectacle d'une incroyable beauté même si cette beauté est vénéneuse. Instant unique pour moi, à qui même les couleurs rougeâtres, les ocres du soleil levant, les bleus de l'océan ne font pas oublier l'horreur de l'arme de guerre.
      Trois heures ont passé. Toujours revêtus de nos vêtement spéciaux, nous sommes invités à la séance de décontamination.
      J'entre dans une cage de verre où pendent d'énormes gants en caoutchouc. De l'autre côté de la vitre un marin fait mouvoir les gants et commence avec la délicatesse d'un dinosaure à me déshabiller. Complètement nu, je dois prendre trois douches de 6 minutes chacune. Lavé, brossé, étrillé, je me sèche seul avant de passer devant un puissant compteur Geiger qui vérifie si je suis ou non contaminé ! ! !
      On part des cheveux et, lentement, on ausculte tout le corps. Tout va bien jusqu'au moment où une terrible sonnerie retentit.
      J'en ai encore le son dans les oreilles et, à ce moment là, votre esprit travaille vite et imagine le pire.
      Ce n'est que ma montre, très fluorescente, qui a déclenché ce vacarme.
      Je la quitte on repart à zéro, et là tout va bien .... OUF !
      Tous les effets spéciaux que je portais sont brûlés et je peux repasser ma chemise et mon short.

      Le haut parleur de bord crache "M. M. DURU & ANTOINE sont demandés sur la passerelle. Un commandant nous communique deux informations:
1°/ message signé Colonel DARET me félicitant pour mes photos,
2°/un ordre nous disant qu'une embarcation nous attend pour rejoindre L'OURAGAN.

      Dès notre arrivée à bord, nous voilà installés sur un chaland de débarquement. Mission : vérifier sur l'atoll les effets physiques de la bombe.
      Nous serons très peu à débarquer et, plus nous approchons du point zéro, plus la désolation est grande, mais moins que ce que j'avais imaginé. Nos compteurs Geiger, à l'approche du point zéro, commencent à crépiter et nous devons rentrer.
      L'OURAGAN, après avoir recueilli toutes ses embarcations, nous amènera sur l'atoll d'Hao à 800 kms de Mururoa.
      Retour sur Papeete, où nous tombons en pleine fête du JUILLET. La coutume veut que notre Fête Nationale du 14 juillet, se poursuive en Polynésie française tout le mois. Des danses folkloriques, des concours de javelots, des concours de pêche, arrosés de "Manouilla", la bière locale, ou de punchs, le tout sur un air de "TAMOURÉ".
      Pendant un mois, les services administratifs, la poste, les banques travaillent à un rythme ralenti : Le personnel est "Fiù". C'est le mot tahitien qui explique tout, et dont je ne donnerai pas de définition.
      Mais c'est la fête d'un peuple, avec ses débordements, ses outrances, sa bonhomie, son plaisir de vivre…
      Ces joyeusetés s'interrompront momentanément, car je dois, à bord d'un avion Vautour, photographier un lancement de bombe tactique, lancée depuis un avion, sur l'atoll de "FANGATOFA".
      Les conditions météo ne sont pas fameuses, beaucoup de nuages, et un pilote pas trop coopératif, un photographe harnaché, peu libre de ses mouvements. Conclusion un FLOP! Triste consolation : mon collègue Duru, embarqué sur un autre avion, n'a rien non plus. Retour à Papeete où la fête continue et, cette fois-ci, avec nous et presque à plein temps. Bientôt ce sera le départ.
      Adieu cocotiers et vahinés, au revoir aux immenses plages coralliennes, et aux lagons couleur d'émeraude, un dernier salut à Gauguin, et déjà nous voilà à faire nos valises remplies de coquillages et de paréos.
      Je laisse derrière moi quelques bons souvenirs, quelques émotions fortes, mais je pars sans regret. Je ne suis pas un îlien, le Pacifique est trop vaste pour moi, et je n'en connais rien.

      Nous quittons l'Aéroport de Faa, sous un amas de colliers de coquillages, le lundi 25 juillet 1966, avec une escale en Nouvelle-Calédonie puis Sydney.
      Sydney, Calcutta, Athènes, Paris : la boucle est bouclée.
      Nous débarquons à Orly, le jeudi 28 juillet 1966, avec une tenue peu conforme à la grisaille de ce jour.
      II m'a fallu plus de 8 jours pour ne plus confondre la nuit et le jour, et retrouver un état normal. A ceux qui se posent question sur la qualité de mes photos; je les rassure, la presse en a fait un large usage, encore que notre bombinette ait fait démissionner un ministre.... La République en a vu d'autres.
      En terme de conclusion j'ajouterai quelques remarques:
      La Polynésie n'est pas le Paradis. Brigitte Bardot en pleine lune de miel (elle en a eu, et plusieurs) n'y est restée que trois jours.
      Pour vivre dans ces îles, il faut être comme le cocotier, ne pas avoir de racines profondes et s'adapter à un tempérament d'îlien.
      Nous sommes au bout de notre monde, et une trentaine d'heures d'avion nous séparent de la Métropole.
      II faut savoir que certaines maladies vénériennes guérissent mal sous ces latitudes, ainsi que certaines blessures faites sur des coraux vivants.
      M'étant blessé dans un moment d'affolement en faisant du masque de plongée, je vis dans mon hublot un petit requin de lagon, parait-il inoffensif mais bien trop gros pour moi. Je gardai ma blessure ouverte jusqu'à mon retour en France.
      Cependant, si vous pouvez faire ce voyage, n'hésitez pas, même si au retour vous pensez que le jeu n'en valait pas la chandelle. Il y a des noms qui font rêver et, réaliser son rêve, c'est une satisfaction d'homme.

      Sachez cependant que les paradis sont perdus, que les touristes ont remplacé les anges, que les Tikis, les Dieux de là-bas sont à double face, tels des Janus

A SUIVRE
Histoire écrite en l'an 2001 par Robert ANTOINE
Photographies de l'auteur

A ma femme, à mes filles
A M. et Mme Roger Fauthoux
A ceux qui m'ont aidé à retrouver
une documentation perdue

M. ANTOINE nous fait l'honneur de la diffusion, par épisodes sur notre site, de ce livre de souvenirs. Pour ceux qui voudraient posseder ce livre, il est vendu par l'auteur au prix de 25 Euros (hors frais d'envoi).
Adresse de courriel, cliquez ICI --> : M. Robert Antoine


Une petite histoire véridique :
Envoyé par M. Antoine Martinez


Une petite annonce est parue dans la Presse en ces termes :
"Jeune Noire cherche compagnon. Origine ethnique sans importance. Je suis belle et j'adore m'amuser. Je raffole des grandes promenades dans les bois, de ballades en 4x4, la chasse, le camping, les sorties de pêche et les soirées confortablement allongée auprès du feu.
Je serais à la porte quand vous rentrez du travail, ne portant sur moi que ce que la nature m'a donné. Embrassez-moi et je suis à vous.
Composez le (404) 875-6429 et demandez Daisy."




Plus de 15 000 hommes répondant à cette annonce ont découvert ...



Qu’ils avaient appelé .....




la SPA au sujet d'une chienne Labrador de 8 semaines !!!!!!!!!


HISTOIRE DU CHRISTIANISME EN AFRIQUE DU NORD
Docteur Pierre CATTIN
(Parue dans la Lettre de VERITAS N° 90, 91, 92, 93, 94)
http://comite.veritas.online.fr

     L'Histoire du christianisme en Afrique du Nord, qui a permis l'épopée missionnaire en Afrique Noire dans la seconde moitié du XIXéme siècle, constitue l'une des plus belles pages de la civilisation tout à l'honneur de la France. Elle fut célébrée de façon quasi-unanime dans tous les milieux intellectuels, politiques, philosophiques, religieux, et même chez les plus farouches anticléricaux de la fin du siècle, ce qui demeure pour nous un des témoignages les plus remarquables en faveur de cette vérité historique.
     Le XIXéme siècle fut donc, pour l'Afrique toute entière, le siècle missionnaire. Fait paradoxal, pourtant, alors que la France commence à se déchristianiser, des vocations religieuses se lèvent, nombreuses, pour porter l'Evangile Outre-Mer. Mais ces prêtres, ces religieuses, qui partent propager leur foi, délaissent-ils pour autant leur sentiment national ? Abandonnent-ils leur attachement à la France ? L'historien Pierre Montagnon, qui soulève cette question posée par le Président de la République Jules Grévy au Cardinal Lavigerie, cite aussi la réponse historique que fit l'Archevêque d'Alger.
     " Dispersé sur tous les points du monde, le clergé des Missions françaises garde, partout, un amour ardent pour la France. En la quittant, il renonce à tout ici-bas, au sol natal, à l'affection des siens, à la vie même car il en fait, par avance, le sacrifice. Mais il conserve pieusement, comme un dernier et plus cher trésor, avec le culte de Dieu, le culte de la Patrie. Chargé de perpétuer ses traditions les plus pures, sa charité, sa foi, ses inspirations généreuses, il compte, parmi les jours fortunés, ceux ou, en servant la religion et l'humanité, il peut servir et honorer le nom de la France. " (Pierre Montagnon " La France coloniale " Ed ; Pygmalion Tome I - 1988).
     En ce qui concerne l'Afrique du Nord, objet de cette étude, il faut rappeler - plus que jamais aujourd'hui, car ce fait est souvent passé sous silence - que le Christianisme y avait précédé de cinq siècles l'arrivée de l'Islam. Introduit dès le milieu du deuxième siècle, en même temps qu'en Gaule, la grande richesse archéologique des églises et bâtiments du culte chrétien en témoigne : à Timgad, Hippone, Tipasa, Tébessa, Djemila, Tigzirt, Sbeitla, Sétif, etc. LE CHRISTIANISME EN AFRIQUE DU NORD FORMAIT, A SON APOGEE, LA PRINCIPALE EGLISE LATINE D'OCCIDENT.
     Cette Eglise a eu ses martyrs, non seulement à Carthage avec Félicité et Perpétue (dont les noms figurent toujours au canon de la messe) et Saint Cyprien évêque, mais aussi à Constantine avec Marcien, Jacques et ses compagnons, à Hippone avec Sainte Théogène, à Cherchell avec Sainte Marcienne, à Tipasa avec Sainte Salsa.
     Cette Eglise chrétienne d'Afrique du Nord a eu ses " Pères de l'Eglise" Arnobe, Saint Alype et, surtout, Saint Augustin l'Africain au temps où elle était répartie en une quarantaine de diocèses.
     Le Christianisme, qui s'était maintenu avec peine sous les vandales ariens au cinquième siècle, puis avait été restauré sous les Byzantins avec Bélisaire au sixième siècle, avec la reconquête entreprise par l'Empereur Justinien de Constantinople, ne survivra pas à l'arrivée des cavaliers d'Allah.
     De petites communautés tentèrent de se maintenir, en proie aux persécutions, à Tlemcen, à Bougie ou fut lapidé Raymond Lulle. Quelques inscriptions prouveraient qu'il existait encore en Afrique du Nord, quelques chrétiens parlant latin au onzième siècle.
     II faut ensuite évoquer la chrétienté souffrante aussi à l'époque des Barbaresques, ces pirates qui ravagèrent la Méditerranée occidentale pendant plus de trois siècles, capturant les navires et emmenant les passagers en esclavage. II y a eu jusqu'à 30.000 chrétiens vendus, chaque année, sur le grand marché aux esclaves d'Alger, sous domination ottomane.
     Des religieux intrépides essayèrent de venir en aide à ces esclaves chrétiens : des Trinitaires de la Rédemption de Jean de Matha, des membres de l'ordre de la Merci, des lazaristes de Saint Vincent de Paul en rachetèrent des dizaines de milliers ! Rappelons des noms de martyrs : le jeune maure Géronimo, enterré vivant, le Père Levacher, condamné à être déchiqueté à la bouche d'un canon en 1683.
     Le cas d'Oran est particulier. Fondée au dixième siècle, la ville demeura espagnole de 1509 à 1708 et, à nouveau, de 1732 à 1792. Ce qui fait qu'en comptant les 132 ans de présence française, Oran demeura terre chrétienne pendant près de 400 ans !
     Notons au passage que les historiens du Maghreb officiellement reconnus par l'Education Nationale, en particulier Charles-Robert Ageron et Charles-André Julien, sont extrêmement " discrets " sur la longue et terrible histoire de l'esclavagisme d'Alger.
     Pourtant, le célèbre écrivain espagnol Cervantès avait longuement raconté les souffrances et les tortures subies alors que, capturé en mer, au large des Saintes Maries de la Mer, il avait été vendu comme esclave et retenu pendant cinq longues années dans les bagnes d'Alger... L'auteur de " Don Quichotte" était mourant lorsqu'un moine trinitaire courageux vint le racheter à Alger, au péril de sa vie

      Il arrivait parfois que le religieux porteur de rançon soit, à son tour, pris en otage en vue d'une autre rançon par ces pirates sans scrupules !... Pourquoi l'enseignement officiel - y compris celui d'une partie de l'Eglise - tient-il à dissimuler ces épisodes héroïques de ces prêtres courageux, dignes ancêtres de nos missionnaires africains du XIXème siècle ?
     La tyrannie de l'idéologie politique dominante ira-t-elle jusqu'à faire écrire une autre " histoire ", en marge de la vérité historique reconnue par tous pendant plus de trois siècles ? Dans le numéro du 19 février 1998 du " Nouvel Observateur" consacré à l'histoire de l'esclavagisme en Afrique, Patrick Rambaud accuse les militaires français de l'expédition de 1830 de s'être " comportés en authentiques esclavagistes " alors que c'est, justement, la prise d'Alger par l'Armée française qui mit fin à 300 ans de pratique esclavagiste par la Taifa des Raïs !
     A partir de 1830, nous empruntons l'Histoire des premières années du Christianisme au Maghreb au remarquable ouvrage du Professeur Pierre Goinard " Algérie, l'oeuvre française" (Ed. Robert Laffont 1984). En dehors des vestiges archéologiques, il n'y avait plus de chrétienté et les seuls chrétiens vivants étaient en esclavage à Alger.
     Aussi, est-ce très symboliquement qu'une première messe fut célébrée, le 20 juin 1830, après les combats de Staouéli, ainsi qu'un office solennel, le 6 juillet, au palais de la Casaubah, en action de grâce et en mémoire des milliers d'esclaves chrétiens qui avaient souffert et étaient morts dans des conditions atroces, enchaînés aux bagnes d'Alger !
     Toutefois, le Maréchal de Bourmont avait pris l'engagement solennel, au moment de la reddition du Dey, de respecter la religion musulmane, la personne des imams et les mosquées. Cependant, cette victoire d'une puissance chrétienne sur la barbarie ottomane en Méditerranée imposait que la mosquée Ketchoua fût transformée en église chrétienne qui deviendra la Cathédrale Saint Philippe, car cette mosquée avait été construite sur les fondations d'une basilique chrétienne...
     Pendant les premières années de la présence française, le nombre des prêtres demeura faible puisqu'en 1838, il n'y avait encore que 4 prêtres pour 25.000 Européens. Tout va changer lorsqu'un premier évêque, Mgr Dupuch arrive en 1838. Ce prélat va créer, en 7 ans, 29 paroisses, recruter 73 prêtres, accueillir une demi-douzaine d'ordres religieux enseignants et soignants.
     Lazaristes, Jésuites, Trinitaires, Soeurs de la Doctrine Chrétienne, Filles de la Charité, et même des Trappistes, à Staouéli, en 1843. Son successeur, de 1846 à 1866, Mgr Pavy, amplifia l'encadrement pastoral, à mesure que la population chrétienne, venue de France, d'Espagne et d'Italie augmentait. Ainsi furent créés le Petit Séminaire de Saint Eugène, le Grand Séminaire de Kouba, et, en 1850, à Oran, la Chapelle de Santa Cruz en réalisation d'un voeu de la population pendant l'épidémie de choléra, et, enfin, fut posée la première pierre de Notre Dame d'Afrique !
     Mgr Pavy porta le nombre des paroisses chrétienne à 145 et, promu archevêque, il prépara les évêchés d'Oran et de Constantine. II introduisit en Algérie les Frères des Ecoles Chrétiennes, favorisa l'enseignement des Jésuites et appela les Dames du Sacré Coeur. En 1866, plus de 18.000 enfants étaient admis dans des établissements scolaires religieux.
     Avec Mgr Lavigerie, l'Eglise chrétienne d'Afrique atteindra son apogée. Le nouvel évêque va créer 40 paroisses supplémentaires, installer de nouvelles communautés, les Petites Soeurs des Pauvres à la Bouzaréah, les Soeurs enseignantes de Saint Joseph, les Pères baziliens, mais, surtout, convaincu de la vocation missionnaire colonisatrice et civilisatrice de la France, il fondera, en 1868, les Missionnaires d'Afrique avec leurs maisons mères, pour les Pères Blancs à Maison Carrée et pour les Soeurs Blanches à Birmandreis.
     Lors des terribles calamités qui s'abattirent sur l'Algérie de 1866 à 1869 (dévastation des cultures par les sauterelles suivie d'une période de sécheresse exceptionnelle et d'une épidémie de choléra très meurtrière), Mgr Lavigerie va fonder un orphelinat à Ben Aknoun pour y recueillir plus de 5.000 jeunes enfants abandonnés.
     Fasciné par l'Histoire de la chrétienté en Afrique au temps de Saint Augustin, il avait envisagé un moment de faire du prosélytisme auprès des populations berbères, anciennement chrétiennes, puis islamisées. Mais le pouvoir politique, qui s'était engagé à respecter la croyance musulmane, s'y opposa.
     Cela n'empêcha pas l'évêque d'Alger d'entreprendre une magnifique oeuvre sociale et humanitaire auprès des populations musulmanes, créant de nombreux centres de soins dans les régions les plus touchées par les épidémies et les plus déshéritées, en particulier quatre hôpitaux indigènes : à Saint Cyprien des Attafs en 1874, à Michelet en 1894, à Biskra et à Souk Ahras en 1895.

      Mais l'oeuvre majeure de ce grand Cardinal demeure celle des Missions en Afrique Noire et sa lutte victorieuse contre l'esclavagisme qui était en recrudescence dans la seconde moitié du XIXème siècle.
     Renonçant à évangéliser directement les musulmans, ces prêtres, religieux et religieuses dévoués vont, cependant, gagner la confiance, le respect, l'attachement de ces derniers qu'ils vont secourir, soigner, instruire, former à de nouvelles techniques agricoles, à la rénovation d'anciens artisanats.
     Les représentants du Christianisme ont ainsi personnalisé la présence de la France en Algérie dans ce qu'elle avait de meilleur, au même titre, et peut-être plus encore, que les médecins coloniaux dont ils seront, bien souvent, les précieux auxiliaires.
     En évoquant l'action caritative des religieuses françaises, on ne peut oublier le remarquable dévouement en faveur des musulmans de la Mère Emilie de Vialar dans les premières années de la colonisation. Après sa mort, elle sera, d'ailleurs, béatifiée par le Vatican.
     A la mort du Grand Cardinal Lavigerie, en 1892, après 45 ans d'accroissement épiscopal, renouant avec les premiers siècles, le Christianisme était fortement implanté en Algérie, matérialisé par trois Cathédrales, deux basiliques (dont celle de Notre Dame d'Afrique, inaugurée en 1872, dans laquelle viendront prier ensemble, lors de certaines fêtes religieuses, chrétiens, israélites et musulmans), deux cents églises paroissiales, deux séminaires florissants.
     Plusieurs ordres religieux vont jouer un rôle prépondérant dans l'éducation des enfants (largement supérieur, ne serait-ce que par l'enseignement du latin et du grec, à l'éducation laïque). A Oran, Tiaret, Saïda, Nemours, Marnia, trois cents Trinitaires instruisaient plus de 6.000 élèves, tout en assurant le service des hôpitaux d'Oran et de Sidi Bel Abbès. Les Soeurs de la Doctrine Chrétienne, au nombre de 550, se consacraient aux malades ainsi qu'à l'enseignement primaire et secondaire à Constantine, Bône, Philippeville, Douéra et Alger.
     L'épopée des Filles de la Charité mérite d'être rapportée : douze religieuses arrivent de métropole en novembre 1842, s'installent dans les humbles locaux de la rue Salluste à Alger, aménagés depuis 8 ans par les Soeurs Joseph de l'Apparition dans un ancien bagne d'esclaves. Elles seront 400 en 1882 et leurs dispensaires arriveront à accueillir de 500 à 600 consultants par jour ! Un " fourneau économique" distribuera quotidiennement et gratuitement jusqu'à 1.200 repas !
     Les Filles de la Charité assumeront, en même temps, le rôle d'infirmières et d'aides-soignantes à l'hôpital Mustapha d'Alger et dans les hôpitaux de Constantine et de Biskra. Elles s'occuperont d'un orphelinat à Bône et d'une crèche à Hussein Dey (Alger). Parmi leurs 33 écoles, celle de Bab-el-Oued (Alger) recevra plus de 600 enfants, celle de Maison Carrée (Alger) 300 et nombre d'autres seront toutes aussi accueillantes à Kouba, à Marengo, à Constantine, à Bône, et jusque dans de petites villes éloignées telles que Ténès, Laghouat, Djidjelli, et même des villages tels que Boghar, Novi, Condé-Smendou. A Alger, entre El Biar et la colonne Voirol, les Filles de la Charité édifieront le vaste ensemble des Maisons Saint Michel et Saint Vincent... (D'après le Pr. Pierre Goinard in la revue " Itinéraires" N° 264 juin 1982).
     Quant aux Frères des Ecoles Chrétiennes, ils eurent jusqu'à 4.000 élèves dans leurs vingt établissements à Alger, rue de la Fonderie, rue Bab Azoun, Cité Bugeaud, pensionnat Saint Joseph d'El Biar, à Oran, à Constantine, à Sidi Bel Abbès, à Tlemcen, à Blida...
     Après ce demi-siècle d'un extraordinaire épanouissement, la Chrétienté en Algérie va subir, comme en métropole, mais avec des conséquences plus dramatiques dont certaines ne s'effaceront jamais, l'assaut de l'anticléricalisme des dirigeants de la Ille République de la fin du XIXème siècle et des premières années du XXème siècle.

      Nous voilà à la fin du XIX° siècle, à l'apogée de l'implantation du christianisme en Algérie où les chrétiens étaient, historiquement, tout le contraire d'intrus. Rappelons, une fois encore l'ancienneté de l'implantation du christianisme en Afrique du Nord.
     Il serait fastidieux de citer, rien que dans la région du littoral, à l'est d'Alger, toutes les églises chrétiennes dont subsistaient les fondations : La Pérouse avec ses très belles mosaïques, Dellys, Tighzirt, Port Guédon. (Professeur Robert Lafitte in " C'était l'Algérie" Ed. Confrérie Castille 1994).
     Voici que le vent dévastateur de l'anticléricalisme, venu de métropole, va déferler sur la communauté chrétienne d'Outre-mer, spécialement dirigé contre l'oeuvre enseignante de l'église chrétienne. Il ne reste plus, à Alger, que trois écoles aux Soeurs de Saint Vincent de Paul, dont celle de la cité Bugeaud à Bab el Oued, qui survit grâce aux dons privés et à l'abnégation des enseignants religieux et civils qui se contentent d'un salaire très modeste.
     Les Jésuites avaient déjà disparu depuis 1882. Peu après les lois de séparation de 1901 à 1904, seules les écoles congrégationalistes purent survivre lorsqu'elles se transformèrent en " écoles libres ". Les Trappistes de Staouéli durent s'en aller en cédant leur domaine à une famille protestante suisse, la famille Borgeaud.
     Même les religieuses infirmières furent exclues des hôpitaux militaires, de l'hôpital Maillot à Alger, puis des hôpitaux de Constantine, de Bône, de Biskra... En 1907, le Grand Séminaire d'Alger dut fermer ses portes. Une à une, les écoles confessionnelles durent faire de même.
     Or la proportion d'enseignement des établissements d'enseignement religieux était bien supérieure, en Algérie, aux établissements laïcs d'où la gravité des conséquences. Paradoxe de cette politique de séparation de l'Eglise et de l'Etat : le clergé paroissial continua à recevoir une rémunération modique pour l'unique raison que les desservants du culte musulman la percevaient aussi !
     Quelle perte de prestige entraîna, aux yeux du monde musulman ; cette guerre incompréhensible menée de Paris, contre l'Eglise chrétienne d'Algérie à laquelle l'oeuvre civilisatrice de la France devait tant sur cette terre du Maghreb ! Incohérence ? Aveuglement ? Stupidité ? Comment désigner autrement les mobiles de la bureaucratie métropolitaine dans son travail de sape, conscient ou non, (déjà !) de l'influence française en Afrique du Nord !
     Après la première guerre mondiale, sous l'effet de " l'union sacrée ", et aussi du bel exemple de courage et de dévouement manifesté par les prêtres et religieux mobilisés dans les tranchées, l'anticléricalisme s'apaisa dans les esprits, sinon dans les textes de loi.
     Un prélat remarquable, ancien secrétaire du Cardinal Lavigerie, Mgr Leynaud va oeuvrer avec fermeté et diplomatie pour réparer les dégâts de cette guerre anticléricale. Il va très vite s'attirer la sympathie et le respect de la communauté musulmane comme de la communauté israélite, par son esprit de tolérance et une grande popularité auprès des chrétiens auxquels, à plusieurs reprises, il va manifester son attachement, son admiration pour leur labeur, leur persévérance de pionniers, leur souci de maintenir les vertus familiales transmises par leurs ancêtres.
     Grâce à lui, le Séminaire de Saint Eugène put ouvrir à nouveau ses portes en 1922, mais il faudra attendre l'après-guerre pour celui de Kouba (1945). Les Jésuites purent revenir pour ouvrir un internat à Notre Dame d'Afrique, puis un externat rue Saint Saëns. De nouveau l'enseignement des établissements religieux s'épanouissait. Ainsi les soeurs de la Doctrine Chrétienne à Mustapha supérieur (Ste Geneviève) et rue Roland de Bussy (Immaculée Conception), les Trinitaires au Telemly (Ste Elisabeth), les écoles Ste Marcienne et Ste Chantal, le cours Fénelon.
     En dehors d'Alger, le développement de l'enseignement religieux n'était pas en reste. A Blida, l'école Saint Charles instruisait les garçons. A Oran l'internat " Jeune France " des frères Timon David fonctionnait en liaison avec le Lycée. Les Frères des écoles chrétiennes enseignaient au Sacré Coeur. Les Trinitaires de Valence menaient de front l'internat de filles Saint Louis, dans la vieille ville espagnole et le lycée Jeanne d'Arc où leurs élèves étaient aussi nombreuses qu'au lycée d'Etat.
     Beaucoup d'autres établissements, écoles, pourraient être cités. Ainsi Sainte Marie des Champs à Sidi Bel Abbès, les Trinitaires à Mascara, à Mostaganem, à Perrégaux... Dans le Constantinois, toutes les villes étaient pourvues d'écoles privées menant au brevet élémentaire et au baccalauréat, tenues par les Frères et les Soeurs de la Doctrine Chrétienne.

      Enfin, dans le Sud, existait aussi un enseignement catholique : à Ain Sefra, Pères Blancs et Soeurs Blanches offraient une formation professionnelle aux indigènes comme aux Européens. (Professeur Pierre Goinard in la revue " Itinéraires" N° 264 de juin 1982.)
     Certes, les religieuses de Saint Vincent de Paul restaient moins nombreuses, environ 275, mais celles-ci demeuraient très actives comme infirmières au grand centre hospitalier de Mustapha (où, rappelons-le, 90% des malades étaient des musulmans), tout comme à l'hôpital civil de Constantine, au solarium et à l'hôpital de Douéra, ainsi que dans de nombreux dispensaires et centres non laïcisés.
     Le scoutisme catholique était très développé, en particulier sous l'impulsion des Dominicains à Alger, tandis que les Pères Blancs avaient entrepris de fonder un scoutisme musulman. En Oranie, les oeuvres de Timon David, celle des Salésiens de Saint Jean Bosco dans leurs patronages (La Marine et Eckmühl à Oran) encadraient, avec beaucoup de dévouement, les jeunes garçons. L'activité sportive féminine était spécialement encouragée dans les établissements chrétiens.
     Durant cette époque, de nouveaux ordres religieux s'implantèrent en Algérie : Franciscaines de Marie, Dominicains, Augustines missionnaires, Salésiens, Maristes à Hydra. Les Trappistes reviennent et forment une petite communauté à Tibharine. C'est dans cette communauté qu'en 1996 plusieurs moines seront égorgés, on ne saura jamais par qui...
     A Médéa viennent des Bénédictines, ainsi qu'à Tlemcen et à la Bouzaréah, près d'Alger. Des Clarisses s'installent à Notre Dame d'Afrique, et d'autres encore... Tandis que les Pères Blancs et les Soeurs Blanches développaient leurs actions évangéliques et humanitaires, leurs Maisons mères propres et leurs noviciats faisaient désormais d'Alger la métropole d'une vaste chrétienté dans toute l'Afrique et le port d'attache, la plaque tournante de plusieurs milliers de missionnaires provenant de nombreux pays d'Europe et même d'Amérique.
     C'est d'Alger que partit la vaste épopée de l'évangélisation de l'Afrique Noire, qui n'aurait pu voir le jour sans la présence française en Algérie pendant plus d'un siècle. Il est déplorable que ce rôle historique capital de l'implantation du christianisme en Algérie soit délibérément passé sous silence, non seulement dans l'enseignement de l'école publique, mais, aussi et surtout, dans de nombreux cercles d'enseignement religieux dits progressistes.
     En 1948, un nouvel ordre fut créé : la Fraternité de Charles de Foucauld, dont la première fondation fut établie à El Abiod, Sidi Cheikh, dans le sud oranais, avant de s'étendre à la France, puis au monde entier.
     La ferveur de la chrétienté en Algérie, l'intense activité de tous ses prêtres, religieux et religieuses, s'exerçant dans les trois diocèses d'Alger, d'Oran et de Constantine, où l'on comptait 600 pasteurs, 567 églises et oratoires, trouvèrent leur apothéose dans le solennel Congrès Eucharistique de 1939, présidé par le Cardinal Verdier, Archevêque de Paris. Ce dernier fut accueilli à Alger par les représentants du culte musulman et du culte israélite avec une grande bienveillance attestant du climat de tolérance qui régnait, à cette époque, entre les trois religions.
     Après la seconde guerre mondiale, l'Eglise d'Algérie devait encore se développer. Des séminaires étaient inaugurés à Oran où en 1946 était nommé à l'Evêché un jeune prélat de 49 ans, d'une forte personnalité, Mgr Bertrand Lacaste.
     Le même développement se faisait aussi à Constantine, tandis que de nouvelles églises étaient édifiées dont, à Oran, la fameuse Basilique de Santa Cruz par souscription des fidèles, et, plus tard, lors des derniers mois de l'Algérie Française, celle du Sacré Coeur à Alger, chef-d'oeuvre de béton peu apprécié des Algérois.
     Le nombre des séminaristes atteignait alors 150 provenant de cette chrétienté d'Algérie et près de 800 pasteurs séculiers et réguliers : du seul village de Mers et Kébir (5.000 habitants) étaient issus 13 prêtres et religieux et 16 religieuses. Dans toute l'Algérie vivaient, enseignaient, soignaient, de nombreux religieux et religieuses de 22 congrégations dont le recrutement local, en Algérie, était de plus en plus prépondérant.
     Quel chemin parcouru depuis ce 21 mars 1841 où Mgr Dupuch consacrait la première
     Eglise chrétienne à Dely-Brahim, en terre d'Algérie, alors que la localité n'a été érigée en commune de plein exercice par décret impérial que le 31 octobre 1856 ! Témoin de la ferveur des premiers pionniers, l'implantation chrétienne précédait celle de l'administration officielle.

      Parvenue à son âge adulte, la chrétienté d'Algérie, solidement implantée dans les grandes villes comme sur toute l'étendue de ce vaste territoire, allait devoir cohabiter avec les deux autres religions monothéistes : l'islam et le Judaïsme. Le Christianisme s'était affirmé dès l'arrivée des premiers immigrants venus des pays du bassin méditerranéen, tels les Espagnols de Carthagène et de Mahon, les Italiens du Sud et de Sicile, les Maltais.
     Ceux-là étaient, sans doute, plus croyants et pratiquants que les premiers immigrants français, déportés (on disait emportés) politiques à cause de leurs sentiments républicains, lors de la révolution de 1848 et du coup d'Etat de Louis-Napoléon en 1851. Les déportés français venaient, surtout, des faubourgs parisiens où la Révolution de 1789 avait opéré durablement son oeuvre de déchristianisation.
     En revanche, les immigrés venus principalement du Languedoc, du Roussillon, des départements pauvres du sud de la métropole et de Corse avaient gardé une solide tradition chrétienne que n'avaient pu entamer les persécutions de la Convention et du Directoire. Il en était de même pour les Alsaciens et Lorrains lors de l'annexion de leurs provinces par l'Allemagne après 1870, eux qui venaient en Algérie pour pouvoir rester français !
     Quels étaient-ils ces premiers pionniers arrivés, le plus souvent misérables, victimes des guerres et des révolutions et jetés sur une terre ingrate ? " Ils venaient enfouir en Afrique leur passé de misère, y semer la graine de leur faim et de leur courage.. Malgré les peines, les travaux surhumains, les épidémies dévastatrices qui éclaircissaient périodiquement leurs rangs, ces hommes et ces femmes s'interdisaient toutes plaintes, car personne ne les aurait entendues, et tout recul, car ils avaient le dos à la mer. N'ayant aucun des complexes du prolétariat moderne, ils ne revendiquaient jamais, mais travaillaient jusqu'à la mort, sachant qu'ils portaient en eux, et en eux seulement, les ressources qui les tireraient du dénuement. " (Gabriel CONESA " Bab et Oued " Laffont 1970).
     Pour juger de l'oeuvre accomplie, plus d'un siècle après, écoutons une voix célèbre... celle de Charles De Gaulle. Lors de la fondation du RPF en 1947, De Gaulle, en tournée de campagne électorale, déclarait le 15 mai 1947, à Bordeaux : " Pour bien comprendre l'oeuvre magnifique de la France au-delà des mers, il faut voir ce que, 100 ans après la pacification, est devenue notre Algérie. Il faut parcourir ces cultures admirables qui, sur des millions d'hectares où moururent à la peine tant de colons et de soldats, couvrent maintenant ces espaces auparavant misérables... Il faut savoir qu'à notre arrivée, un million d'hommes vivaient à grand peine sur le territoire algérien qui en nourrit, actuellement, dix millions ?" (Charles De Gaulle " Discours et messages " Pion 1970 page 75).
     Les premiers prêtres, venus en majorité de France métropolitaine, mais aussi d'Espagne dans l'oranais, avaient accompagné les immigrants et allaient montrer le même esprit pionnier." Hauts en couleur, libres d'allure, surtout dans le bled, pauvres, barbus, à la soutane élimée mais à la foi bien ancrée " (Professeur Pierre Goinard).
     Ils avaient construit eux-mêmes leurs petites églises, le plus souvent avec l'aide de leurs paroissiens, par dons, souscriptions, mais aussi en y travaillant de leurs mains.
     Ces derniers étaient particulièrement fiers de tous ces édifices religieux, bien que le style en fût un peu monotone avec un clocher-porche et une ligne peu esthétique. Certaines de ces églises étaient parfois de dimensions très réduites, mais rare était le village qui ne possédait pas la sienne. Toutes étaient soigneusement entretenues et abondamment fleuries.
     Les quelques cinq cents clochers des petites églises et chapelles réparties sur l'immensité du territoire algérien, le plus souvent proches du Monument aux Morts des deux guerres, autour desquels s'étaient, peu à peu, agglomérées les toits en tuiles rouges des maisons d'habitation, disposées en damier, selon un urbanisme géométrique fonctionnel et monotone, symbolisaient autant de points d'ancrage des vertus traditionnelles de la France rurale du XIXème siècle, importées sur cette terre d'Afrique :
     - Continuité d'un labeur acharné soutenu par une grande ferveur religieuse
     - Civisme et courage dans les guerres pour défendre la patrie française.
     Rappelons que l'immense majorité de ces églises du bled, avec leurs cimetières chrétiens ont été profanées par le FLN et que les synagogues et cimetières israélites ont subi le même sort. Certains cimetières ont même été transformés en décharges publiques !
     Ainsi, s'est trouvé réalisé le plan concerté des révolutionnaires arabo-islamiques visant à détruire les communautés chrétiennes et israélites d'Algérie, plan auquel la capitulation d'Evian donna toute licence de s'accomplir.
     Les manifestations du culte religieux de cette communauté chrétienne étaient très démonstratives, avec de nombreuses processions : le jour des rameaux où les enfants arboraient des rameaux d'olivier chargés de friandises, le jeudi saint, ou bien à la fête Dieu où les reposoirs étaient ornés de toute la flore, si riche, si parfumée, si colorée, du printemps algérien, le 15 août avec le couronnement de la Vierge.
     Les pèlerinages étaient particulièrement suivis : celui de Santa Cruz à Oran, celui de la basilique Saint Augustin à Bône, celui de Notre Dame d'Afrique à Alger. A Mers el Kébir, le défilé de Saint Michel, patron des pêcheurs venus, jadis, de Procida, emplissait les rues.
     Les musulmans suivaient volontiers ces processions et il n'était pas rare de voir, dans la Basilique de Notre Dame d'Afrique, des mauresques prier "Lalla Meriem ". D'ailleurs, dans ce saint édifice, l'invocation à la Vierge des Français d'Algérie s'inscrivait, en lettres d'or, sur les murs de la crypte : " Priez pour nous et pourr les musulmans"
     La religion restait très traditionaliste car foi religieuse et patriotisme s'associaient étroitement, surtout après la Première Guerre Mondiale, à l'image de la France métropolitaine où le sacrifice des hommes tués au combat était placé sous la double évocation " PRO DEO, PRO PATRIA ". Plus on était chrétien, plus on devait être patriote.
     Drapeaux tricolores et oriflammes bleu et blanc de la Vierge se mêlaient fraternellement, les populations venues de différents pays du bassin méditerranéen trouvaient leur unité dans la même pratique religieuse du christianisme et se fondaient dans l'identité française en chantant " Chrétiens et Français de toujours " (Pr Goinard
     La statuaire "saint sulpicienne" en fidèle écho de la métropole était toujours triomphante depuis la fin du XIXème siècle, renforcée par le culte marial, surtout depuis les apparitions de Lourdes, et plus tard, de Fatima. Jeanne d'Arc était très en faveur à Alger, trônant sur une petite place, ainsi que Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et le curé d'Ars (ce dernier bien délaissé, aujourd'hui, en métropole...).
     Qu'importent les esprits chagrins qui, dans leur dénigrement systématique de la chrétienté d'Algérie, dénoncent cette " alliance patriotico-religieuse ". Celle-ci était vécue intensément, comme une valeur à la fois civique et profondément humaine et authentique, source d'un grand courage dans la paix comme dans la guerre mais l'individualisme décadent de notre société d'aujourd'hui ne peut que le méconnaître totalement.
     " L'âme française est plus forte que l'esprit français et Voltaire se brise à Jeanne d'Arc " (Victor Hugo). Dans les grandes villes, le culte était moins voyant, mais non moins fervent. A la Cathédrale Saint Philippe à Alger, qui contenait les reliques du jeune maure Géronimo, martyr chrétien, les sermons dominicaux de Mgr Bollon, puis de Mgr Dauzon, mobilisaient toujours une foule considérable de fidèles.
     Cette chrétienté d'Algérie était très active dans de multiples oeuvres sociales et caritatives, en particulier dans les oeuvres d'assistance où les fidèles secondaient amplement les clercs dans leur dévouement. Les sociétés de Saint Vincent de Paul, très en faveur entre les deux guerres, furent relayées à partir de 1948 par celles du Secours Catholique.
     Les Petites Soeurs des Pauvres, quêteuses à domicile, étaient toujours bien accueillies, même dans les classes modestes de Belcourt et de Bab-el-Oued. Dans l'ensemble, les chrétiens d'Algérie étaient réputés pour leur générosité et se plaçaient au premier rang des oeuvres sociales d'avant-garde.
     Une symbiose étroite s'était établie entre les activités caritatives des Soeurs Blanches de Mgr Lavigerie et les sociétés de la Croix Rouge, celles-ci longtemps dirigées par une femme au grand coeur, Henriette Lung. Mère Marie-Madeleine organisait des consultations et des centres de soins en bordure de la Casbah d'Alger, avec une clinique et une école d'infirmières comportant une section où les jeunes musulmanes venaient de plus en plus nombreuses, leurs familles préférant les confier à des religieuses plutôt qu'aux Ecoles de l'Etat (Pr. Goinard in " Itinéraires " N° 224 - juin 1982).
     Dans toute l'Algérie, des chrétiens novateurs avaient établi un vaste réseau mutualiste agricole sous l'inspiration de Louis Pasquier-Bronde, lui-même fondateur d'un hebdomadaire chrétien " L'Effort algérien ". Par ailleurs, le Père Monnier, un jésuite à l'ardeur paulinienne, avait fondé en 1927 une association d'étudiants catholiques, pendant de la JEC métropolitaine, mais dénuée de tout engagement politique...
     Il faut mentionner les activités religieuses et caritatives des communautés protestantes, très peu nombreuses, mais animées d'une grande ferveur apostolique. En 1837, le premier pasteur arrivait de Marseille et, pour les quelques milliers de protestants venus de France, de Suisse et d'Allemagne, un premier culte fut célébré dès 1839 à Alger, à Oran et à Philippeville. A Dely-Brahim où ils fondèrent un important orphelinat, les protestants constituèrent longtemps la moitié de la population.
     Envers les musulmans, une centaine de pasteurs gardèrent longtemps un esprit missionnaire. North Africa Mission, fondée en 1889 à Cherchell et à Azazga. Algiers Mission Band avec des équipes àTlemcen, Relizane, Blida, Bou-Saada. Une mission méthodiste entretenait des filiales dans les chefs-lieux des trois départements d'alors. Enfin, à Tizi-Ouzou, la mission Rolland avait créé un orphelinat et des oeuvres de bienfaisance.
     Avant de subir le tragique destin qui l'attendait, la communauté chrétienne d'Algérie aura la chance d'avoir à sa tête, le dernier grand Archevêque d'Algérie, Mgr Leynaud, très forte personnalité, non seulement vénérée des chrétiens, mais aussi unanimement respecté par les communautés musulmanes et israélites.
     Ce prélat accomplit une oeuvre considérable en rétablissant les établissements d'enseignement religieux et les séminaires, fermés en grande partie lors de l'offensive anticléricale venue de métropole au début du siècle. Très noble et généreux, mais sachant aussi se montrer autoritaire quand il le fallait, Mgr Leynaud avait pu apprécier, au cours d'un très long épiscopat de 36 ans, les vertus domestiques, la ténacité dans les épreuves et la ferveur religieuse de sa " chère chrétienté d'Algérie " à laquelle il resta toute sa vie passionnément attaché.
     Relatant une longue tournée de confirmation en avril 1945 dans le Sersou, terre aride rendue cultivable au prix d'efforts considérables, Mgr Leynaud redisait, en ces termes chaleureux, son affection pour ses ouailles :
     " J'ai vu tout un peuple fort, courageux, prêt à reprendre la charrue, décidé aux semailles nouvelles, soupirant, certes, après la pluie, mais impatient, ferme dans sa volonté indomptable de s'atteler à la besogne. Pas d'inutiles récriminations, de gémissements vains... Ah ! Comme je les ai vus passionnément attachés à ces terres pourtant ingrates, sèches, quasi désertiques, exposées à une fatale disette d'eau. Ils leur donnent toujours, et quand même, le meilleur de leurs sueurs et de leurs coeurs...
     Comme il v u une joie pure et douce à serrer leurs mains laborieuses et à sentir battre leurs coeurs de chrétiens et de Français. Pas un prêtre, vivant au milieu d'eux, qui ne le rende ce même témoignage. Partout où je suis passé, à Teniet et Haad, à Vialar, à Burdeau, à Victor Hugo, à Bourbaki, partout, j'ai vu les mêmes visages résolus, les mêmes volontés ardentes, le même patriotisme vécu.
     " En rentrant à Alger, je songeais qu'avec des foyers unis comme chez ces chrétiens d'Algérie, des caractères que plusieurs générations ont trempés dans la foi, les épreuves et les difficultés successives de la vie, rien ne paraissait impossible. Aidés et soutenus, que ne peuvent-ils, ces hommes, dans ce pays, faire pour la France ? " (Roger Duvollet "Ainsi furent Algérie et Sahara " Vesoul 1997 page 43).

     A ce moment, la guerre en Europe se terminait mais, hélas, parmi le grand nombre d'hommes de ces villages, partis au combat pour libérer la France, beaucoup ne devaient pas revenir.
     Après la mort de Mgr Leynaud, en 1953, au terme d'une très longue vie, voici qu'apparaît Léon Duval, intronisé archevêque d'Alger en mars 1954. Vivant contraste de son prédécesseur, le nouveau prélat, avec ses traits émaciés, son profil d'oiseau de proie, son regard froid et dur d'inquisiteur, allait revêtir, pour la communauté chrétienne d'Algérie, le visage du malheur.

Rapports entre elles
des trois Religions Monothéistes en Algérie

      Parvenu à son âge adulte le christianisme en Algérie se trouva confronté avec deux autres religions plus anciennement implantées : le Judaïsme et l'Islam.

      1° LE JUDAÏSME

      Bien que très minoritaire le judaïsme avait précédé de plusieurs siècles l'arrivée de l'Islam en Afrique du nord, du moins dans ses éléments venus de la diaspora, la grande dispersion du peuple juif, après la destruction de Jérusalem, et de son temple par les Romains, au premier siècle de notre ère. Il était formé de petites communautés très dispersées au hasard de l'exode, dont les plus anciennes se situaient à Djerba, en Tunisie et à Constantine. Cette diaspora, un des grands épilogues de l'histoire de l'humanité, avec la perte de la terre promise, point de départ de l'alliance sacrée entre le Dieu de la Bible et son peuple, va contribuer à l'expansion du monothéisme dans le monde païen.
     Car, à travers leur dispersion, les juifs étaient privés de leur temple, complètement rasé par "Titus ", fils de Vespasien. Mais, " l'esprit de leur dieu n'avait plus besoin d'être abrité dans une arche, il résidait désormais dans le coeur des hommes. Les juifs pouvaient donc transporter avec eux, au cours de leur pérégrination ce qui faisait leur identité, alors que les autres peuples ne pouvaient être reconnus que par leur implantation géographique et leur spécificité politique ". " Les Israélites Edition Time Life 1975 ". La remarquable fidélité dans l'observance des rites religieux du Judaïsme est un aspect de ce souci identitaire, toujours plus vivace dans les communautés minoritaires.
     Le second apport de populations de religion juive venues d'Espagne débuta à partir de 1492 lorsque leurs Majestés Très Catholiques d'Espagne, sous l'impulsion d'un moine fanatique, Torquemada, décidèrent d'expulser tous les juifs de la péninsule. Ils établirent en Afrique du Nord le culte sépharade.
     Comme les deux autres religions le judaïsme se réclamait de la primauté historique du monothéisme. Le Dieu familial d'Abraham, le Dieu tribal de Moïse et des juges, le Dieu national de Saül, David et Salomon était devenu un Dieu universel pour tous les hommes : les trois religions se disent donc descendre d'un tronc commun : Abraham, d'une loi commune : la religion du livre. Mais chacune veut seule en détenir l'authenticité exclusive. Bien qu'elles soient ontologiquement proches, ces trois religions ne pourront cohabiter en Algérie que grâce à un esprit de tolérance réciproque. Malgré beaucoup d'erreurs dans d'autres domaines, la réussite de l'autorité française à toutes les époques de ces 132 ans dans cette cohabitation pacifique fut remarquable. A part de rares épisodes limités et fugaces (début de pogrome à Constantine en 1934) il n'y eut jamais de guerre de religion au Maghreb tant que la France y exerça son autorité.
     Certains auteurs parlent de la tolérance remarquable de l'islam envers Israël. En fait les juifs sous la domination ottomane vivaient sous le régime humiliant de la Dhimmi, dans une sorte d'apartheid, et l'arrivée de la France fut pour tous une véritable libération. Leur grande fidélité envers la France justifie le décret qui fut critiqué par la suite, car il semblait exclure de ce bénéfice les Musulmans en tant que tels. Alors que la même possibilité leur était offerte à condition d'abandonner le statut coranique, tout en continuant à pouvoir pratiquer leur religion.
     Toutefois, il y avait à Gardhaia l'exemple rare d'une coexistence pacifique à égalité entre une très ancienne communauté juive et une communauté musulmane dissidente, les Mozabites, particulièrement tolérante, mais considérée comme hérétique par les puristes de l'Islam.
     Après la capitulation de la France à Evian en 1962 la profanation systématique des synagogues et des cimetières israélites en Algérie, et l'exode forcé massif, la quasi-totalité des communautés juives, dont certaines étaient plus que millénaires, firent la preuve de l'intolérance raciste et religieuse des extrémistes arabo-islamiques du FLN auxquels la France avait ouvert les portes à Alger.
     Ce fut le " nettoyage ethnique " antisémitique le plus brutal et le plus radical depuis la fin de la guerre. Comme ces juifs étaient citoyens français, l'esprit du temps fit que l'opinion française métropolitaine ne s'en émut pas une seconde. Si d'autres communautés juives dans le monde, de n'importe quelle autre nationalité, avaient subi le même sort, alors toutes les ligues et bonnes âmes de la " conscience universelle" se seraient mobilisées avec bruit. Mais en l'année 1962, sacrée pourtant année de la Grandeur et du Renouveau de la France, il ne faisait pas bon d'être citoyen français d'Afrique du Nord.
     Quelles étaient les relations entre juifs et chrétiens ? Au début du siècle, l'Afrique du Nord subit le contrecoup de la violente campagne antisémite qui régnait en métropole, au moment de l'affaire Dreyfus, mais sans en connaître la même violence ni la même durée. Mgr OURY archevêque d'Alger, et plus tard Mgr LEYNAUD s'efforcèrent d'en calmer la fièvre, entretenant l'un après l'autre d'excellentes relations personnelles avec le grand rabbin d'Alger. Les antisémites notoires tels que Drumont et Max Régis connurent une notoriété tapageuse mais sans lendemain et contrairement à ce qui a été raconté par la suite, les lois de discriminations raciales de Vichy en octobre 1940 ne furent pas bien accueillies par les chrétiens d'Afrique du Nord.
     En réalité chrétiens et juifs vivaient pour ainsi dire juxtaposés, chacun respectant le domaine confessionnel de l'autre. Il faut noter que les mariages mixtes restaient exceptionnels, aussi mal vus d'un côté que de l'autre, alors que cette discrimination a disparu complètement en métropole. Malgré cette réserve, il faut rappeler le geste de grande bienveillance de la communauté israélite d'Alger qui avait contribué au financement de la construction de Notre Dame d'Afrique.

      2° L'ISLAM

      Les relations entre la chrétienté et l'islam en Algérie doivent être étudiées tout d'abord dans leur cadre historique. Après la victoire navale de Lépante en 1571 de la flotte chrétienne (française espagnole et vénitienne) sur la flotte turque, qui avait stoppé l'avance de l'islam en méditerranée, l'installation des barbaresques Alger sous la domination ottomane avait permis la reprise de la piraterie en Méditerranée occidentale. Quelques années avant la conquête d'Alger, le monde chrétien des Balkans, soumis à la domination turque depuis 400 ans, commençait à se soulever contre l'oppresseur : révolte des Serbes, puis de Grecs, favorisés par la grande victoire navale de la flotte anglo-française sur la flotte turco égyptienne à Navarin (1827). La prise d'Alger en 1830 se situait donc comme la phase ultime du lent refoulement de l'islam hors de la sphère occidentale de la Méditerranée.
     Dans un tel contexte historique, il y avait une double tentation pour la puissance chrétienne victorieuse en terre d'islam. Un esprit de revanche triomphant sur un ennemi historique avec représailles en raison des atrocités commises par les ottomans (massacres de la population chrétienne dans l'île de Chio, illustrées par un célèbre tableau , atrocités exercées sur d'innombrables captifs chrétiens réduits en esclavage dans les célèbres prisons du port d'Alger...). L'autre tentation était celle de vouloir " convertir les infidèles " en appliquant sans nuance le précepte évangélique " allez enseigner toutes les nations, comme le firent comme le firent les Espagnols et les Portugais au XVIème siècle en Amérique centrale et en Amérique du sud.
     C'est tout à l'honneur du Maréchal de Bourmont, chef du corps expéditionnaire d'avoir grâce à l'humanité et à la sagesse dont il fit preuve, évité ces deux erreurs. Un livre récent de Pierre Péan a voulu calomnier ce grand soldat de façon gratuite, en écho à la propagande venant d'Alger. Ce livre fera l'objet d'une prochaine mise au point par VERITAS. La convention historique signée par de Bourmont et par le Dey d'Alger Hussein stipulait en date du 5 juillet 1830 :
     " LA RELIGION ET LES COUTUMES DES ALGERIENS SERONT RESPECTEES. AUCUN MILITAIRE FRANÇAIS NE POURRA ENTRER DANS LES MOSQUEES... L'EXERCICE DE LA RELIGION MUSULMANE SERA LIBRE. LA LIBERTE DES HABITANTS DE TOUTES LES CLASSES, CELLES DE LEUR COMMERCE ET DE LEUR INDUSTRIE NE RECEVRONT AUCUNE ATTEINTE. LES FEMMES SERONT RESPECTEES. LE GENERAL EN CHEF EN PREND L'ENGAGEMENT SUR L'HONNEUR ... " "
     Cet engagement historique qui a été reproduit dans tous les manuels scolaires français pendant plus d'un siècle a maintenant disparu des mêmes livres depuis les accords d'Evian ! (Tout au moins de presque tous).
     Si en effet une longue tradition voulut que dans les églises chrétiennes d'Afrique du Nord, les fidèles prièrent souvent " pour nos frères musulmans ", il n'y eut pas de politique de conversion sous forme de contrainte, même dissimulée. Bien au contraire les autorités s'opposèrent avec vigueur, à une certaine période à tout zèle de prosélytisme, se heurtant parfois à deux prélats, Mgr Dupuch, au tout début, puis plus vivement au Cardinal Lavigerie.
     L'entreprise d'évangélisation du Grand Cardinal, à la fin du second empire, fut d'abord et avant tout humanitaire. Il avait recueilli et sauvé de la mort un grand nombre d'enfants musulmans orphelins ou abandonnés lors d'une période d'épidémie de choléra et entrepris pour eux la construction de deux villages dans la plaine du Cheliff : Saint Cyprien des Attafs et Sainte Monique. Il se décida à baptiser et à élever dans la religion chrétienne ceux qui n'avaient pas été réclamés et plus tard il projeta d'en faire une petite communauté d'arabes chrétiens qu'il dota de logement et d'un lot agricole de 25 hectares par famille. La première génération d'arabes chrétiens s'incorpora très facilement à la société chrétienne de souche européenne.
     Par ailleurs l'archevêque d'Alger avait été frappé des différences ethniques et religieuses qui existaient entre Kabyles et arabes, du caractère superficiel de l'islamisation des premiers. Les Kabyles seraient-ils plus réceptifs à une oeuvre d'évangélisation ? Les Pères Blancs fondés par le Cardinal établirent une première mission à Taguemount Azouz près de Fort National (aujourd'hui l'Arba Naït Irathen) en 1878, suivie bientôt de 7 autres dans les années suivantes.

      " De ce territoire christianisé sont issus des instituteurs, des magistrats, des préfets, des profession libérales se distinguant bien peu des Français de souche. L'exemple du juriste Augustin lbazizen qui deviendra Conseiller d'État est signifiant, car sa conversion au christianisme fut pour lui un accomplissement logique, dans le cadre d'une assimilation complète à un mode de vie français Pierre Goinard dans la revue " Itinéraires" de juin 1982).
     Ces entreprises d'évangélisation des populations Kabyles, qui restèrent en fait limitées, car le pouvoir politique s'y opposait énergiquement, auraient-elles pu et dû s'étendre à tous les berbères, qui, eux avaient été bien islamisés de force par l'arrivée des cavaliers d'Allah, contre lesquels ils avaient lutté pendant plusieurs siècles avant de se soumettre? Quinze ans après la mort du Cardinal Lavigerie, le Père Charles de Foucauld regrette que ce qui fut, un long moment, l'intention passionnée de l'Archevêque d'Alger n'ait pu s'accomplir.
     Invoquer le témoignage de l'ermite de Tamanrasset est aujourd'hui délicat, tellement l'interprétation qu'en donne une bonne partie de l'église officielle a changé... On peut dire en tout cas que la pensée de l'islam à convertir fut liée à la propre conversion du père et à toute sa vie spirituelle. C'est le souci missionnaire dans le sens premier du terme, qui l'a empêché de se fixer à la Trappe et qui l'a soumis à cette instabilité apparente. C'est le désir d'évangélisation qui l'a poussé toujours plus loin, pour s'enfoncer dans le sud Oranais vers le Hoggar. (Jean François SIX " Itinéraire spirituel de Charles de Foucauld " Le Seuil 1958)
     La présence française, loin d'être un obstacle, semble au contraire, au père de Foucauld, une occasion providentielle, non qu'il appartienne à un état laïc d'évangéliser, mais parce que cette présence permet aux chrétiens d'agir, de parler, de montrer par leur exemple ce qu'est le christianisme et de le faire librement, avec une autorité morale que n'auraient pas les membres d'une minorité Faible et méprisée. Car en pays ou l'islam règne en maître, à la fin du XIXème siècle, la présence du Roumi (infidèle) est interdite, et le père de Foucauld avait dû cacher son identité de chrétien dans son long voyage d'exploration au Maroc qui avait précédé sa destinée d'ermite du Sud Sahara.
     Si aujourd'hui l'humanisme chrétien n'a plus valeur de référence de base, relégué par la déclaration " laïque " des Droits de l'Homme (si souvent bafoués dans le tiers monde) l'évangélisation de l'Afrique au XIXème siècle précéda et accompagna historiquement les progrès de la civilisation sur la barbarie et l'esclavagisme qui régnaient dans la majeure partie du continent.
     Comment put s'établir la coexistence pacifique entre christianisme et islam en Afrique du nord ? Aucune des deux religions n'était en elle-même intolérante : seule leur exploitation politique ou nationaliste pouvait les rendre détestables.
     En fait les musulmans semblaient surtout mépriser les nouveaux arrivants irréligieux mais accueillaient avec respect les manifestations religieuses des chrétiens "Lorsque Mgr Dupuch célébra en 1839 une cérémonie religieuse à la mémoire de Saint Augustin à Bône, de nombreux musulmans y assistèrent... Les processions dans les rues, instituées par Mgr Lavigerie avant d'être interdites par le gouvernement, étaient pour la population musulmane d'un grand attrait et l'on voyait fréquemment dans la basilique de Notre Dame d'Afrique des femmes mauresques venues prier Lalla Meriem" (P. Goinard O.C)
     On connaît l'élévation de pensée d'Abd el Kader qui libéré et invité à Paris par Napoléon III alla prier à Notre Dame, dans un geste pacifique, reconnaissant que la France avait respecté la religion de l'Islam en Algérie. La protection qu'il devait accorder quelques années plus tard à une communauté chrétienne menacée d'extermination par les Druses musulmans en Syrie n'apportait-elle pas la plus belle caution morale qu'un des grands chefs musulmans du XIXème siècle ait fournie à la présence française c'est-à-dire chrétienne au Maghreb ? Jamais l'ordre de la Grand Croix de la légion d'Honneur ne vint mieux récompenser le plus grand ami de la France au Moyen-Orient. Pourquoi veut-on aujourd'hui occulter cet épisode de la vie d'Abd el Kader?
     Il y eut des tentatives de convergences spirituelles entre les élites des deux religions, en particulier au niveau des Zaouïas, ces confréries islamiques groupant des milliers d'adhérents. Ainsi le Père Giacometti, missionnaire arabisant, établit un dialogue dans l'ordre spirituel et mystique avec le Cheikh réformateur Benalioua de la Zaouïa de Tidjit à Mostaganem. Comment ne pas évoquer l'histoire de la Zaouïa de Tidjani, fidèle à l'amitié française, dont un des Cheikhs avait épousé une européenne Aurélie Picard ? (Frison Roche Djebel Amour Flammarion 1978)
     Il faut rappeler que plusieurs cheikhs de zaouïas furent assassinés par le FLN en raison de leur esprit de tolérance, de sympathie envers la France. En revanche les dérives arabophiles de Louis Massignon, d'inspiration mystique au début, furent exploitées par la politique anti chrétienne et anti française, dans un esprit d'intolérance de plus en plus affiché.
     La présence d'une chrétienté en Algérie pendant près de 5 générations avait permis à la religion islamique non seulement de survivre mais de se développer librement, protégée, soutenue matériellement, très favorisée dans toutes la manifestation de ses rites, y compris pour le pèlerinage de la Mecque. La politique antireligieuse menée à une certaine période par Paris contre le christianisme épargna toujours l'Islam. Voilà une série de faits historiques qu'il convenait de remettre en lumière. Dans une dernière partie nous évoquerons l'anéantissement de cette chrétienté d'Algérie qui va s'accomplir avec la complicité de la France officielle et l'indifférence de l'opinion chrétienne métropolitaine.

LA FIN QUI JUSTIFIE LES MOYENS

      Pour aborder le dernier chapitre de l'Histoire de la communauté chrétienne en Algérie, victime d'une inconcevable " trahison des clercs ", il faut revenir sur l'évolution qu'avait subie l'Eglise de France, déjà dans les dernières années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale, sous l'effet de l'influence marxiste, mais qui ne se manifesta au grand jour qu'à partir des années 50.
     Il s'agit, bien sûr, d'une dérive complètement folle et dévoyée de l'esprit du Catholicisme Social, fondé par le Pape Léon XIII à la fin du XIXème siècle, dans sa célèbre encyclique RERUM NOVARUM (1891) relayée par l'Action Catholique organisée par Pie XI à partir des années 20.
     C'est justement pour mettre un frein aux premières dérives d'un clergé progressiste vers le marxisme que ce même Pape va donner un coup d'arrêt très ferme dont les justifications seront exprimées de façon solennelle dans l'encyclique DIVINI REDEMPTORIS de mars 1937 qui condamnait la doctrine marxiste et le communisme athée. En même temps, à quelques jours de distance, Pie XI condamnait aussi vigoureusement le nazisme dans une encyclique spécifique : MIT BRENNENDER SORGE.
     Malgré cette condamnation officielle, le marxisme allait continuer à s'infiltrer dans une partie du clergé français, spécialement à travers l'expérience des Prêtres Ouvriers, des Prêtres du Prado et de la Mission de France. Un théologien célèbre, le père dominicain Chenu, leur prêche que le Christianisme doit intégrer Marx comme Saint Thomas avait intégré Aristote à la théologie chrétienne du XIIIème siècle.
     Quoiqu'il fût marginalisé, son influence est considérable. Sur le terrain, le Père Lebret fonde la théologie de la Libération des peuples par la violence. Ses émules vont aller mettre le feu dans différents pays de l'Amérique Centrale et en Amérique du Sud, et plus tard, collaboreront avec le terrorisme de Che Guevara, initiateur du goulag au pays de Fidel Castro, dans lequel, la jeunesse française endoctrinée voudrait voir un héros !
     Tout cela va trop loin. La hiérarchie catholique française réagit, lance un rappel à l'ordre aux Prêtres Ouvriers, mais il est bien tard pour endiguer le courant marxiste. Le 2 février 1954, dans un manifeste tout à fait dans le style marxiste, 73 Prêtres Ouvriers se rebellent contre la hiérarchie, avouant qu'ils sont désormais prisonniers de leur doctrine et qu'ils "parlent au nom de lu classe ouvrière ", oubliant totalement leur mission essentielle qui était d'évangéliser cette dernière. Ils ont été envoyés pour convertir le monde, et c'est le monde qui les a convertis !
     La presse chrétienne progressiste a déjà pénétré les esprits : "Témoignage Chrétien " avec Georges Montaron, la revue " Economie et humanisme " du Père Desroches, la revue " Jeunesse de l'Eglise " du Père Montuclard qui a jeté son froc aux orties pour mieux affirmer ses convictions politiques.

      A Alger, le théologien André Mandouze ne cache plus son alliance avec le parti communiste. Si tout cela ne fait pas grand monde, cette minorité, ouvertement révolutionnaire dans le clergé, va devenir peu à peu hégémonique au sein d'une majorité incertaine.
     Déjà, un noyau dirigeant se dessine au sein de l'Episcopat, reflet de l'aile marchante progressiste. La majorité de nos Seigneurs les Evêques va constituer ce que l'on peut appeler... " Le Marais ", refuge des timorés et des indécis dans les assemblées révolutionnaires...
     En réalité, presque tous sont obsédés par la hantise de ne pas couper l'Eglise de ses racines populaires : il y a là, évidemment, un chantage qui peut aller loin, et puis, certains prélats, et non des moindres, sont gênés par leur ancienne ferveur pétainiste pendant l'Occupation. L'un d'eux n'avait-il pas proclamé que "Pétain, c'était la France et la France, c'était Pétain" ? Le journal " La Croix" va très bien refléter la pensée confuse et cahotante des dirigeants de l'Eglise de France à cette période.
     L'attitude du Vatican aussi va devenir ambiguë avec l'émergence du Tiers Monde, l'atmosphère pré conciliaire, dès l'avènement de Jean XXIII, avec son projet d'aggiornamento, d'ouverture au monde, que le Clergé progressiste français va interpréter, abusivement, comme une ouverture, à gauche, en faveur du marxisme.
     Ce rappel historique un peu long était nécessaire pour tenter de comprendre ce qui demeurera, dans l'Histoire, un objet de scandale : la complicité active, et parfois la participation directe, de l'Eglise de France à l'entreprise destinée à anéantir les communautés chrétiennes et israélites d'Algérie !
     C'est dans le vivier marxisant des chrétiens progressistes, minorité agissante et bientôt dominante dans l'Eglise, que vont se recruter clercs et laïcs qui ouvertement se mettront au service de ladite " révolution algérienne ", en réalité coalition arabo-islamique qui fera régner la terreur dans toutes les communautés, mais principalement la communauté musulmane. Ils vont devenir les précieux auxiliaires du parti communiste français. Celui-ci est entièrement inféodé, à cette époque, aux directives de Moscou d'où viennent consignes, slogans révolutionnaires, aide matérielle et logistique, armement, et enfin soutien massif à l'ONU, à l'image de tous les pays du camp soviétique. Le but avoué : expulser toute présence française d'Afrique du Nord, bastion essentiel de l'OTAN en Méditerranée Occidentale car nous étions alors en pleine guerre froide !
     L'action des " porteurs de valises " en qualité de prêtres français, leur engagement idéologique, s'inscrivait donc sous le signe d'une double trahison. Tels seront si tristement célèbres les abbés Kerlan (expulsé d'Algérie par Robert Lacoste dès 1959), Davezies, Carterou, Magnin, Chaise, Boudouresque, Delorme, etc. " Les balles, les grenades, qui tuent des jeunes du contingent appelés en Algérie, ont été acquises grâce aux fonds recueillis par les porteurs de valises ". (Pierre Montagnon " La France coloniale " tome II Ed Pygmalion 1990).
     Bientôt, le terrorisme le plus aveugle va s'exercer contre les populations civiles, toutes ethnies confondues, hommes, femmes et enfants. Par quelle aberration des prêtres, des chrétiens militants, peuvent-ils se faire les complices d'une telle barbarie ? Par fanatisme (car peut-on trouver un autre mot ?) ils ont adopté l'idée selon laquelle on peut, légitimement, commettre des actes en eux-mêmes immoraux au nom d'une idéologie sacralisée : c'est donc, LA FIN QUI JUSTIFIE LES MOYENS, doctrine de tous les régimes totalitaires.
     Où trouver la moindre trace de l'esprit évangélique dans un tel comportement ? Où reconnaître la loi chrétienne de l'amour et du respect du prochain dans ce soutien à un terrorisme aveugle qui refuse d'épargner les innocents ? Ainsi le langage de l'Eglise de France, pour justifier de tels comportements, va-t-il être de plus en plus décalé par rapport aux réalités humaines concrètes qui forment les différentes communautés d'Algérie.
     Il était criminel de livrer le pays tout entier aux dirigeants de cette coalition révolutionnaire arabo-islamique alors que ceux-ci commencent déjà à s'assassiner entre eux ! (Le grand égorgeur Ahane Ramdane va être, à son tour, égorgé par son rival Boussouf, Amirouche va se débarrasser de dizaines de "ses frères" d'une balle dans la nuque très stalinienne et tant d'autres feront preuve mutuellement, les uns envers les autres, d'une incroyable barbarie). Que pourrait devenir la malheureuse Algérie livrée à de tels hommes et à de telles pratiques?
     " A QUELLES HECATOMBES CONDAMNERIONS-NOUS L'ALGERIE SI VOUS ETIONS ASSEZ. STUPIDES ET ASSEZ LACHES POUR L'ABANDONNER !" s'écriait De Gaulle, le 23 octobre 1958, lors d'une conférence de presse (" Discours et messages de Ch. De Gaulle " Ed. Pion 1970 - Tome III page 54). Avec le recul du temps, C'EST BIEN LA SEULE VERITE ECLATANTE QUI DEMEURE SUR LE DRAME ALGERIEN !
     Dans un tel contexte de barbarie - dont la réalité dépassera les prévisions les plus pessimistes - l'imposture du langage idéologique officiel nous apparaît immense, et pourtant c'est à celle-ci que va totalement souscrire l'Eglise de France qui, prétendant oeuvrer pour " la libération du peuple algérien " conformément à la tradition de l'humanisme chrétien, abusera si bien l'opinion des chrétiens de métropole !
     La finalité, justifiée en elle-même, invoquée par la rébellion : assurer la promotion sociale et politique de la communauté musulmane, (alors que depuis 1958, grâce au collège unique, celle-ci lui était totalement acquise), sera complètement dévoyée, défigurée, par le drame de haine et de sang délibérément instauré par le FLN à l'Algérie indépendante pour lui imposer son régime despotique !
     En Algérie même, la coalition arabo-islamique va trouver un allié précieux, qui va lui servir de caution morale (et chrétienne !), abusant encore davantage l'opinion métropolitaine, en la personne de Mgr Léon Duval, archevêque d'Alger.
     C'est pendant son séjour à Constantine, où il dirigeait le diocèse, que Léon Duval avait noué d'étroites relations avec les représentants des Oulémas de la ligne dure et intransigeante (on dirait aujourd'hui intégriste...) du Cheik Ben Badis dont la profession de Foi était simple : " L'islam est ma religion, l'arabe ma langue et l'Algérie ma patrie ". Aucune place n'était laissée aux communautés chrétiennes et israélites qui devaient et israélites qui devaient disparaître !
     L'adhésion du prélat était si totale que, lors du congrès du FLN dans la vallée de la Soummam, en août 1956, Abane Ramdane décerna à Léon Duval un satisfecit ! Ce dernier déclara que " le programme du FLN lui paraissait très raisonnable ". (Marie Christine Rey " Le cardinal Duval " Ed Le Cerf 1998). Pour les chrétiens et les Israélites, ce programme était aussi simple que " raisonnable " : C'ETAIT LA VALISE OU LE CERCUEIL !
     Rien ne pourra fléchir Léon Duval de son engagement total aux côtés du FLN ! Ni les pires atrocités, innombrables, qui vont s'exercer davantage sur la communauté musulmane afin de l'asservir par la terreur, ni les mutilations et les profanations rituelles des corps, ni les horreurs de Mélouza - devant lesquelles le Président de la République, René Coty, protestera " à la face du monde civilisé ", ni la barbarie du terrorisme urbain aveugle, ni les enlèvements et les sévices exercés contre la communauté chrétienne après la capitulation d'Evian, ni les interminables massacres des Harkis au cours des années 1962/1963 sur lesquels il gardera un silence obstiné !
     Après l'indépendance, Léon Duval conservera ce même silence coupable devant la profanation de la majorité des églises, des synagogues et des cimetières chrétiens et israélites par la FLN. Ce dernier l'obligera à renier tous ses prédécesseurs à l'Evêché d'Alger, en particulier le Cardinal Lavigerie, grand champion de la lutte anti-esclavagiste en Afrique, au XIXème siècle. La place qui portait son nom, à Alger, sera débaptisée, en symbole de reniement ainsi que les rues Mgr Dupuch, Mgr Pavy, Mgr-Bollon, Cardinal Verdier, Père de Foucault et la place du Grand Rabbin Bloch.
     Face au triomphe sans partage de la révolution islamique à laquelle Léon Duval aura largement contribué, sans aucun scrupule, le judaïsme devait disparaître et le christianisme faire table rase de tout son glorieux passé africain et ne survivre qu'au travers la fiction d'un Evêché fantôme, administrant des paroisses sans fidèles, profanées et délabrées, dans une chrétienté sans chrétiens !
     Cette apparence trompeuse de tolérance envers le christianisme était destinée à donner le change, à conférer au nouveau régime un visage démocratique, dans la meilleure tradition des Etats totalitaires, et Léon Duval se prêta de bonne grâce et sans restrictions à cette mascarade politique. Mais la réalité était toute autre et l'exemple doit être unique dans l'Histoire contemporaine de l'Eglise : celui d'un pasteur chrétien qui pactise, d'abord secrètement, puis ouvertement, avec les pires ennemis de la communauté des fidèles dont il a la charge pour aboutir à la dispersion totale et à l'anéantissement de cette communauté !
     C'est beaucoup plus tard que l'opinion chrétienne métropolitaine mesurera vraiment le degré d'asservissement dans lequel était tombé ce prélat vis-à-vis du FLN ! En décembre 1979. Mgr Duval, à l'occasion de l'affaire des otages à l'Ambassade des USA, ira à Téhéran, sur ordre d'Alger, pour faire acte officiel d'allégeance à la révolution islamique de l'ayatollah Khomeyni qui allait instaurer, en Iran, le régime fondamentaliste le plus barbare et le plus rétrograde !...

      Au Vatican, on réalisa alors la tragique erreur du Pape Paul V1 qui, en 1965, avait nommé cardinal Léon Duval, lequel, par cette démarche indécente, compromettait gravement le prestige d'un prince de l'Eglise en s'alliant avec " les fous de Dieu "...
     Laissons maintenant la parole à Pierre Goinard, Français d'Algérie et fervent catholique, qui nous parle des deniers moments de la communauté chrétienne dans son livre "Algérie, l'œuvre française " (Ed. Robert Laffont 1984) :
     Il évoque l'ampleur du drame religieux de ces chrétiens d'Algérie "déjà en proie aux affres d'un terrorisme sauvage et aveugle, qui doivent subir les sermons culpabilisants de l'Evêque d'Alger qui dénonce la violence des Européens (dénommée ainsi par la propagande gaulliste afin que les Français métropolitains ne soient pas entraînés par un reste de solidarité nationale), vrais jamais celle du FLN ! Et ceci des années avant que naisse L'0AS, ultime réflexe de survie d'une communauté menacée de mort. ".
     Les chrétiens de métropole "Non seulement, ils ne plaignent, ni ne soutiennent moralement, les victimes du FLN; mais un journal comme " La Croix ", organe officieux de la hiérarchie catholique publie des calomnies, jamais démenties malgré nos lettres de protestation, accusant les " Européens d'une culpabilité collective. ". Avec stupeur, la communauté chrétienne d'Algérie se voit désavouée dans son existence même. En revanche, et en opposition totale à leur hiérarchie, la quasi-totalité des curés de paroisses partagent les sentiments et les souffrances de leurs ouailles.
     "Douze prêtres seront abattus par le FLN ainsi que quatre Pères Blancs. Le curé de Sidi-Moussa sera enlevé, et son corps, horriblement mutilé, sera retrouvé quarante jours plus tard. Léon Duval ordonnera que l'on fasse silence sur ce crime. " (Pierre Goinard in " Itinéraires " N° 264 de juin 1982).
     De même, l'Evêque d'Oran Mgr Lacaste (qui, lors de notre exil est resté proche de nous, se nommant lui-même Evêque de la dispersion), celui de Constantine, Mgr Pinier, adoptèrent une attitude totalement opposée à Léon Duval. Le premier fit publier une lettre pastorale célébrant la valeur morale de ses fidèles diocésains et se dressa contre le " gauleiter " Fouchet, particulièrement brutal avec la communauté chrétienne d'Oran.
     Mgr Pinier, quant à lui, se rendit à Paris pour tenter de fléchir l'hostilité de la hiérarchie catholique envers ces malheureux chrétiens d'Algérie, mais en vain. Alors, ce fut la dispersion, le grand exode. Ces chrétiens, en métropole, seront accueillis avec une froideur hostile par la majorité du clergé. Seul, Mgr Rhodain, Président du Secours Catholique, ainsi que les Scouts de France et l'Armée du Salut, se montrèrent charitables. QUEL MANQUEMENT HISTORIQUE A LA CHARITE CHRETIENNE DE LA PART DE L'EGLISE DE FRANCE!
     Plus stupéfiant et révoltant encore sera le sort de la plupart des prêtres rapatriés. Après avoir enfoui ou immergé leurs objets de culte, pour éviter les profanations du FLN, ils quittèrent leurs églises devenues désertes. Reçus, en France, comme de malheureux égarés, ils n'inspiraient guère de compassion, mais plutôt une réprobation, muette ou déclarée, de la part de la hiérarchie catholique. " Ce qui vous arrive, vous l'avez bien mérité" (P. Goinard o.c.).
     Un livre accablant a été consacré au sort de ces " Prêtres perdus " (Jean Loiseau - Gilles Menais Ed. Le Fuseau 1965). Car tel était l'aveuglement des esprits et Pierre Goinard d'ajouter : " La foi des chrétiens d'Algérie les a préservés du désespoir; et plus, du suicide. Fallait-il que cette foi fût solide pour qu'ils restent attachés à une Eglise qui les avait abandonnés sans compatir à leur détresse !" Nos Seigneurs, les Evêques de France auraient dû méditer ce beau précepte d'une agnostique, Simone Weil : " LA JUSTICE EST TOUJOURS LA FUGITIVE DU CAMP DES VAINQUEURS ".
     C'est la trahison du pouvoir politique, le lâche opportunisme de la hiérarchie catholique et la torpeur complice de la majorité des chrétiens de métropole qui ont laissé la révolution arabo-islamique détruire l'Eglise, en Algérie !
     L'indifférence tragique de ces chrétiens devant le spectacle de centaines de lieux de culte saccagés ou profanés par le FLN trahissait leur abdication, leur reniement de l'héritage du Christ qui leur apparaissait sans valeur, indigne de tout rayonnement " car on leur avait appris que la foi était orgueil et que la lâcheté s'appelait charité " (Joseph Hours " La conscience chrétienne devant l'Islam" in "Itinéraires" juillet 1990).
     Le christianisme était le grand vaincu d'Evian, mais la majorité des chrétiens de métropole n'en avait cure et leurs vrais sentiments pouvaient se résumer dans l'immortel slogan du contingent : " LA QUILLE, BORDEL " qui exaltait la défaite morale d'une Nation, la nôtre !
     Docteur Pierre CATTIN



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Pour Mieux Connaître Jean Paul

"LA CROISIERE S'AMUSE..."
Envoyé par Jean Paul Gavino
Chers amis!
Je vous annonce une bonne nouvelle.
Je participe avec des amis à une belle croisière "Pélérinage à Alger" par bateau spécialement affrêté pour nous et qui se déroulera du 17 au 24 novembre 2006.
Cette croisière sera une occasion unique de revoir vos lieux d'enfance, vos lieux familiers et être de nouveau en contact avec votre terre et confronter vos souvenirs.

Vous trouverez en pièces jointes le détail du programme et des animations à bord ainsi qu'un bulletin d'inscription.
J'espère que vous serez très nombreux à m'accompagner et vous permettre de renouer avec vos racines.

Pour tout renseignement complémentaire :
clubdescroisieres@wanadoo.fr
tél: 04.42.721.666 ; mobile: 06.12.909.658.
Avec toutes mes amitiés sincères et pieds noires.
Jean Paul Gavino.





LETTRES A UN METROPOLITAIN
Envoyé par Mme Anne Marie Berger/Gallo
Par le CERCLE D'ÉTUDES ALGERIENNES
ÉDITIONS REGIREX (1960)

L'homme le plus parfait est celui qui est le plus utile à ses frères.
      
 
LETTRE N° 6

       Peu de gens, hors d'Algérie, ont cru au "miracle du 13 mai ". Que les colonialistes, les ultras, aient brusquement renoncé à leurs privilèges, que les musulmans, soulevés contre leurs oppresseurs, leur aient tendu la main, cela a paru impossible et contraire au fameux sens de l'histoire. Et pourtant, nous qui avons vécu ces journées, nous qui sommes nés sur cette terre, qui en percevons les moindres palpitations, nous pouvons attester que c'était vrai et que l'esprit du 13 mai, même s'il dérange les plans des faiseurs de systèmes, est la seule réalité vivante et concrète, la seule vérité, celle qui finira par triompher.
       Le miracle du 13 mai n'a pas consisté en une réalisation de l'impossible, mais dans le fait que des malentendus se sont dissipés, que les yeux se sont ouverts, que la voix de la raison a été entendue et que cette profession de bonne foi, que beaucoup avaient depuis longtemps sur le bord des lèvres, s'est faite brusquement, sous l'effet d'un choc psychologique.
       Les conditions étaient réunies pour que la réconciliation se produisît et celle-ci est explicable sans faire appel à une intervention transcendantale quelconque. II suffisait que le contact fût mis, et s'il est admirable qu'il ait enfin eu lieu, disons tout de suite que le principal mérite en revient à l'Armée.
       Bien avant 1954, il existait en Algérie une idéologie nationaliste professée par des intellectuels ou des réformateurs religieux, souvent sincères, parfois intéressés. II serait très long d'en analyser toutes les composantes : elles vont de la rancoeur de l'intellectuel qui se juge sous-estimé jusqu'au rêve de rétablissement d'une société théocratique exclusivement musulmane en passant par le désir de changement animant une jeunesse trop nombreuse, incertaine du lendemain et qui plaçait son espoir dans l'avènement d'un régime nouveau, car la République est toujours belle sous l'Empire. II faut y ajouter de vieux relents de haine religieuse et surtout les encouragements d'une certaine propagande étrangère, dont nous aurons bientôt l'occasion de reparler.
       Les erreurs de l'Administration, l'égoïsme et l'incompréhension de certains Européens, ne fournirent à. cette " opposition " que trop d'arguments.
       Cependant, lors du déclanchement de la rébellion, la masse musulmane demeura étonnamment fidèle. A cet-te époque, les forces de l'ordre en Algérie comptaient moins de 60.000 hommes elles en ont actuellement 400.000. II aurait alors suffi que chaque musulman prenne un bâton pour que les Européens fussent irrémédiablement jetés à la mer. Mais la France recueillit, à ce moment là, le fruit de sa conduite généreuse. II fallut, pour émouvoir cette fidélité, d'une part les atrocités du F.L.N. et, d'autre part, les effarantes aberrations de nos gouvernements.
       Alors les musulmans commencèrent à douter de la détermination de la France et à craindre d'être abandonnés aux représailles du F.L.N. Les événements récents de Tunisie et du Maroc leur en avaient suffisamment appris sur le sort réservé à ceux qui avaient misé sur le mauvais tableau. Parmi les élites, certains commencèrent à prêter une oreille complaisante au chant des sirènes nationalistes, qui n'étaient d'ailleurs pas avares de promesses. Toute une jeunesse, abandonnée à elle-même, soumise sans contrepartie, à la propagande ennemie, exposée sans défense à ses moyens de pression, s'enrôla ou se laissa enrôler dans les rangs du terrorisme. Les gens du peuple, enfin, se replièrent sur eux-mêmes et s'efforcèrent de donner des gages au F.L.N.: paiement des contributions exigées par les collecteurs de fonds, hébergement de rebelles, refus de collaboration avec les autorités. A la fin de 1956, le F.L.N. pensa avoir gagné la partie. Il devait la perdre pour trois raisons.

       La première tient dans le fait que la masse musulmane demeura, en définitive, obstinément fidèle : tous ces pauvres gens, ces humbles fellahs, rançonnés par les collecteurs de fonds, exposés à la fois aux coups du F.L.N. et à ceux des forces de l'ordre, privés de ravitaillement, obligés de se compromettre des deux côtés, gardèrent confusément la nostalgie de la paix et le souvenir des promesses de progrès que comportait la présence de la France. Une expérience millénaire leur a appris à comparer les différents gouvernements, y compris celui de leurs propres coreligionnaires, et l'indépendance récemment conférée à leurs voisins de l'Est et de l'Ouest ne paraissait pas tellement bénéfique. Et, enfin, quelque obscur que put être ce sentiment dates leur esprit, pour eux qui au cours des siècles n'avaient -jamais eu ni nationalité, ni patrie, la qualité de Français représentait tout de même une promotion, une garantie de respect de leur dignité d'hommes, un avenir tracé en dehors des aventures aux lendemains incertains.
       La seconde réside dans la cohésion et la volonté, que conservèrent les Européens. Par ses attentats, le F.L.N. espérait provoquer chez eux des réactions d'affolement, les entraîner à d'aveugles représailles afin de dresser entre eux et les musulmans un mur de haine inexpiable. A quelques rares exceptions près, qu'une certaine presse, on devine laquelle, se hâta de monter en épingle et de généraliser, ils conservèrent leur sang froid et surent distinguer les assassins du F.L.N. et le reste de la population innocente. Inaccessibles à la peur comme au découragement, sachant ce qu'ils voulaient et le voulant inflexiblement, ils surent aussi faire leur examen de conscience et comprendre que la victoire dépendait de l'unité de toute la population d'Algérie, européenne et musulmane. Ce changement d'état d'esprit, dans lequel on a voulu voir une simple volte face, ne devient compréhensible que si l'on renonce à la conception simpliste d'une poignée de colonialistes profiteurs qui consentent des concessions pour sauver le reste, et si l'on admet qu'il s'agit d'un peuple entier, riches et pauvres confondus, qui prenant conscience de l'extrême péril qui le menace, y fait face en se surpassant par l'un de ces sursauts patriotiques dont notre histoire nationale offre d'ailleurs tant d'exemples.
       L'action de l'Armée, enfin, fut le facteur déterminant du succès. Elle avait déjà fait, en Indochine, en Tunisie et au Maroc la dure expérience de cette guerre particulière que l'on a qualifiée de " subversive ". Les opérations militaires conventionnelles n'y ont plus leur place, les armes lourdes gênent plus qu'elles ne servent, parce qu'on a en face de soi un ennemi dilué et protéiforme. Le soldat se transforme parfois en policier, mais son action essentielle s'exerce sur la population qu'il s'agit de soustraire à la propagande rebelle et de protéger contre ses représailles. A toutes les gloires dont elle a déjà chargé ses drapeaux, l'Armée aura en Algérie ajouté la gloire impérissable de son "action psychologique" ; elle a su rassembler autour d'elle les populations, musulmane et européenne, leur redonner confiance dans leur commune destinée et dans la volonté de la France de ne pas les abandonner. Dans la déliquescence générale des institutions qui marque l'agonie de la IVème République, au moment où tout semblait crouler entraînant la France à vau l'eau, l'Armée, fidèle à sa mission, fut le radeau auquel tous se raccrochèrent désespérément. Au soir du 13 mai il suffit qu'elle vînt, par la voix de ses chefs, se porter garante des destinées de l'Algérie, province française, pour créer le choc psychologique qui devait déclancher, sur le Forum d'Alger, puis dans l'Algérie tout entière, la fraternisation des deux communautés.

       Le 13 mai, les deux communautés ont fait chacune, l'une vers l'autre, un pas dans la voie de la réconciliation, le premier pas, celui qui coûte le plus. Elles ont encore un certain chemin à parcourir avant d'en arriver à ce que l'on a joliment appelé " l'intégration des coeurs ".
       Chez les Européens il y a encore des " cous raidis par l'orgueil " qui devront s'incliner, de vieilles habitudes, d'anciens préjugés dont il faudra se défaire. Il conviendra de s'armer de patience, de générosité, en un mot, de ce que l'Evangile appelle la charité. Ils en sont capables, et le fondateur de l'Islam a déjà proclamé que " ceux qui sont les plus disposés à aimer les musulmans sont les hommes qui s'appellent chrétiens ". (Le Coran, chapitre V, Verset 85).
       Les musulmans devront se pénétrer chaque jour davantage de cette évidence : que l'égalité des droits implique nécessairement l'égalité des devoirs, que l'émancipation est un honneur redoutable qui comporte plus de charges que d'avantages et qu'il n'est pas possible de réclamer la dignité d'homme et de se conduire en enfant.
       Tout cela, Européens et Musulmans l'ont depuis longtemps compris, même s'ils ne l'avouent pas. Le 13 mai a marqué une rupture définitive avec un passé qui ne saurait renaître. Les deux communautés sont désormais en marche vers le destin commun qui est inscrit dans la nature des choses.
       Vers la fin de sa vie, l'émir Abd et Kader, qui avait été notre plus implacable ennemi, mais qui, après sa défaite avait eu l'occasion de mieux connaître ses adversaires, écrivait ; "si les musulmans et chrétiens me prêtaient l'oreille, je ferais cesser leurs divergences et ils deviendraient frères à l'intérieur et à l'extérieur ". (Ouvrage adressé en 1855 à la Société Asiatique de Paris).
       Abd et Kader fut "Commandeur des Croyants" et "Coupeur de têtes de chrétiens pour l'amour de Dieu "; puis il reçut le grand Cordon de la Légion d'Honneur pour avoir, à Damas, en 1860, sauvé plusieurs milliers de ces mêmes chrétiens.
       Que le fils de Mahi ed Dine repose en paix. Son voeu suprême sera exaucé.


Mon vieux Tunis !
Envoyé par M. Pierre Rio

Je reviens ici
Caresser la rime
De deux vieux amis
Qui se sont quitter
Sans jamais oublier
Au temporel du passé ,
Toi mon vieux Tunis
Mon ami , mon complice
Je suis celui
Qui n'a guère changer ...

Tes ruelles pleine
De gens qui s'aiment
A n'en plus rêver ;
Une fenêtre s'ouvre
C'est pour dire bonjour
Au soleil qui cour,
Toi mon vieux Tunis
T'as su me séduire
Salam à la vie !
Aujoud'hui je te remercie
Pour ce bonheur d'aimer ...

Je reviens ici
Le coeur envahi
De nostalgie ,
Ou sont-ils passés
Tous ceux que j'adorais
Au nom de l'amitié ,
Que sont-elles devevues
Ces tendres ingénues
Qui passaient dans tes rues,
Je leur dis salut
Et à toi merci pour cette aventure !

( Dédié au enfants du soleil de Tunis Qui se sont aimés pour la vie )
Le 06 10 2005 Rio pierre


Une Histoire de Saint...
Envoyée par M. Marcel Treels

Il était une fois un Saint très contrarié, car personne ne le priait.
Les gens priaient Saint-Pierre, Saint-Christophe, Saint-François et bien d'autres, mais lui, rien !!

Alors il demanda une réunion avec Dieu et ce dernier lui recommanda la chose suivante :
Fais-toi faire des cartes de visite et répands-les dans le monde entier.
Tu diras que tu fais des miracles à la demande.
Par contre, ne donne ta carte ni aux cons, ni aux femmes faciles !
Rappelle toi bien : ni aux cons, ni aux femmes faciles !
C'est ainsi qu'il suivit les conseils de Dieu et il distribua sa carte dans le monde entier en évitant les cons et les femmes faciles.
Et à présent c'est le Saint le plus miraculeux et le plus adoré dans le monde.

Dis-moi, comment s'appelle ce Saint ?
Allez réfléchis bien !

Tu ne sais pas qui c'est ????



aahhhhhhh ??



Alors, on n'a pas eu la petite carte, hein ?!!!!!!


" BÔNE "  SOIREE  AMOUREUSE

POUR VOUS SOUHAITER TOUT LE BONHEUR DU MONDE EN CES FETES DE FIN D'ANNEE. VOICI CETTE PETITE PIECE BÔNOISEMENT VÔTRE.

      La scène se passe dans un appartement situé sur le Cours Bertagna (à côté de l'Hôtel d'Orient).Véritable petite comédie de mœurs mettant en exergue le "côté dragueur " des Bônois et le charmant " marivaudage " des Bônoises.
LES ACTEURS
            -Jean-Christian est l'amoureux
            -Michèle " la coquette "
            -Jean-Claude un copain du couple
            -Mauricette l'amie de Jean-Claude.

      Michèle vêtue d'un chemisier en soie rose et d'une longue jupe noire, dresse la table dans le séjour Son ami Jean-Christian va arriver. 18 h l'on sonne à la porte.

ACTE I - LA RENCONTRE

SCENE 1 - LA REPARTIE

Jean-Christian : " Bisous, bisous, Michèle mais tu es bien belle aujourd'hui ! Tiens donc cette bonne bouteille de champagne "
Michèle : " Merci, merci, mais tu ressembles à un Hidalgo en " vadrouille "
Jean-Christian "mais comment tout vêtu de bleu-marine et cravaté de bordeaux ! Bien ! Je ne retiens que le mot "hidalgo "
Michèle " Ne te fâche pas ! Ne te fâche pas ! En vadrouille tu sais bien, au moindre jupon, tu t'envoles "
Jean-Christian : " Ce soir, pitchounette : je vole vers toi mais il faut que je te dise, et puis non ! Je ne te le dirai pas ! Je te ferai une " Bône " surprise ! "
Michèle : " Alors tu, tu as trop parlé, Atso ! Continues à présent ".

Puis, l'on sonne à la porte. Arrivée de Mauricette vêtue d'une longue robe rouge bordée de noir.

SCENE 2 - L'APPROCHE

Jean-Christian :" Zotch ! Quelle classe ! Mais où vas-tu comme ça ? Tu es ravissante, dommage que tu ne sois pas libre ! "
Michèle : " hé bien moi, je suis encore plus belle ! Mes dessous sont assortis à mon ensemble en rose et noir "
Jean-Christian : " Mauricette as-tu les dessous assortis ? "
Michèle : " Tiens donc ! Mais tu joues à quoi ? "
Mauricette : " Ah ! Pas d'histoire entre nous…. "
Jean-Christian : " Mais tu ne m'avais pas dit que tu avais une si belle amie "
Michèle : " Dis-moi, espèce de tchouche ! Si tu me cherches, tu vas me trouver ! "
Mauricette : " Arrêtez ! Arrêtez ! Je suis pour la paix des ménages "
Jean-Christian : " Ainsi tu es pour la paix des méninges ! "
Mauricette : " comment peux-tu en douter d'autant que Jean-Claude va arriver " ?

SCENE 3 - L'ARRIVEE DE JEAN-CLAUDE

18 h 30 Jean-Claude vêtu d'un costume noir et cravaté de blanc, sonne à la porte. Jean-Christian lui ouvre.

Jean-Christian : " hé bien Michèle tu es gâtée, encore une bouteille de champagne, dis ! Jean-Claude heureusement que tu arrives, je commençais à draguer Mauricette ! "
Michèle : " Ecoute-le, dès qu'il voit une femme, il ne tient plus en place… "

En attendant, nos deux copains se dirigent vers la fenêtre du salon et regardent près du kiosque à musique.
Jean-Christian : " Regarde ! Regarde ! La belle Jacqueline en rouge, regarde bien ce satané Binguèche lorgner son beau tralala ! "
Michèle : " Dis-moi fatche de ! Tu me prends pour qui, une simplette, une pataouette, je vois bien ton étrange manège "
Mauricette : " Ne te laisse pas faire, ne te laisse pas faire par ce coquin, à moi il me…. "
Jean-Claude : " Allez Jean-Christian ! Oh ! Gatzomarine ne t'envole pas ! Hé Michèle tu nous la sers cette anisette avec les petites olives piquantes ! "
Michèle : " Tu as bien raison, passons à l'apéro et quant à toi Jean-Christian, tu ne perds rien pour attendre, tiens si je m'écoutais, je te …je te !"

Puis, tout ce petit monde s'installe confortablement autour de la grande table du séjour ouvert sur un ciel uniformément étoilé.

ACTE II LA DECLARATION

SCENE 1 - UN DEBAT AMICAL
Jean-Christian : " Mais dis-moi tu penses que je viens pour entendre ça ? "
Michèle : " Ah ! N'inverse pas les rôles - tu surveilles par la fenêtre - tu fais des coups d'œil à Jean-Claude, et vous parlez tout bas et vous tchatchez tout haut de la belle Jacqueline ! "
Jean-Claude : " oh ! Ça ne va pas recommencer ! "
Mauricette : " Tiens ! Je trinque à l'Amitié "
Jean-Christian : " Comment uniquement à l'Amitié et à l'Amour alors ? "
Michèle : " hé bien ! Il était tant que tu en parles "
Jean-Christian : " Mais l'amour il vaut mieux le faire que d'en parler ! "
Jean-Claude : " Tape cinq, je suis d'accord avec toi ! "
Mauricette : " hé ! Doucement les copains ! Je trouve que cette conversation dérape… "
Jean-Christian : " Alors ! Toi Michèle tu ne dis rien ? "
Michèle : " moi je dis que tu parles beaucoup mais tu ne fais rien "
Jean-Claude : " Ma parole défends-toi, prends-la au mot "
Jean-Christian : " Tiens Michèle prépare le lit, ce soir je dors ici ! "
Michèle : " Zotch ! Et pour qui tu te prends ? Moi ? La femme d'un soir ce n'est pas mon genre ! "
Jean-Christian : " Ah : non si je reste là ce soir, cela sera pour toujours mon Amour ! "
Michèle : " Pour toujours mon Amour, mais si je veux ! Enfin je veux bien essayer, mais je te préviens ! "

Ainsi nos quatre joyeux compères tout en écoutant Johnny Halliday interpréter "retiens la nuit ", débouchent dans la bonne humeur, la première "Bône " bouteille de champagne de l'année nouvelle. Tchin ! Tchin ! À ta santé !

Aquarelle de Mme Colette Levy
Le kiosque à musique peint par l'auteur.
Site : http://www.amisdebone.com
La suite à la prochaine……
Colette Lévy.

On nous appelle " Pieds Noirs "
Envoyé par M. Régis Guillem
     
     Les nommait-on " Pieds Noirs " les morts des deux carnages.
     On nous appelle " Pieds Noirs " et ces deux mots jetés
     Péjorativement, souvent comme une insulte,
     Sont devenus pour nous bien plus qu'un sobriquet.
     On nous appelle " Pieds Noirs " avec cette nuance
     De dédain, de mépris attachée à ces mots
     Qui pour nous, ont un sens de plus grande importance
     On nous appelle " Pieds Noirs ", nous acceptons l'injure
     Et ces mots dédaigneux sont comme un ralliement
     Comme un drapeau nouveau, comme un emblème pur
     On nous appelle " Pieds Noirs ", il y a sur nos visages
     Le regret nostalgique des horizons perdus,
     Et dans nos yeux noyés, d'éblouissants mirages.
     On nous appelle " Pieds Noirs ", il y a dans nos mémoires
     Le souvenir joyeux des belles heures d'autrefois,
     De la douceur de vivre, et des grands jours de gloire.
     On nous appelle " Pieds Noirs ", ami, te souviens-tu
     De nos champs d'orangers, de nos coteaux de vigne,
     Et de nos palmeraies, longues à perte de vue ?
     On nous appelle " Pieds Noirs ", mon frère te souvient-il
     Du Bruyant Bab-el-Oued, d'El-Biar sur sa colline,
     Des plages d'Oranie, du glas d'Orléansville ?
     On nous appelle " Pieds Noirs ", là-bas dans nos villages
     Qu'une croix au sommet d'un clocher dominait,
     Il y a un monument dédié au grand courage

     Les nommait-on " Pieds Noirs " les morts des deux carnages
     De 14 et 39, les martyrs, les héros
     Qui les honorera maintenant tous ces braves ?
     On nous appelle " Pieds Noirs ", mais ceux qui sont restés,
     Ceux de nos cimetières perdus de solitude,
     Qui fleurira leurs tombes, leurs tombes abandonnées ?
     On nous appelle " Pieds Noirs " nous avions deux patries,
     Harmonieusement si mêlées dans nos cœurs,
     Que nous disions " Ma France " en pensant " Algérie "
     On nous appelle " Pieds Noirs " mais nous sommes fiers de l'être
     Car nous sommes héritiers d'un peuple généreux
     Dont l'idéal humain venait des grands ancêtres
     On nous appelle " Pieds Noirs " qu'importe l'étiquette
     Qu'on nous a apposée sur nos fronts d'exilés,
     Nous n'avons pas de honte, et nous levons la tête.
     O mes amis " Pieds Noirs " ne pleurez plus la terre
     Et le sol tant chéris qui vous ont rejetés,
     Laissez les vains regrets et les larmes amères
     CE PAYS N'A PLUS D'AME, VOUS L'AVEZ EMPORTEE.

(Texte de C. Bend écrit en 1990)


Sépulture de BRICK ben KADDOUR
Histoires et traditions de la " légère "
envoyé Par le Capitaine (H.) Francis JOSSE

Dans le cadre d'une recherche historique sur la présence de Spahis sur les champs de bataille du Nord - Pas-de-Calais au cours de la Première Guerre Mondiale j'ai été amené à m'intéresser à la sépulture de :
BRICK ben Kaddour - Caïd-mia ( correspondant aux grades de Sous-Lieutenant ou Lieutenant),
Né en 1875 au douar Hajir El Beida - fraction Ouled Boubekeur - tribu Rehamna - Marrakech (Maroc),
Mort pour la France (tué à l'ennemi) le 18 octobre 1914 à Radinghem (Nord).

Le jugement a été rendu le 27 février 1936 par le Tribunal de Marrakech (Maroc), transcrit le 12 Mars 1936 à Rehamna région Marrakech (Maroc).

L'intéressé repose au Carré Militaire du cimetière de Bailleul (59), sépulture n° 36.

J'ai rendu compte de plusieurs " anomalies " à Monsieur le Directeur Interrégional des Anciens Combattants

- La sépulture est identifiée par une croix latine (BRICK ben Kaddour était vraisemblablement de confession musulmane),
- BRICK ben Kaddour était Caïd-mia (Sous-Lieutenant ou Lieutenant) et non " soldat " comme mentionné,
- BRICK ben Kaddour servait au Régiment de Marche de Chasseurs Indigènes à Cheval devenu le Régiment de Marche de Spahis Marocains à dater du 1er janvier 1915 et non au 1er R.I.M.C. comme mentionné
- La date officielle du décès est le 18 octobre 1914 et non le 18 octobre 1918 comme mentionné.

Après bien des tractations avec divers intervenants (A.C. - Direction Interrégionales des Sépultures- Patrimoine) depuis août 2004, le Caïd mia (Lieutenant) BRICK ben KADDOUR du Régiment de Marche de Chasseurs Indigènes à cheval (1914) vient d'être rétabli dans ses droits légitimes. Il repose à présent au cimetière militaire de Bailleul (59) sous une stèle musulmane récemment installée. Cette modeste contribution du "Peloton des anciens Spahis de Lille" est une toute petite pierre ajoutée à l'édifice monumental de la Mémoire. La prochaine étape sera l'identification de la sépulture du Lieutenant DAVENNES à Estaires (59). Il n'existe à ce jour qu'une tombe catholique anonyme dans le carré militaire britannique de cette commune. Il existe trois stèles musulmanes de Spahis Auxiliaires Algériens (défense de Lille - octobre 1914) au carré militaire du cimetière Sud à Lille (59).

Retrouvez nos histoires de jeunesse sur les pages : http://groups.google.fr/group/spahispire?lnk=srg
Plus de cent dix ans ! C'est le signe d'une belle vitalité, bien à l'image des Spahis légendaires, ainsi qu'un repère fabuleux dans l'histoire de l'une des plus chevronnées associations d'anciens combattants. C'est en effet en 1895 que " Le Burnous " s'est constitué, afin d'entretenir ces liens si forts de fraternité militaire qu'unissaient alors tous ceux qui avaient servi dans les escadrons de cette cavalerie que l'on appelait " indigène ". Pour tous ceux là, d'hier et d'aujourd'hui, " Le Burnous " garde vivante cette amitié solide, dans laquelle se reconnaissent tous ceux qui ont eu l'honneur de le porter. Retrouvez les, retrouvez-nous sur : http://perso.wanadoo.fr/le.burnous/ .

Capitaine (H.) Francis JOSSE
Délégué " Nord " de La Gandoura
Amicale des Anciens du 1er Régiment de Spahis


MESSAGES
S.V.P., lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une nouvelle rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la seybouse.
Après avoir pris connaissance des messages ci-dessous,
cliquez ICI pour d'autres messages.
sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura

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De Mme Michele Didona

Je suis une Bonoise ayant Habitée à Ste THERESE, j'aimerait rencontrée des gens habitant ce quartier.
Mon nom de jeune fille :TRULLU Yolande
Je recherche aussi mes amies d'enfance :quartiers St.Cloud,STE. THERESE et rue des rosiers à l'ELISA.
Adresse : fd.bertheliier@free.fr

De M. Grégory Lafon

Bonjour, je me presente, Grégory.
Je fais des recherche sur mon grand père Marcel Greck, fils de Rose Greck.
Il a vécu à Bône depuis sa naissance 1923, jusqu'en 1962.
Il tenait une épicerie, lingerie, vins tabac avec son frère Antoine, Rue bélisaire, dans le quartier chancel à Bône.
Pourriez vous m'aider dans ma recherche de plan de la ville, où même de photos de la rue Belisaire.
Où bien sur de tout autre information pouvant concerner mon grand père.
Merci par avance, mes amitié, Grégory,descendant d'une famille Bônoise.
Vous pouvait me donner une réponse à cette Adresse : lafon.moi@wanadoo.fr

De M. Jean Claude Erec

Bonjour de haute savoie
Une relance auprés de tous les amis pieds noirs pour ma recherche de la famille de Laurent Formosa du kroubs..
Où sont passés les anciens de ce village que je ne connais pas, les élèves, les sportifs etc. etc.
Est ce un passé rayé de la carte, je ne veux pas le croire, il doit bien y avoir quelque part des internautes pieds-noirs de cette région...
Voila 42 ans que je recherche les traces de cette famille dont le fils laurent copain de regiment s'est fait tué.
Merci de votre aide
Adresse : Ducdcars@aol.com

DIVERS LIENS VERS LES SITES

Voici un lien interressant, concernant le cimetiere de Mers El Kebir:
http://www.meretmarine.com/article.cfm?id=805
Cordialement.
G. Claudot


Je suis en train de créer un site sur Blida. Si vous avez le temps d'y jeter un oeil et si vous l'appréciez, je serais ravi de faire partie de vos liens privilégiés.
http://jean.salvano.club.fr/Blida


Je consacre également une grande partie de mon temps sur ma généalogie, voici le lien direct, je vous invite à le visiter.
Merci pour tout
Amicalement
Fernand
http://perso.wanadoo.fr/fernand.mico/one/Geneal.htm


Association MEK du 3 juillet 1940-2005 pour le rapatriement du cimetière marin
Après la profanation du cimetière marin de Mers-El-Kébir, les anciens survivants des cuirassés « La BRETAGNE et Le DUNKERQUE » se mobilisent pour une action patriotique. Ils désirent que les instances de l'état rapatrient les dépouilles mortuaires de leurs camarades.
Le lieu de repos de ces marins est activement demandé par leurs compagnons toujours vivants. Ce lieu sera décidé lorsque les opérations de rapatriement seront prises en compte par les autorités compétentes de la France.
Cette association ne sera dissoute que lorsque la stèle commémorative se fermera sur leur repos éternel.
http://mers-el-kebir.net/


Je me permets de signaler le site que j'ai fait sur mon village "Renier" situé dans le constantinois.
J'espère que vous jugerez mon site digne d'intérêt bien sûr, et que vous reviendrez souvent.
http://perso.wanadoo.fr/renier

cliquez ICI pour d'autres messages.

Comprendre les ingénieurs
Envoyé par M.Ivan MANGHINI

Comprendre les ingénieurs : tentative n°1

Deux élèves ingénieurs marchent le long de leur campus lorsque l'un des deux dit à l'autre, admiratif : "Où as-tu trouvé ce magnifique vélo ?"
Le second lui répond : "Ben en fait, hier je me promenais au bord du canal, je croise une super nana en vélo qui s'arrête devant moi, pose son vélo par terre, se déshabille entièrement et me dit : "Prends ce que tu veux....". J'ai donc choisi son vélo."
L'autre réfléchit un instant et dit : "Tu as bien fait de prendre le vélo, les vêtements n'auraient sans doute pas été à ta taille."

Comprendre les ingénieurs : tentative n°2
Pour une personne optimiste, le verre est à moitié plein.
Pour une personne pessimiste, il est à moitié vide.
Pour l'ingénieur, il est deux fois plus grand que nécessaire.

Comprendre les ingénieurs: tentative n°3
Un curé, un médecin et un ingénieur jouent au golf. Ils attendent après un groupe de golfeurs particulièrement lents. Au bout d'un moment, l'ingénieur explose et dit : "Mais qu'est-ce qu'ils fichent ? Ca fait bien un quart d'heure qu'on attend là !"
Le docteur intervient, exaspéré lui aussi : "Je ne sais pas, mais je n'ai jamais vu des gens s'y prendre aussi mal !"
Le prêtre dit alors : "Attendez, voilà quelqu'un du golf. On n'a qu'à le lui demander."
Dites-moi, il y a un problème avec le groupe devant nous. Ils sont plutôt lents, non?"
L'employé répond : Ah oui, c'est un groupe de pompiers aveugles.
Ils ont perdu la vue en tentant de sauver le golf des flammes l'année dernière; alors depuis, on les laisse jouer gratuitement."
Le groupe reste silencieux un moment, et le pasteur dit : "C'est si triste.
Je vais faire une prière spécialement pour eux ce soir."
Le médecin ajoute : Bonne idée. Et moi, je vais contacter un copain chercheur en ophtalmologie pour voir ce qu'il peut faire."
A ce moment l'ingénieur intervient : "Mais putain ! Pourquoi ils ne jouent pas la nuit ???"

Comprendre les ingénieurs: tentative n°4
Un ingénieur se promène au bord d'un étang lorsqu'une grenouille l'appelle Ehh...pssst..., si tu m'embrasses, je me transformerai en une magnifique princesse."
L'ingénieur ramasse la grenouille et la met dans sa poche.
La grenouille reprend : "Si tu m'embrasses, je me transformerai en une magnifique princesse et je resterai à tes côtés pendant une semaine.."
L'ingénieur ne bronche pas.
La grenouille insiste : "Si tu m'embrasses, je me transformerai en une magnifique princesse, je resterai à tes côtés pendant une semaine et je ferai TOUT ce que tu veux !"
L'ingénieur ne bronche toujours pas.
La grenouille lui demande alors : "Je te dis que je suis une magnifique princesse, que je resterai à tes côtés pendant une semaine et que je ferai tout ce que tu veux et tu ne réagispas ! Il est où le problème ?"
L'ingénieur répond :
Il n'y en a pas. Je suis ingénieur donc j'ai pas le temps d'avoir une petite amie. Par contre, une grenouille qui parle, ça, c'est cool !!!"



Vous venez de parcourir cette petite gazette, qu'en pensez-vous ?
Avez-vous des suggestions ? si oui, lesquelles ?
En cliquant sur le nom des auteurs en tête de rubrique, vous pouvez leur écrire directement,
c'est une façon de les remercier de leur travail.

D'avance, merci pour vos réponses. ===> ICI


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