N° 195
juin

http://piednoir.fr
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1er Juin 2019
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
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Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
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EDITO
  " Prêchi-prêcha "   

         Pour notre dernier édito, avant le début de l'été, il semble nécessaire de faire le point sur ce printemps fort trouble, tant sur le plan météorologique que politique et social… Mais l'été arrive et son cortège d'événements culturels et artistiques pour nous distraire de cette fausse morosité ambiante !

         En effet, la météo ne cesse ses caprices printaniers au point de déjouer tous les pronostics d'économie de chauffage dans certaines régions.
         Sur le plan politique, ce n'est pas mieux on se demande qui pourra courir aux urnes en 2020 tant les Français ont du mal à se reconnaître dans ce " prêchi-prêcha " politique qui nous a valu 34 listes aux européennes. On ne sait plus où donner du bulletin.
         Depuis deux ans, la France tout entière est touchée et réclame un changement. Les " Gilets Jaunes 2018-2019 " en sont une institution flagrante : ce nouveau souffle citoyen ne veut plus de la politique traditionnelle et réclame des institutions citoyennes. Le gouvernement ne l'entend pas de la même oreille et malgré les résultats des européennes, a même dit qu'il maintenait son cap. Cap dévastateur avec des hausses exagérées comme l'électricité et les carburants entre autres.
         Et puis comme à Lyon récemment, toujours cette menace terroriste qui oblige à la prudence lors de spectacles, de manifestations populaires ou sportives, et aussi lors d'une présence dans un magasin ou un bar ! Notre communauté Pieds-Noirs a connu cela et en a payé un lourd tribu en Algérie.
         Alors, est-ce que l'approche des vacances va apaiser les citoyens ? Elle pourrait réconcilier, ressouder le pays et ses communautés divisées, le scénario du pire n'est pas impossible : entre les mouvements de juste contestation et la fatigue accumulée des forces de l'ordre qui ne sont pas en reste dans la situation du pays, l'été 2019 pourrait bien virer au chaos.

         En souhaitant rester dans le camp des optimistes et en gageant que la France saura se rattacher à ses racines et symboles d'unité conformes aux règles républicaines - vous savez : ce fameux Liberté, Egalité, Fraternité ! -.
         En attendant, nous vous souhaitons un mois ensoleillé pour contrebalancer ce printemps morose avec des festivités associatives et commémorations diverses.
Jean Pierre Bartolini          
        Diobône,         A tchao.


Les Mystères de la Casbah,
Grand Roman local et vécu,
De M. Toni-Pança et envoyé par M. piedineri
Feuilleton en pataouète, paru en 1909 dans le journal algérois Papa-Louette

PREMIÈRE PARTIE - I -
Les Habitués du Cassour.
- Le naufrage du " San Rafaël "

                Minuit y sonnait à la Place du Cheval… Le temps y l'était calme. La mer elle était comme de l'huile de sésame, que les sardines de tant contentes qu'elles étaient, elles se faisaient le rallipaper à la surface de l'eau. La lune, qu'on s'arrait dit un croissant mozabite, elle se riait bien fort et elle inondait de ses faibles rayons, la grande bleue, qui se mourait doucement à côté les rochers du Cassour, en bas la caserne du Génie.
                La cadence arrimée des flots bleus y s'avait endormi La Tarente, çuila qui se pêche les mulets et les mérots à le rocher de la " Misère ", darrière les bains Delson.
                Tandis qu'il était au pays des rêves, le Vieux Médus et Cataclan y jetaient leurs lignes de fond, et en attendant que le poisson y vienne s'agricher à la meçon, y se pêchaient à la canne, tout en se racontant les histoires du temps passé.
                Ah ! le vieux Médus en a dans son sac ! Il en a vu dans sa vie faite de déboires et de guigne ! Que des fois on se l'a embêté ! Que des fois Detchessahar y se lui a envoyé la poulice de sûreté Asqueré et Leca, pour voir si se pêche pas vec la dynamite.
                Les " donneurs " y s'avaient fait la lettre alonyme plus d'une fois et le vieux Médus, qu'il est brave et tout et qu'il a bon cœur, y disait vec le sourire taïba :
                - Laisse-le qui touche ! Çuila qu'il écrit sans signer y parle à mon cul ! Je me fous de leurs lettres alonymes. Je gagne ma vie doucement, doucement, le reste je m'en bats la pantcha comme si c'était un petit tambour arabe.

                 … Cataclan et le vieux Médus pêchaient donc tranquillement l'un près de l'autre. Le poisson y donnait pas beaucoup et y s'avaient bien peur de pas seulement faire de quoi payer les amorces.
                - Pas de veine, y disait Cataclan, moi je croyais ce soir faire au moins trente francs de poissons. Régarre-moi cette garce de lune qu'elle est brillante et tout ! On dirait qu'elle se moque de nous z'autes, pourquoi rien y mord à la meçon de chaque de nous.
                - Ça fait rien, va ! Laisse courir. Laisse qu'elle se fout de nous. Moi je me fous d'elle et quoiqu'elle est bien haute et tout, je lui pisse au cul !
                - Atso ! comme tu y vas. Mince que ton petit camarade y doit être puissant pour que le jet y s'arrive là-haut à côté le Bon Dieu.
                Comme y parlaient comme ça, le vieux Médus y dit doucement :
                - Ferme Cataclan, ferme ! On dirait que le poisson y touche. A le coup de gueule qu'il a donné, je crois que c'est un mèrot de cinq à six livres au moins. Prends le broumitche. Jettes-en une kémia. Là. Ça va bien. A nous deux, mon petit mérot.

                 Le vieux Médus, sérieux comme un vieux pape à qui une jeune sœur y vient de lui faire bous-bousse, y se taquinait le poisson vec un gousto d'al pélo !
                - Laisse-toi engantcher, y disait le vieux Médus au poisson, et à midi tu verras comme tu dansera la matchique en dessur la table du restaurant Cassar, à la pêcherie et que Jean, çuilà qui se tient la table des moules et des huiles à côté la porte de la cuisine, y te chantera la tarentelle d'attaque quand l'élégant Boude y t'apportera à un Anglais de Tizi-Ouzou-les-Bains qui viendra déjeuner.
                Manko le poisson y répondait.

                 De temps en temps y se foutait à la meçon un petit coup de dent fin fin comme une souris qui s'aiguise le râtelier à une lime de serrurier.
                Le vieux Médus y s'avait un bœuf terrible. Y disait à Cataclan, qui se pêchait tranquillement à côté de lui et qui fumait une " chinoise " bel gousto.
                - Régare moi ce fant de garce. C'est la première fois de ma vie qu'un mérot y me fatigue la main comme ça. Si jamais je l'agriche, cru je le mange de rage ! Afezt-zizi !!
                - Avec les épines et tout pour que tu chies un peigne fin pour faire cadeau à la vieille qui te fait le ménage, y se lui répond Cataclan qu'il est espirituel, louette et tout.
                - Assez blagué comme ça, tu lui fous la cagatche. Ferme, fils, ferme, ce bâtard y remord sec… Engantche-le !

                 Le vieux Médus y se retenait la respiration et juste au moment où le poisson y se touchait fin fin, y se fout un petit coup de poignet à la mahonnaise d'attaque et y se l'aguiche.
                - Passe le salabre, Cataclan ! la pièce elle est trop grosse et j'a peur que la cagne elle se casse !
                Doucement, doucement le vieux Médus y se tire la cagne. Cataclan y se passe le salabre en dessour et au lieu d'un mérot qui s'avait empogné, c'était une moraine de sept livres au moins, avec la queue et tout.
                - Tcha ! quel mérot, y fait Cataclan en riant comme un bossu. Tu te fais vieux, Médus, tu te fais vieux. Tu connais plus seulement le toucher des poissons. Mieux que tu prends la retraite, pourquoi si tu continues manko les enfants de la mer y viendront à côté ta ligne. Tous y se foutront de ta gueule en te disant : Va faire des cages !!

                 La Tarente, que la conversation l'avait réveillé, y se frotte les yeux avec son grand mouchoir à carreaux bleus et blancs, y se brosse la tête vec sa casquette et y se dit au vieux Médus pour chiner :
                - Va-t-en à chez Jourdan, achète-toi un livre des ciences naturelles vec la monenclature des poissons vivants, ichtyologiste tu deviens. -
                 Ce mérot que tu viens d'agricher, y continue Cataclan, madame Nesler y te l'achète 80 francs pour se l'empailler et le faire cadeau au Musée des Antiquités à Mustapha-Supérieur… Jonnart et tout, il ira le voir !!
                Qué rigolade ! Chose !!...
                Cataclan et la Tarente y se tordaient. Le vieux Médus, qu'il est brave et tout, y s'avait le bœuf mais y disait rien pourquoi son père, quand il était petit, y se lui avait sorti un proverbe qu'il se l'avait enscrit en dedans sa carabasse intelligente et tout :
                " Le silence est parfois le plus grand mépris des grands pêcheurs devant l'Eternel ! "
                La Tarente, qui l'est farceur, d'attaque y se sort la proposition de faire cadeau du mérot de Médus à Detchessar. Cataclan approuve, mais le vieux y répond pas. Y s'ouvre le cabassette, s'empogne une couronne du pain, s'en coupe une tranche et se met à casser la croûte comme un capitaine de remorqueur.
                - Parlez ! Parlez y leurs y dit. Parlez, moi je me garnis la pantcha. A votre santé, mes petits mérots !

                 Z… ! Cataclan et La Tarente y s'entendaient pas de cette oreille, y se mettent à côté le cabassette et se sortent tout ça qui faut pour casser la croûte comme des amirals de la barca petita !...
                La lune, vec le croissant mozabite, y s'éclairait comme des millions de bougies arabes vec le bleu et le rouge. Trois heures du matin y sonnaient à la place du Cheval qui l'a pas la gourmette.
                Les trois coups, dans le calme de la nuit, y s'arrivaient lentement, lentement, à les oreilles de nos trois pêcheurs, tandis que la grande bleue elle se battait, en cadence, les roches aousqu'y s'étaient assis.
                La brise marine elle leur avait donné appétit, aussi la couronne de pain y se faisait petite petite comme une galette juive qu'elle est faite comme les bracelets que les mauresques y portent aux pieds.
                Y z'allaient entamer un melon de l'Arba que le vieux Médus y l'avait gagné à chez Valéro, à le spagnol qui fait jouer au tchic-tchic, quand plusieurs coups de sifflet avec variations y se font entendre.

                 La Tarente y se lève les yeux et y se voit à la lueur de la lune qu'elle se faisait le croissant mozabite, tous les camarades à cheval en dessur le mur du Cassour.
                Un d'eusse y s'avait déjà jeté la corde pour descendre en bas la plage.
                - La Tarente ! Médus ! Cataclan ! y se crient ces fants de loup !
                L'écho se reproduisait contre le mur de la maison mauresque à ousqu'ils habitent les officiers généraux et supérieurs de la garnison d'Alger.

                 Tour à tour, tous y se descendent par la corde ; chaque on se l'attache par le ventre et on se le fait glisser contre le mur, en haut de l'égout.
                Y avait Ginarelli, le gardien des bains Delson, Pascualète, çuilà qui pêche aux palangres ; Gaze-Nez, le pêcheur des congres et des moraines qui z'ont la variole noire, l'Etudiant, l'attrapeur des mulets à tête plate, Roco, le roi des arapètes, Gaoutchi, le pêcheur des oursins, çuilà qu'un jour un camarade qui se pêchait à la " bougie " et qui l'avait pas vu plonger, y se l'a fait remonter à la surface comme une tchelba qu'elle est enceinte. Gaoutchi y s'a tiré trois mois d'hôpital. Ça fait rien, c'était une victime du devoir. Après Gaoutchi, y venaient Chicanelle, le gardiens des bains Matarès, Peppo, le frère de Cataclan, Chou-Blanc, çuilà qui vend des vers à Laouisette des escaliers de la pêcherie, Ramonette et Torte, le roi des pêcheurs du Cassour, et enfin, Vendeur et Mondine, qui z'ont une table à la pêcherie et qui venaient s'acheter le poisson qu'y s'avaient attrapé La Tarente, le Vieux Médus et Cataclan.
                Tout le monde descendu, chaque y se place, soit au rocher Le Djemel ou la Roqua Plata, soit au rocher La Christo.
(A suivre)


LE MUTILE N° 61 du 15/09/1918 (Gallica)

La Musique du Square
                 Depuis longtemps déjà, notre bonne population d'Alger a le bonheur de goûter, plusieurs fois par semaine, sous les ombrages touffus du coquet square de la République, de 8 heures 1/2 du soir à 10 heures 1/2, les flots de mélodie de l'Orchestre municipal.
        Elle se délecte de celte bonne et saine musique avec d'autant plus de plaisir, qu'à celle heure, une brise bienfaisante chasse la chaleur du jour et procure un sentiment de bien-être indéfinissable.

        Jadis, les concerts d'été avaient lieu trois fois par semaine et, étant gratuits, attiraient une foule considérable au square où toutes les classes de la société se coudoyaient sans la moindre atteinte à la morale, tant il est prouvé que la musique adoucit les mœurs.
        Depuis la guerre, ces mêmes concerts, un instant supprimés, sont revenus à la mode, mais pour deux fois par semaine seulement et encore ont-ils lieu à guichets ouverts car on ne peut entrer sans bourse délier au concert dont le prix, d'entrée est fixé à 0 fr. 50.

        Cette décision de la Municipalité prise à la suite d'un compromis avec les musiciens de l'orchestre municipal a tout d'abord été accueillie, avec assez d'indifférence, disons mieux elle a été approuvée par la majeure partie de la population si charitable d'Alger qui y a vu l'occasion de faire encore le bien en contribuant à alimenter les caisses des nombreuses et intéressantes oeuvres de bienfaisance de la Capitale de l'Afrique du Nord.
        Cependant, depuis quelque temps, cette sympathie s'est muée en antipathie si nous en croyons les propos que les familles échangent à chaque audition musicale dans leur promenade autour du square.

        La population murmure ; elle sait que l'on a trompé sa bonne foi en lui faisant croire que les recettes étaient consacrées aux bonnes oeuvres et elle s'en veut d'avoir toléré la fermeture des grilles de sa promenade publique favorite pour le profit des musiciens de l'orchestre.
        En somme, nous ne pouvons qu'être de son avis parce que nous savons d'une manière formelle que les recettes des concerts d'été ne vont pas toutes aux œuvres de bienfaisance, puisque l'autorisation de disposer du square, deux fois par semaine, n'a été accordée aux musiciens qu'a la condition expresse que durant la saison estivale ils devront consacrer trois concerts au profit d'œuvres de bienfaisance de la ville.

        Ainsi, en admettant que ces concerts aient lieu du 1er juin au 1er octobre, c'est-à-dire, à la moyenne de neuf par mois durant 4 mois, il y a donc 36 soirées dont 3 seulement sont consacrées à la bienfaisance. Il reste au profit des 40 musiciens de l'orchestre 33 soirées. Or, sait-on quel est le montant d'une soirée musicale ? Il varie entre 1.200 et 1.500 fr. En tablant sur le plus bas chiffre ces messieurs ont enfin de saison, 4.800 francs à se partager soit 1.200 fr. chacun, ce qui fait une mensualité de 300fr. pour avoir joué durant deux heures, neuf fois dans le mois.
        Si la situation de ces privilégiés de la sollicitude municipale était précaire, nous ne récriminerions pas mais au contraire, ils sont généralement ou professeurs de musique ayant de nombreux élèves ou propriétaires.

        On conçoit que la population ne soit pas contente ; il va lui paraître inadmissible que ces mêmes musiciens qui antérieurement à la guerre jouaient gratuitement 3 fois par semaine, se contentant de la dernière soirée pour leur bénéfice, se soient arrogés le droit de s'offrir 33 bénéfices.
        Pendant ce temps combien de familles qui aimaient à se reposer à la fraîcheur sous les bosquets du square, se sont privées de ce plaisir qu'il aurait fallu payer trop cher. Tous les chefs de familles ne peuvent pas en effet consentir la forte dépense que représenterait le déplacement de tous les leurs parce qu'il y a concert payant deux fois par semaine au profit des heureux musiciens de l'orchestre municipal.

        Mais au fait, puisque ces concerts ne profitent qu'aux musiciens, pourquoi n'a-t-on pas autorisé M. Taillefer, le brave et distingué chef d'orchestre du Casino d'Alger et ses musiciens à profiter de l'aubaine et à donner à son tour des auditions au même endroit et dans les mêmes conditions ? La situation de ces musiciens est peut-être plus intéressante que celle de leurs camarades de l'Orchestre Municipal car ils n'ont pas, certainement pignons sur rue et aussi large aisance.
        C'est égal, on a tout de même abusé de ces bons Algérois en leur en faisant accroire et encore ignorent-ils que sur ces quarante musiciens à qui leur argent est allé si largement, très peu sont Français et que dans la grande quantité qui forme l'élément étranger, se sont glissés des sujets appartenant à nos pires ennemis.

        L'art n'a pas de patrie, mais toutes les précautions sont bonnes à prendre avec nos ennemis fussent-ils même des Meyerber.
        La question est trop importante pour que nous en restions la, nous y reviendrons dans un prochain numéro
René MASSON.                 


TOUTES LES LARMES
DE LA MER

Par M. Paul Rocca

photo M. Paul Rocca
Chers Compatriotes,

              La famille Bonelli vit heureuse au sein du quartier Beauséjour de la coquette ville de Bône, dans l'Est algérien.

              Les trois générations qui la composent ne s'attendaient cependant pas à ce que leur vie soit bouleversée par l'arrivée en 1954 des " événements " qui vont remettre en question leur cadre de vie et les confronter aux horreurs d'une guerre qui ne dit pas son nom.
              Puis vient le moment de quitter le pays lors de l'indépendance de 1962, avec le drame supplémentaire de la disparition mystérieuse de Nadia la fille adoptive, quelques jours avant le départ vers la nouvelle vie, en France. Quel sera le destin de cette famille dans cette métropole qu'elle ne connaît pas ?


photo M. Paul Rocca              L'auteur est né en Algérie, pays qu'il a quitté en 1962, à 14 ans. Après des études secondaires, il s'est orienté vers le droit à la faculté d'Aix-en-Provence avant d'exercer les fonctions de directeur d'hôpital au centre hospitalier de Compiègne puis au C.H.U d'Amiens. Il est aujourd'hui retraité en Provence et publie son second livre après " P'tit Paul ou le bleu des jours gris " - une enfance en Algérie.


              Ce livre est disponible chez lulu.com France ou alors joindre l'auteur à l'adresse paulo8084@gmail.com
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BATEAU DE L'EXIL
Extrait du livre

       " Ô, Ville, regarde-les qui te quittent contraints, qui te disent adieu du grand de leurs yeux noyés d'une pluie de larmes. C'est le cœur qui leur est arraché! "

      Dès le premier soubresaut du paquebot qui les emportait, André tourna le dos à la ville. Il se refusait, lui, à la regarder se fondre peu à peu, si belle, si majestueuse sous son regard inondé. Il n'acceptait pas de la voir disparaître. Dès cet instant, il se jura de conserver son souvenir à jamais, dans l'écrin étincelant qu'il lui avait toujours connu, dans ses habits de soleil et sa parure de lumière. Plus de regard en arrière, désormais, pour voir encore au loin la basilique Saint-Augustin haut perchée et, tout près, le cours Bertagna de toutes ses joies, de toutes ses promenades, de toutes ses amitiés, de toutes ses folles espérances. Réjane et les enfants avaient beau l'inciter à les embrasser du regard une dernière fois, il n'en ferait rien. Il était trop blessé dans sa chair, trop mutilé dans son corps et son âme, pour accéder à leur demande. L'Algérie n'était plus, c'était fini, c'était hier, c'était le passé décomposé. Toutes ces jolies plaines radieuses cernées de la toile de fond de montagnes arborées, comme dans l'ensemble du pays, pouvaient bien s'effondrer désormais. Il les garderait dans son cœur. Alors, quand Réjane passa son bras autour de son cou et lui donna un tendre baiser sur la joue, il éclata en sanglots encore une fois.

      C'étaient quarante deux années de bonheur qui s'en allaient en torrent de larmes et lui enlevaient toutes ses forces. Il vacilla sur ses jambes mais Réjane était là, contre lui, si forte en toutes circonstances. Elle ne disait rien, elle supportait tout, elle était le mur porteur de cette famille qu'elle chérissait par-dessus tout et dont elle s'était fait la promesse de tenir la tête hors de l'eau tant qu'elle en aurait la force, en dépit de la torture qu'elle endurait depuis la disparition de Nadia. Elle irait jusqu'au bout de sa fureur de survivre aux brûlures et au chaos de leur vie. Parce qu'elle avait les siens autour d'elle, parce qu'elle absorbait leur amour, entièrement, comme le fait un buvard de l'encre qui le nourrit. D'ailleurs, c'était étrange mais elle se sentit bien là, sur l'instant. Elle souriait et, en vraie lionne, elle attira à elle Armelle et Ange qui n'en pouvaient plus de retenir leurs larmes et parvenaient enfin à les libérer dans son étreinte maternelle. Elle leur caressa les cheveux et leur murmura sur un ton chantonnant : " fini l'anisette, demain c'est pastis ". Les trois autres Bonelli lui offrirent alors leur triste sourire en cadeau.

      Puis la vie vint à reprendre sur le pont. On bougeait, on parlait, on pleurait encore, bien sûr, mais l'émotion creuse et, peu à peu, chacun se préoccupa de ce qu'il allait manger. Les allées de circulation se transformèrent alors en un vaste réfectoire en plein air.

      Les familles se rassemblèrent où elles pouvaient, souvent à même le sol, et distribuèrent les provisions entre leurs membres. Un large tissu servait le plus fréquemment de nappe sur laquelle on entassait verres en carton, charcuterie, fruits et biscuits. Le thermos de café n'était en général pas oublié et permettait de servir un liquide vraisemblablement tiédasse, après tant d'heures d'attente avant la montée sur le bateau. On s'en contentait, il y avait eu pire. La foule des voyageurs apprécia, par ailleurs, le complément de denrées alimentaires distribué par le personnel, avec une attention plus marquée à l'endroit de ceux qui avaient si peu à manger. Vint ensuite le moment où il ne restait plus qu'à tuer le temps, à veiller sur les enfants et à s'occuper d'aider les plus âgés, pour la plupart déboussolés. Pour ces derniers, lorsqu'ils étaient seuls car veufs ou veuves et sans enfants pour les prendre en charge, la situation était dramatique.

      Ils n'avaient plus devant eux que le néant. La seule chose dont ils pouvaient encore avoir conscience, c'était d'avoir tout perdu d'une vie qu'ils avaient consacrée à leur pays, sans espoir de retrouver une chance d'en reforger une en France. A leur âge ? Et pour combien de temps ? Savaient-ils même où ils allaient ? Qui les attendait ? Où dormiraient-ils demain ? Certains s'écroulaient sur le pont et tentaient, tant bien que mal, d'effacer la peur qui les étreignait en cherchant le sommeil. Réjane se tourna vers André, appuyé contre le bastingage et absorbé dans ses pensées, et les désigna du menton à son mari pour lui murmurer à l'oreille :
      - Tu vois, ce sont eux les plus sacrifiés d'entre nous. Ils vont à l'abattoir et j'espère que cela leur échappe complètement.

      Repartir de zéro, comment peuvent-ils le faire ? Quel sort les attend sur une terre qu'ils ne connaissent pas et où ils ne trouveront, au mieux, qu'un centre d'accueil comme exutoire temporaire et, au pire, un hospice pour y finir leurs jours. J'en arrive à haïr tous ces hommes du gouvernement qui nous ont dépossédés non seulement de nos biens mais aussi de nos âmes avec leur sale politique, leurs manigances, leur hypocrisie et leur lâcheté. Ils nous ont jetés hors de chez nous comme des chiens.

      Regarde, c'est ce que nous sommes aujourd'hui, là, pauvres pantins couchés à terre, ridicules et sans honneur. Pour eux, la vie continue et ils n'auront même pas à pâtir de l'image qu'ils vont forger de nous aux yeux des métropolitains. Nous ne serons pas des victimes mais des oppresseurs qui n'auront obtenu que ce qu'ils méritaient. Eh bien ! dormez braves gens et dorlotez votre bonne conscience. Vous avez cette chance en supplément.

      Dans le courant de la journée, les jeunes firent connaissance entre eux et essayèrent par tous les moyens de chasser les mauvaises pensées qui les tenaillaient depuis le départ. Ils n'étaient pas moins angoissés que leurs parents, loin de là, et se demandaient aussi de quoi seraient faits tous les lendemains.

      Alors, pour oublier et passer à autre chose, ils plaisantaient, se racontaient, jouaient de la musique. Ange et Armelle s'étaient rapprochés d'un groupe d'adolescents qui semblaient bien s'amuser de leurs blagues entre eux et qui, enfin, mettaient un peu de joie dans cette traversée des broyés du cœur. Jacques, un grand blond au tee-shirt rayé bleu et blanc façon marin, avait été le premier à leur adresser la parole :
      - Alors, leur dit-il sur le ton de la plaisanterie, vous aussi vous êtes embarqués sur le même bateau ? Ah ! Ah !
      - On ne va pas se plaindre, on limite les risques puisqu'on n'est pas sur la même galère ! Lui répondit Ange, avec à peine un zeste d'ironie. Puis, il tendit la main à chacun en se présentant avec sa sœur.

      Jacques leur apparut immédiatement comme un brave garçon sympathique et désireux de prendre en charge le groupe, afin que chacun échappe à la nostalgie et au cafard jusqu'à l'arrivée. Il proposa aussitôt de chanter quelques chansons et s'empara de sa guitare pour égrener les premières mesures de love me tender.

      Chouette ! S'écria l'un des ados, Elvis est mon idole et je possède plusieurs de ses disques. Puis il se ravisa et corrigea " enfin, je possédais… ". Jacques s'empara du rôle de grand frère et donna son avis :
      - Question musique, rien de mieux qu'Elvis et Ray Charles. Vous connaissez Georgia on my mind ? Et hit the road Jack. Si c'est le cas, va falloir m'accompagner et faire la chorale. O.K ? Allez, tous ensemble, on y va.

      Un moment de grâce était en train d'envelopper toute une partie du pont. A la surprise générale, Jacques révéla une jolie voix de crooner et se défendit aussi dans la peau du rocker. Les jeunes l'acclamaient, les anciens furent d'abord décontenancés puis finirent par arborer un petit sourire non de complaisance mais d'amusement.
      Par-ci, par-là, on entendit quelques réflexions émerger du silence qui plombait l'atmosphère peu de temps auparavant. " Il chante bien, ce garçon ", " Il est bien agréable, ce petit, de nous donner un peu de baume au cœur ", " C'est bon d'avoir ces jeunes autour de nous, ils nous donnent l'exemple et aussi l'espoir. Nous ne devons pas baisser les bras face à l'adversité ! ". En un rien de temps, le groupe venait de galvaniser la foule environnante et de lui rendre un brin d'humanité. On se remit à parler, on s'adressa aux voisins, on fit connaissance. Bien sûr, aussitôt les conversations reprenaient sur cette Algérie que l'on quittait mais l'expression n'était plus la même sur les visages. Désormais, on se remettait à plaisanter, on osait rappeler les histoires du village ou de la ville, on essayait de se trouver de la parentèle ou bien on se cherchait des connaissances communes. Les bras, les mains, s'agitaient à nouveau, les bons mots fusaient et l'on retrouvait le parler " pataouette " qui sentait si bon le terreau franco-arabo-italo-maltais-espagnol que l'on emportait aux semelles de ses souliers.



LE MOT DE L'AUTEUR
Le livre est toujours en vente en ligne sur lulu.com
où les lecteurs intéressés peuvent se le procurer.

Je recherche des contacts de bônois ou autres ayant connu le Café des Amis de mes parents, à Randon. Si vous connaissez des amis du coin, vous serez-il possible de leur demander de me le faire savoir par messagerie. Je réponds à tous les courriers. A ce jour, et grâce à mes 2 livres, j'ai pu retrouver 16 Randonnois avec qui j'ai des échanges désormais. C'est cela le plus important et qui m'a donné le plus de bonheur ! Le village de Randon s'est mis à revivre (dans notre coeur) !

Mon adresse : paulo8084@gmail.com
      


Je n'ai pas oublié ...
ECHO D'ORANIE - N°273

         Je porte encore en moi les miasmes, d'un oued
         les fièvres de l'été. les fébriles aurores
         la plainte du chergui, ployant les sycomores
         les rires au marin, d'un joyeux yaouled.

         Le temps n'efface pas le sabbat des grillons
         sous un ciel étoilé, quand respire la terre ;
         l'appel du muezzin qui offre sa prière
         au fellah attardé sur ses derniers sillons.

         J'ai toujours dans le cœur ce chant de noria
        
         guidant un filet d'eau sur une glaise étanche
         ce carillon soudain pour une Pâque blanche
         l'âcreté des arums, des Ave Maria.

         II me souvient toujours de ces nuits de Juillet
         où l'enfance, d'un coup, annonce sa sortie
         échappant au sermon. baigné d'eucharistie
         pour un baiser volé, dans un champ de millet.

         Le soutenir est là, de l'encens et des lys
         du silence oppressant pesant sur un village
         pour cet ami tué, trouvé près d'une plage
         dans sa tonne porté, sous des gerbes d'iris.

         Le temps n'est pas venu, pour être apitoyé
         par ceux qui voudraient bien quelque miséricorde
         et clament maintenant l'heure de la concorde
         car l'enfant que j'étais n'a jamais oublié.

        
André Masson Janvier 2001


Le certificat d'études
Envoyé par M. Christian Graille

          
                  Les examens du Certificat d'Études qui ont eu lieu à Mascara pendant presque toute la semaine, viennent d'affirmer une fois de plus, la valeur de nos écoles communales. J'épargnerai à Mesdames les institutrices et aux instituteurs les formules laudatives dont on les accable après chaque examen ; je me contenterai de constater les brillants succès qu'ils ont remportés et d'ajouter les biens sincères félicitations du Progrès à celles qu'ils ont déjà reçues.
                  J'ai vainement recherché dans la liste des aspirants, quelques élèves de l'école de MM. Les frères Maristes. Pas un n'a pu être présenté cette année. Pas plus que les années précédentes du reste !
                  Cette simple constatation de fait est agréable à tous les amis de l'enseignement laïque ! Elle prouve :
                  - la valeur pédagogique de nos maîtres,
                  - l'excellence de leurs méthodes, et surtout
                  - le dévouement incessant dont ils font preuve.

                  Je me rappelle l'arrivée des Maristes à Mascara : Deux ans à l'avance on les avait annoncés, puis par une réclame adroite de confessionnal et de salon on les avait présentés comme des éducateurs d'une valeur indiscutable.
                  Au prestige de leur caractère ecclésiastique, ils joignaient une science profonde de l'éducation.
                  Dans certains petits cercles aristocratiques, c'était du…délice !
                  Les mamans ne voyaient pas, sans une certaine fierté, leurs jeunes et délicats héritiers, disciples de ces hommes austères et c'est avec vénération qu'elles confièrent l'esprit et l'âme de leurs enfants à ces princes de la pédagogie.
                  Nos pauvres écoles communales ! Avec quel dédain en parlait-on ! Quoi ? Un refuge de va-nu-pieds, d'enfants de toutes sortes : De fils d'ouvriers, grossiers et inintelligents. Eurent la foi robuste, ceux qui ne retirèrent pas leurs fils des écoles communales pour les confier à MM. les Maristes ! Combien le désiraient et n'osèrent le faire par crainte d'être soupçonnés de cléricalisme !
                  Je ne sais ce que MM. les Maristes ont fait des aînés de leurs élèves, j'aime à penser qu'ils les ont purifiés ; mais je doute qu'ils aient élevé leur intelligence au niveau de celle du Pic de la Mirandole, car depuis cinq ans que l'établissement de la rue Mogador existe, dans la colonne succès, nous mettons NÉANT !
                  Quand on adresse directement le reproche à Messieurs les Congréganistes ils répondent :
                  " Nous ne voulons pas présenter d'élèves ; c'est un principe chez nous ! "
                  La défense est faible. Tout d'abord, en admettant que le Certificat d'Études soit trop roturier pour les écoles religieuses, il y a les bourses des lycées, il y a les brevets ! Et différents autres examens qui ne sont pas à dédaigner.

                  Prenons le prétexte lui-même. Je me suis fait communiquer la liste des élèves présentés depuis trois ans au Certificat d'Études, dans le département d'Oran. Certaines années les écoles congréganistes font absence complète ; l'année suivante, dans le même centre, elles présentent un grand nombre d'élèves.
                  Je crois que Mesdames les Trinitaires du Bon Secours, les Frères de la Doctrine ont tout autant que MM. Les Maristes le sentiment de leur dignité religieuse, et je m'obstine à penser, jusqu'à preuve du contraire, que si ces derniers ne présentent pas d'élèves aux examens c'est qu'ils ne le peuvent pas !
                  Je ne m'appesantirai pas sur la supériorité de l'enseignement laïque au point de vue des méthodes : Je le ferai peut-être quelque jour. Je voulais seulement montrer du doigt un fait indéniable, contre lequel les arguties les plus soutenues ne prévaudront pas ; à savoir que les écoles congréganistes sont dans un état d'infériorité notoire en face des écoles communales.
                  Je n'aurai pas la naïveté de supposer que cette constatation pourra ouvrir les yeux aux parents qui forment la clientèle de MM. les Maristes. Ils n'y envoient pas leurs enfants chercher une instruction plus solide, ils veulent simplement les séparer du " vulgaire troupeau ".
                  Et puis chacun est libre !
                  Cependant je suis heureux d'avoir eu l'occasion d'apporter un argument de plus à une cause qui nous est chère et d'offrir aux instituteurs, ces travailleurs modestes, un hommage mille fois mérité.

Auguste de Samie.
Le Progrès de Mascara (23-06-1894)


N° des Départements d'Algérie
Envoyé par M. Jean Louis Ventura

 De 1848 à 1957   

Carte des départements français d’Algérie (9A~9R)
départements français du Sahara (8A-8B) en 1960.

De 1957 à 1962

ILE DE LA CITE
De Hugues Jolivet



       Vaisseau de Notre Dame, l'Ile de la Cité
       Est riche de son histoire et de sa francité.
       Ile-mère de Lutèce, lieu de félicité,
       Subit, au cours des siècles, tant de rapacité
       Qu'elle freina, repoussa avec sagacité,
       Tels Clovis, Sainte Geneviève, par leur ténacité !

       Le Verbe, à Notre Dame, du Christ ressuscité,
       Des Chrétiens est garant de leur unicité.
       Au Tribunal voisin, un prévenu cité
       Retient de l'avocat son efficacité,
       S'il se trouve inculpé, non pour atrocité,
       Charge retenue contre son comparse excité !

       Trente six Quai des Orfèvres est, par nécessité,
       Proche du Tribunal, toujours sollicité,
       Pour instruire les affaires dont la complexité
       Demande à la Justice l'absence d'opacité.
       Les mystères de Paris, dans l'Ile de la Cité,
       Réunissent le Divin et la Laïcité !
      

Hugues Jolivet         
6 décembre 2017          



L'enseignement primaire en Algérie
Envoyé par M. Christian Graille
Les écoles indigènes

                 Il faut créer des écoles indigènes mais seulement quand la colonie comptera assez de maîtres pour les enfants des Français et même des étrangers. Ceux-ci sont bien plus assimilables que les Arabes, en relation plus habituelle avec nous qu'ils aident dans l'œuvre de la colonisation : il faut donc songer à instruire leurs fils avant de se préoccuper de l'éducation des indigènes.

               Les dépenses pour l'enseignement ne doivent pas, d'autre part, passer avant les dépenses matérielles indispensables à la vie des localités et la part qui y est consacrée sur le budget des communes doit être en même proportion, au maximum, que celle qui y est réservée dans la métropole, à moins que l'État ne consente à des sacrifices spéciaux pour l'instruction des Arabes et des Kabyles. Mais nos nationaux ont toujours droit à ces sacrifices avant les indigènes.
                 En nous fondant sur ces principes d'une sagesse et d'une libéralité évidente, nous pourrons peut-être faire revenir les sénateurs de leur projet de créer d'innombrables écoles kabyles et les dix-huit conquis à notre opinion, le Recteur renoncera à ses folies ruineuses.

               Présentons nos budgets municipaux à ceux qui veulent nous imposer des dépenses impossibles ; ne leur disons pas qu'ils vont nous réduire à la misère, prouvons-le leur, non par des paroles mais par des chiffres.
                 " Vous voulez ici établir une école indigène à 3 classes, c'est une dépense annuelle de 6.000 francs que vous inscrivez à notre budget, nous désirions la faire, nous ne le pouvons pas : la proportion de nos dépenses pour le chapitre de l'instruction serait de 30, de 40, de 50 % en France, elle n'est que de tant pour %.
                 Examinez d'ailleurs tous les chapitres de notre budget, vous verrez que les crédits qui y sont portés sont absolument indispensables pour leur affectation. "

               Faisons preuve de bonne volonté ; ne contestons plus l'assimilation possible des indigènes, quoique nous soyons payés pour ne pas y croire. Une simple règle de trois, il n'y a d'éloquents que les chiffres, suffit pour nous convaincre, qu'à moins de sacrifices énormes de la part de la métropole, on ne peut construire assez d'écoles pour tous les Arabes et les Kabyles.
                 Les 36.000 communes de France comptant une population très dense, qui vit d'une vie très civilisée et par conséquent qui verse beaucoup aux caisses publiques soit en impôts directs soit en impôts indirects (150 francs par habitant), peuvent à peine suffire aux dépenses de l'instruction primaire.

               Comment veut-on que la population indigène de l'Algérie, qui est très clairsemée, et qui verse donc très peu aux caisses publiques, soit en impôts directs, soit en impôts indirects (10 ou 15 frs. par habitant) puissent suffire aux dépenses nécessaires pour élever ses enfants ?
                 Ou bien comment veut-on que les 400.000 Français et Européens peuplant la colonie, vivant d'une vie aussi civilisée que les métropolitains, mais toutefois ne payant ni ne pouvant payer autant d'impôts, parviennent à subvenir, non seulement aux dépenses de l'instruction de leurs enfants, mais encore à celle de l'instruction d'une population indigène 10 fois plus nombreuse ?
                 On peut faire beaucoup et beaucoup plus surtout qu'on n'a fait pour l'instruction des indigènes, on ne peut faire tout et la démonstration qui précède le prouve, je crois, invinciblement.

               Le grand art, j'en arrive à l'expression de mon opinion personnelle, serait de faire désirer cette instruction que nous voulons imposer aux populations musulmanes. Si on les y oblige, par des menaces ou par des promesses, ils subiront bien nos leçons, comme ils se résignent à payer les impôts, mais ils penseront que c'est à nous à leur être reconnaissant.
                 Ainsi donc, je voudrais qu'on amène les Arabes et les Kabyles à demander la création d'écoles pour leurs enfants. Comment ? On les ferait travailler adroitement :
                 - par les maires,
                 - par les administrateurs,
                 - par les fonctionnaires

               Ceux-ci montreraient aux plus influents, parmi la population musulmane, les avantages matériels que procure l'instruction.
                 Les avantages matériels, ai-je dit, car c'est à ceux-là que les Arabes et les Kabyles seront les plus sensibles. Les deux plus importants sont les suivants : les gens instruits peuvent obtenir des emplois de bureau bien rémunérés et surtout devenir des ouvriers plus intelligents et plus payés. 0n le démontrerait par des exemples locaux et tangibles, non par des arguments.
                 Quand la population indigène d'un centre serait gagnée à la cause de l'enseignement on lui ferait signer une pétition pour solliciter des instituteurs. Les maires et les administrateurs sauraient au préalable, si les communes de plein exercice ou mixtes peuvent supporter les charges nouvelles qu'on va leur imposer ; au besoin, ils engageraient les sollicitant à faire des sacrifices. Si les budgets des localités étaient assez prospères, les écoles seraient établies ; elles seraient assurées d'une fréquentation régulière, et les progrès y seraient rapides, car les enfants, engagés à l'étude par leurs parents, n'opposeraient pas aux efforts des maîtres la force d'inertie.
                 L'important serait que les premiers élèves sortis de ces classes ne deviennent pas des déclassés, qu'au contraire ils aillent pour la plupart à la charrue ou dans les ateliers et qu'ils gagnent, au travail des champs ou dans l'exercice des métiers, plus que leurs coreligionnaires sans instruction.
                 Les administrateurs et les maires suivraient ces élèves de leur surveillance attentive, dans la vie. A ces conditions, chaque centre où aurait été construite une école serait un foyer de civilisation qui rayonnerait alentour.
                 Bientôt d'autres communes indigènes voisines, exprimeraient le désir d'avoir des instituteurs, comprenant d'elles même, par l'exemple du centre qui en serait doté, le prix matériel de l'enseignement primaire. On irait beaucoup moins vite, mais on irait plus sûrement. On ne risquerait ni de manquer d'élèves, ni de manquer d'argent et les écoles ouvertes ne se fermeraient plus.
                 Cette méthode serait préférable pour les indigènes dont elle n'exciterait pas les défiances, pour l'œuvre de l'assimilation qui serait réalisée à moins de frais pour les maîtres à qui on accordera beaucoup de place en peu de temps, en suivant le plan de M. le Recteur, mais qui s'en verront peut-être dépouillés bientôt quand on aura reconnu que les dépenses ne sont pas en proportion avec les résultats.
Dupont.
Les Annales algériennes (28-05-1893)

Toutes les opinions
Envoyé par M. Christian Graille
L'instruction chez les Indigènes
I

                 La question du recrutement des indigènes a déjà fait verser beaucoup d'encre à la presse métropolitaine, et tels qui n'ont jamais vu un Arabe chez lui ont la prétention de nous définir la mentalité des musulmans algériens, de nous apprendre leurs mœurs et leur vie familiale.
                 Les dissertations de certains journaux sur l'inconnu induisent les lecteurs en erreur, et comme les neuf dixièmes de nos confrères métropolitains ignorent presque l'existence des Arabes, il se forme en France un courant d'opinion généralement fausse sur ce que l'État doit ou ne doit pas faire dans le sens de l'amélioration du milieu indigène.

                 L'opinion qui domine, à Paris notamment, est celle qui veut qu'on donne d'abord l'instruction aux Arabes avant de les armer, sans quoi, nous dit-on, nous risquerions de les voir se soulever en masse et retourner contre nous les armes dont nous leur aurions enseigné le maniement.
                 Nous allons essayer de démontrer la fausseté de cette opinion dans une série d'articles que nous publierons ici sur les graves questions de l'instruction des indigènes, de leur recrutement et des dangers que l'un et l'autre peuvent faire courir à notre domination.

                 Nous traiterons la question terre à terre en ne basant notre argumentation que sur les faits acquis et en ne prenant comme exemples que ceux qui nous entourent.
                 Le peuple musulman algérien peut être divisé au point de vue économique en quatre catégories :
                 - les pasteurs, ceux habitant les régions hors Tell,
                 - les laboureurs, ceux habitant le Tell,
                 - les arboriculteurs, ceux habitant les pâtés montagneux et qui sont les Kabyles, et enfin
                 - les horticulteurs, les industriels et les commerçants habitant les villes et leurs environs immédiats.

                 Nous ne nous arrêterons pas à ces derniers qui, déjà perfectionnés avant notre domination,
                 - se sont améliorés au contact de notre civilisation,
                 - possèdent sous la main tous les moyens d'instruction dont nous disposons nous-mêmes et
                 - ont le même intérêt que nous à l'amélioration du sort des trois premières catégories de leurs coreligionnaires.

                 Chacune de ces peuplades a :
                 - son état propre,
                 - sa mentalité,
                 - son genre de vie,
                 - ses besoins spéciaux.

                 C'est donc commettre une erreur grossière que de les englober toutes à la fois dans le même raisonnement à propos de mesures administratives ou politiques d'ensemble, sans tenir compte de l'opposition des intérêts en jeu, entre elles d'abord et par rapport à nous ensuite.
                 Voyons avant d'aller plus loin ce que vaut notre programme d'instruction des indigènes.
                 Pour qui connaît bien l'Algérie, il saute aux yeux que notre système inadéquat et inapproprié d'instruction à outrance des indigènes tend à jeter le trouble dans la famille musulmane, l'anarchie au sein de nos populations arabes.

                 Il ne nous échappe pas que certains musulmans algériens sont parvenus à un degré supérieur d'instruction, qu'il est des jeunes Arabes docteurs en médecine, licenciés en droit, professeurs de français, Saint-Cyriens et même Polytechniciens car nous comptons parmi eux d'excellents amis ; mais nous savons aussi que s'ils ont pu se parfaire à ce point, c'est qu'ils y étaient préparés,
                 - soit par leur naissance,
                 - par la situation de fortune et l'éducation supérieure de leurs familles,
                 - soit par la générosité privée étrangère au monde musulman.

                 Il est incontestable que pour la plupart d'entre eux, ces mêmes musulmans eussent reçu une instruction arabe élevée si l'école française n'existait pas en Algérie. En un mot, il ne s'agit là que du cas fortuit des fils de l'aristocratie musulmane, tandis que notre programme académique s'adresse au prolétariat musulman, c'est-à-dire à la généralité des indigènes.
                 Dans le premier cas, il n'y a pas eu transition brusque, dans le second, au contraire, nous avons la prétention de porter brusquement, irrationnellement du degré inférieur de la société musulmane à son sommet un individu qui n'a aucun moyen d'existence, qui aura, par les vertus de notre instruction, la tête bourrée de bonnes choses mais le ventre vide.

                 C'est ainsi que du fils du fellah, un paria la veille, nous allons faire un homme instruit, lui créer des besoins qu'il n'avait pas, un nouvel état aux nécessités duquel nous ne lui donnons pas les besoins de subvenir. Nous lui faisons abandonner et sa famille et la profession de ses pères. Il ne voudra plus épouser sa voisine qu'il trouvera trop inférieure à lui.
                 - Il quittera les champs,
                 - deviendra écrivain public,
                 - se fera dénonciateur de fonctionnaires français,
                 - rédacteur de pétitions à l'administration et aux Chambres,
                 - chaouch d'avocat ou
                 - simple rasta.

                 En un mot, il est condamné à faire un déclassé et lorsqu'il viendra nous dire :
                 " Pourquoi m'avez-vous instruit si ce n'était pas pour me donner une place dans votre administration."
                 Il aura, ma foi, parfaitement raison de traduire de cette manière sa pensée que l'instruction reçue de nous l'a privé de ses moyens naturels d'existence et qu'avant la nourriture intellectuelle il faut à l'homme l'alimentation physique.

                 Notre système d'instruction disproportionnée des indigènes se perfectionnant de jour en jour, notre colonisation en arrivera sous peu à ne plus trouver de bras nécessaires à son développement normal. Nous irons plus loin : les jeunes indigènes instruits par nous irrationnellement :
                 - voudront à leur tour instruire leurs enfants de la même façon,
                 - ils y mangeront leur patrimoine,
                 - le nombre des miséreux musulmans augmentera,
                 - la culture arabe de la terre disparaîtra.

                 Or, comme il ne sera pas possible pour longtemps encore aux Européens de vivre dans certaines contrées où les Arabes subsistent aisément, il adviendra que pendant que les Européens défricheront leurs terres, celles détenues par les Arabes retomberont en friche. Pour avoir voulu crier trop vite " machine en avant ", nous aurons fait machine arrière.
                 Et que l'on n'aille pas trouver ce tableau noir exagéré ; de nos jours déjà nous constatons que la broussaille a gagné du terrain sur l'ancienne culture arabe. En Kabylie, même il n'est pas rare de trouver des figueries et des olivettes abandonnées et envahies par la brousse.

                 Il n'est pas un indigène instruit par nous, j'entends ceux des trois premières catégories, qui se livre à la culture de la terre ou à l'élevage.
                 Le premier soin de ces indigènes instruits est de vendre leurs biens et d'en gaspiller le produit dans les villes. Pas un ne consentirait, même ceux n'ayant pas atteint le certificat d'études primaires, à garder le troupeau de son père. Où donc ce père trouverait-il désormais des bergers, sinon parmi ses filles ?
                 Ainsi, en essayant de relever le niveau d'une moitié de la société musulmane, notre système rabaisse l'autre moitié même du rang médiocre qu'il occupait jusqu'alors.

                 L'abandon de la culture de la terre est déjà un fait accompli en grande partie pour la Kabylie. Tous les marchands ambulants de nos villes et plus particulièrement d'Alger, sont des Kabyles vivant autrefois des produits de la terre ; ils vendent dans nos rues des légumes et des fruits.
                 Ces marchands ambulants font déjà un tort énorme aux commerçants établis en magasin. Moyennant de faibles droits de place, le marchand ambulant kabyle fait une concurrence invincible au commerçant européen qui a de gros frais généraux.

                 Ce n'est là qu'un petit côté de la question, il est vrai, mais il fera mieux sentir les dangers que nous fait courir l'application que notre programme insensé d'instruction des indigènes.
                 Que sera-ce lorsque les jeunes indigènes instruits par nous se jetteront sur :
                 - les carrières libérales,
                 - administratives,
                 - commerciales ou
                 - politiques ?

                 Ça en sera fait de notre suprématie et nous n'aurons plus qu'à plier bagage et à nous en retourner d'où nous sommes venus.
                 Voilà le soulèvement à redouter de la part des indigènes parce qu'aucune arme ne saurait nous nous en défendre ; tandis que la voix des canons que nous possèderons seuls feraient toujours taire les fusils que nous aurions mis entre les mains des Arabes sans leur apprendre à se procurer les munitions ad hoc.
                 Mais baste ! Il est bien d'autres raisons à faire valoir en faveur de notre thèse.
                 Nous les examinerons prochainement.
La vie algérienne (17-12-1907)

L'instruction des Indigènes
Envoyé par M. Christian Graille
II Lettre d'un ami de la terre

         Dans le dernier numéro de " la vie algérienne" et dans cette même rubrique nous avons prévenu le lecteur que nous traiterions la question terre à terre, en ne basant notre argumentation que sur les exemples qui sont à la portée de la main de tous.
         Nous avons dit aussi que nous entendions nous occuper seulement des trois catégories d'indigènes formant la classe des " fellaghas ", les Arabes vivant de la culture de la terre et représentant les neuf dixièmes de la population musulmane d'Algérie.
         Notre étude sera longue. Écrivant en colon qui sait mieux tenir une pioche qu'une plume, qui a vécu la vie des indigènes, qui a été élevé parmi eux pour ne pas dire par eux.

         Parlant et écrivant leur langue, vraisemblablement mieux que la nôtre, ce qui nous n'avons aucune fausse honte à avouer, nous éviterons de nous élever dans les hautes sphères des envolées philosophiques, psychologiques et sociologiques que nous n'avons d'ailleurs pas la prétention d'atteindre.
         Au demeurant elles ne peuvent que fausser le jugement en ce que les déductions tirées de la juxtaposition de ces sciences au cas de nos indigènes ruraux, si éminemment simplistes, leur attribuent un esprit et une mentalité qui ne sont pas les leur, un désir et un besoin d'évolution dont ils ne se font pas la moindre idée.

         Le fellah est retardé tel qu'il est de nos jours depuis les temps les plus reculés. Sa société n'a jamais évolué : seule l'atmosphère qui l'entoure a changé et lui crée une nécessité d'évolution dont il ne se doute pas lui-même. Il mène la vie pastorale des hommes primitifs et nous devons nous contenter de l'étudier physiologiquement si nous ne voulons point nous tromper sur son compte.
         Voyons-le donc tel qu'il existe et n'allons point l'examiner à travers des verres de lunettes qui n'ont pas changé de calibre depuis Socrate, Platon, Aristote et consorts, ce qui fausserait la sincérité de nos observations.

         D'autre part, il serait impossible de rendre hommage à la logique et à la vérité si nous devons, sur cette question, avoir égard aux susceptibilités que nous constatations pourraient provoquer.
         C'est pourquoi, d'accord avec notre conscience et nous appuyant, au surplus, sur le proverbe : " Amicus, Plato, sed magis amica veritas ", nous dirons toute la vérité avec la seule crainte de ne pas la proclamer assez haut et assez crûment.
         - La mentalité, les mœurs,
         - les us et coutumes,
         - les désirs,
         - les besoins de ces pauvres " fellaghas ", totalement différents de ceux des " hadris " et " fahcis ", (habitants indigènes citadins et suburbains) sont confondus avec le restant de la population musulmane par presque tous les écrivains qui s'occupent des indigènes.

         Cela tient à ce que ceux d'entre nous qui les connaissent le mieux et sauraient certainement les différencier ont perdu à les étudier, à les observer en vivant leur vie un temps qu'ils ont pris sur leurs études du français, et ils n'osent plus écrire ostensiblement, donner à leurs intéressantes remarques la publicité qu'elle mérite par crainte de se voir tourner en ridicule par les économistes spécialistes.
         Il y a mieux : les petits journalistes et les écrivains modestes n'osent pas toucher à ces questions entamées par les grands journaux et les grands rédacteurs par peur des foudres de l'aristocratie de la plume.

         Eh ! Bien, nous qui n'avons aucune provision d'érudition, aucun bagage littéraire, nous l'oserons, fort que nous sommes de notre sincère désir, de notre conviction profonde de jeter un jour nouveau sur la question de l'amélioration du sort de nos malheureux fellahs et de la meilleure utilisation que pourrait faire notre colonisation des forces vives qu'ils représentent.
         Dans la poursuite de notre idéal nous éviterons d'appuyer nos conclusions sur les opinions d'auteurs déjà anciens, ces opinions ne pouvant pas s'adapter à la situation des Arabes de nos jours. Car, s'il est juste de dire que la société musulmane n'a pas avancé dans la vie du progrès, il n'en demeure pas moins vrai que l'ambiance et le milieu dans lesquels s'agitent maintenant nos indigènes sont absolument différents des conditions d'autrefois.

         Et d'ailleurs nos propres besoins même ont changé et si nous voulons l'amélioration du fellah, nous avons du moins le devoir de la souhaiter conforme aux exigences de notre vie coloniale présente, et non pas en rapport avec les besoins qu'avait notre colonisation il y a trois quarts de siècle, époque où écrivaient les Bugeaud, les Jules Roches et tutti quanti.
         Que penserait-on de l'écrivain qui se fonderait sur l'opinion de Montgolfier pour nous expliquer la fugue du ballon dirigeable " Patrie " ?
         C'est pourtant là ce que font les écrivains de profession qui, nous entretenant de la question indigène, nous citent à ce propos les avis des anciens.

         La belle affaire, d'autre part, que celle de s'emparer de l'esprit d'autrui et le faire sien pour épater les profanes. Oh ! S'il ne faut pour se dire écrivain que faire abnégation de son libre arbitre et prouver l'érudition, nous pourrions-nous aussi, les livres étant là pour nous tirer d'affaire, broder agréablement sur le burnous au lieu de nous efforcer à rapporter fidèlement nos constatations prises sur le vif durant de longues années passées sous le gourbi ou le " bit-es-chaâr " (tente en poil de chameau) à nous épouiller d'une main et manger du couscous de l'autre.

         Mais nous n'avons cure de suivre le système consistant à perdre son encre et sa salive en d'interminables discours vides de sens par défaut de conclusions pratiques quand ce n'est pas tout bêtement par ignorance des conditions du milieu analysé.
         Aussi lorsqu'on ose, après cela, prétendre avoir fait avancer, avoir fait faire un pas à la question de l'amélioration sociale des indigènes, nous répondrons sans ambages :
         " Oui, Messieurs, les économistes spécialistes vous avez fait avancer la question, mais c'est dans l'obscurité que vous l'avez poussée.
         Eh ! Oui, vous lui avez fait faire un pas et même un pas de géant, mais c'est dans le sens rétrograde seulement que vous avez fait marcher le fellah."

         Passons l'éponge sur ce passé et continuons à examiner le présent tout en envisageant ce que nous réserver l'avenir.
         Ce sera l'objet de l'article suivant…

La vie algérienne (24-12-1907)



Instruction chez les Indigènes
Envoyé par M. Christian Graille
III Lettre d'un ami de la terre

                 Tel qu'il est encore aujourd'hui le monde des " fellaghas " nous offre une terre vierge que nous pourrons fertiliser à l'infini et de laquelle nous obtiendrons de gros rendements si nous nous attachons à lui donner une culture en rapport avec sa constitution spéciale.
                 Le fellah, en effet, n'a pas encore été gâté par le contact des vices de notre civilisation comme l'a été la majeure partie de nos populations citadines et suburbaines indigènes dont l'évolution faussée ne peut plus guère être ramenée au mieux maintenant.
                 Les colons vivant dans le bled, les seuls Européens pouvant parler de la mentalité bédouine en toute connaissance de cause, sont unanimes à proclamer cette vérité reconnue aussi par les Indigènes supérieurement civilisés que le fellah demeuré lui, n'ayant subi aucune transformation dans sa manière d'être, est incontestablement meilleur que son congénère qui a reçu le vernissage superficiel de notre civilisation. Cela tient à deux causes.
                 - La première est que par nos procédés d'européanisation nous fournissons seulement à l'Arabe la possibilité d'acquérir les vices raffinés accompagnant notre civilisation (dont l'ivrognerie est loin d'être le seul) sans lui enseigner la manière de s'en défendre.
                 - La seconde réside dans le fait qu'en lui faisant goûter le confort dont nous jouissons, en lui faisant déguster un peu de notre bien-être, nous lui donnons des appétits, nous lui créons des besoins qu'il n'a pas les moyens de satisfaire autrement que par la malfaisance.

                 Ce sont là du reste conséquences inéluctables de la violente transition que la civilisation européenne impose à la société des peuples qu'elle entend améliorer brusquement. Ces inconvénients disparaîtraient si on les y amenait doucement, graduellement, en tenant compte des conditions particulières dans lesquelles ils ont vécu jusqu'alors, et en leur réservant pour l'avenir des moyens d'existence appropriés à leur nouvel état
                 Ainsi, par exemple, en instruisant nos enfants nous leur apprenons à lire et à écrire tout en les mettant en état de gagner leur pain, tout en leur enseignant les moyens propres à se défendre contre les vicissitudes de la vie. Au contraire, aux enfants du fellah nous donnons l'instruction française tout en les éloignant de leur seul exercice moralisateur, de la seule carrière que nous devrions souhaiter leur voir suivre, de leur unique ressource : l'agriculture.

                 Nous reconnaissons toutefois que notre domination a eu le bon esprit de laisser au fellah toutes ses croyances religieuses, tout son fanatisme qui a défendu jusqu'aujourd'hui sa société contre l'alcoolisme, lequel, pendant ce temps, ravageait des peuples entiers idolâtres du centre de l'Afrique et d'autres lieux.
                 Il apparaît néanmoins de ce qui précède que si nous voulons améliorer le fils du fellah nous devons, tout en lui apprenant notre langue, l'initier à notre génie rural en le perfectionnant dans l'art de ses pères qui ont de toute antiquité été pasteurs et cultivateurs et continueront de l'être ou deviendront un danger pour l'hégémonie française de ce pays.

                 Il y a pour atteindre ce but un procédé qui parait aussi simple que peu onéreux et semble devoir donner des résultats appréciables si nous en jugeons par le bénéfice qu'en ont retiré accidentellement les Indigènes du Sahel élevés dans les fermes françaises de cette contrée et sur lesquels nous reviendrons.
                 Ce procédé consisterait en la création de fermes-écoles où de jeunes Indigènes de 14 à 16 ans recevraient simultanément avec une instruction élémentaire française, une éducation agricole pratique pendant deux ou trois ans. En supposant que l'Etat ne veuille pas faire de suite le sacrifice de ces créations, il serait toujours possible de tenter l'expérience à peu de frais en plaçant quelques jeunes gens indigènes dans les fermes européennes, où, sous la surveillance d'un professeur, qui pourrait être un ancien élève de notre école d'agriculture de Maison Carrée, par exemple, ils recevraient l'enseignement agricole pratique pendant que l'instituteur du centre le plus voisin viendrait, moyennant une modeste rétribution, leur donner l'instruction française élémentaire.

                 Il n'est pas douteux que nombre de propriétaires français consentiraient à laisser faire chez eux cet essai. Le sacrifice qu'ils s'imposeraient de ce chef ne serait d'ailleurs pas considérable puisqu'ils y trouveraient en partie dédommagement comme profitant du travail manuel des jeunes Indigènes placés chez eux, sans avoir rien à changer au mode d'exploitation de leurs terres.
                 L'État prendrait à sa charge le vêtement, la nourriture, le couchage et les fournitures classiques des élèves. La vie que mèneraient là ces jeunes gens serait de la dernière simplicité pour éviter qu'ils n'acquièrent des habitudes de confort qu'ils ne pourraient plus satisfaire à leur retour dans leurs foyers.

                 Les jeunes Indigènes sortis de ces fermes-écoles seraient suffisamment instruits pour se suffire à eux-mêmes et pour se rendre utiles à leurs parents en même temps qu'à notre colonisation.
                 Améliorés dans leurs facultés intellectuelles et morales, ils auraient été du même coup en situation de suffire aux besoins physiques et matériels de leur nouvel état, ce qui est conditions inséparables et sine qua non de l'européanisation du fellah. Celui qui n'a pas toujours mangé son compte sait que vide est le cerveau et dur le cœur quand le ventre crie la faim.

                 Est-ce d'autre part quelque chose de plus injuste que reprocher don infériorité mentale à celui qui souffre de l'affreuse misère par ignorance des moyens propres à assurer son existence ?
                 Y a-t-il un acte moins généreux que celui qui consiste de la part de l'esprit cultivé de faire grief de sa superficialité de son savoir au pauvre hère qui tient son infériorité de sa naissance ?
                 C'est pourtant ce que nous faisons vis-à-vis du fellah. Nous constatons l'état maladif de sa société, nous lui reprochons sa maladie, mais nous ne nous donnons ni la peine de diagnostiquer son mal ni celle de lui enseigner un remède.

                 Les raisons qui nous poussent à préconiser la création des fermes-écoles à l'usage des jeunes gens indigènes, ou tout au moins l'expérimentation de leur éducation agricole dans les exploitations privées, sont nombreuses et d'ordres divers, comme on le verra par la suite.
(La vie algérienne 31-12-1907)


Responsabilité
Envoyé par Eliane

           Une jeune femme passe un entretien pour obtenir un travail.
           Son employeur potentiel lui demande :
           - Avez-vous déjà occupé un poste à responsabilités dans vos précédents jobs ?

           - Oh ! Oui, responsable, je sais ce que c'est.
           - Ah bon ?
           - Eh bien, chaque fois que quelque chose ne marchait pas, c'était moi la responsable.



L'instruction chez les Indigènes
Envoyé par M. Christian Graille
IV
Lettre d'un ami de la terre

                 La solution du problème de l'instruction des Indigènes par la création des fermes-écoles ou tout au moins par l'essai de leur enseignement agricole dans les fermes françaises comme nous le préconisons, ne nous paraît ni plus dispendieuse, ni plus difficultueuse à poursuivre que ne l'est l'exécution forcément onéreuse et ardue de notre programme académique actuel.
                 D'autant plus que les faits acquis et les fonds déjà engagés faciliteraient l'expérience à tenter en réduisant considérablement le chiffre des nouvelles dépenses, si l'on prend momentané ment comme champ d'essai la Kabylie et ses environs immédiats où existent déjà des écoles à l'usage des enfants indigènes.

                 Plus tard en supposant que les premières expériences fussent concluantes, on étendrait l'application de ce système au pays arabe, en tenant compte de ce que ce dernier devra surtout apprendre la culture des céréales et l'élevage en plaine, tandis que le Kabyle, qui devra faire son éducation sur un terrain similaire au sien, aura à apprendre l'horticulture et plus particulièrement l'arboriculture.
                 Nous sommes, pour notre part, si profondément convaincus que les fellahs trouveraient dans le procédé d'instruction de leurs enfants tel que nous l'envisageons, une amélioration sensible à leur triste sort, nous sommes d'un autre côté tellement persuadés des nombreux avantages qu'y trouverait notre colonisation que nous serions tout le premier à en consentir l'expérimentation sur l'une de nos fermes située en montagne et par conséquent appropriée à l'enseignement agricole des jeunes Kabyles.

                 Mais nous savons, par vieille expérience, que les solutions simples ne sont pas tenues pour effets d'une sage administration en notre bonne France, aussi ne nous faisons-nous aucune illusion sur le sort qui attend le programme d'instruction des Indigènes que nous préconisons et ne cesserons, par acquit de conscience du moins, de préconiser : à force de semer, la graine finira bien par germer et la récolte par venir.
                 Pourtant tout le monde est d'accord pour dire qu'il est déconcertant qu'après trois quarts de siècle d'administration française effective de ce pays, l'agriculture indigène soit demeurée aussi primitive qu'à notre arrivée et qu'il est désespérant de constater qu'elle menace, au mépris de ses propres intérêts, si intimement liés aux nôtres de rester indéfiniment dans l'état de stagnation où nous le voyons.

                 N'est-il pas, par exemple, navrant que la Kabylie si bien placée pour fournir nos marchandises et les besoins d'exportation d'aussi bons fruits que ceux provenant des régions montagneuses de l'Europe, ne produise, à part figues et raisins, que des fruits de variété inférieures, véreux et immangeables ?
                 Et que lorsque vous questionnez les naturels de cette région sur les causes de cette absence de bons fruits, ils vous répondent que le Kabyle qui s'aviserait de greffer des arbres fruitiers en bonnes variétés ne verrait jamais ses fruits parvenir à maturité, car, disent-ils, ses voisins lui voleraient tout à moins qu'il ne les garde jour et nuit, ce qui lui coûterait plus de peine que les soins d'entretien de ses arbres.
                 La vérité est que l'ignorance dans laquelle sont nos Berbères de la science horticole est la seule cause de cette pénurie de bons fruits dans la contrée du monde qui pourrait peut-être donner les meilleurs.

(à suivre)
(La vie algérienne 07-01-1908)


L'instruction chez les Indigènes
Envoyé par M. Christian Graille

V Lettre d'un ami de la terre

               Une autre vérité c'est que lorsqu'un Kabyle jouissant de quelque aisance a un fils intelligent il en fait :
               - un fonctionnaire,
               - un avocat ou, pour le besoin,
               - un secrétaire-chaouch,
               - un khodja d'administrateur.

               Si de nombreux Kabyles étaient instruits dans l'art de créer des vergers, les bons fruits se trouveraient à profusion en Kabylie et le maraudage de ce genre n'aurait pas plus sa raison d'être alors, qu'il n'en aurait présentement pour les produits du figuier plus répandu et dont toutes les familles de nos Indigènes montagnards.
               On reste stupéfait devant le peu de cas que fait le Kabyle des arbres en général et de l'arbre fruitier en particulier. Les kabyles quand on leur en fait l'observation, répondent qu'ils ont :
               - des figuiers,
               - des oliviers,
               - des caroubiers,
               - des pêchers,
               - des pruniers, et quelques rares
               - pommiers et
               - poiriers ; mais ils n'ont greffé que l'olivier et le caroubier.
               Quant aux cinq autres ce sont des arbres adventifs, venus par des noyaux par le plus grand des hasards et presque toujours indépendamment de la volonté du possesseur. Pourtant l'arbre fruitier pourrait procurer l'aisance du Kabyle à peu de frais et de peines.

               Voici, entre mille, un exemple du parti que pourraient tirer nos Kabyles de l'amélioration de leur arboriculture.
               La bonne figue sèche de Kabylie vaut en moyenne, au détail, de 0,20 franc à 0,30 le kilogramme tandis que le pruneau d'Agen se paie de 0,80 à 1,50 le kilo suivant la qualité. Le prunier ne demande pas plus de soin que le figuier et il produit davantage.

               Ceux dits dattes d'Alger et quetsches d'Alsace produisent plus ici que dans leur pays d'origine. La prune ne perd pas plus de son poids à la dessiccation que la figue et aucune installation spéciale comme en Europe n'est nécessaire ici où le séchage du pruneau peut être fait par simple exposition au soleil, ainsi qu'il est pratiqué par le séchage de la figue.
               Les demandes de l'exportation sont plus considérables pour le pruneau.

               Il y a là évidemment une nouvelle source de revenus importants pour le possesseur de terrains appropriés comme le sont la plupart de ceux composants la Kabylie. Mais aille qui le voudra faire comprendre ces avantages aux Kabyles dans leur entendement actuel du progrès.
               Le progrès pour la Kabylie…. Mais c'est tout bêtement d'apprendre à lire et à écrire en français pour avoir un bon emploi dans l'administration française !

               A l'instar de nombreux autres colons nous savons ce qu'opinent nos Indigènes montagnards de l'amélioration de la culture fruitière et aussi ce que pensent nos Arabes de la plaine de l'amélioration du bétail de l'espèce bovine, comme on le verra prochainement.

(La vie algérienne 14-01-1908)


Instruction des Indigènes
Envoyé par M. Christian Graille
VI
Lettre d'un ami de la terre

                 Voici les exemples promis sur ce que pensent les Indigènes du perfectionnement de leur arboriculture et de leur élevage du bétail.
                 Frappé de ce que chez moi des prunes Reines Claudes tombées de l'arbre par excès de maturité avaient séchés sur la terre sans perdre aucune de leurs qualités, chose qui ne peut se produire que sous le climat du séchage naturel de la figue, autrement dit dans l'ambiance d'une atmosphère a suscité persistante j'eus l'idée, il y a trois ans, d'obtenir des prunes à sécher en greffant des sauvageons en pruniers dits " dattes d'Agen " et " quetsches d'Alsace " qui fournissent tous deux de bons pruneaux.

                 J'avais fait venir mes voisins berbères pour leur montrer mes arbres, comptant leur faire la démonstration du séchage des pruneaux ensuite. Je n'eus pas cette peine. Les Kabyles estimèrent qu'il était préférable de goûter d'abord les fruits pendant qu'ils étaient encore juteux et je manquai mon expérience et l'effet de ma démonstration pour le bon motif que toutes les prunes me furent volées, par une belle nuit, avant complète maturité.

                 Voici un autre exemple de nature différente :
                 Sur une autre de mes fermes, cette fois en pays arabe, ayant remarqué la faible quantité de lait que mes planteurs de tabac et mes khamès (métayers) extirpaient (c'est bien le mot), des mamelles de leurs vaches bédouines, non encore sans avoir eu à lutter de force contre les facultés rétractiles des pis de ses détestables laitières, je fis amener de la montagne un taureau de race bretonne que je mis à la disposition des Indigènes et de leurs voisins, en vue de l'amélioration de leur piètre race bovine par le croisement.
                 Eh bien ! Ici, comme là-bas, il n'y eut que tentation de ma part. Les produits de mon breton n'ont jamais vu le jour pour l'excellente raison que les Arabes ont préféré profiter de la bonne aubaine que leur envoyait Allah en leur mettant sou la dent la délicate chair d'un taureau gras à point et ne leur coûtant que la peine d'être abattu et dépecé…

                 Que de pauvres colons algériens, français, assassinés, morts des fièvres ou ruinés, n'en ont-ils pas vu de plus cruelles s'accomplir à leur détriment !
                 Qu'importe ma conviction n'en demeure pas moins inébranlable que ce qui m'est arrivé dans les deux circonstances précitées n'est que la conséquence fatale du défaut de savoir agricole et de leur ignorance, en général. Ce sont autant de raisons qui s'opposent à ce que je me départisse de l'opinion qu'il est de notre devoir et encore plus de notre intérêt d'y apporter remède le plus tôt possible par l'éducation et l'instruction rationnelles des enfants des fellahs

                 En attendant le nombre de nos musulmans, si prolifiques, grandit considérablement et les ressources que leur procure notre voisinage demeurent insuffisantes à leur subsistance.
                 L'accroissement disproportionné de cette importante partie de la population algérienne creuse et élargit encore l'abîme ouvert sur le chemin de l'avenir de ce pays par l'état de stagnation de la société musulmane.
                 Pour remédier à ces désagréments, il faudrait que, de leur côté, les musulmans s'ingénient à parer à l'augmentation consécutive de leurs besoins ; or ils ne tentent rien personnellement dans ce sens, s'en remettant philosophiquement à la sagesse de notre domination tutélaire pour être secourus en temps opportun.

                 On a préconisé la prompte européanisation des Indigènes comme moyen de les tirer d'embarras, oubliant que l'Arabe, en s'européanisant spontanément et brusquement ne prend de nos habitudes que ce qui est prétexte à dépenses sans jamais s'enquérir du génie de notre économie domestique qui en est le corollaire logique.
                 Le bénéfice moral à attendre du fonctionnement de nos écoles indigènes existantes aura-t-il le pouvoir d'aplanir les difficultés de la situation créée par ces particularités du caractère musulman ?

                 Non. Quiconque rêverait de donner aux jeunes musulmans l'instruction française devant fatalement, tôt ou tard, entraîner leur européanisation, sans leur montrer du même coup comment ils pourront suffire aux exigences de leur nouvel état, assumerait une lourde responsabilité devant la postérité des divers peuples appelés à vivre dans ce pays.
                 Il n'est pas un colon sensé qui ne proclame cette vérité. Pourquoi, diable !
                 L'administration n'ose-t-elle pas la proclamer aussi ?
                 Notre mission civilisatrice qui doit rester la raison noble de l'occupation française de l'Algérie nous commande, en tous cas, de ne pas tolérer que nos sujets musulmans demeurent plus longtemps dans l'état d'apathie, de marasme et de " farniente " qui est le propre de leur tempérament, tant au physique qu'à l'oral, qu'ils soient ou non lettrés, alors qu'autour d'eux la population européenne, sans distinction de races, s'agite dans une activité fébrile si profitable à notre civilisation.
                 Telles sont quelques-unes des raisons qui me poussent à préconiser l'éducation agricole des jeunes Indigènes en utilisant les fermes françaises comme écoles d'enseignement pratique d'agriculture, sans préjudice de notre système actuel de leur instruction dans les écoles indigènes dont je me plais à déclarer que la création répondait à une nécessité et dont je reconnais, du reste, sans restriction l'utilité

(La vie algérienne 21-01-1908)

 L'instruction publique
Envoyé par M. Christian Graille

                 Depuis quelques années, de grands efforts ont été déployés en France pour relever le niveau de l'instruction publique :
                - les dotations des établissements ont été augmentées,
                - des professeurs améliorés,
                - les méthodes perfectionnées et il n'est pas douteux que notre pays ne recueille les fruits de ses sacrifices.
                L'Algérie républicaine a, depuis longtemps, marché dans cette voie et l'on sait qu'elle tient un bon rang, proportionnellement au chiffre de sa population, pour le nombre des établissements d'enseignement et des élèves qui les fréquentent.

                Jetons, à cet égard, un coup d'œil en arrière et suivons la marche des progrès réalisés. En 1851, l'Algérie ne possédait qu'un lycée créé par le décret du 21 septembre 1848, et comptant 230 élèves.
                Les écoles primaires, au nombre de 230, étaient fréquentés par 12.766 élèves, dont 11.129 garçons et seulement 1.637 filles.
                L'enseignement supérieur était représenté par trois chaires d'Arabe, l'une à Alger (créée en 1836), la seconde à Constantine (1848), la troisième à Oran (1850), et par trois medersas ou écoles supérieures musulmanes à Médéa, Tlemcen et Constantine.

                Le décret de 1848 institua à Alger une académie avec un recteur ayant sous sa direction l'instruction publique, à l'exception des écoles arabes-françaises qui restèrent soumises à l'autorité du ministre de la guerre.
                Ces écoles furent créées par le décret du 6 août 1850 ; elles avaient pour but de recevoir ensemble des élèves indigènes et européens, sous la direction de maîtres français et d'adjoints musulmans.

                On fonda de grandes espérances sur cette institution, pensant qu'elle hâterait la fusion des races ; mais le résultat, sauf de rares exceptions, ne les justifia pas.
                Le moment, sans doute, n'était pas opportun.
                Le même décret établit à Alger, Oran, Constantine et Bône des écoles pour les filles musulmanes. Des maîtresses françaises furent chargées de leur enseigner non seulement notre langue mais encore nos procédés de couture et d'industrie domestique.
                Là encore, les espérances ne se réalisèrent pas car les mœurs locales veulent que l'on marie et surtout que l'on fiance les filles très jeunes et dès lors elles ne doivent plus sortir. On eut donc que des enfants à peu près abandonnées, qui très souvent tournèrent mal à leur sortie de l'école ; les autres en furent retirées trop jeunes pour avoir pu conserver des souvenirs utiles de leur éducation.

                Tant que les mœurs indigènes forceront les mères à vivre séquestrées, il n'y aura rien à faire sous ce rapport.
                Au fur et à mesure de l'augmentation de la population et de la création de nouveaux centres, des écoles primaires furent ouvertes dans toutes localités où l'agglomération était suffisante. Les maîtres laïques et les Frères de la Doctrine chrétienne fournirent le personnel enseignant pour les garçons.
                Dans les grandes villes, des institutions libres, laïque et congréganistes contribuèrent à répandre l'instruction ; enfin des collèges communaux furent successivement établis à Oran, Constantine, Bône, Philippeville, Blida, Médéa, Miliana, Tlemcen, Mostaganem, Sétif.

                Par décret du 30 décembre 1876, le collège de Constantine a été érigé en lycée et l'on attend que l'achèvement de l'installation matérielle pour que la transformation soit effective.
                Vers 1857, l'administration militaire s'occupa des moyens de fournir, à part, l'instruction secondaire aux indigènes, et, pour éviter tout contact entre eux et l'élément civil, on créa deux collèges impériaux arabes-français à Alger et Constantine et la direction exclusive en fut confiée à l'autorité militaire. Splendidement organisés, richement dotés, au moyen de centimes additionnels sur l'impôt arabe, ces établissements se trouvaient dans d'excellentes conditions pour réussir. Les directeurs, le personnel enseignant étaient parfaitement choisis.

                Les Caïds et fonctionnaires de tout grade reçurent, sous forme d'invitation, l'ordre d'y envoyer leurs enfants ; en même temps, il est vrai, on leur adressa des discours pour leur faire saisir tous les avantages qu'ils retireraient de ce sacrifice.
                Les Caïds se résignèrent et firent partir pour Alger et Constantine leurs enfants, comme s'ils les envoyaient en otage. Ces élèves habitués à être gâtés comme le sont les enfants mâles des indigènes riches, trouvèrent très dur l'obligation de se soumettre à une règle qu'on s'efforça de leur rendre la plus douce possible.
                Ils frayaient peu avec les petits européens et au lieu de prendre part à ces jeux bruyants qui font pour l'enfance une si heureuse diversion à la contrainte de l'étude, ils se retiraient dans les coins, et, mélancoliquement assis par terre, devisaient la tête sur les genoux ou traitaient des sujets que leur immoralité précoce savait rendre inépuisables.

                Du reste, les pères ne cessaient de les réclamer, et, quand ils étaient séparés depuis deux ans ils jugeaient que la preuve de leur dévouement à la France était suffisamment démontrée ; et puis le moment n'était-il pas arrivé de donner une épouse à l'héritier de la famille ? Et l'enfant partait emportant dans sa tête quelques rudiments confus qu'il s'empressait d'oublier en quelques mois.
                Il y eut, cependant des exceptions et l'on vit plusieurs enfants indigènes montrer une intelligence et une facilité d'assimilation étonnantes. Mais cela ne suffisait pas et, sans l'élément européen, les maîtres, pris de dégoût, se seraient vus forcés de renoncer à une tâche trop ingrate.

                En somme, les collègues arabes ne réussirent pas. En 1871, comme ils n'avaient pour ainsi dire plus d'élèves indigènes, on les supprima et on les incorpora dans le lycée d'Alger et dans le collège de Constantine. Actuellement les quelques indigènes qui se trouvent dans nos établissements d'instruction secondaire y sont soumis aux règles générales, sauf en ce qui a trait à l'instruction religieuse, et ceux qui sont susceptibles d'assimilation en trouvant les éléments dans la vie commune. C'est un simple retour à la logique et au bon sens. En même temps que l'administration militaire fondait les établissements d'instruction secondaire pour les musulmans, elle multipliait les écoles primaires en pays arabe. Toutes les villes étaient déjà pourvues d'écoles de ce genre ; on en plaça dans les petits postes et l'on envoya, pour les diriger au milieu des indigènes, des maîtres français.
                La réussite ne fut pas plus complète malgré les exhortations et les conseils adressés aux populations. Dans les villes où cependant la fréquentation de l'école n'offre aucune difficulté matérielle, on n'a jamais pu obtenir de résultats appréciables sauf dans les cas particuliers tenant au caractère spécial des habitants et à la manière de procéder du maître.
                Ce fut bien autre chose dans les campagnes où les possibilités sont réelles par suite de l'éloignement. En effet sauf dans la région de Grande Kabylie, où la population est assez dense, les tribus fractionnées en douars de quelques tentes ou réunions de gourbis, occupent de très vastes espaces et l'on ne peut demander à des parents de conduire chaque jour leurs enfants à dix ou quinze kilomètres de distance

                Et puis, les enfants, sauf chez les riches, sont occupés à la garde des troupeaux. La lettre publiée dernièrement par un Algérien francisé, M. Abd-Allah, fait très bien ressortir ces difficultés.
                Dans les villes c'est la négligence native de l'indigène, sa haine de tout ce qui est règle et demande un effort continu qui est la principale cause de l'irrégularité de la présence de l'enfant à l'école.
                Dans les campagnes il y a en outre impossibilité matérielle. A cela il faut ajouter la différence des mœurs, des usages, des pensées, avec lesquels les individus redoutent de se mettre en opposition, tout le monde n'ayant pas le courage de braver l'opinion publique.

                Enfin, pour les uns, comme pour les autres, il y a un motif pour ainsi dire supérieur, c'est le sentiment religieux ; ils ont contre nous une prévention que rien ne peut convaincre, car elle prend sa source dans ce fanatisme étroit qui est le propre de la religion musulmane et, s'ils se décident à apprendre quelque chose à leur enfant, ils préfèreront que ce soit les prières de l'islamisme et de la sainte écriture du Coran. Nous ne croyons donc pas qu'en ce moment, l'instruction donnée par nous aux indigènes soit comme on le répète depuis quelque temps un moyen pratique de les amener à nous ; il faut attendre une génération au moins.

                Monsieur Duponchel, à qui il a suffi de quelques semaines de séjour en Afrique pour étudier à fond la question algérienne l'expose et la tranche ex professo dans les cinquante premières pages de son livre. " La question ainsi comprise, dit-il, n'aurait pas été insoluble et par le peu que j'ai pu voir des races indigènes dans mon voyage en Algérie, j'ai pu acquérir la conviction que rien ne serait plus facile que de transformer en Français les Arabes et les Kabyles en leur imposant peu à peu nos mœurs, notre langues et nos lois civiles, tout en respectant leur foi religieuse… " Nous ne sommes pas du tout de son avis et nous ne croyons pas que " rien ne soit plus facile " que de transformer un peuple en un autre, en lui imposant des mœurs, une langue et des lois qui ne sont pas les siennes, surtout si ce peuple est musulman et que l'on veuille respecter sa foi religieuse. "Ce fut également comme moyen de civilisation et pour servir en particulier aux indigènes que le gouverneur général obtint, le 4 août 1857, la création d'une école secondaire de médecine et de pharmacie à Alger.

                On prononça dans ce sens de bien beaux discours d'ouverture mais les élèves indigène ne se présentèrent pas et ce fut à grand peine que l'on en réunit trois ou quatre auxquels on donna le logement et la pension au collège arabe, sans parler d'une foule d'autres avantages en les dispensant, cela va sans dire, des examens d'admission.
                Depuis le nombre des élèves indigènes n'a guère augmenté ; quelques-uns ont été reçus officiers de santé ou pharmaciens de deuxième classe, et l'on doit reconnaître que certains d'entre eux ont su par leur travail et leur intelligence se rendre dignes de ces titres. Mais, en résumé, c'est aux Européens et uniquement à eux que l'école d'Alger a servi et sert encore. Voici qu'elle est, actuellement, en Algérie, la situation de l'instruction publique dont l'organisation a été réglée par le décret du 15 août 1875 :

                
Enseignement supérieur

                1° L'école préparatoire de médecine et de pharmacie d'Alger. Le nombre des élèves qui ont suivi ses cours, en 1877, est de 77 dont 3 étrangers et 4 indigènes,
                2° l'observatoire d'Alger (aux termes de la loi dernièrement votée par les Chambres, l'école de médecine et l'observatoire sont incorporés dans l'Institut algérien),
                3° Trois chaires publiques d'arabe : à Alger (37 élèves), Oran (21) et Constantine (30),
                4° et trois medersa à Alger, Constantine et Tlemcen dirigées par des maîtres musulmans, sous la surveillance de l'académie et de l'administration. On y enseigne la religion, la grammaire et la jurisprudence musulmane.

                Depuis 1876, des cours de français, d'arithmétique, d'histoire et de géographie y sont faits par des interprètes militaires.

                En 1877, les trois medersa réunies ont reçu 129 élèves. Ces écoles préparent presque exclusivement le personnel de la justice musulmane.

                
Enseignement secondaire

                1° Les lycées d'Alger et de Constantine, le premier comptant à lui seul plus de 1.000 élèves,
                2° les collèges de Blida, Miliana, Médéa, Bône, Philippeville, Sétif, Oran Tlemcen et Mostaganem,
                3° un établissement d'instruction secondaire pour les filles inauguré à Constantine le 5 janvier 1880. Les cours sont faits par des professeurs du collège en attendant qu'un personnel féminin suffisant ait été trouvé.

                
Enseignement primaire

                1° 687 écoles dont 544 publiques et 143 libres, fréquentées par environ 51.000 élèves des deux sexes, avec une faible proportion en faveur des garçons ; sur ce chiffre les indigènes ne comptent que pour 2.000 environ,
                2° 24 écoles arabes-françaises en territoire militaire,
                3° 12 écoles congréganistes pour les indigènes établis en Kabylie et dans le sud à Laghouat et Boussâada,
                4° 2 écoles normales d'instituteurs à Alger et Constantine et une école normale d'institutrices à Miliana. Il faut ajouter à cela une école des arts et métiers en voie de création à Dellys.

                Enfin 163 classes d'asile, tenues par des Sœurs reçoivent 17.600 enfants des deux sexes. La population scolaire sans compter celles des asiles est d'environ 60.000 enfants, et encore, ce chiffre est-il sans doute dépassé maintenant.
                On le voit l'instruction publique est dans une situation satisfaisante en Algérie et les succès qu'obtient nos jeunes gens dans les concours avec leurs camarades Sur le rapport de l'honorable M. Paul Bert, la Chambre des députés a discuté l'année dernière le projet d'un établissement complet d'instruction supérieure à Alger. On a décidé la création d'une sorte de demi-faculté qui pourra être d'une grande ressource pour le développement intellectuel de l'Algérie.

                Malheureusement on s'est arrêté à un système mal défini et dont les désavantages ne tarderont pas à se faire sentir. En effet les professeurs seront dans une position d'infériorité vis-à-vis de leurs collègues de France et, de plus, ils délivreront des diplômes de second ordre, sorte de basse monnaie qui n'aura cours qu'en Afrique. Un député, membre de l'enseignement, M. Duveux a combattu avec force cette création hybride en proposant d'établir une vraie faculté ; les Algériens devraient lui savoir gré de ses paroles marquées au coin de la logique et du bons sens, et l'on a lieu d'être surpris que nos représentants ne l'aient pas soutenu et aient voté le projet.

                L'un d'eux, au contraire, a pris la parole pour approuver la création d'une classe de praticiens qu'on a appelés avec raisons des sous-officiers de santé, innovation dangereuse, inutile et portant une atteinte directe à nos lois sur l'exercice de la médecine. Espérons qu'avant de passer à l'exécution on ouvrira les yeux sur ces inconvénients.

L'Algérie en 1880 par Ernest Mercier 1880


L'ENSEIGNEMENT
Envoyé par M. Christian Graille
L'enseignement 1830-1962 : L' Enseignement primaire en Algérie

                 L'œuvre française en Algérie ne s'est pas limitée à l'assainissement des terres, au développement des voies et des moyens de communications, aux bienfaits de la médecine. Instruire par l'apprentissage de la langue française dans le respect des croyances et de la langue maternelle, répandre les connaissances et les idées modernes, former la jeunesse pour rendre plus apte aux métiers traditionnels et aux professions nouvelles : c'est ce que tentèrent les gouvernements des différents régimes, au prix de nombreux tâtonnements (mais l'entreprise était inédite) et malgré les obstacles de toute sorte.
                 L'article que vous allez lire ne prétend pas à l'exhaustivité mais se propose de rappeler les étapes essentielles de l'enseignement, des Indigènes surtout, depuis les premières tentatives de 1830 jusqu'au plan de scolarisation accélérée de 8 ans interrompu par l'indépendance … que l'enseignement français a, d'une certaine façon, préparée.
                 
Remarques préliminaires.

                 L'hostilité envers l'école française était majoritaire en Algérie de 1830 à 1880. L'école coranique qui apporte au peuple algérien la religion, la langue et les mœurs était l'agent le plus efficace de cette hostilité.
                 L'instruction était dispensée dans des Medersas (écoles supérieures), les Zaouïas (écoles primaires et secondaires) et les écoles coraniques. Les " talebs " (maîtres) de celles-ci, par leur double fonction d'instituteur et de religieux, jouissaient d'un grand crédit auprès des populations.
                 Il est bien difficile d'évaluer le nombre d'écoles primaires avant 1830, toutefois on l'estimera à 2.000 en 1860, rassemblant 27.000 élèves.
                 Leur nombre aurait baissé après 1830.

                 L'enseignement en arabe n'était pas généralisé.
                 Les " Berbérophones ", représentant le tiers de la population, ne parlaient ni ne lisaient l'Arabe. Sur les deux tiers restants, seuls les garçons fréquentaient les écoles coraniques et s'ils avaient appris à lire et à écrire quelques " sourates " du Coran (8 à 10), n'en savaient pas pour autant lire et écrire l'Arabe correctement.
                 Des officiers français tenteront d'imposer à l'école coranique des notions de Géographie et d'arithmétique mais en vain.
                 En 1900 le caïd Ben Rahal condamne l'école coranique : " Pauvre enseignement, pauvres moyens, pitoyable spectacle ". Mais l'enseignement arabe traditionnel assure la force, la pérennité de l'Islam, c'est-à-dire, de la religion, de la langue, des mœurs différentes. Conséquences : l'école française et l'école coranique, totalement différentes, vont s'opposer.
                 Chez les Juifs indigènes : une tendance favorable à l'enseignement français s'affirme dans l'ensemble. Leur attachement à la religion judaïque ne fait pas obstacle à l'enseignement moderne qui les prédispose à l'assimilation.
                 Chez les Musulmans indigènes, une infime minorité adopte et défend l'enseignement français. Citons parmi les pionniers Fatah Ben Brahim, admis premier au concours d'entrée à l'Ecole normale d'Alger en 1866, suivi par Brihmat Ahmed en 1883.
                 En 1891 les demandes d'instruction s'expliquent par l'aspiration à une promotion sociale : médecins, officiers, interprètes, maîtres d'école.
                 Ben Sedira, professeur d'arabe à la faculté d'Alger,
                 Soualah, docteur es-lettres,
                 Mohamed Bencheneb, professeur à la faculté d'Alger en 1900,
                 Benhabilès en 1914.
                 Ce sont leurs idées qui finiront par prévaloir ; l'école française sera alors réclamée par les Musulmans.
                 
I. L'opposition de certains Européens

                 En milieu européen, l'opposition se fonde sur des questions d'ordre économique des cultivateurs justifiées et approuvées par les sociologues.
                 La résistance la plus affirmée, dénommée par Albert Sarraut " l'esprit colon ", incarne la résistance au progrès de la scolarisation indigène. Notons que l'état d'esprit n'était pas différent en Métropole où les propriétaires terriens ne voyaient pas l'intérêt d'instruire les enfants, bras si utiles, de leurs fermiers !
                 Néanmoins des colons firent exception.

                 La loi de 1887 d'Eugène Etienne proclame que le fondement de l'école coloniale est et ne peut être que " l'intérêt " bien entendu et que le seul critérium à appliquer à " cette entreprise coloniale " c'est son degré d'utilité : c'est la somme des avantages et des profits devant découler pour la métropole. Cette loi de profit est celle même qui régit l'entreprise agricole du colon.
                 Dès lors, toute dépense budgétaire accordée à la scolarisation des Indigènes apparaît comme une déperdition des fonds improductifs, préjudiciable à la mise en valeur des terres. L'esprit " colon " sera la cible la plus vulnérable de l'anticolonialisme ; on lui reprochera l'extension de la propriété foncière européenne, l'exploitation de l'ouvrier agricole aux dépens des Indigènes en omettant par ailleurs l'action propre des défricheurs et le cas des nombreuses petites propriétés européennes qui végétaient et redoutaient la faillite.

                 Entre 1899 et 1908 l'opposition des colons s'exacerbe. Les subventions prévues qui figurent au budget de l'Instruction publique prévoient que les communes doivent en consacrer 40 % à la construction des écoles ; or il était prévu la construction de soixante écoles indigènes et cent vingt classes sans préjudice de dépenses inhérentes aux écoles communales européennes.

                 En 1908 l'opposition adopte un caractère extrême lors du congrès des colons d'Algérie en émettant le vœu que l'instruction des Indigènes soit supprimée.

                 Les sociologues, pour leur part, présentent les effets inéluctables à plus ou moins longue échéance de l'émancipation de l'Indigène par l'instruction.

                 En 1891 Jules Cambon constatait que c'était chez les Indigènes instruits par l'école française que l'on rencontrait le plus d'hostilité.

                 En 1932 le sociologue R Maunier a érigé en une véritable loi que dans toute colonisation le fait que le " civilisé " apporte au " colonisé " l'idée d'autonomie et de patrie se retourne tôt ou tard contre lui.

                 Quant à l'opinion courante, elle véhicule des motifs d'hostilité inspirés par un racisme simpliste : l'Arabe est inéducable par l'infériorité de sa race ou l'intensité de sa foi qui lui fermerait l'accès à la science. Ce sont des idées préconçues du même type qui, en Métropole, ont longtemps freiné l'enseignement primaire puis secondaire des filles, le risque de subversion familiale et sociale sous-entendant plus ou moins ouvertement la prétendue infériorité intellectuelle de la femme !
                 
Les défenseurs de l'enseignement des Indigènes.

                 Nous pouvons citer le conseiller général d'Alger Rauzière (1882), le député d'Alger Leteillier (1888), Jean Jaurès (1898), Marcel Bataillon, Amédée Briffa (professeur à Sétif puis à Alger), l'union des sections algériennes du syndicat national des instituteurs d'Algérie.
                 Le courant de pensée favorable à l'enseignement des Indigènes au sein des Européens en général reçoit toutes sortes d'affluences en provenance de l'armée, de l'Église, des francs-maçons, des partis politiques les plus divers et de l'Université.

                 Par delà les divergences philosophiques on y découvre trois constantes communes :
                 - une même fin, la pérennité de la présence française en Algérie,
                 - un même moyen, l'école,
                 - une même certitude, l'humanitarisme.
                 Ainsi deux idéologies s'opposent, le " pour" d'un côté, le " contre " de l'autre. S'y ajoutent la prodigieuse indifférence de la France et son peu d'intérêt pour les questions coloniales.
                 Il faut néanmoins mentionner une tendance nouvelle soutenue par des Musulmans nationalistes et traditionalistes, et les intellectuels progressistes. Elle consiste à mettre en accusation un système d'enseignement qui conduit à juxtaposer deux cultures dissemblables : occidentale et orientale, favorisant la première, annihilant la seconde. L'activité de ce mouvement ne peut que se renforcer au fur et à mesure des progrès de l'œuvre scolaire française que ses détracteurs peuvent attaquer sur deux fronts : celui de l'insuffisance tout comme celui de ses succès.
                 
II. Les premières tentatives : 1830-1880

                 Les trois régimes qui se succèdent en France après la conquête de 1830, la Monarchie de juillet, la Seconde République, le Second Empire, abordent le problème de la scolarité en Algérie sans plan organisé de sorte que durant cinquante ans cinq tentatives scolaires se succèderont :
                 - l'Enseignement mutuel Franco-Arabe,
                 - les écoles maures-françaises (1836-1850),
                 - les écoles Arabe - Français (1850- 1865) et l'enseignement arabe traditionnel,
                 - les écoles arabes-françaises (1865-1880),
                 - les écoles communales mixtes et la création de la première école normale.
                 
L'enseignement mutuel franco-arabe.

                 Il s'agit de l'adaptation à l'Algérie de l'enseignement mutuel existant en Métropole. Cet enseignement s'assigne des buts élevés : dans une école mixte, au point de vue ethnique franco-arabe en particulier, les jeunes Français enseignent leur langue aux petits Musulmans et … réciproquement. La formule permet le rapprochement pour l'échange des langues et des cultures.
                 En 1833, Paris décide d'ouvrir à Alger la première école de type mutuel mais les résultats ne répondent pas aux espérances. L'effectif s'élève à 201 élèves dont 143 Européens et 58 Israélites ; chez les Indigènes, c'est l'abstention. Cet échec initial n'empêche pas la création d'écoles semblables à Oran, Bône, Dély-Ibrahim, Kouba. Dans le même temps on ouvre des écoles israélites, dont une de filles.
                 Le bilan en 1839 pour la région d'Alger est le suivant : 1324 élèves suivent l'enseignement mutuel franco-arabe parmi lesquels 1009 Européens, 200 Juifs, 95 Arabes.
                 L'échec est patent, l'expérience abandonnée à partir de 1836.
                 
Les écoles maures-françaises (1836-1850).

                 La première école de garçons maure-française est créée à Alger en 1836. Elle reçoit 60 élèves encadrés par deux maîtres, l'un Français, l'autre Algérien musulman. Le premier enseigne la lecture, l'écriture, la grammaire, l'orthographe, l'arithmétique en langue française ; le second, la langue arabe et la religion de l'Islam afin de suppléer aux écoles coraniques.

                 1845 : la première école de filles musulmane voit le jour à Alger. Elle regroupe 150 filles ; les plus âgées reçoivent un enseignement pratique, broderie, dentelle, couture ; cette classe constitue le premier ouvroir d'Algérie ou " centre d'apprentissage féminin ".
                 Mais ce type d'école reçoit des effectifs trop réduits pour concurrencer l'enseignement traditionnel arabe des écoles coraniques ; son niveau d'enseignement est insuffisant. On décide donc une troisième tentative.
                 
Les écoles arabe-français (1850-1865)
et l'enseignement arabe traditionnel.

                 La Seconde République prend deux décrets successifs :
                 le premier, le 14 juillet 1850, est relatif à ces écoles pour quelques grandes villes seulement (régions pacifiées) ; il amorce aussi des cours d'adultes ; l
                 e second, le 30 septembre 1850, intéresse les établissements traditionnels d'enseignement arabe, de beaucoup les plus nombreux.
                 Ce décret crée 10 écoles arabes-françaises (6 pour les garçons, 4 pour les filles) à Alger, Oran, Mostaganem, Bône, Constantine. Il prévoit la gratuité des études. Ses programmes font référence à ceux de l'école maure-française : lecture, écriture, calcul en français et en arabe, quelques notions de géographie et de sciences naturelles et, pour les filles, des travaux d'aiguilles.
                 Deux maîtres se partagent les élèves.
                 La classe du matin est assurée par le maître-adjoint musulman et consiste essentiellement en une étude du Coran. Celle du soir est confiée au maître français et réservée aux autres disciplines mais il doit traduire ses explications en arabe, ce qui nécessite le plus souvent le recours du maître-adjoint en qualité d'interprète.

                 Les écoles de filles fonctionnent de même, avec quelques particularités : deux heures d'enseignement de la langue arabe (lecture du Coran), travaux d'aiguilles et repassage.
                 Cette école était plus arabe que française, ses programmes rudimentaires.
                 La réforme fut de faible envergure sauf pour l'affirmation de la gratuité, la suppression de l'enseignement religieux, la création d'un enseignement pour les filles.
                 Ces lieux d'apprentissage seront 18 en 1865.

                 Mais le niveau demeure faible et tout espoir de provoquer le dépérissement de l'enseignement coranique grâce à l'école apparaît vain et les religieux, qui ont conservé intact leur double prestige de responsables de la foi et d'instituteurs, sont devenus les adversaires les plus résolus de l'occupation.
                 Le même décret du 30 septembre 1850 se propose la rénovation de l'enseignement arabe coranique dans tout l'intérieur du pays où seules existent les Zaouïas (écoles primaires et secondaires). Il permet le maintien de l'enseignement traditionnel donné par les religieux tout en soumettant son fonctionnement au contrôle de l'autorité française (Gouverneur Général).

                 En 1857 une circulaire institue un brevet de capacité obligatoire pour tous les religieux et impose des inspections périodiques des écoles arabes par " les chefs de bureaux arabes ". Les épreuves du brevet de capacité révèlent l'insuffisance de la qualité de recrutement des maîtres. On assiste ainsi à une lente dégradation de l'enseignement coranique.
                 
Les écoles arabes-françaises de 1865 à 1880.

                 Le voyage de Napoléon III en Algérie relance la question scolaire avec l'idée de la fusion des races.
                 Le gouverneur Mac-Mahon propose de calquer les programmes de ces établissements scolaires sur ceux de la Métropole tout en les accommodant par deux mesures faisant une place importante à la langue arabe et à la réintroduction de l'enseignement religieux islamique.
                 Au début de la Troisième République le décret du 15 août 1875 stipule dans son article 1 que l'enseignement primaire est gratuit dans les écoles arabes-françaises des territoires de commandement, qu'il comprend les éléments de la langue française, la lecture, l'écriture en français, les éléments de calcul et du système de poids et de mesure ainsi que la lecture et l'écriture en arabe.

                 Les résultats sont d'abord faiblement positifs : 18 écoles en 1865, 33 en 1870, après quoi elles disparaissent régulièrement : 24 en 1873 et 21 en 1875. Le déclin de l'enseignement des Indigènes est alors consommé.
                 Les causes en sont multiples : outre la mauvaise assimilation de la langue française, et le refus des municipalités d'accorder leur assistance financière à ces établissements du fait de la lourdeur de ces charges (entretien des bâtiments, rétribution des maîtres-adjoints musulmans), citons l'alourdissement du climat politique, famine en 1867 et 1868, révoltes réprimées en 1864 et 1871.

                 Finalement le premier demi-siècle de l'Algérie française de 1830 à 1880 fut une période d'essais suivis d'échecs successifs. Notons qu'à la même époque en Métropole la langue française n'était pas maîtrisée dans toutes les provinces et que l'enseignement des filles était en retard sur celui des garçons. Les écoles communales mixtes ; création de la première école normale.
                 La seule issue qui se présente est celle des écoles communales mixtes ouvertes aux Européens et aux Musulmans. Il reste cependant à traiter le difficile problème de l'adaptation tant des maîtres français que des élèves indigènes.

                 Dès 1859 un instituteur, Vayssette, avait proposé " des maîtres spéciaux " dans " des écoles spéciales " soit des Indigènes formés par la France, soit des Français comprenant l'idiome des élèves.
                 La loi Guizot ayant rendu obligatoire, en Métropole, la présence d'une école normale dans chaque département, le Maréchal Mac Mahon, gouverneur général de l'Algérie, plaide la création de la première école normale d'instituteurs à Alger qui initiera les maîtres à l'usage de l'arabe parlé, à la connaissance générale des mœurs et les rendra capables d'adapter leurs méthodes aux habitudes intellectuelles des Indigènes. Le décret impérial du 4 mars 1865 donne raison à ces vœux persuasifs. La première école normale de garçons voit le jour à Alger.

                 En 1874 création d'une école d'institutrices à Miliana. En 1878 création de l'école normale d'instituteurs à Constantine. L'année 1880 est le seuil d'une nouvelle " ère " dans l'évolution culturelle de l'Algérie.
                 
III. L'enseignement primaire élémentaire du type métropolitain
(1881-1943)
Généralités.

                 L'enseignement primaire des Européens : l'école nouvelle, l'école laïque nous la devons à l'influence d'hommes éminents ; citons : Ferdinand Buisson (pédagogue), Marcelin Berthelot (chimiste), Paul Bert (biologiste), Jules Ferry (homme d'État).
                 En France la loi du 16 juin 1881 décide de sa gratuité ; celle du 28 mars 1882 la rend obligatoire de six à treize ans pour les enfants des deux sexes ; celle de 1936 porte la limite supérieure à quatorze ans (et prescrit une stricte neutralité confessionnelle).
                 En Algérie des dispositions analogues sont introduites par le décret du 13 février 1883 : une seule condition pour en bénéficier, l'usage d'une langue commune, le Français, concession indispensable que doivent consentir ceux dont la langue maternelle est différente, arabe, berbère, espagnol, italien, sous bénéfice d'ailleurs d'un bilinguisme dont l'avantage n'est pas douteux.

                 Le plan d'études de 1887 programme cet enseignement primaire dont les principes n'ont pas vieilli. Il entend limiter l'usage du " par cœur " au seul domaine des automatismes de base, condamne le verbalisme au profit de la réflexion, inaugure la méthode de la redécouverte à l'encontre de l'information passive, exige une pédagogie de l'action.

                 Le décret de 1892 précisera et réglementera les procédures du point de vue administratif et pédagogique.
                 Les instructions officielles de 1923 à1945 sont des variations sur des thèmes classiques ; ce sont ces mêmes principes qui, déjà profondément novateurs en Métropole, vont émigrer en Algérie ; ils vont constituer une révolution culturelle plus pour les Musulmans que pour les Européens et les Juifs.
                 La scolarisation doit faire face aux données démographiques suivantes : en
                 1881 la population scolarisable s'élève à 400.000 âmes dont 40.000 à Alger alors qu'en 1962 elle est de 1.000.000 (coefficient multiplicateur de près de 2,5).
                 Pour répondre à ce défi, une masse proportionnée de crédits, de maîtres, de locaux était nécessaire. La vitesse de scolarisation resta inférieure aux besoins ; les deux guerres mondiales, avec leurs pertes en hommes et les nécessaires restructurations en Métropole, ont dû freiner les progrès espérés en même temps que la population jeune augmentait considérablement.

                 En 1902, le taux de scolarisation des enfants européens était de 83 %. En revanche celui des Indigènes restera de 8 % ; il faut tenir compte d'un taux de croissance exceptionnel de la population des Indigènes : 22,2 % entre 1931 et 1954, puis de 1954 à 1966 de 35 %, c'est-à-dire l'un des plus forts du monde.
                 Cette exubérance démographique tient, certes, aux dogmes et aux mœurs des autochtones mais aussi à la science européenne, qui assainit les terres, les sols et peut guérir les maladies infantiles davantage que la médecine traditionnelle.

                 Sans entrer dans le détail des différents niveaux et catégories d'enseignement (public ou privé ; maternel, élémentaire, professionnel …) et de la diversité des élèves (européens, musulmans, garçons, filles), considérons quelques cas.
                 L'enseignement élémentaire privé accueillait 4,9 % des enfants européens et musulmans en 1952 ; 2,6 % en 1960. De 1952 à 1960 le nombre de classes élémentaires publiques (de garçons, de filles, mixtes) doubla quasiment : de 9.300 classes à 18.300. Les créations de Cours complémentaires d'enseignement général furent plus importantes encore, proportionnellement : le nombre en passera de 375 à 950 (de 1950 à 1959). Dans ces C.E.G., le pourcentage des filles musulmanes par rapport aux garçons musulmans passa de 9 % à 31 %.
                 
Un cas particulier : la Kabylie. Le décret de 1883.

                 Jules Ferry estima, après Émile Masqueray en 1881, que la Kabylie était de toutes les contrées d'Algérie la mieux préparée à l'assimilation, par le caractère, les mœurs, les coutumes de ses habitants. Il fut donc décidé d'y créer 8 écoles primaires directement imputées sur le budget de l'État, d'où leur nom " d'écoles ministérielles ", ceci afin d'éviter l'opposition éventuelle des municipalités.
                 Ce nombre de 8 correspondait aux écoles municipales et zaouïas qu'elles remplaçaient. Les instituteurs, européens, étaient secondés par un taleb pour l'enseignement du Coran. Une section spéciale fut créée à Fort-National sous la responsabilité d'un instituteur de Kabylie, qui avait pour mission d'initier les 7 autres instituteurs nommés dans ces écoles : 3 Français d'Algérie et 4 Métropolitains.
                 Ces écoles furent le germe d'où est partie la grande aventure de l'enseignement des Indigènes.

                 Le décret du 13 février 1883 transforma ces écoles en écoles communales ; l'enseignement y était gratuit et obligatoire pour les deux sexes. Trois sortes d'établissements étaient créées :
                 1° les écoles enfantines indigènes, identiques aux européennes ;
                 2° les écoles de communes de plein exercice, qui recevaient des élèves indigènes sans exclure les Européens. Le programme y était identique à celui des écoles primaires de France ; cependant, une épreuve de langue arabe ou berbère figurait au Certificat d'études, obligatoire pour les Indigènes, facultative pour les Européens.
                 3° Les communes dites " indigènes " conservaient à peu de chose près le modèle des écoles Arabes-Françaises de 1850.
                 Les progrès, du moins pour la scolarisation des garçons, furent notables. Vers 1887, certaines communes relayèrent l'État.
                 Plus largement, dans les trois départements d'Algérie, de nombreuses villes consentirent les sacrifices nécessaires à la construction d'écoles pour les Musulmans, ce qui confirme que toutes les communes n'étaient pas hostiles à l'instruction des Indigènes.
                 A la même époque en Métropole, c'était la construction de lycées pour les jeunes filles (correspondant aux collèges et lycées actuels) qui posait question : quel terrain ? Quels maîtres ? Quels programmes ? Et pour quelle finalité ?
                 
Les plans d'études et programmes
de l'enseignement des Indigènes 1890-1898.

                 Pour améliorer la qualité et les résultats de l'enseignement le recteur Jeanmaire fut chargé d'élaborer avec une commission les " nouveaux plans d'études et programmes de l'enseignement primaire des Indigènes ".
                 Ces plans d'études publiés en 1890, remaniés en 1898, renforçaient le caractère pratique de l'enseignement en mettant l'accent sur l'étude intensive du français et un début d'initiation professionnelle. L'exercice de langue évitait le recours à la traduction ; l'instituteur se transformait en maître agricole ou maître ouvrier après les cours (comme dans la plupart des écoles en Métropole).

                 En plus des écoles primaires élémentaires chargées d'enseigner l'agriculture, fut mis en place tout un réseau de cours d'enseignement agricole, remplacés dans les villages moins développés par des cours post scolaires agricoles. Ces différents cours avaient pour but de former les cadres indigènes subalternes et moyens capables d'essaimer dans le pays.
                 Les cours complémentaires d'enseignement agricole recevaient des élèves de 14 à 17 ans, pour trois années d'études. Les 36 heures hebdomadaires étaient réparties en 12 heures d'instruction générale, 9 heures d'agriculture théorique, 9 heures d'agriculture pratique, et 6 heures d'atelier.
                 Il était infiniment plus difficile de scolariser les filles musulmanes. Vers 1892, environ 150 fréquentent l'école, une dizaine d'écoles existent dont la survie est très aléatoire. L'Administration académique adopte pour principe l'adjonction d'un ouvroir à toute école de filles comme gage de succès. Le décret du 18 octobre 1892 prescrit de consacrer dans chaque école de filles musulmanes la moitié du temps aux travaux pratiques traditionnels : couture, dentelle, tissages de tapis orientaux, l'autre moitié étant occupée par le français et le calcul.

                 En définitive, ces plans d'études et programmes de 1890 et 1898 furent un projet novateur, audacieux ; leur réalisation dépendait de la formation et de la compétence des maîtres. Un décret de 1883 avait déjà créé un " cours normal indigène " ainsi qu'une école primaire supérieure annexés tous deux à l'E.N. d'Alger (il en existait une autre à Constantine) afin de former des maîtres indigènes. Ces cours furent supprimés en 1924 mais 800 instituteurs musulmans ont pu, grâce à eux, participer directement à la diffusion de l'enseignement français auprès de leurs coreligionnaires.
                 Un arrêté d'octobre 1891 avait créé une section spéciale d'adaptation des instituteurs français à l'enseignement des Indigènes annexée à l'E N d'Alger ; il fut plus tard fait de même à Constantine et à Oran.
                 
Les rythmes de la scolarisation des Indigènes de 1881 à 1942.

                 L'école primaire française avait tout à créer : locaux à construire, maîtres à former, programme à établir, c'est-à-dire vote de crédits très importants ; de plus, dans un pays montagneux et avec la langue de communication à implanter. Ce n'est pas tout : il fallait faire venir les élèves, convaincre leurs parents de l'utilité de cet enseignement pour l'avenir du pays, de leur famille, de leur enfant.
                 En 1882, les Musulmans fuient en général ces écoles, encore rares. Mais les crédits furent insuffisants. La scolarisation des filles dans l'enseignement primaire élémentaire progresse de 5% en 1900 à 20% en 1924.
                 Les territoires du sud posaient des problèmes spécifiques étant donné leur immensité et les dispersions des populations. 61 classes et 7 ateliers existaient en 1921 ; en 1948, 234 classes. L'enseignement français ne put s'enfoncer jusqu'à Tindouf, Tamanrasset, Fort-Flatters, Djanet qu'en 1905 ; en 1948 aucune oasis n'était dépourvue d'école.
                 Si en 1942 l'analphabétisme touchait 91 musulmans sur 100, des efforts considérables furent réalisés pour parvenir à un taux de scolarisation de 18%.
                 
IV. Les efforts d'après-guerre et le problème démographique
Le plan de vingt ans de scolarisation totale.

                 En janvier 1944, à la conférence de Brazzaville, le général De Gaulle, appelant à la lutte contre le nazisme et le fascisme, exalta les aspirations des peuples à plus de justice, de liberté, d'égalité. Cette conférence insiste sur la nécessité de donner à l'enseignement une impulsion accrue, pour les filles comme pour les garçons, en langue française exclusivement. D'où l'ordonnance du 7 mars 1944, prise à Alger, qui suscita un grand espoir parmi les Musulmans en élargissant le collège électoral musulman et en posant le principe que tous les Français Musulmans d'Algérie jouiraient de tous les droits et seraient soumis aux mêmes devoirs que les autres Français. La citoyenneté fut accordée à tous les Français de l'Empire le 7 mai 1946.
                 Le plan de " scolarisation totale de la jeunesse musulmane en Algérie " préparé dès 1943 prévoyait une période d'exécution de vingt ans (1945-1965). Il s'agissait de faire appliquer la loi de l'obligation scolaire.
                 Par extrapolation, une fois défalqués 400.000 enfants non scolarisables (nomadisme, habitat très dispersé), l'on prévoyait 1,2 million d'élèves européens et musulmans pour 1965, chiffre ramené à un million. Le plan admettait le recours aux classes à mi-temps tout en programmant la construction de 20.000 classes de 50 élèves.
                 La loi du 20 août 1945 encouragea le flux déjà considérable d'élèves vers l'instruction primaire en accordant une allocation familiale mensuelle sur présentation des certificats de scolarité.
                 
La fusion des enseignements européens et musulmans de 1949
et le problème de l'arabe.

                 La fusion s'opéra d'elle-même progressivement, le décret du 13 février 1949 généralisa une situation largement ébauchée. Le corollaire fut la création de classes d'initiation indigènes, parallèles aux cours préparatoires, pour renforcer l'apprentissage de la langue française pour les enfants de 6 ans, afin de réduire leur handicap linguistique.
                 
                 Dès le début de la présence française en Algérie, le principe de l'enseignement de l'arabe aux enfants musulmans avait été admis. Puis le décret du 13 février 1883 légalisa cet enseignement et celui du berbère.
                 L'arabe était obligatoire dans les écoles normales d'Algérie, en option dans les écoles primaires supérieures, enseigné dans les collèges et lycées en option, pour les Européens et les Musulmans.
                 La loi du 20 septembre 1947 reconnaissait la langue arabe comme " une des langues de l'Union Française " et affirmait que son enseignement serait organisé à tous les degrés. Seuls les lycées franco-musulmans, créés en 1951 par conversion des medersas, reçurent l'approbation des lettrés musulmans et des oulémas.
                 
Le plan de scolarisation accélérée de huit ans.
Les classes de pacification de l'armée.

                 Le plan " de vingt ans " présenté plus haut comportait des erreurs d'estimation révélées par les recensements de 1948 et 1954 : la population enfantine de 6 à 14 ans atteignait 2 millions puis 2,15 millions. Chiffres inattendus qui exigeaient de nouvelles mesures.
                 L'Assemblée Algérienne fit dresser l'inventaire des besoins scolaires et obtint l'ouverture de 1.800 classes nouvelles pour 80.000 enfants en 1952-1954.
                 Un programme de " travaux d'initiation communale " permit d'édifier des écoles dans les douars avec célérité, la population y participant parfois.

                 En 1955 la commission Le Gorgeu proposa des cours spéciaux de rattrapage pour les jeunes musulmans laissés hors du circuit scolaire, en vue de l'apprentissage d'un métier.
                 Créer des classes, construire des écoles, former et recruter des maîtres à la façon traditionnelle métropolitaine se révélait, face à l'expansion démographique, irréalisable. L'ordonnance du 20 août 1958 établit un " plan de scolarisation accélérée de 8 ans en Algérie " applicable de 1958 à 1965.

                 Entre 1949 et 1957, on avait pu construire autant de locaux que de classes créées. Or la rébellion, depuis novembre 1954, détruisait des écoles dispersées dans le bled : en mars 1956, on en a compté 296 endommagées, 11 détruites, 404 fermées par mesure de sécurité et 154 occupées par la troupe, soit 50.000 enfants privés d'instruction. Aussi, les constructions légères, des préfabriqués, les remplacèrent progressivement.
                 Le rythme de recrutement des maîtres devait être accéléré en proportion des constructions et ouvertures de classes. Il fallait donc créer des catégories nouvelles de personnel enseignant : instituteurs non-bacheliers, instructeurs, moniteurs.
                 L'armée, en accord avec le Rectorat d'Alger, rouvrit des écoles avec l'aide d'instituteurs civils, dans les zones pacifiées, sous sa protection. Dans les zones d'insécurité, ce sont des soldats-instituteurs qui enseignent. Des " centres de formation professionnelle " sont créés, d'où sortent des " moniteurs métropolitains de la jeunesse musulmane ".

                 La progression est spectaculaire : de janvier 1957 à octobre 1959, le nombre des écoles et des centres passe de 50 à près de mille ; les instituteurs et moniteurs étant 250 début 1957, cinq fois plus en octobre 1959 ; les élèves arrachés à l'analphabétisme pour " faits de guerre " passent de 2.000 à 70.864. Il s'agit parfois d'un enseignement à temps partiel, mais espéré et apprécié. Les classes de pacification de l'armée ne doivent pas être sous-estimées. Plus d'un siècle après la politique du duc d'Aumale, l'armée en Algérie n'avait pas renoncé à l'utilisation de " l'arme pacifique " de l'école. C'est un aspect des choses que les auteurs d'articles ou d'ouvrages sur la guerre d'Algérie ne révèlent qu'exceptionnellement.

                 Les nomades ne furent pas oubliés : après 1945, outre 5 classes de sédentaires à Tamanrasset, 3 classes nomades étaient intégrées aux tribus dont elles suivaient les déplacements. En 1949, deux autres classes nomades furent créées et, en 1959 la classe créée recevait en outre les parents touaregs dans un cours d'adultes. Le Hoggar était peuplé en 1957 de 10.776 habitants, dont 4.090 Touaregs, sur 375.000 km2.
                 
Conclusion

                 La " francisation " par l'école des immigrés européens de langues et de traditions différentes mais de religions et de cultures proches se réalisait rapidement, leur permettant d'exercer tous les métiers, toutes les professions et d'assurer l'encadrement nécessaire au développement du pays. Cet enseignement européen atteignait, dans tous les degrés, le niveau de celui de la Métropole : le fait de traverser la Méditerranée ne devait entraîner pour un élève métropolitain aucune diminution dans la formation et le savoir.

                 Il est indéniable en revanche que la France a tâtonné dans le domaine de l'instruction à dispenser aux populations autochtones. Nous venons de voir que ce n'était ni par ignorance ou mépris ni par mauvaise volonté : les essais furent nombreux, les problèmes posés étant très spéciaux. Faire accepter l'école française, pour les filles comme pour les garçons de surcroît, - différente par la langue et l'idéologie ; engager des sommes considérables pour construire, former et rémunérer des maîtres, puisque l'on partait de zéro : le problème ne se limitait pas à ces deux aspects essentiels. L'occidentalisation apparaissait d'autant plus nécessaire dans le cadre national que le peuplement européen demeurait très faible face à l'explosion démographique autochtone, fruit bénéfique de la colonisation. Préserver la culture propre à ce pays oriental tout en faisant connaître les idées occidentales d'égalité et de justice ; ne pas froisser l'attachement à l'islam tout en faisant respecter la laïcité ; imposer le français sans s'interdire de recourir à l'arabe ou au berbère, sans passer sous silence les œuvres de l'esprit en langue arabe, l'entreprise était très délicate.

                 Considérer les chiffres et les statistiques sans les replacer dans l'époque ne serait pas honnête. Il restait beaucoup à réaliser notamment dans les zones montagneuses mais l'idée était admise par la plupart des Européens d'Algérie que ce pays avait besoin d'une main-d'œuvre bien formée, pour l'agriculture notamment, mais aussi de cadres dans tous les domaines (économie, médecine, enseignement…) qui fussent des autochtones.
                 
Etude et rédaction de madame Marcelle Tournier,
notre doyenne, que nous remercions chaleureusement.
Commentaires, introduction et conclusion de
Josette Zevaco-Fromageot et Christian Graille.
Ce texte est fondé sur l'ouvrage
" L'Amicale des anciens instituteurs
et instructeurs d'Algérie et le Cercle
Algérianiste présentent : 1830-1962
Des enseignants d'Algérie se souviennent
de ce qu'y fut l'enseignement primaire "
publié en 1981.


Les voisins et les enfants
Envoyé par Eliane

           Deux voisins parlent de leurs enfants.
           - J'ai 5 grands enfants : l'aîné est ingénieur chimiste, la 2ème a eu son doctorat en neurosciences,
           la 3ème est chercheur en agro-alimentaire, le 4ème est docteur en philosophie, et le petit dernier est voleur..
           - Mais pourquoi ne le chasses-tu pas ?

           - Jamais de la vie ! C'est le seul à faire rentrer des ronds chez moi.
           Tous les autres sont au chômage !


L'Algérie du Centenaire 
Envoyé par M. Christian Graille
Vue par l'Université de France

                 Afin de permettre à un certain nombre de membres du corps enseignant de découvrir l'Algérie, le Comité métropolitain du Centenaire a mis à la disposition du Ministère de l'Instruction Publique des bourses de voyages ; en retour, les visiteurs devaient adresser, à l'issue de leur périple, un rapport sur leur voyage au Ministère.
                 169 purent donc, durant les grandes vacances de 1930 ou celles de Pâques de 1931, visiter le territoire :
                 20 institutrices et instituteurs,
                 66 professeurs d'école primaire supérieure et d'école normale,
                 2 inspecteurs de l'enseignement primaire,
                 7 professeurs du technique,
                 65 enseignants du secondaire,
                 1 inspecteur d'Académie,
                 8 enseignants du supérieur.

                 Pour certains la traversée de la Méditerranée n'avait nullement pour but essentiel l'enrichissement de leur bagage de souvenirs et de connaissances mais l'apprentissage d'un plus grand savoir professionnel afin de mieux enseigner à leur retour le pays qui les avait accueillis. Pour d'autres la préoccupation et l'intérêt étaient surtout culturels : l'Afrique romaine, la civilisation musulmane, la colonisation, la vie économique, la géologie, la faune, la flore.
                 Malheureusement plusieurs institutrices et instituteurs renoncèrent à solliciter une bourse ; ce choix ô combien regrettable s'explique, sans doute, par l'insuffisance de leurs ressources financières les empêchant d'envisager un voyage coûteux malgré l'aide proposée.
I/ Le pays

                 Tous ceux qui eurent la chance d'effectuer ce voyage visitèrent Alger, Oran, Constantine et le Tell ; ils restèrent un mois, parfois plus, allèrent jusqu'à Biskra, Touggourt, pénétrèrent dans le sud oranais, parcoururent la grande et la petite Kabylie, le Constantinois.
                 Les descriptions souvent enthousiastes de ces régions lues dans les manuels de géographie, les photos du défilé des Portes de fer, du ruisseau des singes, des villages kabyles ou d'une oasis avaient quelque peu magnifié cette province et la surprise fut grande lors de sa découverte ; tout n'était pas aussi idyllique qu'on pouvait le penser : aridité, grandes étendues désertiques, rocs nus et brûlés.
                 " La nature algérienne, est-ce la faute du moment, nous a semblé avare de richesses et d'aptitudes agricoles, pour tout dire d'un mot, hostile " raconte Monsieur Monlau, professeur à l'école primaire supérieure d'Oloron qui cependant a été séduit par le pittoresque de la vie indigène.

                Si, lors de ce voyage la terre algérienne a pu décevoir quelques amateurs de frais ombrages et de vertes prairies, les plus nombreux sont tombés sous le charme. Tous notent le contraste existant entre les parties cultivées et les étendues stériles ou laissées en jachère ; on apprécie la plaine de la Mitidja, ses riches villages, ses champs prospères, ses vignes, le charme de Blida, la ville des roses, Boufarik et ses orangers, la fertilité de certaines régions de l'Oranie. La magie et la fascination de ce pays gorgé de soleil ne les laissèrent pas indifférents:
                 " Ce que le Français du Nord ne peut imaginer avant de l'avoir vue, c'est la couleur des paysages ; ici le soleil et la sécheresse marquent le sol d'une forte empreinte et le font très différent de ceux auxquels nos yeux sont accoutumés. Sous le soleil de midi, la route de Bougie à Djidjelli offre aux regards émerveillés les couleurs les plus opposées. Aux pieds des falaises rouges, les oueds gonflés par le dernier orage apportent à la mer une boue sanglante colorée de larges taches de chocolat. Puis les tons s'adoucissent en des ocres et des beiges plus neutres qui tournent insensiblement au vert, tandis que, dans le lointain la mer se teinte d'outre-mer et de violet. Le soir, à l'heure où le soleil rase la cime des montagnes le même paysage apparaît entièrement décoloré, méconnaissable. Les montagnes, le ciel, la mer endormie ont pris les teintes translucides de l'opale et hésitent entre des bleus, des jaunes, des roses très doux " écrit avec enthousiasme Mademoiselle Legrand professeur à l'école primaire supérieure de Bar-Le-Duc.

                 Les paysages urbains retiennent également l'attention des visiteurs.
                 Le port d'Alger suscite une admiration générale ; la ville aux larges rues claires et propres plaît aussi, mais le quartier de la Kasbah, s'il séduit les amoureux de pittoresque, indispose par la saleté de ses ruelles ; beaucoup sont sensibles à la paisible fraîcheur des mosquées et à la délicatesse de leur décoration.
                 Oran, le grand port de l'ouest, a un type de vie très espagnol ; les jardins qui le dominent sont de toute beauté.
                 Constantine a enchanté les amateurs de pittoresque dans le contraste entre la ville européenne et le quartier indigène. Les visiteurs ont été fort intéressés et séduits par le travail effectué pour assécher la marécageuse et insalubre plaine de la Mitidja devenue un riche jardin.

                 Monsieur Drouot, professeur au lycée de Dijon, admire les paysages algériens plus que l'œuvre de la France dans ce pays. Cependant il reste admiratif devant le spectacle de la Mitidja : " Ce qui nous a en revanche ébloui, c'est le champ du colon, la belle Mitidja, gagnée sur le marais ".
                 Monsieur Francillon, professeur à l'école normale de Caen, retrouve en Mitidja, " les paysages familiers de France ". Et Mademoiselle Perron, institutrice à l'école primaire supérieure d'Embrun, y admire l'outillage moderne de l'agriculture. " Quelle douche pour mes préjugés ! Je croyais volontiers que seule la Métropole était un pays moderne entre tous … ".

                 Des enseignants considèrent qu'à leur retour en France ils enseigneront différemment l'Algérie et qu'il conviendra de sensibiliser les élèves en incitant les plus âgés à rejoindre la colonie. Certains ne s'attardent pas sur les impressions artistiques ou pittoresques pour se borner à signaler quelques faits de géographie physique, humaine et économique. D'autres sont davantage préoccupés de géographie économique : la culture de la vigne en Mitidja, le problème des communications, le mouvement des ports.

                 Mademoiselle Forest termine son rapport en déclarant catégoriquement :
                 " J'aime l'Afrique ! " Elle aurait tout aussi bien dit :
                 " J'aime l'Algérie ! "

                 Beaucoup ont été séduits par la magie du pays et plusieurs déclarent :
                 " Je reviendrai ".
                 Monsieur Baudoin de Gourdon a rapporté ample provision de gravures et d'affiches mais promet aussi un travail sur " les arbres et les bois d'Algérie " et une étude sur " les thermes et la question hydraulique chez les Romains d'Afrique ".
II/ La population

                 La vie indigène intéresse beaucoup les enseignants.
                 Monsieur Chabridon, instituteur à Hurriel dans l'Allier, note la désagréable impression suscitée par les indigènes qui, à l'arrivée du bateau, Ils se ruent, nombreux, loqueteux, sordides, à la descente des voyageurs, se disputant les valises, offrant leurs services avec une insistance et une persistance d'affamés. Et les petits cireurs donc ! Puis le long des quais contre les parapets, tous ces êtres indolents, pieds nus, drapés de burnous d'un blanc douteux, la tête protégée du soleil par quelque méchante chéchia ou quelque enroulement de toile, sont peu sympathiques ".

                 Ces sévères critiques faites, la bienveillance est cependant présente.
                 Monsieur Morel, de La Roche-sur-Yon, déclare : " Ce voyage m'a débarrassé du préjugé anti-colonialiste auquel j'étais enclin ; désormais je n'enseignerai plus l'Algérie comme avant ".
                 Il a été très difficile de franchir quelques portes de demeures musulmanes et le mystère entourant leur vie sociale est resté total.
                 Cependant Mesdemoiselles Collas, de Mayenne, et Loustau, de Salies de Béarn, brossent un émouvant tableau de l'accueil et de la gentillesse que leur a offert Si Mohamed Ben Dridi, cheik de Bou-Chagrouh lors d'une chaleureuse rencontre.
                 Mademoiselle Pinault considère avoir fait un beau voyage ; elle a, comme ses collègues, admiré la beauté originale des paysages algériens, essayé de pénétrer le mystère dont s'enveloppe la vie indigène, étudié les résultats de l'effort colonisateur de la France.
                 Monsieur Huetz, de Chartres, conquis par l'Algérie écrit : " Le seul attrait du climat est tel que faire connaître l'Algérie c'est lui procurer un jour ou l'autre des colons ".
                 Monsieur Gilles, instituteur au cours complémentaire de Langogne, constate : " Trop de différences trop profondes nous séparent encore. Sans aucun doute l'indigène hésite à entrer dans le courant de la civilisation, mais n'en doutons pas il y sera bientôt tout à fait quand l'instruction répandue et les œuvres sociales créées à son profit auront donné leurs fruits. La France peut être fière de son œuvre ".

                 Monsieur Denis, d'Orléans, donne une sympathique explication du succès que les lignes d'autobus rencontrent chez les indigènes :
                 " Les compagnies exploitent l'instinct séculaire du nomade … Famélique, loqueteux l'indigène passera des journées entières au soleil, sur l'impériale pour satisfaire sa passion vagabonde. Une vie nouvelle est née pour lui avec la voiture mécanique. Il en profitera donc et délaissera mulet et chameau. Mais en cela il ne fait que céder à la fatalité ; il s'installe dans l'autobus comme il s'est installé dans la vie française ; mektoub ! "

                 Les bénéfices d'un tel voyage sont importants car chacune et chacun en a puisé la quintessence. Un des jugements les plus significatifs reste celui de Mademoiselle Paparel, professeur à l'école normale d'instituteurs de Nîmes, qui note la force du patriotisme algérien : " Qu'il soit colon ancien ou de venue récente, instituteur indigène ou français, adolescent très fier de son certificat d'études ou pasteur à demi nomade, rassemblant tout son savoir pour décider la dame européenne à aller visiter Djelfa, il pense toujours que l'on ne peut venir en Algérie que pour s'y fixer et qu'on y est plus heureux qu'en France et qu'on ne saurait quitter cette terre d'Afrique quand on y est venu. Cet amour du pays est le gage le plus sûr de la bonne entente et de la prospérité ".

                 Tout n'est cependant pas idyllique dans ces réflexions :
                 Monsieur Ladoune, inspecteur primaire à Montpellier, considère que les Arabes ne consentiront jamais à se laisser assimiler à " la vie européenne ".
                 Monsieur Ruayres, professeur à l'école normale de Montauban, ayant conversé avec des instituteurs algériens, pense " que les programmes de l'enseignement indigène semblent maintenant insuffisants ; pas de géographie ni d'histoire alors que les enfants indigènes instruits dans les écoles d'Européens manifestent un vif intérêt pour l'histoire de France et s'enthousiasment pour la Révolution française.
                 Un enseignement du Français sans base grammaticale ; pas de leçons de sciences à proprement parler etc... "
                 L'optimisme reste cependant de rigueur.
                 Mademoiselle Bret d'Albi étudie avec soin la colonisation alsacienne à Haussonviller et l'organisation de Camp du Maréchal.
                 La question essentielle des rapports entre colons et indigènes a été perçue de façon différente.

                 Pour monsieur Guégeau, professeur au lycée Charlemagne " La mentalité de certains indigènes est bonne. L'interprète d'une commune des environs de Bougie, Ismaïl Major, ne disait-il pas " nous sommes aujourd'hui avec les Français comme des frères ".
                 Quant à Monsieur Guillot, professeur au collège de Wassy, il note que " les Arabes se croient supérieurs aux Roumis par leur religion et qu'ils peuvent tout se permettre vis-à-vis d'eux à condition de ne pas être pris ".
                 Monsieur Sautereau, professeur au collège de Blois, considère que l'Algérie est travaillée par des tendances autonomistes et que " les indigènes réclament les droits politiques qu'ils pensent avoir mérités par leur loyalisme et leurs services de guerre ".

                 Monsieur Dontenville, Inspecteur d'Académie de l'Allier et observateur averti, écrit que " la francisation par l'école est un magnifique succès de l'enseignement ".
                 Monsieur Gautier, professeur au lycée de Toulouse, déclare : " Il est évident, par exemple, qu'après avoir vu la forte position de l'Alger turque et l'anse de débarquement à Sidi Ferruch, je ferai mieux sentir aux élèves les raisons de l'attaque de flanc d'Alger en 1830 ". Huit membres de l'enseignement supérieur ont eux aussi effectué un périple intéressant et fructueux : Madame Hée, assistante à l'Institut de Physique du Globe de l'Université de Strasbourg, a visité le service météorologique de l'Algérie à l'Observatoire d'Alger-Bouzaréa et s'est particulièrement intéressée à la séismologie de la colonie. Les historiens ont été nombreux à tenter de retrouver les traces de la colonisation romaine. Les visites des sites de Timgad, Lambèse, Guelma et Hippone ont été très appréciées. Monsieur Boulanger, professeur à la Faculté des Lettres de Strasbourg dont l'enseignement est consacré au latin et à la civilisation romaine, s'est attardé dans la visite de Djemila et de Timgad mais il a pris aussi " une idée aussi complète que possible de l'ensemble du pays, de ses régions naturelles et de ses aspects divers ".

                 Monsieur Margaillon, professeur à la Faculté des Sciences de Marseille, est né et a été élevé en Algérie à Blida. Il n'y avait pas séjourné depuis 1925 ; son témoignage est donc particulièrement intéressant : " Je n'insisterai pas sur l'énorme changement que j'ai trouvé à Alger, changement un peu artificiel sans doute, dû en grande partie aux perspectives qu'ouvrait la célébration du Centenaire de la conquête. Mais une chose m'a frappé, que j'avais pressenti à mon précédent séjour : le développement prodigieux de l'automobile qui, en transformant les modes de transport, a en fait supprimé les distances, supprimé l'isolement du colon et donné certainement un essor inattendu à la colonisation.
                 Je crois que peu à peu l'Algérie tend vers la forme industrielle de la production.
                 Je rapporte de ce voyage d'étude à travers des régions si diverses l'impression d'un effort immense déjà fait, effort auquel l'indigène paraît vraiment s'intéresser.

                 En confrontant l'Algérie de 1930 avec l'Algérie de 1910 ou l'Algérie de 1890, je demeure étonné du changement survenu, peut-être plus dans les vingt dernières années qui les ont précédées. Je demeure étonné et émerveillé ".

CAHIERS DU CENTENAIRE DE L'ALGÉRIE
(cahier complémentaire)
L'ALGÉRIE DU CENTENAIRE
VUE PAR L'UNIVERSITÉ DE FRANCE
par M. Raymond Ronze Professeur au Lycée Louis-Le-Grand
(cours préparatoire à l'Ecole Coloniale)
Publication du Comité national métropolitain du Centenaire de l'Algérie

L'école d'agriculture de Sidi-Bel-Abbès
Envoyé par M. Christian Graille

                  C'est en 1880 que l'on enregistra la création de l'École pratique d'agriculture de Rouïba ; c'était la première tentative d'organisation d'un enseignement agricole en Algérie.
                  Un second établissement fut créé à Philippeville en 1900 et ce n'est qu'en 1905 que l'école de Rouïba devint l'Institut Agricole d'Algérie ; son transfert se fit alors à Maison Carrée à une douzaine de kilomètres d'Alger.

                  En 1914 Monsieur Charles Brunel, Directeur de l'Agriculture, conçut le projet de la création de l'école d'Agriculture de Sidi-Bel-Abbès. La première guerre mondiale retarda, malheureusement, pour de longues années cet ambitieux projet qui ne vit le jour qu'en 1930. Son implantation sur une superficie de 100 hectares permit d'y développer :
                  - la polyculture et notamment la vigne (25 hectares),
                  - les céréales,
                  - les fourrages,
                  - le maraîchage (4 hectares),
                  - les oliviers.
                  - Plusieurs élevages y furent développés.

                  Après la guerre de 1939-1945, la station expérimentale prit un nouvel essor et son développement s'accrut dans les domaines de la recherche et des essais de cultures irriguées (maïs, sorghos, betteraves, ricin etc.)
                  Elle devint École Régionale en 1947.

                  De 1930 à 1962 elle dispensa son enseignement à 800 élèves dont 317 Diplômes d'École pratique et 245 diplômes d'École Régionale.
                  En 1957, la création de deux classes préparatoires d'enseignement général destinées à faciliter l'orientation de jeunes ruraux ou citadins vers les études agricoles lui permit d'être assimilée à un véritable Collège Agricole.
                  L'école située à 2 kilomètres de la ville sur la route de Tlemcen était dotée d'infrastructures importantes :
                  - un domaine de 200 hectares dont 90 entièrement irrigables sur lequel toutes les cultures nord-africaines étaient pratiquées,
                  - un millier d'oliviers,
                  - une ferme expérimentale permettant la présentation, grandeur nature, de tous les métiers et travaux liés :
                  - à l'élevage,
                  - la mécanique,
                  - la menuiserie,
                  - la forge,

                  Le concours d'admission pour les candidats âgés de 15 à 19 ans comprenait trois épreuves écrites. Les élèves de l'enseignement secondaire pouvaient être admis dans la limite des places disponibles à la condition d'être en possession d'un excellent bulletin scolaire.
                  L'école gérait deux classes préparatoires et trois classes techniques ; l'enseignement était, bien entendu, technique et pratique et l'on suivait, au fil des saisons, les travaux effectués dans les champs ; les visites de fermes avoisinantes étaient également très importantes et très prisées des élèves.
                  Mais la rigueur des études n'empêchaient nullement détente et distractions.
                  Ils bénéficiaient :
                  - d'un cercle,
                  - d'une bibliothèque,
                  - d'une salle de jeux,
                  - d'un bar,
                  disposaient :
                  - de deux courts de tennis,
                  - de terrains de football,
                  - de basket,
                  - d'une salle de judo,
                  - d'un bassin utilisé comme piscine.

                  Afin de parfaire leurs connaissances ils participaient, chaque année, à un voyage d'études de huit à douze jours dans les départements voisins mais également à l'étranger.
                  En fin d'études ils recevaient le diplôme de l'établissement et étaient admis à se présenter à l'examen leur permettant d'obtenir le diplôme d'Études Agricoles du Second Degré ; muni de ce précieux sésame les lauréats pouvaient être recrutés à l'École Supérieure d'Agriculture Africaine à Maison Carrée ou présenter les concours d'adjoints techniques du paysannat et d'ingénieur des travaux agricoles.

                  Les emplois les plus divers leur étaient offerts :
                  - grandes exploitations,
                  - sociétés commerciales à activités agricoles
                  - organismes coopératifs,
                  - caves,
                  - docks,
                  - services de la protection des végétaux,
                  - de la restauration des sols,
                  - de l'expérimentation etc.

                  Pour conclure nous mentionnerons les autres écoles non citées dans l'article :
                  - Le jardin d'essai du Hamma (1918),
                  - la ferme école indigène de Guelma (1922),
                  - la ferme école d'Aïn Témouchent (1929),
                  - la ferme école d'arboriculture de Mechtas en Kabylie (1931).

Sources :
Bulletin spécial du soixante-dixième anniversaire
(1930-200) de l'école.

Tête de pipe André
Envoyé par M. Christian Graille

Ex-candidat au Conseil Général

                 Vous pouvez vous vanter d'être heureux. A mon second départ de Bel-Abbès au mois de novembre 1908, votre nom était marqué d'une croix noire et j'avais juré une tête de pipe d'extermination.
                Vous l'échappez belle, tout le fiel distillé depuis seize mois est perdu et vous pouvez-être certain que la tournée que Gay a prise à mon second numéro était du petit lait auprès de celle que je vous ai réservée.

                Mais soyez persuadé que si je vous épargne ce n'est pas par sympathie, je vous déteste profondément ; vous êtes :
                - hautain,
                - dédaigneux et
                - bête.
                Il a fallu que Merlat que j'aime bien vienne intercéder en votre faveur, c'est pour lui et par égard pour votre famille qui n'est pas responsable de toutes les saletés que vous avez faites.
                Vous pouvez en être reconnaissant à Merlat, il vous a sauvé la mise, j'étais décidé à mettre à nu toute votre vie et à vous montrer sous vos vilains côtés et vous savez vous n'avez pas à en être si fier que cela de votre vie privée !
                Je sais bien que j'ai eu tort de céder à ces considérations c'est de ma part une mauvaise action de vous épargner.

                Je faillis à ma tâche et à mon devoir, c'est presque une trahison.
                Et je le regrette ; parce que je n'ai jamais vu un être :
                - aussi antipathique,
                - aussi cassant,
                - aussi dédaigneux que vous ; passe que vous êtes absolument incapable de rien comprendre et de ne rien faire ; parce que vous avez encore, pardessus le marché, des prétentions qui n'ont d'égales que votre nullité et votre sottise.

                Parce que vous êtes le mauvais riche qui écrase les pauvres et les malheureux de son orgueil et de son argent, et que, il faut bien vous pénétrer de cela, Monsieur l'ex-candidat au Conseil Général, si on vous retirait cet argent, il ne resterait plus rien, et par votre éducation et votre instruction vous êtes inférieur :
                - au dernier charretier,
                - au dernier balayeur des rues,
                - au dernier gardeur de cochons et avec cela vous avez l'audace de briguer une place au Conseil Général. Ah ! Mon cher, vous devez être rudement calé en sociologie et en économie politique.

                Et vous croyez :
                - qu'il suffit d'être le fils de son père,
                - d'habiter dans un palais,
                - d'avoir six mille hectares et trois millions,
                - d'être vain comme un paon et bête comme un cent de dindons pour faire de la politique et être quelqu'un.

                Vous ne voyez donc pas que vous n'avez aucun ami, sauf Forget qui tourne autour de vous et vous cramponne comme un pou kabyle, parce que vous l'engraissez et lui rincez la dalle.
                Vous ne comprenez donc pas que quand l'on est riche comme vous l'êtes,
                - il faut se faire pardonner son argent,
                - donner autour de soi et
                - ne pas être d'une rapacité sordide.

                Ah ! Vous êtes socialiste, vraiment vous êtes socialiste et vous dîtes cela sans rire. Faudrait-il raconter une par une vos histoires. Vous avez exploité de malheureux ouvriers espagnols à Bel-Abbès comme à Saïda et vous en avez tiré tout ce que vous en avez pu.
Et voilà votre socialisme ! ! !
                C'est de l'humanité cela ! ! !


                Votre fortune, mais elle est faite du sang des malheureux. De chaque sac de blé que vous entassez dans vos greniers, de chaque tonneau que vous enfouissez dans votre cave, un cadavre pourrait sortir et vous crier à la face : " tu m'as assassiné ".
                Et, où sont-ils, ceux qui ont défriché vos propriétés, pour des salaires dérisoires ? Ils sont couchés à six pieds sous terre, morts de fatigue, de faim et de fièvre, laissant sans aucune ressource des veuves et des orphelins et vous, gras et repu, vous reposez tranquille dans le palais de feu Sananès, vous vautrant sur vos sacs d'or.
                - Vous n'avez donc pas de conscience ?
                - Et de quelle boue êtes-vous fait pour en arriver à un pareil degré d'aveulissement et d'égoïsme ?
                - Vous avez donc une pierre à la place du cœur ?
                Et vous ne craigniez pas, quand vous veniez parler de socialisme aux ouvriers pendant les dernières élections que le sang de vos malheureuses victimes ne vous monte à la gorge et ne vous étouffe ?
                Et vous n'aviez pas honte de mentir avec une pareille désinvolture ?
                Ah ! Tenez, je préfère m'arrêter, vous me portez sur les nerfs d'une façon terrible et je sens que si j'écrivais encore six lignes, je vous dirais des choses irréparables.

Maurice Bertrand
La Cravache oranaise (04-04-1909)

Tête à gifles
Envoyé par M. Christian Graille
Un gredin politique :
Le sieur Gay, Secrétaire général de la mairie d'Oran.
Rédacteur en chef du " Républicain sud-oranais "

                 Je désirerais que M. Colombani, maire d'Oran explique aux habitants de Sidi-Bel-Abbès comment se fait-il que le sieur Gay, fonctionnaire municipal, puisse être en même temps, sous un pseudonyme connu de tous : " André Valeri ", le rédacteur en chef d'un journal politique à Sidi-Bel-Abbès ?
                - Est-ce que M. Colombani l'ignore, ou est-ce que M. Gay, comme il le prétend, a assez d'influence pour se payer le luxe de se moquer impunément de la loi ?
                - Y aurait-il en cette troisième République deux poids et deux mesures, les uns pour les puissants, les autres pour les petits ?
                - Faudrait-il remplacer les mots d'Égalité et de Liberté qui figurent sur nos pièces de cent sous par ceux de despotisme et d'illégalité ?

                Non. Je ne veux pas le croire. Alors il y a là une situation intolérable qui ne saurait durer plus longtemps, et je ne doute pas que M. Colombani, qui passe pour un brave homme, ne mette fin à ce scandale et n'oblige son secrétaire général à résilier ses fonctions ou à sauter de la manchette du Républicain, il n'aura d'ailleurs pour être fixé sur la moralité et le passé du personnage qu'à terminer la lecture de mon article.

                Rendons à César ce qui est à César et à Gay ce qui est à Gay.
                Adrien Gay pour les employés de la Mairie, André Valeri pour la presse, Mioumiou pour les dames ; une trinité en une seule personne et une vie qui est un poème :
                - Petit,
                - le nez camus en pied de marmite,
                - les yeux profondément enfoncés dans l'orbite,
                - le regard faux, fuyant et hagard sous les verres du lorgnon,
                - les moustaches tombantes,
                - la mâchoire proéminente,
                - il a le profil d'un bouledogue hargneux, face simiesque de cabotin et d'histrion qui tendrait à prouver la vérité de la théorie de Littré sur l'origine commune de l'homme et du singe. Irrésistible par ses charmes physiques, cet homme aux conquêtes faciles prétend être la coqueluche de toutes les oranaises. " On se l'arrache, quoi ! ".

                Détesté et méprisé de tous, n'a laissé partout que de très mauvais souvenirs. Si aucune décence, ni dignité extérieure, s'est affichée avec les plus sales catins et a roulé dans toutes les boues et dans tous les ruisseaux…
                A Bel-Abbès il tirait à boulets rouges dans les jambes de Lisbonne et détestait cordialement Roidot, " avec qui, d'ailleurs, il était bien fait pour s'entendre ".
                Comment se fait-il que c'est aujourd'hui son plus cher ami ?
                Mystère, mystère, mystère !

                Il y a là quelque chose à éclaircir. A été intimement mêlé aux élections de mai dernier : Bastides a peut-être eu la naïveté de croire à la fidélité de Gay, c'est une erreur profonde ; le jour où Gay vit poindre l'étoile de Lisbonne au ciel Bel-Abésien, sa trahison fut décidée.
                Maintenant, bas les masques ! la comédie a assez duré, les dessous des dernières élections vont être remués et les gens qui agissant en sous-main à l'abri des bagarres ont envoyé les bonnes poires pour recevoir les coups et tirer les marrons du feu vont être à leur tour exécutés.

                Il faut que Bastides, Perret et leurs amis sachent que Gay a été une des causes de leur défaite ; c'est lui, leur ancien ami, lui que Bastides défendit envers et contre tous qui vint le dénicher à 1400 kilomètres d'ici, à Biskra ; il cherchait pour le compte du comité de Lisbonne un journaliste de combat très violent.
                Ce ne sont pas des accusations que je porte, je n'avance rien que je ne prouve, j'ai dans les mains une lettre de Gay datée de fin février 1908 ; il y a juste un an de cela ; cette lettre paraîtra autographiée dans mon prochain numéro. Voilà la valeur morale du monsieur et c'est encore Gay avec Trouin et d'autres qui fit campagne dans le petit oranais à la même époque.
                Patience pour les amateurs de curiosités, tout viendra en son temps ; les vieilles lettres et les vieux papiers sortiront un à un de la poussière ;
                il y aura des surprises et des grincements de dents.
                Je passe sur beaucoup de choses, sa vie est un roman et il faudrait dix gros tomes au moins pour résumer ses mauvaises actions. Dissimulé et hypocrite, il arrive très vite en feignant un républicanisme sans borne. Ce sont ces gens-là qui causent le plus grand préjudice à la franc-maçonnerie.
                Enregistre les claques et les coups de pied dans le derrière avec une maestria et un brio remarquables. Tout le monde se rappelle la soirée inénarrable où s'étant conduit comme un polisson, il reçut le châtiment qu'il méritait ; une formidable paire de gifles en plein Hôtel Continental. Horreur ! Ce sectaire, cet anticlérical farouche montra en cette occasion des sentiments chrétiens et, frappé sur la joue droite, il tendit sans sourciller la joue gauche…

                Fonctionnaire municipal, a agi en voleur ; tout le monde se souvient ici de l'histoire d'Ariba.
                Ariba, tailleur avait été naturalisé en vingt-cinq jours grâce aux démarches de Gay, et lui servit de prête-nom dans l'affaire des fournitures à la police.
                Gay acheta en gros un stock de tenues de confection, les repassa à la mairie comme vêtements faits sur mesure et empoche de ce fait un joli pot-de-vin.
                C'était, paraît-il un spectacle risible, les agents de police habillés comme des sacs avaient, les uns des pantalons trop courts, les autres beaucoup trop longs.
                Le malheureux Ariba roulé de mains de maître ne toucha pas un sou dans l'affaire et s'enfuit après avoir fait faillite ; Gay, lui, reçut comme juste récompense de ses escroqueries un avancement mérité. Profitant toujours de son poste de secrétaire, a dignement extirpé leurs économies à de pauvres employés de mairie, des malheureux pères de famille qui gagnaient 100 à 125 francs par mois, sous prétexte de vagues assurances ; il y trouva son petit bénéfice et profit.

                Je conclus, et je m'adresse au Secrétaire Général de Mairie, au fonctionnaire public : Vous êtes un misérable, vous avez profité de vos fonctions pour tripoter dans les deniers communaux et pour voler les plus pauvres.
                Je vous le répète, vous êtes un misérable, un ignoble gredin.
                Je ne trouve pas de mots assez forts pour vous flétrir, on devrait vous écrire au fer rouge sur le front ces deux noms : Judas Iscariote et Cartouche. D'autres qui ont fait beaucoup moins sont au bagne ou se balancent en haut d'une potence.

                Vous êtes trop lâche et trop vil pour me demander raison de ces vérités, car ce sont là des vérités. D'ailleurs je ne salirai pas mon épée en la croisant contre la vôtre ; on ne se bat pas avec des bandits de droit commun. Maintenant vous pouvez venir faire un tour à Bel-Abbès, au Républicain sud-oranais, on vous consolera ; allez à la mairie, vous pourrez juger des sympathies que vous y avez laissées.
                Vous êtes tellement haïssable que tous applaudissent à votre juste exécution.
                Vous n'avez qu'une seule excuse : tombé trop bas dans l'opprobre, vous ne vous rendez pas compte de votre infamie.

Maurice Bernard
La Cravache oranaise (07-03-1909)

Tous bandits !
Envoyé par M. Christian Graille

                  C'est M. Mermeix qui l'a dit dans le Figaro, en parlant non seulement des indigènes, mais aussi des colons d'Algérie.
                  Il manquait à ce publiciste, d'abord boulangiste, quand il avait tout à espérer, puis anti-boulangiste, après la débâcle, jusqu'au point de vendre ses anciens amis dans ses scandaleuses coulisses, il manquait à ce Judas politique un fleuron à sa couronne d'infamie. Il vient de le prendre en faisant œuvre antipatriote, en se posant comme insulteur, à gages sans doute, de l'Algérie et de ses laborieux et fiers pionniers.

                  Après avoir versé, d'une plume bileuse, quelques larmes de crocodile et d'encre sur le sort des infortunés colons de la région de Guelma, légitimement exaspéré du peu de sécurité dont ils jouissent, M. Mermeix, tout en la déplorant, s'en prend à nous, à notre régime civil de cette insécurité qu'il n'a pu moins faire que de constater pendant son cours séjour dans la colonie.
                  Parties d'aussi bas ces injures ne sauraient nous atteindre Mais l'organe qui les a accueillies a trop d'importance en France pour que nous n'ayons à cœur de nous disculper et de mettre au point, de réduire à leur juste valeur des ac.

                  Voici un échantillon des appréciations de nos colons de M. Mermeix qui, en Algérie a recueilli ses documents dans quelque café maure de la Kasbah d'Alger, sans doute :
                  " Pour le colon, l'indigène est un être inférieur qu'on a eu tort de ne pas réduire en esclavage. Il n'est là que pour servir le colon. On ne lui doit rien. Sa terre, il ne l'occupe que par tolérance car chacun sait qu'on a le droit de l'exproprier, droit du plus fort sur le plus faible.
                  J'ai vu ici des hommes honnêtes, doux, bons pères de famille, commerçants probes. Ces braves gens quand on leur parle des indigènes changent brusquement d'aspect. En une seconde le bourgeois placide et qui serait honteux de laisser une échéance en souffrance pendant vingt-quatre heures, devient un être cruel. Il dépouille tous ses scrupules.

                  Malheur à vous si vous lui faîtes remarquer :
                  - que ces lamentables hommes en guenilles sont des hommes,
                  - que les travailleurs kabyles qui déchargent les marchandises sur le port sont dignes d'intérêt,
                  - que ces cultivateurs nomades de Kabylie qu'on a expropriés ont peut-être quelque raison de n'être pas enthousiasmés de la situation qu'on leur a faite,
                  - que les malheureux qui paient tous les impôts, quand les colons n'en paient aucun ont peut-être le droit de dire qu'on abuse, vis-à-vis d'eux, du droit du plus fort ".

                  Ainsi, aux yeux de M. Mermeix, nous sommes ici, en Algérie une population entretenue, c'est le terme dont il se sert, vivant sur le dos de l'indigène.
                  C'est toujours la même antienne que ce soit le sénateur Pauliat ou le député Mermeix. La France est venue en Algérie pour bâtir des villes aux indigènes, pour leur faire des routes, des ponts et des chemins de fer.
                  Toutes ces améliorations accomplies, le pays étant mis en valeur, il ne lui reste plus qu'à prendre ses clics et ses clacs, comme on dit vulgairement, pour aller :
                  - planter,
                  - bâtir,
                  - coloniser,
                  - civiliser ailleurs pour le compte de quelque autre peuple sauvage et arriéré.

                  Si un Anglais avançait pareille hérésie en pleine chambre des Lords, il n'y aurait pas assez de pommes cuites de l'autre côté du détroit pour l'obliger à se taire.
                  En France, on le laisse dire, on l'approuve même.
                  Une colonie de plus ou de moins qu'est-ce que cela peut bien faire ?
                  La France a versé assez de sang jusqu'ici pour le compte des autres.
                  Elle peut continuer. Il y a trop de petits Français.

                  Ces pauvres indigènes on les dépouille de leurs terres en les leur faisant payer par-dessus le marché !
                  - L'état civil des indigènes,
                  - la constitution de la propriété indigène,
                  - l'assurance mutuelle des indigènes,
                  - autant d'institutions faites dans l'unique but de mieux les pressurer, de mieux les anéantir ! Et ils ne font que croître en population, et nous ne sommes pas trois cent mille colons français contre plus de trois millions d'indigènes.

                  Algérie est une nouvelle Irlande. M. Mermeix s'étonne tout naïvement que les indigènes paient plus d'impôt que nous, quand ils sont dix fois plus nombreux et comme si le colon d'Algérie :
                  - ne payait point l'impôt du sang,
                  - ne payait point ses contributions diverses directes,
                  - ses patentes,
                  - ses impôts municipaux comme tout autre, avec un tempérament tout naturel dû à des nécessités économiques, à des difficultés d'établissement inhérentes à une entreprise coloniale qui a seulement soixante ans d'existence.

                  Mais peut importe à M. Mermeix d'être logique avec lui-même. C'est là le moindre de ses soucis car il se sent la patte bien graissée.

A . Blanc.
La gazette algérienne (12-01- 1891)


Couper les oreilles
Envoyé par Mme Annie

         Un instituteur en Afrique, essayant d'apprendre les 5 sens à ses élèves :
         - Qu'est-ce qui se passe si je te coupe les oreilles ?
         - J'y vois plu rien, Msieur!"
         - Mais non, les oreilles !"

         - Mais si, Msieur ! Si tu me coupes les oreilles, la chéchia, elle me tombe sur les yeux !!"


QUELQUES PAGES D'UN VIEUX CAHIER

Source Gallica

Souvenirs du Général Herbillon (1794 - 1866)
Publiés par son petit-fils

        CHAPITRE XVIII
        Grand officier de la Légion d'honneur (avril 1850)..
- Commandant de la 1ère brigade de la 3ème division active
de l'armée de Paris (1851). - Départ du général Baraguey d'Hilliers. - Journées de décembre (1851).
- Général de division (22 décembre 1851). - Départ pour Bourges (1852). - Remplacé par le général duc de Mortemart, il est nommé au commandement d'une division à Lyon (février 1852).

        Promu à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur par décret du 26 avril 1850, le général Herbillon quitte Toulon en 1851 pour se rendre dans la capitale où, par décision ministérielle du 15 février, il devait prendre le commandement de la lie brigade de la 3ème division active de l'armée de Paris.
        On est dans une période troublée, et les esprits suivent avec anxiété le cours des événements tout en se livrant à force commentaires. Cependant, les souvenirs sont à peu près muets, et nous pouvons seulement relever pour 1851, les quelques lignes suivantes presque immédiatement suivies du récit du coup d'État.

        Aujourd'hui 17 juillet, les généraux de l'armée de Paris et tous les officiers supérieurs furent convoqués pour rendre visite à M. le général Baraguey d'Hilliers qui quittait le commandement en chef de cette armée, et qui, avant son départ, voulait nous présenter son successeur, M. le général Magnan.
        Le général Baraguey d'Hilliers paraissait peiné de quitter l'armée de Paris et il nous exprima ses regrets dans une allocution simple et fort émouvante.
        Cet homme vif, tranchant, aux mots à l'emporte pièce, sut pendant son commandement s'attirer la sympathie de ses subordonnés. Accessible à tous, son caractère franc avait vite fait de vous mettre à l'aise et son passé inspirait la plus grande confiance.

        Le général Magnan qui prenait le commandement à la date de ce jour nous adressa quelques mots dans un discours approprié à la circonstance, qui produisit le meilleur effet.
        Comme de coutume, ce changement a donné lieu à beaucoup de commentaires suscités par l'inquiétude générale des graves événements qui d'un moment à l'autre peuvent surgir.
        Je me rappelle-encore l'attente anxieuse qui existait dans toute la population de la capitale, lorsque le 4 novembre, la Chambre fut réunie. Le Message du Président qui fut lu, fut écouté avec attention, et, comme ce n'était qu'un simple compte rendu, aucun signe de mécontentement ne se manifesta.
        Mais, le 6 novembre, MM. les questeurs déposèrent une proposition tendant à ce que le Président de la Chambre fixât les forces militaires nécessaires pour assurer la sécurité de la représentation nationale, en se basant sur l'article 1 de la Constitution. Cette proposition jeta une grande inquiétude surtout dans l'armée qui vit que, si cette proposition était acceptée, il y aurait ainsi deux camps et de là, en cas de conflit, guerre civile et de toute façon destruction totale de la discipline et naissance de l'insubordination. Heureusement qu'elle ne passa pas.

        De ce moment, la Chambre perdit beaucoup dans l'esprit du peuple et surtout dans celui de l'armée qui ne balança plus entre les deux pouvoirs et se tourna entièrement vers le pouvoir exécutif qui sentit qu'il pouvait compter sur elle.
        La proposition des Questeurs n'ayant pas abouti, la Chambre ne se tint pas pour battue et fit paraître le projet de loi sur la responsabilité des ministres et du Président.
        Les débats allaient commencer et il était évident que l'hostilité flagrante contre le Président ne manquerait pas de prendre un nouvel essor et que le résultat serait sûrement sa déchéance, probablement son arrestation. Il crut qu'il était temps d'agir et mit à exécution ce qu'il projetait depuis longtemps.

        Le 1er décembre, la soirée du lundi à l'Élysée avait réuni beaucoup de monde; on circulait comme de coutume dans les salons; rien dans le maintien du Président et de son entourage ne pouvait laisser présumer que dans la nuit un coup d'État allait éclater, et cependant toutes les mesures étaient prises pour agir vigoureusement.
        Tous les officiers généraux de l'armée de Paris, nous nous trouvions à la soirée présidentielle; aucun de nous n'avait été prévenu de ce qui se complotait.

        Parfaitement tranquille et ne me doutant nullement des changements survenus pendant la nuit, je reçus le 2, à 6 h. 30 du matin, l'ordre de me rendre sur la Place de l'Hôtel-de-Ville à l'heure même où je recevais la dépêche. Persuadé qu'il y avait erreur, je ne me pressais pas quand mon aide de camp arriva m'annoncer le coup d'État. Je m'habillai un peu plus vite, et je me rendis au point désigné où je trouvai le général de division Levasseur, avec le 9ème bataillon de chasseurs. Le 3ème de ligne et le 6ème léger arrivèrent presque en même temps que moi à 7 h.30.

        Les troupes de la brigade restèrent toute la journée massées sur la Place de l'Hôtel-de-Ville. Beaucoup de curieux circulaient dans les rues, lisaient les décrets, faisaient des commentaires, examinaient l'attitude des troupes, mais ne faisaient preuve, au moins ostensiblement, d'aucune manifestation hostile. Les heures se passèrent sans incidents, le soir, les troupes rentrèrent paisiblement dans leurs quartiers, la nuit fut tranquille.

        Le 3, les mêmes dispositions que la veille furent prises, mais dès le matin il fut facile de s'apercevoir que quelques mouvements s'effectuaient dans certains quartiers de Paris. Le nombre des curieux était plus considérable, quantité d'ouvriers se promenaient en désœuvrés, des gens à figure sinistre sortaient de tous les côtés. Cependant la journée ne fut pas troublée, et ce n'est qu'à 5 heures du soir que des sergents de ville vinrent prévenir le général de division que des barricades s'élevaient dans les rues Rambuteau, Beaubourg, d'Aumaire, Saint-Martin et les rues adjacentes.

        Le général de division me fit appeler et me donna l'ordre de prendre avec moi le 9ème chasseurs à pied et une pièce de canon, et d'aller enlever les barricades de la Rue Rambuteau. Arrivé à la hauteur de la rue Beaubourg, je trouvai une barricade qu'une compagnie du 33ème occupait sans cependant s'être hasardée à passer outre. Je franchis cette barricade avec une compagnie de chasseurs, et au débouché de la rue Saint-Martin, je trouvai affluence de gens en blouse qui nous reçurent aux cris de "Vive la Republique sociale et démocratique! A bas le tyran ! " Je les fis sommer par le commissaire de police de se retirer, ils répétèrent leurs cris. Je fis signe aux chasseurs d'approcher, mais sans que je leur en eusse donné l'ordre, ils firent feu dans la rue Saint-Martin, du côté des quais. Je relevai immédiatement les fusils avec mon épée, mais cette fusillade d'une seconde tua deux hommes et en blessa quelques-autres.

        Au bruit des coups de fusil, toute la foule se sauva et le terrain fut entièrement déblayé. Je retournai vers l'Hôtel de Ville; en revenant, les chasseurs enlevèrent toutes les planches qui avaient servi à élever des barricades dans la rue Rambuteau, les mirent sur leurs épaules et, arrivés sur la Place, en allumèrent un grand feu.
        A peine étais-je revenu, que de nouveau on avisa le général de division de l'établissement de nouvelles barricades. Il y envoya le colonel Chapuis du 3ème de ligne, avec un bataillon de son régiment. Cet officier supérieur remplit sa mission avec une grande intelligence, culbuta les défenseurs de la barricade, mais, comme il faisait nuit, il perdit quelques soldats qui furent tués.
        L'ordre fut ensuite donné aux troupes de rejoindre leurs quartiers respectifs.

        La journée du 4 s'annonça froide et pluvieuse, les troupes furent réunies sur les mêmes emplacements que la veille. Pendant la nuit, de nombreuses barricades avaient été faites et la quantité en augmentait à chaque instant. L'Ordre émané du Général en Chef étant de ne pas faire d'attaque partielle, on laissa donc les affiliés aux sociétés secrètes et tous les gens qui à Paris se livrent au premier payant continuer leurs constructions. Quand on fut certain que toutes les barricades étaient dressées, on donna l'ordre de marcher sur les quartiers dont les gens du désordre s'étaient emparés.
        La 1ère brigade que je commandais fut divisée en deux parties : la première, sous les ordres du général Levasseur, marcha droit sur les boulevards par la rue du Temple ; la seconde prit avec moi la rue Rambuteau, puis la rue Saint-Martin, pour rejoindre le général Levasseur sur les boulevards.

        Le général Marulaz se dirigea vers la rue Saint-Denis, le général Dulac vers la rue Montorgueil, le général Carrelet avec la 1ère division suivit les boulevards, et la Garde républicaine les quais.
        A 2 heures de l'après-midi, tous ces mouvements se firent simultanément, et les insurgés se trouvant cernés de tous côtés, ne purent tenir.
        La colonne que je commandais eut à parcourir les rues Rambuteau et Saint-Martin et à agir sur les rues adjacentes. Six barricades furent enlevées. Celle de la rue Rambuteau, qui fut attaquée par le canon, soutint un instant l'attaque. J'eus quatre à cinq hommes blessés. Le tambour-major du 3ème de ligne fut tué dans la rue Saint-Martin. La barricade établie près de l'église Saint-Nicolas et de la rue Grenétat résista quelques minutes au tir du canon et fut enlevée par une compagnie de grenadiers du 3ème de ligne.

        Trois gamins furent trouvés derrière la barricade et me furent amenés. Ne voulant pas les traiter comme s'ils étaient des hommes, je leur fis donner quelques tapes sur les fesses et les renvoyai chez eux. Dans les journées des 3 et 4, la brigade compta 5 tués et 35 blessés.
        Au moment où je faisais attaquer la barricade de la rue Grenetat par le canon, on m'apporta un éclat d'obus qui provenait de la colonne du général Levasseur qui était entrée dans la rue Saint-Martin du côté des boulevards pendant que je me rendais moi-même sur ces mêmes boulevards qui étaient le point de réunion convenu.

        Cet officier général qui n'a jamais pu rester en place, et qui était contrarié de voir ses lieutenants en faire plus que lui, fit marcher contre la barricade des Arts-et-Métiers dont j'étais à peu de distance ; il en résulta quelques hommes tués et blessés.

        A 5- heures du soir, tout était terminé ; des bataillons et escadrons campèrent sur les boulevards et aux points principaux. Soit que l'élan de la troupe et les dispositions prises eussent déconcerté les gens du désordre, il n'y eut en somme que peu de résistance, et cette guerre de rues, si elle fut déplorable, ne fut pas très meurtrière.

        Le lendemain, vendredi 5, les colonnes parcoururent les diverses voies qui avaient été le théâtre de l'insurrection, des postes furent placés dans des maisons pour éviter de nouveaux rassemblements, les magasins s'ouvrirent, la circulation des voitures et des piétons reprit normalement et la capitale rentra dans l'ordre et dans la tranquillité.

        Le dimanche matin 7, tous les postes placés dans les rues furent retirés, et pour beaucoup de Parisiens le coup d'État du 2 décembre n'était déjà plus qu'un souvenir lointain. La soirée présidentielle du lundi eut lieu comme d'habitude, l'assistance y fut plus nombreuse qu'avant les journées de crise, car beaucoup de gens qui s'étaient mis prudemment sous le boisseau reparurent. De ce jour commencèrent plus que jamais hommages, souplesse, sollicitations et chasse aux places.

        C'est à cette soirée que Saint-Arnaud, ministre de la Guerre, me dit que j'avais par ma conduite gagné les trois étoiles. Je crois que je les avais beaucoup mieux gagnées à l'affaire de Zaatcha. Le général Randon qui me félicita amicalement, fut de mon avis.
        Nommé général de division le 22 décembre, je fus désigné quelques jours après (31 décembre) pour prendre le commandement de la 19ème division militaire qui venait d'être rétablie. Je quittai donc Paris le 8 janvier 1852 et, le soir même, à 4 heures, j'arrivai à Bourges.

        J'étais très occupé avec M. le préfet de Barral et le procureur général Corbin à terminer les affaires de la Commission mixte relative aux insurrections du Val de la Loire et aux affiliations des sociétés secrètes, lorsque, le 18 février, je reçus une lettre du ministre de la Guerre ainsi conçue :
        Confidentiel. Paris, le 17 février 1852.
        Mon cher Général,
        Vous m'avez depuis longtemps appris à compter sur votre dévouement et je viens vous en demander une preuve de plus.
        Pour des raisons politiques que vous comprendrez, il est important que le général de division duc de Mortemart se rallie au Gouvernement. Le général de Mortemart
        Ne peut accepter que la division que vous commandez parce que ses propriétés, ses intérêts, son influence sont tous dans le département du Cher et autour de Bourges.
        Je crois que le du de Mortemart rallié donnera un excellent exemple et sera utile à la cause de l'ordre.
        Le Prince l'a nommé au commandement de votre division, mais il vous donne une compensation selon vos goûts en vous conférant le commandement de la division active de l'armée de Lyon où le général de Castellane sera heureux de vous voir car il aime les gens de cœur et de résolution.
        Vous resterez à Bourges jusqu'à l'arrivée du général de Mortemart auquel vous remettrez le service.
        J'espère, mon cher Général, que vous ne verrez dans ce changement qu'une preuve de plus dans la confiance entière que j'ai en vous, et que le Prince sait apprécier à sa juste valeur.
        Recevez, mon cher Général, l'assurance de mes sentiments aussi distingués qu'affectueux.
        Général A. DE SAINT-ARNAUD.


        Cette nouvelle à laquelle je ne m'attendais nullement, ne me surprit cependant pas, et quoique, dans mon opinion, je ne pensais pas que le duc de Mortemart rallié serait un exemple si particulièrement utile à la cause de l'ordre, je ne crus pas devoir opposer la moindre réflexion à la décision présidentielle, et je répondis :
        Bourges, le 18 février 1852.
        Monsieur le Ministre,
        J'ai reçu votre lettre confidentielle par laquelle vous avez la bonté de m'expliquer quelles sont les raisons politiques qui engagent le Gouvernement à me remplacer dans le commandement que vous m'avez confié ? Je n'ai, Monsieur le Ministre, aucune objection à faire, du moment que la nomination de M. le duc de Mortemart à la 19ème division militaire peut être utile à la cause de l'ordre. Je comprends l'importance de cette décision. Je lui remettrai le service à son arrivée et je me rendrai à ma nouvelle destination aussitôt que vous m'en donnerez l'ordre.
        J'ai l'honneur d'être, etc...


        Ma réponse produisit très bon effet au Ministère, car la moindre difficulté soulevée par moi ne remplissait pas le but, qui était de faire croire qu'en me donnant le commandement de la division de Lyon, on me gratifiait grandement.
        Le soin qu'avait eu le Ministre au début de sa lettre de me dorer la pilule prouve qu'il n'était pas sans inquiétude sur ma réponse. Il en fut si charmé qu'il la fit déposer à mon dossier.

        C'était la deuxième fois que par mesure politique, ou plutôt de projets politiques, j'étais remplacé dans mon commandement; mais, si M. le ministre d'Hautpoul m'avait sacrifié avec un cynisme digne de lui, le général de Saint-Arnaud sut procéder avec franchise et tact, et je lui en sus d'autant mieux gré que j'avais été autrefois sévère et même injuste dans mes appréciations sur lui. Lorsque j avais été rappelé en France, je n'avais pu, dans le premier moment de révolte contre une pareille disgrâce, m empêcher d'accuser le général de Saint-Arnaud d'intrigue et de jalousie. Je dus reconnaître qu'il ne méritait pas un pareil jugement. Cet officier général avait été mis en avant comme devant convenir pour la tâche qu'on voulait lui voir remplir, et, comme il fallait lui donner une position qui permit de le nommer général de division, le commandement de la Province de Constantine était le seul qui permît de le mettre en relief. Je fus donc sacrifié, et cela avec d autant plus de facilité que le général Charron, gouverneur, voyant que l'on désirait mon remplacement, ne chercha pas à me défendre, et, au contraire, se prêta d'autant plus volontiers à la manœuvre qu'il avait sur le cœur de n'avoir pas cru à l'importance de la révolte des Zibans, et qu'il était mécontent que les événements m'eussent donné raison. Le général de Saint-Arnaud profita de la situation sans avoir intrigué pour l'obtenir, et la brutalité et l'injustice des procédés ne sont imputables qu'à M. le ministre d'Hautpoul.

        Avant son arrivée à Bourges, le général de Mortemart, avec qui j'eus les plus cordiales relations, m'avait adressé la lettre suivante :
        Neauphle, le 19 février 1852.
        Général,
        J'apprends officiellement que j'ai l'honneur de succéder dans le commandement de Bourges au vainqueur de Zaatcha. Je me félicite de cette occasion de faire plus particulièrement votre connaissance et de vous demander votre amitié.
        Dans ces mouvements de notre carrière, il y a souvent des arrangements particuliers qui conviennent réciproquement; je vous en demanderai peut-être quelques-uns, et je serai charmé de vous offrir tous ceux qui pourront vous être agréables.
        Recevez, Général, les assurances de ma haute estime et de ma considération la plus distinguée.
        Général Duc DE MORTEMART.

        J'arrivai à Lyon le 16 mars.
        
A SUIVRE


 HOMMAGE A GENEVIEVE BAÏLAC
(1922-2019), créatrice de La Famille Hernandez
Envoyé par M. piedineri


                 " Il y avait à Tipasa des touffes d'absinthe sauvage, et leur parfum remuait toujours en moi des émotions subtiles. Je ne pouvais alors en démêler les fils. Il s'y dessinait des souvenirs personnels, des évocations littéraires, des réminiscences historiques, et surtout l'image confuse de cet humanisme gréco-latin teinté de berbérisme, d'africanisme, d'arabisme à l'oriental qui donne à la terre algérienne sa vérité, âme et visage confondus.

              Le temps a passé, marqué des drames de la guerre et de l'indépendance algérienne, mais, transplantée dans cet autre univers qu'est Paris, il me suffit de fermer les yeux sur l'image de ces absinthes sauvages pour retrouver, au fond de moi, la saveur chaude de ma terre. Et c'est alors que je perçois combien l'angoisse habitait ces émotions passées. Confuse, irraisonnée, sournoise, plantée dans un cœur encore trop tendre pour en saisir le sens et la présence, l'angoisse, je le sais aujourd'hui, a bercé toute ma jeunesse.

              Dans un temps où la paix française façonnait ma vie comme celle de tout le peuple pieds-noirs, était-ce précocement l'intuition de la tragédie qu'il nous faudrait vivre ? Etait-ce en moi la conscience informulée des données obscures du problème algérien que ma raison ne voyait pas, alors que charnellement j'en percevais l'existence ? Je crois plutôt que cette angoisse habitait chacun de nous, plus ou moins dessinée, plus ou moins présente à la conscience, plus ou moins acceptée, mais réelle, et que l'étude de mon peuple à travers son histoire peut aujourd'hui en démêler les raisons.

              Car c'est bien d'un peuple qu'il s'agit.

              Le terme pieds-noirs a d'abord fait sourire, puis l'usage l'a consacré. Que désigne-t-il ? Une population projetée, au milieu du siècle dernier, de tous les pays du pourtour méditerranéen, sur une terre sauvage, et qui, soit par esprit d'aventure, soit par nécessité, a entrepris d'y fondre ses particularismes en une ethnie néo-française unique au monde. Cette ethnie a transfiguré un pays sans essor, muté ses tempéraments multiples en une mentalité commune, sécrété des sociétés farouches, dures, vibrantes, généreuses jusqu'au martyre, téméraires jusqu'à la sottise. Et ces sociétés sont devenues un peuple, qui des années 1954 à 1962, a façonné à sa manière l'histoire de France.

              Car il s'est écrit parallèlement en Algérie une triple histoire : celle de l'aventure coloniale française, celle de l'évolution politique de l'actuel peuple algérien, et celle de ce peuple épisodique, foncièrement méditerranéen, qui a posé pour la première fois le pied sur la terre du Maghreb en 1830, y a vécu et travaillé un siècle, y a défait une République, mis en échec le panarabisme, fait surgir de l'ombre la figure de De Gaulle, pour enfin quitter un jour son sol natal après un combat dont le sens ne s'éclaire qu'aujourd'hui, et se replier, tel Achille sous sa tente, dans un pays en réalité étranger à ses fibres profondes mais pour lequel en trois guerres nationales, il donna tant de sang et de foi.

              Et ce qui paraît évident, c'est que ce peuple irréductible, dispersé à travers la France, à travers le monde même, va disparaître avec le temps, fondu dans la masse universelle.

              Tant d'éléments divers, souvent contradictoires, se sont mêlés dans le drame algérien, qu'il fallait justement le concours du temps pour que se dégage une continuité d'évènements propres à nous donner l'exacte mesure des pieds-noirs. Issue de ce peuple, profondément solidaire de son combat, de sa grandeur et de sa faiblesse, je le regarde au fond de ma mémoire, et parce que je l'ai toujours compris, sans pour autant m'aveugler à son sujet, je me demande aujourd'hui si l'originalité de son destin est bien apparue aux yeux des Français.

              Ce que je sais de lui à travers l'histoire de ma famille, à travers mes années de démarche théâtrale à son service, à travers les luttes des derniers jours vécus à ses côtés, dans la honte et le désespoir, à travers les grands et les petits évènements dont j'ai été le témoin, ce que je sais de lui à travers l'amour que je lui porte, me fait penser qu'après ces dix années d'exil volontaire, il faut aujourd'hui tendre le miroir d'une conscience honnête, d'une mémoire lucide et fidèle, pour que s'y reflètent au hasard de cet ouvrage, ses exigences, ses fautes, ses rêves, ses souffrances, surtout peut-être le tragique destin auquel il fut appelé, et qui a été finalement de se laisser égorger sur les autels d'une certaine conception de la grandeur française.

              Car après tout, qui peut dire exactement ce que sont et ce qu'ont voulu les pieds-noirs ? Même pas eux-mêmes qui n'ont jamais pris le temps de méditer sur leur " grande histoire ", pour se laisser détruire souvent par les " petites histoires " de leur extraordinaire aventure. Avec l'instinct hâtif du pionnier, du combattant, du bâtisseur, qui donne à l'action tous ses instants et ne se situe jamais assez haut pour observer et analyser sa propre image, ce peuple a vécu plus de cent ans de vie ardente, fier de ses réalisations matérielles, mais inconscient du rôle philosophique et politique qu'il a joué à l'échelle non seulement de la France mais de l'Europe, et même des rapports humains essentiels entre l'Occident et l'Orient.

              Lorsque jeté par l'Histoire et par sa propre lucidité, loin de son sol natal, il se répandit à travers la France, le plus souvent mal accueilli, mal compris, mal aimé, il commence par donner de lui l'image décevante de l'aigreur et de l'arrogance. Cette image s'est alourdie dans l'esprit du Français moyen de tous les poncifs de la politique du moment. Le pieds-noirs devint, tout uniment, le type achevé du colonialiste sans scrupule, intrigant, mercantile, profiteur, grossier, arriviste et calomniateur. Ou bien alors, quand il parvint à demeurer sympathique, on ne voulut retenir de lui que l'image facile du buveur d'anisette, du consommateur de brochettes et de couscous, du " fan " d'Enrico Macias, rival du Marseillais hâbleur, inimitable dans son accent et son langage, bref une synthèse de folklore à la blague. Entre le tueur de l'O.A.S. et le héros de la Famille Hernandez, l'opinion française hésite encore lorsqu'elle se demande, ce qui n'est pas tellement fréquent, ce qu'est véritablement un pieds-noirs.

              Pourtant, en mai 1958, le destin français a basculé à cause d'une poignée de ces gens-là. Un complot manipulé depuis Paris les a jetés à l'assaut de l'immeuble du Gouvernement général à Alger, pour que les Français hésitants osent enfin se débarrasser de la IVe République devenue impuissante, au profit d'un homme qu'ils souhaitaient dans leur cœur sans avoir le courage de l'appeler. Et c'est ce jour-là que s'est préparé avec ce rôle de bouc-émissaire d'une nation inquiète d'elle-même, le dénouement tragique du destin hors-série des pieds-noirs. "

                 Extrait de Geneviève Baïlac, Les absinthes sauvages, Témoignage pour le peuple Pieds-noirs, Préface de M. Robert Aron, Fayard, 1972



8 mai 1945,
Publié le 7mai 2019 - par M. Gomez
Envoyé par Mme Leonelli.
Que s'est-il passé le 8 mai 1945, et les jours qui ont suivi, à Sétif et dans le Constantinois ?

              Il est tout de même étonnant que des historiens aussi " prestigieux " que Olivier Le Cour Grandmaison, maître de conférence en sciences et philosophie politiques à l'université d'Evry-Val d'Essonne, que Gilles Manceron, historien, qu'Emmanuelle Sibeud, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris 8, que Louis-Georges Tin, président du CRAN, Catherine Coquery-Vidrovitch, professeur émérite d'histoire de l'Afrique à l'université Diderot Paris 7 et Patrick Farbiaz, animateur de "Sortir du colonialisme" soient si peu, ou si mal volontairement, informés sur ces tragiques événements alors que, selon eux paraît-il, les stigmates de cette tuerie collective demeurent visibles 74 ans après !
              Ces voix qui se font entendre régulièrement et militent pour le rétablissement de relations apaisées entre la France et l'Algérie, surtout dans la période trouble politiquement qu'elle vit actuellement, et qui souhaitent que le voile soit levé, mais cela dans le but avoué publiquement que l'État français reconnaisse officiellement les crimes commis en son nom, pas uniquement le 8 mai 1945 mais également tout au long de son histoire coloniale.
              Confortés évidemment par la déclaration de campagne électorale, en 2017, du futur président Emmanuel Macron, faite à Alger : " Il y a bien eu crime contre l'humanité durant la période coloniale en Algérie (par l'armée française bien sûr) ".
              Il fallait que cela fut précisé car il ne fallait surtout pas que certains puissent mal interpréter sa pensée un seul instant et supposer que le FLN et l'ALN avaient pu commettre des crimes contre l'humanité !

               Le 8 mai 2015, le Président de la République, François Hollande, avait promis, lors de son allocution télévisée, qu'il demanderait l'ouverture prochaine des archives publiques. Promesse qu'il avait déjà faite lors de son élection en 2012 et qu'il ne tiendra pas jusqu'à son départ en 2017.
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              Les Algériens réclament une repentance de la France, notamment sur ces événements, mais ils ne sont pas les seuls car le " collectif pour la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945 en Algérie (Sétif, Guelma, Kheratta) " demande, outre la reconnaissance, l'ouverture de toutes les archives et l'inscription dans la mémoire nationale de ces événements par le biais de gestes forts des plus hautes autorités de l'Etat et la diffusion des documentaires relatifs à ces événements dans l'Education Nationale comme dans les médias publics français.
              Promesse reprise par le président Macron et qui n'est toujours pas tenue, pourquoi ?
              Parce que l'ouverture de ces archives publiques révéleraient certaines vérités qu'il est préférable d'occulter actuellement car elles ne vont ni dans le sens de l'histoire ni dans le sens de certains historiens et encore moins de la propagande algérienne, bien au contraire.

               Revenons brièvement sur le déroulement réel des événements du 8 mai 1945 : une manifestation pro-indépendantiste avance vers le centre-ville de Sétif. Elle est soi-disant pacifique.
              Un jeune algérien, Saâl Bouzid, élève un drapeau algérien au-dessus de la foule.
              Un coup de feu part et il est tué.
              Qui a tiré ? On ne le saura jamais, comme toujours en pareil cas (Qui a tiré le 26 mars 1962 rue d'Isly à Alger ?)
              Notons seulement qu'il aurait fallu un " sniper " de tout premier ordre pour abattre au fusil ce jeune algérien à plusieurs dizaines de mètres au milieu de centaines de manifestants !
              Justement, cette foule de manifestants (pacifiques) se rue sur le centre-ville et égorge 23 européens innocents, enfants, femmes et vieillards, et fait plus de 80 blessés, à l'arme blanche et armes à feu.

               Et comme cela était prémédité, dans les localités autour de Sétif on dénombre en même temps plus de 72 morts.
              Il y aurait eu, selon certains historiens et conférenciers, 45.000 morts algériens au cours des jours qui ont suivi dans toute la proche région (C'est un mensonge).
              D'autres sources font état d'environ 20.000 morts (C'est également un mensonge).

               Des chercheurs algériens du Centre Historique sur l'Algérie, Messieurs Mesli et Arroua, ont estimé le nombre de victimes de la répression entre 8 et 10.000 et affirment que tous les autres chiffres ne sont que de la propagande politicienne.
              Ancien premier ministre algérien, Belaïd Abdessalam, a affirmé que le chiffre de 45.000 retenu par les gouvernements algériens successifs, et depuis, en France, par différentes associations, médias, historiens et politiciens, ne l'était uniquement qu'à des fins de propagande anti-française.
              Selon l'historien Gilles Manceron : " La France serait de nos jours encore malade de n'avoir pas reconnu cette page sanglante de son histoire et les séquelles de son passé colonial prolongeraient le racisme républicain et seraient à l'origine des soubassements des manifestations racistes et islamophobes d'aujourd'hui, même au cœur de l'État ".
              Si la France est malade, monsieur l'historien, c'est de nourrir en son sein quelques citoyens qui la haïssent.
              Vous êtes des ennemis de la France et même de l'Algérie.
              Ne ratez aucun des articles de Dreuz, inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter.
              Puisque c'est le souhait des Algériens, de tous les historiens cités plus haut et du Président de la République, voici un bref résumé de ce que révéleront ces archives concernant notamment les événements du 8 mai 1945 relaté par des historiens à la demande du CFHM (Commission Française d'Histoire Militaire). (Source : Le Figaro - mai 2015)

              Ont participé à cette recherche officielle les historiens reconnus suivants : Mohammed Harbi, Annie Rey-Goldzeiguer, Roger Benmebarek, Charles-André Julien, Charles-Robert Ageron, Jean Monneret, Gilbert Meynier, Guy Pervillé, Jean-Pierre Peyroulou, Roger Vétillard, Bernard Lugan.
              (Je me permets d'apporter de l'eau au moulin de ces historiens grâce à des propos qui m'ont été relatés en personne par Ferhat Abbas et qui confirment la véracité de ce qu'ils affirment et, d'autre-part, l'opportunité qui a été la mienne d'interviewer le général Tubert, alors qu'il était devenu maire d'Alger.)
              *Le 14 mars 44, Ferhat Abbas a constitué les " Amis du Manifeste de la Liberté " (A.M.L.) qui comptait jusqu'à cinq cent mille adhérents. Il s'agissait pour lui d'internationaliser le problème algérien.
              *le 28 avril 45, Il a réclamé l'autonomie de l'Algérie, sous une forme fédérative, et a préparé activement le soulèvement de Sétif.
              Il m'a relaté sa rencontre, quelques jours avant ce 8 mai 1945, avec Chekib Arslan.
Qui était Chekib Arslan ?
Un agent du MI6 anglais

              Un accord avait été passé en Syrie entre les services secrets anglais et un agitateur professionnel islamiste, Chekib Arslan, qui réclamait la guerre sainte contre la France.
              Les Britanniques exigeaient le soutien des arabes dans la lutte qui les opposait aux israéliens et, en échange, ils soutiendraient tous les efforts des islamistes partout où ils combattraient les Français.
              Fort de cette assurance formelle, Chekib Arslan se rend dans le Constantinois où Il rencontre Ferhat Abbas et les responsables des partis nationalistes algériens qui appellent à manifester ce 8 mai 45.
              Il a reconnu avoir été manipulé par cet agent payé pour développer un mouvement insurrectionnel en Algérie.

              Donc cette manifestation politique fut autorisée par les autorités françaises à la condition qu'il n'y ait ni armes ni drapeau algérien.
              Pourquoi cette dernière condition ? Quelques jours avant, le 1er mai, ce drapeau algérien avait été brandi pour la première fois par des membres du PPA et les autorités françaises avaient souhaité que cela ne se reproduise pas.

              Les revendications politiques étaient de deux ordres totalement opposés :
              1/ Pour le clandestin Parti Populaire Algérien de Messali Hadj, éloigné dans un premier temps vers El Goléa puis vers Brazzaville avant d'être incarcéré, il s'agit de retrouver sa position de leader du nationalisme algérien, qui lui est contestée par Ferhat Abbas, et de promouvoir l'indépendance de l'Algérie.
              2/ Pour Ferhat Abbas et son parti " Les Amis du manifeste de la liberté " il s'agit de la reconnaissance égalitaire de tous les habitants de l'Algérie et l'accession à la citoyenneté française. (On a pu constater dans les années qui ont suivi 1945 la guerre sanglante que se sont livrés aussi bien en Algérie qu'en métropole les partisans du PPA et du FLN dont le bilan fut de plusieurs milliers de morts.)

              Donc parmi les manifestants (environ cinq mille) nous retrouvons ces deux courants contraires et souvent opposés.
              Le complot est ainsi élaboré en secret dans les jours qui ont précédé la "manifestation pacifique". Le clash sera provoqué par quelques terroristes infiltrés parmi les manifestants.
              Contrairement à ce qui est généralement affirmé, l'émeute de Sétif n'était pas la conséquence directe de la colère des manifestants provoquée par la mort d'un soi-disant scout, Saâl Bouzid, qui avait brandi un drapeau de l'Algérie indépendante.
              Cette manifestation sans objectif revendicatif, autorisée par les autorités préfectorales, fut en réalité une véritable insurrection armée qui fit 23 morts et 80 blessés européens à Sétif (dont le régisseur du marché Gaston Gourlier tué 2 heures avant le début de la manifestation ) et d'autres par armes à feu et armes blanches dans les minutes qui suivirent les altercations entre forces de l'ordre et manifestants.
              Aussitôt à la suite des meneurs ce fut la ruée vers le centre ville où les émeutiers hurlant des slogans meurtriers : " Tuez les chrétiens, tuez les juifs, tuez tous les non croyants " massacrèrent tout ce qu'ils rencontrèrent : enfants, femmes, vieillards, qui participaient à l'allégresse générale du retour à la paix.
              Les forces de l'ordre obligées d'intervenir ramenèrent le calme en moins de 2 heures avec un bilan de 35 manifestants tués et des dizaines de blessés.

              Le véritable but de cette manifestation, soi disant improvisée, était bien au contraire de lancer un projet d'insurrection nationaliste dans le but d'installer dans une "zone libérée" un gouvernement provisoire algérien présidé par Messali Hadj principal dirigeant du Parti du Peuple Algérien.
              Ce gouvernement devait siéger à la ferme Maïza, près de Sétif, mais l'évasion ratée de Messali, qui était en résidence surveillée à Reibell, et son transfert à Brazzaville ont déjoué ces plans.
              La preuve en est apportée car, au même moment et dans plusieurs endroits sans aucun lien évident avec la manifestation de Sétif, d'autres soulèvements se déroulent dans une vingtaine de localités de la région (Périgotville, Chevreul, Kerrata, Lafayette, Sillègue, El Ourici, etc.) et plus de 60 Européens sont tués.
              A Guelma, la manifestation est interdite mais elle débute vers 18 heures et se heurte immédiatement aux forces de police. Plusieurs manifestants, 2 policiers et 1 gendarme sont blessés. Le lendemain, dans une dizaine de villages de la région, les Européens sont agressés. Il y aura 12 morts et 2 blessés.
              Les effectifs de la police nationale à Sétif n'étaient que de 40 hommes. Dans les villages les gendarmeries n'étaient représentées que par 3 ou 4 hommes. C'était le cas à Kheratta, Chevreul et Lafayette.
              Des renforts arrivent du Maroc, de Tunisie et d'Alger : 10.000 hommes sont déployés dans le Constantinois mais seulement 3700 dans la subdivision de Sétif, la plus vaste (sa surface est l'équivalent de 2 départements métropolitains), la plus montagneuse et la plus touchée.
              La répression n'a débuté que le 9 mai. Conduite par l'armée elle a été certainement démesurée.
              Elle n'a concerné que les communes où des Européens ont été tués et blessés.
              Ce qui s'est passé en Algérie en mai 1945 est donc bien connu des historiens et très éloigné de l'histoire officielle algérienne.
              La population indigène a été victime d'un guet-apens ce 8 mai 1945.

Cinquième République
De Hugues Jolivet

JACQUES CHIRAC
      
       Conquérir l'Elysée n'est pas tâche facile,
       Même après quatorze ans de gestion socialiste.
       Un fort taux de chômage et des emplois fragiles
       Ne se satisfont pas de propos optimistes !

       Face à Lionel Jospin, c'est d'une courte tête
       Que Chirac est sacré pour sept années futures.
       "Le meilleur d'entre nous", (élogieux épithète
       De Chirac à Juppé), reçoit l'investiture.

       Nouveau Premier Ministre, Juppé "droit dans ses bottes"
       S'attaque à la relève d'une France au chômage,
       Victime du socialisme. Et fier comme Don Quichotte,
       Il lutte pour redonner du travail aux ménages.

       Mais les primes à la casse des voitures polluantes,
       Des mets que l'on retrouve, à nouveau, sur nos tables,
       N'ont jamais suturé les plaies vives et béantes
       Des demandeurs d'emploi, tristes "kleenex" jetables !

       Notre Premier Ministre déploie un arsenal
       De multiples mesures sociales, économiques.
       La France traine les pieds, la réforme libérale Reste au fond des cartons. Fi de la dynamique !

       Remise de démission, nouveau Gouvernement,
       Ne changent rien à l'affaire. Alors dissolution
       Et nouvelle Assemblée, conduisent prestement
       Au retour socialiste, donc, cohabitation !

JACQUES CHIRAC

       N'ayant rien résolu depuis son élection,
       Jacques Chirac, mécontent, tel un enfant troublé
       Rejetant tous ses jouets, remplace la conscription
       Par l'Armée de métier, puis dissout l'Assemblée.

       Un piètre résultat pour son coup de poker,
       Car la Gauche l'emporte au terme du marathon.
       Président pour cinq ans et un pouvoir précaire,
       Aura t-il la contrainte d'avancer à taton ?

       Jospin, le chef de file de la Gauche Plurielle,
       Accepte de prendre en mains les rênes du Pouvoir
       Et engage aussitôt son projet officiel,
       Le Pacte Républicain, programme de son devoir.

       Emplois jeunes, CMU, le Pacs, les trente cinq heures,
       Engagements de programme, sont, dès son accession,
       Placés sur le métier, suivis avec rigueur,
       Pour relancer la France, quitter la récession.

       L'élu de Cintegabelle n'imposera pas le sel,
       Car, à son arrivée, l'économie mondiale
       Connait une embellie. Les recettes s'amoncellent,
       Et la baisse du chômage, un bienfait primordial,

       Même si les trente cinq heures n'ont qu'un effet partiel.
       Il faut rendre à Lionel tout ce qu'a fait Jospin :
       Durant ces cinq années, des réformes substancielles
       Ont assaini l'Etat, nos élus, nos destins !

JACQUES CHIRAC


       Campagne en demi teinte d'une seconde Présidence,
       Jacques Chirac sort vainqueur d'un combat tripartite,
       Le FN est battu. Jospin, en pénitence,
       Arrête la politique, se terre ! Un troglodyte !

       Jean-Pierre Raffarin est homme de terrain,
       Nouveau Premier Ministre, du Poitou, il débarque.
       Il engage son programme l'esprit clair et serein,
       Il n'a aucun complexe, même s'il n'est pas énarque !

       Recevant le soutien de tout le Parlement,
       De la majorité des Régions, des Communes,
       D'une France bleu roi, "l'Union en mouvement",
       A les cartes en main, chance et bonne fortune !

       Donner lumière et vie à la "France d'en bas",
       La France créative sociale et culturelle,
       Réduire les impôts et alléger le bât
       Pour construire l'avenir et une ère nouvelle.

       Le passage obligé pour asseoir ce futur
       Est la remise en cause du pouvoir des énarques.
       La Société Civile est apte, a la stature
       A occuper le siège d'un ou plusieurs "monarques" !

       Trois années consacrées au service de la France,
       Jean-Pierre Raffarin remet sa démission,
       Car les français repoussent, par crainte ou par méfiance,
      

JACQUES CHIRAC

       Bénéficiant de la confiance chiraquienne,
       Orateur respecté aux Affaires Etrangères,
       Qu'obtenir Matignon, la charge lui convienne,
       Dominique de Villepin l'accepte, volontaire !

       Le poids mort du chômage, l'ampleur du déficit
       Deux maladies chroniques, véritable mal Français,
       Crainte du lendemain que la misère suscite,
       Les axes des actions que Villepin s'est fixées.

       Pour créer de l'emploi, simplifier l'acte d'embauche !
       Une théorie d'énarques, descriptif sur papier,
       Travail d'intellectuel, une parfaite ébauche
       Que rejettent employeurs et futurs ouvriers.

       A l'automne s'embrasent les banlieues des grandes villes,
       Emeutiers prétextant une bavure policière.
       Mesures exceptionnelles, dans un climat hostile :
       Etat d'urgence en place et pouvoir judiciaire.

       Ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkosy
       Gère, avec fermeté, trois semaines de violences,
       Nettoyage des banlieues, des meneurs sont saisis.
       Il encourage ses forces, récompense leur vaillance.

       Fin du second mandat du Président sortant,
       Une France malade, aucune croissance en prime,
       Quand pointe à l'horizon, dans un monde haletant,
       Une crise financière victime des "subprimes" !
      

Hugues Jolivet         
Le 3 janvier 2015          

A SUIVRE



Une page de mai 1958
Par M. Robert Charles PUIG


       Je me souviens de ce jour du 13 mai 1958.
       Le temps était radieux. Dans l'euphorie ambiante de cette journée, de nombreux algérois, souvent avec leurs enfants, se pressaient dans les rues de la capitale algéroise et au pied du Monument aux Morts, au Plateau des Glières. La population était appelée à un jour de grève par le Comité " Vigilance " groupant les partis politiques et des mouvements militant pour l'Algérie française, et pour assister à une cérémonie du souvenir en mémoire des trois soldats français exécutés par le FLN, en Tunisie : le Sergent J. Richaume du 23 ième RA ; le Cavalier Feuilleton du 18 ième Dragon et le soldat Decourtex du 23 ieme RA.
       La foule était de plus en plus nombreuse. Entre 50 000 et 100 000 personnes affirmera Alain de Sérigny dans l'Echo d'Alger.
       Après la cérémonie et le dépôt de gerbes, ce fut la montée des escaliers du Forum vers le Gouvernement Général, d'une population aspirant à la paix, la fin de cette guerre et du terrorisme.
       Les grilles du grand bâtiment dominant Alger étaient clôturées et résistaient aux assauts de la population... C'est à ce moment là qu'un jeune homme, Jacky P... - un de mes amis du Cercle algérianiste de Nice - sortit de la cohue, se précipita vers un des GMC du 3ième R.P.C., mit le moteur en marche sans aucune opposition des parachutes et fonça sur une des grilles du G.G. qu'il défonça. Des manifestants le suivirent et montèrent dans les étages du bâtiment... L'Algérie française allait-elle véritablement exister depuis les fenêtres du G.G. ? Malgré la fumée de quelques bombes lacrymogènes lancées par les CRS, les chants de la Marseillaise et des Africains accompagnaient les clameurs d'un peuple aspirant à un temps nouveau. Il y avait sur cette place du Forum des français, Pieds-noirs et Musulmans, tous unis pour la paix.

       L'histoire qui se déroula par la suite, nous la connaissons...
       Les hommes qui furent les héros de ces événements, sont dans nos mémoires. Il y eut bien entendu Pierre Lagaillarde qui s'écria face à la foule : " Irez-vous jusqu'au bout pour garder l'Algérie française ? ". Il était accompagné de quelques autres vrais patriotes de notre Algérie si française...
       Il y eut nos généraux partisans d'une plus grande France : Raoul Salan, Edmond Jouhaud, Jacques Massu, puis André Zeller et Maurice Challe qui prendra le commandement de cette résistance à l'abandon de l'Algérie.
       Ces deux derniers généraux seront condamnés par un tribunal d'exception gaulliste, après le putsch de 1961, à 15 ans de réclusion pour leur soutien et leur participation à cette révolution de l'espoir. Ils ne seront amnistiés qu'en 1968, tandis que d'autres soldats seront fusillés : Jean Bastien Thiry ; Roger Degueldre ; Albert Dovecar et Claude Piegts.
       En vérité, en mai 1958 nous n'avons pas " compris " que De Gaulle, depuis le balcon du G.G. nous conduirait en 1962 à l'abandon de notre sol dont l'histoire est inscrite dans nos cimetières, là-bas, depuis 1830.

       Pourquoi alors rappeler ce temps de mai qui remonte maintenant à quelques soixante ans ? Parce qu'un de mes amis, Yves Rolando, m'a fait parvenir cette magnifique photo prise par son père Robert, reporter photographe, et parue dans la " Dépêche d'Algérie " au moment des événements de 1958 et que j'ai souhaité partager avec vous.
       Cette photo que je conserve précieusement montre trois héros de ce temps qui ne s'oublie pas : Raoul Salan, Edmond Jouhaud et Jacques Soustelle.
       Avec nous, ils avaient cru à une " Paix française " sur ces départements appartenant à la Nation.
       Avec nous ils subirent ce vent contraire qui détruisit nos racines pieds-noirs et nos espoirs, transformés en juillet 1962 par le mensonge et l'assassinat, en Exode.
       Ils méritent ces héros que nous nous souvenions d'eux.

Robert Charles PUIG / 13 mai 2019       
      

Contes de la Légion étrangère
Envoyé par Mme Nicole Marquet

           Aujourd'hui, partout où ils se trouvent, les hommes de la Légion étrangère fêtent la bataille de Camerone, qui eut lieu le 30 avril 1863 au Mexique et où soixante-deux soldats résistèrent jusqu'à la mort à l'assaut de deux mille soldats mexicains.
           Un monument s'élève à cet endroit, et le " récit de Camerone " dit que dans toutes les garnisons, en ce moment, un officier dit par cœur devant la troupe rassemblée, " en passant devant ce monument, l'armée mexicaine présente les armes ".
           Le sens de ce sacrifice n'est pas immédiatement perceptible. Il ne s'agissait pas de prendre une crête ou de tenir un point stratégique, simplement d'acheminer une fraction de la solde mensuelle. Les hommes composant le détachement avaient été groupés un peu par hasard. L'officier qui les commandait, Danjou, dont chaque année le 30 avril un ancien légionnaire choisi parmi les plus héroïques conduit la main de bois en procession jusqu'au monument aux morts d'Aubagne, la célèbre " boule " rapportée de Sidi-Bel-Abbès, n'était pas un fier-à-bras, seulement un simple officier d'administration. Mais la mission avait été donnée, si banale fût-elle, et, dit le code d'honneur, " la mission est sacrée, et tu l'exécutes à tout prix, si nécessaire au péril de ta vie ".

           Célébrant la mission, les légionnaires se confirment dans leur choix. Mais quel est ce choix?? Il en est autant que de légionnaires. Il y a quelques années encore, ils signaient leur contrat dans la salle d'honneur du 1 étranger. On voyait aux murs les portraits de leurs prédécesseurs les plus illustres, Nicolas de Staël, Cole Porter, Hans Hartung, Blaise Cendrars, le prince Aage de Danemark. On n'y voyait pas les images des centaines de milliers d'hommes qui étaient venus là-bas, comme dit une chanson de la Légion " chercher l'oubli ". Une étonnante photographie prise au Fort Saint-Jean en 1947 montre la moitié des candidats à l'engagement cachant leur visage dans leurs mains. En 1991, au Cambodge, je lisais Valéry Larbaud près du feu. Un légionnaire de la garde descendante s'est arrêté près de moi. Il m'a demandé ce que je lisais puis, après un long silence, il m'a récité la dernière phrase de Fermina Marquez. À la Légion, on n'interroge personne sur sa vie d'avant, et je suis resté silencieux. Alors il a dit?: " Je vais répondre à la question que vous ne posez pas. J'étais professeur de lettres, j'avais une femme et des enfants. Je fais partie de ceux qui un jour sont descendus acheter des cigarettes au tabac du coin et qui ne sont jamais revenus."

           Dans notre société qui ne connaît pas plus le pardon que l'oubli, et dans un monde déchiré par les guerres et le malheur, la Légion reste pour beaucoup l'ultime refuge.
           On peut s'y refaire une autre vie. C'est pourquoi, alors même que ses cadres se proposent de réaliser l'idéal d'une troupe française dans sa puissante banalité, elle est, aussi, beaucoup plus que l'armée. Je crois que chaque année, en regardant passer sur les Champs-Élysées " les hommes sans nom ", les Français ne s'y trompent pas.

           Hier un jeune homme venu de Bakhtiar, Afghanistan, s'est présenté au fort de Nogent. Je l'appellerai Hachem. Il était venu dans notre association pour les réfugiés parce qu'il avait entendu dire que plusieurs d'entre nous connaissaient la Légion étrangère. La fondatrice de notre association, qui connaît en effet la Légion mieux que personne, l'a reçu, et comme il est d'usage, a entrepris de le décourager. C'est un dur métier. Il faut dire oui à tout jusqu'à ce que, après bien des années, on puisse enfin dire non. Il faut se taire et obéir. Il faut parfois creuser " d'ici jusqu'à minuit ". Il la regardait d'un beau regard vert et tranquille et a répondu simplement?: " J'y suis prêt ", et tous ceux qui étaient là se sont pris à l'aimer. Alors elle lui a demandé pourquoi il voulait tant s'engager et il a répondu?: " Dehors, c'est trop difficile. " Par dehors, il ne voulait pas dire " dans la rue ". Il s'en fichait. Il avait dormi dans la rue et n'en avait pas souffert. Il voulait dire " dehors, hors de la Légion étrangère, là où il n'y a pas d'ordre, pas d'amitié, pas d'autorité, pas de dévouement. Dehors, là où on ne sait jamais ce que vaut un homme ".

           Dans la mesure même où la Légion étrangère, ce " monastère des incroyants ", est un asile, ces mots tout simples que Hachem a prononcés ce matin portent sur notre société inamicale et cynique une forme de condamnation. Et chaque année à Camerone, c'est cela auquel les légionnaires pensent avec une émotion retenue. Ils se souviennent de ce qu'ils ont espéré en franchissant la porte, en prononçant la phrase rituelle, " je désire m'engager à la Légion étrangère ". De leur désir d'oubli et d'amitié, de leur recherche, fût-ce au prix des épreuves les plus dures, de cette liberté intérieure qu'on ne trouve que dans l'ordre.
           Vive la Légion étrangère.

           Avril 30, 2019
           La Croix
           https://www.la-croix.com/JournalV2/Contes-Legion-etrangere-2019-04-30-1101018674



MESSAGE
Envoyé par M. Pierre Zammit
L’armée française en Algérie de 1830 à 1962

  Chers amis Bônois et non Bônois

  Je profite de cette Gazette pour vous signaler un petit ouvrage édité par l’association de soutien à l’armée française (ASAF). Il s’agit de la réédition actualisée d’un hors-série annuel paru il y a quelques années (donc avec de nouveaux articles pour ceux qui auraient déjà l’édition précédente). Son titre « la France et son armée en Algérie ».

  Vous pouvez l’acquérir en allant sur le site https://www.asafrance.fr/boutique/hors-series/product/110-la-france-et-son-armee-en-algerie-hors-serie-n-8.html.

  Ce livre, c’est aussi notre histoire et je peux vous assurer que vous ne serez pas déçus. Son contenu change de certaines ritournelles bien pensantes que l’on peut toujours et encore entendre.

  L’ASAF est une association qui a pour seul but le soutien à notre armée et aux valeurs qu’elle porte, jusqu’à la mort de ceux qui y servent s’il le faut. L’actualité vient de nous le rappeler cruellement. C’est une association qui ne vit que par les adhésions et le mécénat. Nous ne sollicitons aucune subvention, car c’est la condition première de notre liberté de parole et d’écriture.

  Pour ce qui me concerne j’en suis le délégué départemental en Haute Garonne car l’association couvre tout le territoire. Ce n’est pas une associations d’anciens militaires, mais une association qui regroupe tous les Français qui attachent du prix à la défense de la France et aux valeurs de notre armée.

  Faites connaitre cet ouvrage autour de vous. Je pense en particulier aux différentes associations que vous pouvez connaitre (Pied-Noir, Cercle algérianiste, Histoire….). Vous connaissez l’importance du réseautage. Dans ce cadre, je vous recommande les commandes groupées pour diminuer les frais d’envoi pour l’association. Je vous ai dit que l’ASAF ne vivait que par les adhésions et le mécénat. Également par la vente de ce type d’ouvrage. Donc, ce qui n’est pas mis en frais d’envoi payés par l’association reste au bénéfice de l’association. Si vous commandez seul et si vous voulez bien participer aux frais de port, vous pouvez toujours l'ajouter au prix du livre.

  Par ailleurs, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je peux communiquer vos mails à l’ASAF et vous recevrez une lettre électronique mensuelle d’une page (une seule page). Vous pouvez en voir les exemplaires sur le site. Si vous ne souhaitez plus la recevoir, il suffit de vous désabonner d’un clic en bas de la lettre.

  Et pour les plus concernés, si vous désirez adhérer à l’ASAF, n’hésitez pas. le prix inclu l’envoi de 4 revues trimestrielles, d’un hors-série annuel du type la France en Algérie, Lyautey, Histoire des parachutistes français…. Là aussi voir le site.

  Merci d’avance pour le temps que vous aurez consacré à lire ce message et pour la suite que vous voudrez bien lui donner.

  Vous pouvez me retrouver sur à cette adresse pour ceux qui le souhaitent.
  En toute amitié bônoise qui ne date pas d’hier.
  Pierre Zammit.
  pr.zammit@orange.fr
  (23, rue Bugeaud puis Toit collectif bônois).

         



MAI, DE LA JOIE AUX LARMES !
Par Hugues Jolivet


            Joli, doux mois de mai, un bouquet de muguet
             Offert, source de joie, symbole du bonheur,
             Est source de sourires, de visages qui s'égaient
             Délaissant quelque temps les soucis, les humeurs !

             Une journée chômée, c'est la Fête du Travail.
             Jour de joie, sans nuage, pour actifs à plein temps,
             Mais pour les sans-emploi, tardent les retrouvailles
             D'un patron, de collègues, d'un job palpitant !

             C'est pourquoi, chaque année, défilent les syndicats,
             Respectant le rituel des us et des coutumes,
             Gardant le maigre espoir de quelques résultats
             Et avantages sociaux, en foulant le bitume !

             Une semaine plus tard, les Français commémorent
             La victoire des Alliés sur l'Allemagne Nazie.
             Ils rendent un hommage au courage, à la mort
             Des sauveteurs de la France, valeur qu'ils ont choisie !

             Les dimanches de Mai, à Nice, sont jours de fête,
             La Fête du Printemps, coutume ancestrale,
             Où les familles entières, dans leurs tenues parfaites,
             Dansent et chantent leur joie. L'ambiance est théâtrale !

             Et, en milieu de mois, le Festival de Cannes
             Devient centre du monde. Il fait son cinéma
             Aux marches du Palais où les stars se pavanent
             Sur un fond de Croisette. Quel beau panorama !

             A quelques lieues, à l'Est, Grand Prix de Monaco,
             Tourniquet infernal, au cœur de la cité,
             Qui, du pied du Rocher jusqu'à Monte Carlo,
             Captive, malgré le bruit, les fans surexcités !

             Spectacles parallèles qui sacrent, au Printemps,
             Les virtuoses du volant, les acteurs de plateaux.
             Larmes de joie des vainqueurs et les pleurs des perdants,
             Tels une symphonie, résonnent en vibrato !

             Dernier dimanche du mois, la Fête des mamans
             Regroupe la famille autour d'une grande table.
             Les expressions d'amour sont perles et diamants,
             Pour le cœur d'une mère, elles sont inestimables !

             Joli, doux mois de Mai, tu es mois de Marie,
             La mère de l'enfant que l'on fête à Noël
             Elle est mère des hommes, victimes de barbarie,
             Pauvres et dépossédés, ils se tournent vers elle !
            

Hugues JOLIVET
11 mai 2016
 


 Le Hirak, Saïd et l’armée
Envoyé par M. Pierre Barisain

        Débats et Contributions Par: Abdesslam Chélia* 06 Mai 2019 à 14:50
https://www.tsa-algerie.com/le-hirak-said-et-larmee/

       Tribune. Nous sommes dans une phase historique inédite. Jamais l’Algérie n’a vécu pareil séisme politique. Même pas en 1962 quand l’armée des frontières qui se réveillait de son grand sommeil pour confisquer le pouvoir du GPRA.

       Du jamais vu donc grâce au Hirak, mais aussi, on ne le soulignera jamais assez grâce à la force agissante qui l’a accompagné et protégé depuis le début. Cette force muette a un chef dont les messages sont autant d’appuis au Hirak.

       En effet, que serait devenu le Hirak, cette foule joyeuse, pacifique et colorée sans la protection de l’ANP et le soutien indéfectible de son chef, le général Ahmed Gaïd Salah ? Il serait devenu, je le dis avec frémissement et tremblement, de la chair à canons pour les forces alliées et fidèles de Saïd Bouteflika qui n’était pas prêt à lâcher le fromage de son bec, le fromage étant l’Algérie évidemment, l’Algérie et ses richesses dont il a largement profité lui et ses pairs.

       Saïd Bouteflika ne voulait pas quitter le pouvoir et l’État qu’il avait confisqué allègrement en usant des prérogatives de son frère sans en savoir les inconvénients. Il faisait et défaisait les hommes, les carrières et les fortunes.

       Bouteflika II, l’homme de l’ombre, ne voulait pas répondre aux revendications des manifestants qui n’avaient comme slogan que celui qui sortait des entrailles du peuple, un cri de rage et de colère : « Pas de 5e mandat ».

       En dépit du fait que je fasse partie de ce peuple par ma position sociale et mes idées, je connaissais assez la surdité politique de Bouteflika II et sa mégalomanie en décalage avec le réel pour savoir qu’il n’hésiterait pas à semer le chaos plutôt que de céder à ce qu’il considérait comme une poussée d’urticaire chez la populace.

       Jusque-là, il avait tout acheté, tout compromis, tout sali, ce n’est pas ce peuple sans autre défense que son pacifisme et son sourire qui allait freiner sa volonté de poursuivre son hold-up du pouvoir en se faisant élire au poste suprême, par le truchement de Abdelaziz, véritable cheval de Troyes pour son frère.

       Pour lui le pouvoir vaut bien, comme en octobre 1988, quelques centaines de morts. Des morts de trop pour nous, des morts nécessaires pour lui. Que les morts débouchent sur le chaos, c’est tout bénéfice pour lui. Il peut s’écrier : après moi le déluge. Qu’importe l’Algérie qui brûle s’il garde le pouvoir. Ceci pour dire que devant le Hirak, Saïd était prêt à aller jusqu’au bout ne craignant ni Dieu, ni diable.

       Pour faire le sale boulot, il comptait sur l’armée, l’une des armées les plus puissantes au monde, cette armée dont s’est toujours méfié son frère, autrement plus politique que lui. Au bout de quatre semaines, le peuple avait beau s’égosiller, Bouteflika II rêvait encore de pouvoir, au moins pour une année encore, une année qui se serait transformé, après l’apaisement et le fléchissement du Hirak, en plusieurs années. C’est dire en quel mépris il tenait le peuple, ce peuple qu’il ne connaissait pas et qu’il croyait corrompu par quelques logements sociaux mal finis et quelques subventions de produits souvent avariés.

       Mais l’armée ne partageait pas ce rêve insensé : pas de 5e mandat de la honte, pas de 5e mandat que le peuple refuse. La mort dans l’âme, abandonné par l’armée, Saïd et son fantôme de frère, abandonnèrent la partie non sans laisser un peu de venin sous forme d’un gouvernement sensé protéger leurs arrières. Première conclusion donc. Sans la force et le soutien de l’armée le Hirak n’aurait pas eu gain de cause des Bouteflika en 5 semaines.

       On ne mesure pas encore l’ampleur de cette décision qui nous paraît naturelle alors qu’on n’osait même pas en rêver en janvier passé. Un miracle en majuscule. Boulimique le Hirak qui a digéré Bouteflika demande alors le départ des 3 B ainsi que le chef de la « bande » qui a régné et spolié l’Algérie : Saïd Bouteflika. Le premier B tombe facilement : Belaïz. En même temps les figures de l’enrichissement illicite et de la corruption tombent les uns après les autres, à leur tête l’influent Haddad, faiseur de DG des banques, on comprend pourquoi, et les redoutables Kouninef, faiseurs de ministres des secteurs où ils activaient et d’autres responsables-courtisans. Tombe aussi Ould Kaddour, mis à ce poste par Saïd au détriment de Mazouzi, un honnête responsable désigné sur la base d’un seul critère, celui de la compétence.

       Chez les Bouteflika, la compétence est un mot inconnu, on ne goûte que la région et l’allégeance. Un certain moment le gouvernement comptait un tiers de tlemcéniens et un tiers de walis ! Jamais l’Algérie n’a connu pareil régionalisme. Ni sous Ben Bella, ni sous Boumediène, ni sous Chadli, ni sous Zeroual où toutes les régions du pays étaient représentées. Un seul exemple, et il n’est pas le bon hélas, le kabyle Ouyahia a été repéré et distingué sous le chaoui Zeroual. Pourquoi une telle option ? Parce que Bouteflika n’avait confiance que dans les siens. Ce qui n’a pas empêché Tlemcen, pas dupe, de se soulever comme les autres villes du pays.

       Le Hirak jamais rassasié ne voulant pas se contenter de ces poissons, pourtant assez gros, demande la tête du plus gros et comment : Saïd Bouteflika, le chef, ce chef qui ne paye pas de mine qui marche en se dandinant si bien qu’on craindrait qu’il ne soit emporté par un vent trop fort pour le poids coq qu’il est. Et le vent vint, un vent fort et salutaire qui fera d’une pierre trois coups, et quels coups, du billard en majesté : l’armée ce vent terrible, l’armée encore qui l’envoie en prison, lui Tartag et le fameux Toufik, l’homme de tous les secrets qui avait des dossiers sur tout le monde et qui ne manquait pas de le faire savoir discrètement au cas où. Il finira en cellule pour ne pas avoir eu la sagesse de respecter son âge et de se lancer dans des complots qui sont l’apanage de la jeunesse si téméraire.

       On ne le réalise pas encore, mais tout ce qu’a fait l’armée depuis le début du Hirak restera dans l’histoire comme l’exemple même d’une alliance peuple-armée, qui a brisé toutes les manœuvres en préservant le caractère pacifique des manifestations.

       En octobre 88, l’armée tirait sur le peuple pour protéger le pouvoir, aujourd’hui l’armée met en prison le pouvoir pour protéger le peuple. Ce n’est pas le moindre des mérites de cette armée républicaine. Mais comme l’armée c’est le peuple en uniforme, faisons confiance à l’armée, elle sait bien ce qu’il lui reste à faire.

Une histoire soufie : la Vérité ?
Envoyé par M. Fabien

         ...Le Roi décida qu'il était en son pouvoir — et de son devoir — d'obliger les gens à observer la vérité. Il saurait bien les forcer à pratiquer la sincérité.
         Or l'on pénétrait dans la ville par un pont ; il y fit édifier une potence et le lendemain, à l'aube, lorsqu'on ouvrit les portes de la cité, le Capitaine de la Garde avait déjà posté ses hommes de façon à contrôler toutes les entrées.

         L'avis suivant avait été placardé :
         « Chacun sera interrogé. S'il dit la vérité, on le laissera entrer. S'il ment, il sera pendu. »
         Nasrudin s'avança.
         « Où vas-tu ?
         - Je vais être pendu, prononça lentement Nasrudin.
         - Nous ne te croyons pas !
         - Très bien ! Si j'ai dit un mensonge, pendez-moi !
         - Mais si nous te pendons pour avoir menti, tes paroles deviendront la vérité !
         - Exact : maintenant vous savez ce qu'est la vérité - VOTRE vérité ! »

Cérémonie Général Salan Vichy
samedi 15 Juin 2019
par Envoyé par M. J.P. Ferrer


           Chers amis & camarades,

           Vous le savez, nous célébrons chaque année depuis sa mort le 3 juillet 1984, la mémoire du Général d'armée Raoul Salan, l'officier général le plus décoré de France, qui commanda 2 fois en chef, en Indochine puis en Algérie, avant de lutter contre la trahison pour sauver notre belle province d'Algérie & tous ses habitants.

           Enterré au cimetière de Vichy, il en est devenu l'hôte le plus célèbre. Aussi nous espérons, quand les passions seront éteintes, qu'une grande artère de Vichy puisse un jour se nommer Avenue du Général Salan. Pour y parvenir, nous devons être très nombreux à participer à cette cérémonie du souvenir.

           Nous nous réunissons généralement le 10 juin, anniversaire de sa naissance.

           Cette année, parce qu’il est exclu de nous rassembler le 10 juin, Lundi de Pentecôte, généralement réservé aux loisirs & à la famille, la cérémonie est reportée au samedi 15 juin.
           Le déroulement de la journée est le suivant :

SAMEDI 15 JUIN 2019
À 10 heures, messe pour le repos de l’âme du Général & de son épouse,
en la Chapelle du Sacré Cœur, rue Louis Blanc à Vichy, entrée 17 rue des Pyrénées.
L'office sera célébré selon le rite traditionnel.


           À 11 h 15, rassemblement devant l'entrée du Cimetière de Vichy, 17 rue des Bartins
           Tenue recommandée pour les porte-drapeaux & anciens combattants :
           chemisette blanche, ou veste bleue avec cravate, pantalon gris clair, chaussures noires,
           coiffure militaire, gants blancs, décorations pendantes.

           À 11 h 30, cérémonie devant la tombe du Général.
Dépôts de gerbes & allocutions des responsables de plusieurs associations :
outre l’ADIMAD-MRAF, organisatrice de la journée,
l’ANFANOMA, l’ARS & le Cercle algérianiste du Puy-de-Dôme.
Le chœur Montjoie-Saint Denis & le Chœur de la Joyeuse garde qui ont annoncé
leur participation entonneront avec nous le Chant des Africains.
Chaque participant aura en mains le texte complet des couplets.

           À 12 h 00, dépôt de gerbes & allocutions devant la tombe du Lieutenant Axel Gavaldon,
           mort tragiquement à Sidi-Bel-Abbès, âgé de 27 ans, au cours de la guerre civile qui ensanglanta l'Algérie.
           Le Chœur Montjoye Saint Denis & le Chœur de la Joyeuse Garde entonneront avec nous le chant « J’avais un camarade » (ou « La cavalcade ») de mon ami le Lieutenant Jean de Brem, mort tragiquement lui aussi à l’âge de 27 ans, le 19 avril 1963.
           Chaque participant aura en mains le texte complet des cinq strophes.

           À 12 h 30, déjeuner au restaurant la Pataterie,
           2 boulevard Alsace-Lorraine, 03300 CUSSET, à 500 mètres du cimetière.
           (À la sortie du cimetière tourner à gauche dans la rue des Bartins, vers Cusset ;
           au 1er rond-point prendre la 3ème sortie, boulevard Alsace-Lorraine.)
           Devant le restaurant, vous trouverez un très vaste parc de stationnement.
           Pour la bonne organisation de ce repas, & faciliter le travail du restaurateur, nous vous prions de vous inscrire le plus rapidement possible, & en dernière limite avant le samedi 8 juin.
           Les inscriptions me parviendront à mon adresse, accompagnés du formulaire demandé à l'adresse suivante.
           Inscrivez-vous nombreux, venez avec vos parents, vos familles & vos amis. Les patriotes français ne doivent pas oublier ce que fut cette période tragique & tant douloureuse de l'histoire de France.

           Louis de CONDÉ, vice-président de l’Adimad-Mraf
           Manoir du Plaix
           52 route de Saint Pourçain 03110 CHARMEIL
           Téléphone : 04 70 32 26 38 Mobile : 06 95 58 25 30
           LdeConde@free.fr
           libtour@free.fr

Le président de l’ANFANOMA William Bénéjean
prononce son discours devant 60 assistants


24 mai 2019 Les surdoués et les élus
Envoyée par Mme Guiramand Denise

        En France, depuis qu'ils ont inventé les surdoués, aucun ne s'est présenté pour être président de la République.
        Pourquoi ?
        La réponse est simple : le job est trop facile pour eux et surtout, malgré les milliards de rétro commissions versées aux différents dirigeants, ne rapporte pas assez.

        Aussi, ils préfèrent laisser la place à bien plus stupides qu'eux, les énarques, qui sont suffisamment dénués d'intelligence pour s'y ruer à s'en rendre impopulaires à vie.
        Il en est exactement de même pour de très nombreux élus, notamment du Parti Socialiste. En effet, lorsque l'on considère la proportion des énarques socialisants, le taux de reçus est largement plus important que celui des Républicains alors qu'il s'agit d'une école où l'inscription d'admission est excessivement chère et donc inaccessible aux plus démunis.

        Parallèlement, lorsque l'on analyse les résultats de la France depuis la prise de fonction du premier de ces messieurs, ne serait-ce qu'au poste d'Inspecteur des Finances, le Produit Intérieur Brut est en chute libre au point que tout le monde est dans la rue, sauf les commerçants qui ferment tous boutique. Quand ces derniers organiseront-ils des manifestations pour s'opposer à ceux qui manifestent ? France, terre où le bassin est plein…

        Ainsi, à son image, Charles De Gaulle a conçu une école, l'ENA, pour fabriquer des imbéciles. En la fermant, Macron en reconnaît son inutilité et donc la sienne même.
Guiramand Denise© 2019


Cela s'est passé, il y a juste un siècle ...
par Extrait d'un article de Raymond Ibrahim
Envoyé par M. J.P. Ferrer
Regardez la photo. Lisez ce qu'il y a dessous.
Alors si vous ne voulez pas que ça nous arrive ....


           Cela ne s'est pas passé il y a 1000 ans !
           Mais juste un siècle.

           Le 24 avril marque le " Grand crime ", c'est à dire le génocide arménien sous l'empire ottoman islamique turc, d'avril 1915 à juillet 1916. Environ 1 million 1/2 d'une population de 2 millions d'Arméniens ont péri.
           Plus d'un million d'Arméniens ont péri par voies d'exécutions, famines, maladies, déportations et abus physiques. Un peuple qui vivait en Turquie occidentale depuis quelque 3000 ans, soit plus de deux fois l'occupation de l'Anatolie (connue maintenant comme la Turquie) par les envahisseurs islamiques turcs, a perdu son pays et a été profondément décimé par le plus grand génocide du XXème siècle.
           Qu'est-ce que les gens savent du génocide arménien ?
           Certains livres scolaires américains en font mention. L'une de ses principales causes, peut-être même la cause fondamentale, est totalement méconnue : la religion. La guerre, bien sûr, est un autre facteur qui assombrit la face véritable du génocide arménien. Du fait que ces atrocités se sont produites pendant la première guerre mondiale, ainsi va donc l'argument, elles sont en fin de compte tout simplement un reflet de cela : la guerre, dans tout son chaos et toutes ses destructions, et rien de plus. Pourtant Winston Churchill, qui a décrit les massacres comme un " holocauste administratif " a correctement observé que " l'opportunité (la guerre) se présentait pour nettoyer le sol turc de la race chrétienne ". Même Adolf Hitler avait fait remarquer que " la Turquie prend avantage de la guerre pour liquider complètement ses ennemis internes, c'est à dire les Chrétiens indigènes, sans crainte d'être dérangée par une intervention étrangère ".
           - Extrait d'un article de Raymond Ibrahim -
           Contrairement à ce qui est marqué sur l'image, la photo est tirée du film documentaire d'Oscar Apfel de 1919, " Auction of Souls " (Âmes aux enchères), adaptation du livre d'Arshaluys (devenue ensuite Aurora) Mardiganian, " Ravished Arminia " (Arménie ravie), où elle raconte de jeune fille chrétienne et du génocide armènien.
           Source : LLP




LIVRE D'OR de 1914-1918
des BÔNOIS et ALENTOURS

Par J.C. Stella et J.P. Bartolini


                            Tous les morts de 1914-1918 enregistrés sur le Département de Bône méritaient un hommage qui nous avait été demandé et avec Jean Claude Stella nous l'avons mis en oeuvre.

             Jean Claude a effectué toutes les recherches et il continu. J'ai crée les pages nécessaires pour les villes ci-dessous et je viens d'ajouter Petit, Clauzel, Gelât Bou Sba, Héliopolis, des pages qui seront complétées plus tard par les tous actes d'état civil que nous pourrons obtenir.

             Vous, Lecteurs et Amis, vous pouvez nous aider. En effet, vous verrez que quelques fiches sont agrémentées de photos, et si par hasard vous avez des photos de ces morts ou de leurs tombes, nous serions heureux de pouvoir les insérer.

             De même si vous habitez près de Nécropoles où sont enterrés nos morts et si vous avez la possibilité de vous y rendre pour photographier des tombes concernées ou des ossuaires, nous vous en serons très reconnaissant.

             Ce travail fait pour Bône, Aïn-Mokra, Bugeaud, Duvivier, Duzerville, Herbillon, Kellermann, Millesimo, Mondovi, Morris, Nechmeya, Penthièvre, Randon, Kellermann et Millesimo, va être fait pour d'autres communes de la région de Bône.
POUR VISITER le "LIVRE D'OR des BÔNOIS de 1914-1918" et ceux des villages alentours :

CLIQUER sur ces adresses : Pour Bône:
http://www.livredor-bonois.net

             Le site officiel de l'Etat a été d'une très grande utilité et nous en remercions ceux qui l'entretiennent ainsi que le ministère des Anciens Combattants qui m'a octroyé la licence parce que le site est à but non lucratif et n'est lié à aucun organisme lucratif, seule la mémoire compte :

http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr
                         J.C. Stella et J.P.Bartolini.
 


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envois divers

UN DES PREMIERS HARRAGA RACONTE COMMENT IL A RALLIÉ CLANDESTINEMENT LE CANADA

Envoyé par Robert
https://www.liberte-algerie.com/actualite/entasses-a-9-dans-2-m2-dans-la-cale-du-bateau-305255

Par Liberté Algérie par Yahia Arkat

“Entassés à 9 dans 2 m2 dans la cale du bateau”

             “Nous étions quatre à accepter de sauter dans l’eau. Mais on devait d’abord récupérer notre argent qu’on a laissé chez Mahmoud. Celui-ci qui a avoué avoir dépensé l’argent donne quand même 100 dollars à chacun des quatre volontaires prêts à quitter le navire. On s’est tenu la main dans la main et on a sauté vers 2h du matin”, témoigne Mehdi.

             “On a frôlé la mort.” Au départ, Mehdi ne voulait pas témoigner, mais il a fini par accepter de reconstituer son aventure, périlleuse, c’est le moins que l’on puisse dire, pour raconter comment il a survécu à cette expédition qu’on pourrait scénariser pour Hollywood. Mehdi, jeune dans la vingtaine à l’époque des faits, était étudiant à Bab Ezzouar. Mais ses fréquentations l’ont mené dans les dédales du trafic de tabac. À Baba Hassan, la contrebande de cigarettes avait fait florès.
             Le jeune de Sainte-Eugène à Alger s’engouffre dans la brèche et goûte alors à l’argent facile. “On gagnait 2 millions de centimes par semaine”, avoue-t-il. Très vite, les réseaux de contrebande seront démantelés, et Mehdi, qui a pris goût à un certain luxe qu’il n’avait pas trouvé dans les amphis de Bab Ezzouar, a décidé de quitter le pays à tout prix. D’autant plus qu’il est fiché dans les commissariats de police. Avec son ami Fayçal, ils ont décidé d’acheter un visa d’affaires. 85 000 francs français (on était à la veille de l’institution de la monnaie unique). “On a donné 17 000 FF pour un propriétaire d’une gargote à l’ouest d’Alger. Il nous a fait comprendre qu’il avait ses entrées à l’ambassade de France. Il nous a traîné pendant quatre mois, et point de sésame. Nous avons difficilement récupéré notre argent à coup de menaces et d’interventions”, se rappelle Mehdi qui dit avoir même acheté un trois-pièces Pierre Cardin à 20 000 DA pour voyager avec son hypothétique visa d’affaires. Dans l’entourage de Mehdi, on ne parlait que de visa et de papiers à traficoter. Un réseau de trafic de cartes de résidence en Pologne avait ses ramifications dans tout Alger. Mehdi qui a pu monter un petit commerce géré par son frangin découvre de nouvelles fréquentations à la Pêcherie.
             C’est là qu’il a appris que des harraga s’apprêtaient à partir au Canada dans un bateau de marchandises. “À l’époque, il n’y avait pas encore ces embarcations de fortune”, dit-il. Mahmoud, un opérateur mécanicien sur bateau, voulait “rentabiliser” le voyage. “Il exigeait 15 000 FF aux harraga, on a payé rubis sur l’ongle et on n’était pas sûr d’embarquer”, se souvient Mehdi qui a découvert que la filière canadienne du réseau de harraga avait déjà une assise à la Pêcherie.

             La filière canadienne
             Quand celui-ci a pu embarquer, et difficilement, avec son copain Farid, il a trouvé dans la cale du bateau sept autres harraga. “On nous a cachés derrière des machines, le temps que la PAF inspecte les lieux”, raconte-t-il. Le réduit dans lequel on les a cachés était pire que le cachot : outre l’exiguïté du lieu, les clandestins n’avaient pas le choix que de faire leurs besoins sur place.
             Le commandant de bord a décidé d’opérer des vérifications inopinées, ayant eu vent de la présence de harraga dans le bateau. Mais la vigilance de Mahmoud et d’Idriss était tellement vive qu’ils ont réussi en un quart de tour à cacher leurs “clients” dans la salle des machines. “Certains ont été carrément accrochés, c’est le cas de le dire, entre le plafond de la cale et les machines”, ajoute notre interlocuteur pour qui l’endroit était plus confortable que le réduit de 2 m2. L’adjoint du commandant voulait découvrir le pot aux roses, en vain. Les immigrants clandestins sont restés deux jours sans manger, le cuisinier qui était de mèche ne voulait pas réveiller les soupçons de ses responsables. “On nous avait pourtant promis un repas par jour”, se rappelle encore Mehdi.
             Pendant dix jours, alors que le navire déchirait les eaux de l’océan Atlantique en direction du Canada, les harraga racontaient leurs vies. Yacine de Hussein Dey avait hâte d’arriver à bon port. Sid-Ahmed pense à sa femme qui n’était pas au courant de son voyage. Hamid lit le Coran. Kamel jure par tous les saints qu’il ne manquait de rien à Alger. Farid détaille son expulsion d’Allemagne. Étant le plus instruit de la bande, Mehdi prenait les choses plutôt avec philosophie. Le navire arrive à Terre-Neuve-Labrador. Un équipage canadien devait prendre le contrôle. Le navire quitte les eaux océaniques pour entrer dans l’embouchure du fleuve Saint-Laurent. Idriss propose à ses interlocuteurs de les cacher dans un endroit encore plus petit. À l’aide d’un outillage, il a dévissé une plaque en fer qui laisse découvrir une sorte de fosse métallique impossible de contenir autant de monde. “Alors, je dois vous jeter dans le fleuve”, les a-t-il menacés.

             “On a sauté dans l’eau à 2h du matin”
             “Nous étions quatre à accepter de sauter dans l’eau. Mais on devait d’abord récupérer notre argent qu’on a laissé chez Mahmoud. Celui-ci qui a avoué avoir dépensé l’argent donne quand même 100 dollars à chacun des quatre volontaires prêts à quitter le navire”, selon le témoignage de Mehdi qui se rappelle des séquences de cette aventure ancrée à jamais dans sa mémoire. “On s’est tenu la main et on a sauté vers 2h du matin.” Avant de toucher les eaux glaciales du fleuve, Mehdi a vu défiler le film de sa vie : son enfance, son quartier de Sainte-Eugène, sa maman qui ne savait rien de l’aventure de son fils, le commerce de cigarettes à Baba Hassan, les cours séchés au campus de Bab Ezzouar, etc. Les idées se bousculaient dans la tête de Mehdi dont le corps s’épuisait à force de ramer à contre-courant. À quelque 300 m de la terre ferme, il n’était pas évident pour les quatre harraga algériens d’arriver sur le sol canadien sains et saufs. Plus tard, Mehdi appendra que deux Algériens de Mascara avaient, auparavant, trouvé la mort en tentant de gagner le littoral à la nage. “Avec un peu de courage, on est arrivé à la berge, mais épuisés. Tellement épuisés qu’on s’est affalé pour dormir sur un terrain vague.”
             Un sommeil du guerrier. Mehdi qui n’avait rien sur lui, puisqu’il avait jeté son sac à dos à cause de son poids, a dû pénétrer dans une maison comme un loup affamé. “Les propriétaires nous voyaient comme des hommes bizarres. Ils m’ont donné un pantalon, des chaussures et un billet de 10 dollars”, raconte notre interlocuteur. Sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, un jeune Constantinois les a aidés avant de les orienter au Service des réfugiés. La procédure a duré plus de deux ans, mais l’histoire de Mehdi a connu une fin heureuse : il a régularisé sa situation. “Ce fut un cauchemar”, résume notre interlocuteur son aventure qui l’a mené de la Pêcherie d’Alger au Québec.
Yahia Arkat           


LES ANNALES DES MAQUIS DE LA LIBERTÉ

Envoyé par paul
https://www.liberte-algerie.com/culture/il-est-temps-de-reecrire-fidelement-lhistoire-de-notre-revolution-316841


Liberté Algérie   l Par M. Mohamed HAOUCHINE - 29 mai 2019

Il est temps de réécrire fidèlement l’histoire de notre Révolution !”

        Né le 15 décembre 1932 dans la vieille ville de Tizi Ouzou, Salah Mekacher est un ancien élève de la médersa Ethaalibia d’Alger, située à l’époque à la rue Bencheneb, au bas de la Casbah d’Alger. Et à l’appel de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), il n’hésita pas à rejoindre le maquis en Kabylie et il est aussitôt affecté au PC de la wilaya III commandé par le Colonel Amirouche, où il devait s’occuper des activités du service de presse de l’ALN.

        En 1958, il échappa miraculeusement à l’opération de la bleuite et aux désastres de la fameuse purge où il a assisté à la disparition tragique de nombreux “médersiens” froidement exécutés par leurs propres compagnons de lutte à cause d’une campagne d’intox orchestrée par les services secrets français pour provoquer un climat de méfiance, de suspicion et de zizanie entre les moudjahidine de l’ALN et leurs officiers.
        En 1959, il échappe encore aux bombardements de l’armée française lors de la fameuse et sinistre opération Jumelles et au lendemain de l’indépendance, il fut démobilisé, sur sa propre demande, pour réintégrer la vie civile et embrasser une nouvelle carrière professionnelle d’administrateur de la santé publique et de directeur d’hôpital tout en ayant été élu député lors de la seconde législature de 1982. Profitant de sa vie paisible de retraité, il se consacra ensuite à l’écriture de l’histoire de la révolution et surtout de la vie difficile et tumultueuse mais aussi des combats héroïques menés par les combattants de l’ALN dans les maquis de Kabylie sous l’ère du chahid Colonel Amirouche puis de son successeur, le regretté Colonel Mohand Oulhadj.
        C’est ainsi qu’il édita deux premiers ouvrages en arabe et en français aux éditions El Amel , soit Aux PC de la Wilaya III historique et Les récits de la mémoire puis quatre autres livres à compte d’auteur qui ont pour titres Fureurs dans les djebels, Chroniques hospitalières, Les lendemains du cessez-le-feu et enfin Le service de presse de la Wilaya III.

        Très prolifique en écriture, Hadj Salah Mekacher ne veut pas s’arrêter en si bon chemin, lui qui vient de publier encore, aux éditions El- Amel, un nouvel ouvrage intitulé Les annales des maquis de la liberté, entre controverses et vérités où il relate, avec une mémoire infaillible, les débuts de l’insurrection contre l’occupant français en novembre 1954, le congrès de la Soummam du 20 août 1956 à Ifri-Ouzellaguène, le temps des incertitudes, la pacification et le dernier quart d’heure et enfin la fin d’une guerre sans merci qui aura duré sept ans et demi.
        “Dans ce dernier ouvrage que j’ai mis en chantier tout au début de l’année 2018, j’ai surtout mis l’accent sur l’enchaînement des grands évènements qui ont marqué la glorieuse révolution algérienne et l’intensité de la guerre qui faisait rage dans les maquis de Kabylie et qui aura donné lieu à un véritable brasier au cœur même de la Wilaya III où nos vaillants moudjahidine ont osé défier héroïquement la puissante armée coloniale pour libérer vaillamment la patrie après 132 ans de colonialisme” nous dira l’auteur Salah Mekacher qui a illustré son bel ouvrage de photos historiques inédites et surtout de récits et de non-dits, d’anecdotes et de faits d’armes qu’il aura vécus personnellement aux côtés de ses frères moudjahidine. “Tant que la santé me le permet, je continuerai à écrire sans relâche pour servir la mémoire collective et l’histoire véridique de mon pays et de sa révolution et pour preuve, je viens de mettre encore en chantier un huitième ouvrage qui aura pour titre ‘Plumes et écritoires, et pages d’histoire’ où je vais m’attarder, dit-il, sur le rôle important du PC de la Wilaya III historique, de son service de presse, de la bravoure de ses valeureux officiers et de ses vaillants moudjahidine qui ont osé défier la puissante armée française” conclut Hadj Salah Mekacher.
Mohamed HAOUCHINE           


CHRONIQUE / ACTUALITÉS

Envoyé par Jean
https://www.liberte-algerie.com/chronique/quand-les-femmes-algeriennes-sont-noyees-dans-des-marmites-ramadanesques-452


par liberté Algérie, A. Z. 11-05-2019 ,

Quand les femmes algériennes sont noyées dans des marmites ramadanesques

           Elles ne sont pas toutes pareilles, heureusement ! La religiosité exagérée et hypocrite a imposé une étrange image de la femme musulmane, pendant le mois lunaire sacré du Ramadan! Une image fantomatique. Elle s’amoche pour être pieuse, heureusement pas toutes. Pourquoi cette belle créature se diabolise, dans un mois où les satans sont enchaînés, cadenassés et jetés dans leur enfer, dit le Coran ! Elle est sans parfum, excepté les odeurs de l’ail, des épices et ras-el-hanout qui embaument son passage, du salon vers la cuisine! Heureusement, elles ne le sont pas toutes ! Les cheveux décoiffés serrés dans un foulard ou une serviette de hammam, qu’importe, c’est le mois sacré ! Son regard sort de son ventre, heureusement, elles ne sont pas toutes pareilles. Elle est sans sourire, nous sommes dans le mois sacré, il ne faut pas sourire ! Le sourire est un péché ou presque ! Pas de musique dans la maison, l’oreille est un chemin pour la tentation ! Et nos chansons sont maudites et les paroles sont impures ! Un charlatan sur l’écran qui émet des fatwas sur la mouche qui tombe dans le seau d’ablution !
           Elle est énervée contre sa fille qui prolonge son sommeil jusqu’à neuf heures. Le premier cours est séché ! Elle est coléreuse envers le fils qui rentre tard, à l’heure du s’hour ! Il sent la cigarette et il sent autre chose ! Et nous sommes au mois sacré du Ramadan ! Avec les veillées du Ramadan et les limonades buvées !!! Elle n’arrête pas de crier haut et fort que ce fils maudit ne décrochera jamais son bac !
           Elle ne parle que de la table garnie et des feuilletons télévisés, heureusement elles ne sont pas toutes pareilles ! Elle n’aime pas la zlabia de Boufarik que le mari adore de se déplacer tous les jours d’Alger jusqu’à Boufarik pour l’acheter ! Lui avec son âbaya saoudienne, est content de son butin boufarikien.

           Cette année, en regardant les chaînes de télévision dites privées et dites publiques, elle se trouve encerclée par trois choses principales : les informations sur Gaïd Salah, la publicité sur le café et des caméras cachées débiles !
           Les chaînes de télévision rendent les téléspectatrices et les téléspectateurs abêtis. Mais heureusement des femmes pensent au Harak. Dans une chaîne, Bellahmar parle des formes physiques des djinns, c’est un programme du Ramadan ! Des enfants récitent le Coran à la manière égyptienne ou saoudienne! Je pense à la belle lecture de mon père, les paroles d’Allah avaient une autre fascination divine chantées sur un maqam andalou ou maghrébin! En ce mois sacré, les fidèles sont doublement encerclés par les fatwas ! Des fatwas sur la coriandre! Des fatwas sur la façon de manger les ananas ! Des fatwas sur la zlabiya rose et jaune ! Des fatwas sur le maquillage des speakerines de télévision ! Des fatwas sur les couleurs prohibées des vêtements ramadanesques féminines !
           Et la femme regarde la télévision en comptant les heures et les minutes et les dinars dans la poche de son mari, heureusement elles ne sont pas toutes pareilles ! Elle entame le Ramadan en pensant aux frais de l’Aïd !
           La cuisine est un monstre qui avale les femmes, heureusement qu’elles ne sont pas toutes pareilles ! Elle vide les cerveaux et les bourses! Tout le monde ou presque pousse la femme dans la gueule de la cuisine, de trois heures de l’après-midi jusqu’aux trois heures du matin !

           L’homme fidèle à son Dieu accomplit son devoir religieux en dormant, en ronflant ! Même ses prières, il les rassemble en un seul rendez-vous, celui de l’après-midi, prière d’el-asr, juste avant de prendre la route vers Boufarik pour se ravitailler en zlabiya ! Jaune ou rouge ! L’homme ramadanesque est fainéant. Paresseux. Prieur. Mangeur. Grincheux. Insupportable. Infréquentable. Il parle au téléphone sans arrêt, bavard, communication sur communication ! Les mensonges d’après la prière du tarawih sont courants! Les sorties déguisées et douteuses des femmes et hommes sont banales!
           Pendant le mois sacré la consommation du hachich augmente ! Les maisons de rendez-vous se multiplient !
           Pendant le mois sacré du Ramadan, la lecture du livre littéraire et culturel recule, mais tout le monde ou presque acquiert un nouvel exemplaire du Coran ! Tout le monde ou presque ne parle que Coran, du Coran, dans le Coran… selon le Coran…

           Après le Ramadan, les femmes et leurs hommes fidèles sortent de ce mois sacré avec un poids. Une dizaine de kilos de plus, des crédits, et une centaine de poignées en péchés de plus !
           Et des femmes, les autres femmes, pensent et se préparent pour le harak !
          
aminzaoui@yahoo.fr                      


GUELMA

Envoyé par Fernand
https://www.liberte-algerie.com/est/une-recolte-cerealiere-de-plus-de-2-millions-de-quintaux-attendue-316651


 Liberté Algérie - Par APS - 26/05/2019

Une récolte céréalière de plus de 2 millions de quintaux attendue

           La récolte céréalière attendue cette saison dans la wilaya de Guelma devrait atteindre les 2,78 millions quintaux, a-t-on appris dernièrement de la Direction locale des services agricoles (DSA).
           Par variétés de céréales, cette récolte se répartit à raison de 2,121 millions de quintaux de blé dur, 381 075 quintaux de blé tendre, 279 180 quintaux d'orge et 4905 quintaux d’avoine, a indiqué la chargée de communication auprès de la DSA, Leila Hamouche qui a attribué cette bonne prévision de récolte aux conditions météorologiques favorables de cette année.
           Elle a ainsi fait savoir que toutes les surfaces dédiées à la céréaliculture au titre de la saison 2018-2019, soit 90 505 hectares, sont concernées par la campagne moisson-battage, dont le lancement est prévu en juin prochain depuis les communes de Bouchegouf et Oued Fragha.
           En plus de la mobilisation de pas moins de 498 moissonneuses batteuses pour la réussite de cette prochaine campagne moisson-battage, la coopérative des céréales et légumes secs a mis à la disposition des agriculteurs 14 points de collecte d’une capacité théorique de stockage de 900 000 quintaux, a-t-elle ajouté.
           Par ailleurs, afin de préserver les surfaces cultivées des incendies tout au long de la campagne moisson-battage, la DSA en coordination avec la direction des forêts et la Protection civile, organise depuis le début du mois courant une campagne de sensibilisation ciblant les 34 communes de la wilaya, a-t-on conclu.
APS                      


Il décède en détention après une longue grève de la faim

Envoyé par Léon
  https://www.elwatan.com/a-la-une/kamel-eddine-fekhar-etait-un-militant-entier-jusquau-bout-de-lengagement-29-05-2019

El Watan   l Par M. HACEN OUALI 29 MAI 2019

Kamel Eddine Fekhar était un militant entier : Jusqu’au bout de l’engagement…

           La paisible vallée du M’zab est replongée dans la douleur. Propulsée une nouvelle fois dans la tragédie humaine, elle ne cesse de pleurer ses enfants, comme si elle était condamnée aux larmes.

           A ses plaies béantes, s’ajoute une autre blessure. Elle vient de perdre cruellement un de ses héros, le vaillant militant politique et infatigable défenseur des droits de l’homme, Kamel Eddine Fekhar.

           D’une détermination infaillible, il était prêt à mourir pour ses idées. «Je préfère mourir digne que de vivre lâche et soumis», avait-il confié au lendemain de sa sortie de prison le 16 juillet 2017, après avoir passé deux années derrière les barreaux du sinistre pénitencier de Bouraghia. Une prophétie !

           Né une année après l’indépendance à Ksour Ghardaïa, et après avoir fait toute sa scolarité à Sétif où son père exerçait comme commerçant, Kamel Eddine Fekhar revient dans sa vallée diplômé en médecine.

           Très jeune, il s’implique dans la vie associative et sociale, notamment dans les structures traditionnelles du M’zab. Connue pour son mode d’organisation sociale spécifique et son rite religieux ibadite, Ghardaïa était une cité quasi autonome. Un modèle intégré en opposition avec le système politique hégémonique.

           Ce qui a fait d’elle une région «mal vue» et surtout «malmenée» par le pouvoir central. Cette «méfiance» à son égard s’exprime avec Boumediène, qui traitait les Mozabites de «bourgeois réactionnaires».

           Il fait exiler le chantre de la Révolution, Moufdi Zakaria, marquant ainsi le début d’une histoire injuste infligée à Ghardaïa. La propagande du parti unique s’était chargée de réduire les Mozabites à la marge les confinant au registre réducteur du «folklore».

           Ce traitement politique pour le moins ségrégationniste a profondément marqué le docteur Kamel Eddine Fekhar et déclencha en lui une prise de conscience sur la nécessité de s’affirmer en tant que citoyen entièrement à part. Il commence à exprimer ouvertement son rejet de cet état de fait et conteste le système des notables «complices et imposés d’en haut».

           Son engagement politique s’affirme lors des élections locales de 1997, lorsque le RND fraîchement créé «remporte» l’APC de Ghardaïa à coups de fraude massive. Il décide alors avec un groupe d’amis de rejoindre, une année après, le FFS et fonde la fédération du parti.

           Arrestation spectaculaire
           Une première mal perçue par les autorités locales. Pas que. Surtout qu’à l’occasion de l’élection présidentielle de 1999, le Dr Fekhar faisait partie de ceux qui accueillirent triomphalement Hocine Aït Ahmed dans la cité historique. Trois ans après, il porte les couleurs du FFS aux locales de 2002, il entre avec un autre camarade à l’Assemblée communale.

           Un coup qui va signer le début d’une reconfiguration politique locale au retentissement national. Il se forge un caractère politique en menant la vie dure aux autorités de la wilaya. Il rend la vie infernale aux potentats locaux.

           Mais aussi, c’est le début des ennuis pour le rebelle du M’zab. Son ascension politique est accompagnée d’une traque politico-judiciare. En 2004, les commerçants de Ghardaïa harcelés par les brigades de la répression de la fraude se mettent en grève. Il se crée un climat tendu dans la région, et la réponse des autorités fut violente.

           L’icône aux 18 chefs d’accusation

           Les têtes d’affiche politiques mozabites se trouvent dans le viseur des services de sécurité et de justice. Kamel Eddine Fekhar et ses amis, dont Hamou Mosbah et le très célèbre Mohamed Djelmami, sont jetés en prison. L’arrestation du Dr Fekhar fut spectaculaire. Hollywoodienne. C’était au soir du 1er novembre 2004.
           Venu assister au grand meeting du trio Hocine Aït Ahmed, Abdelhamid Mehri et Mouloud Hamrouche, à la salle omnisports de Aïn Benian, à Alger, il est arrêté par la police à la fin du rassemblement, alors qu’il venait de se séparer de Dda El Hocine, qui voyait en lui une figure montante du parti.

           L’arrestation a choqué le chef historique du FFS. Il alerte l’opinion internationale. Le nom de Kamel Eddine Fekhar fait le tour de la planète. Mais lui fait un «tour» à la prison de Ghardaïa, où il passe en compagnie de ses camarades six mois de détention pour «atteinte à l’ordre public», entre autres.
           L’épreuve carcérale durcit son engagement, renforce ses convictions et fortifie sa pugnacité. Il ressort aguerri et renforce son engagement, s’intéressant aux questions des droits de l’homme. «Les conditions carcérales m’ont fait prendre conscience de la nécessité de s’engager sur le terrain des droits de l’homme qui ne sont pas respectés dans notre pays», racontait-il. Avec son groupe, il rejoint la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme et crée une section à Ghardaïa.

           Il s’affirme comme figure militante à la dimension nationale, porte le combat du M’zab au-devant de la scène et recentre son combat, des divergences commencent alors à apparaître avec le FFS, pour aboutir à une rupture. Il s’engage entièrement dans la cause du M’zab, qui subit à intervalles réguliers des assauts violents et tragiques. Il se bat pour la reconnaissance du rite ibadite et réclame l’autonomie de la région.
           Bête noire des autorités locales et nationales en médiatisant la question mozabite. Lorsque surviennent les tragiques événements à partir de fin 2013, Kamel Eddine Fekhar joue un rôle important en alertant sur les violences et en lançant des SOS.

           Il radicalise sa position mais sans jamais basculer dans la violence. Viscéralement attaché au combat pacifique, il mobilise l’opinion publique nationale et internationale, estimant que «le M’zab est victime d’un apartheid officiel».
           Visé par des attaques politiques escortées par des campagnes médiatiques persécutantes, le Dr Fekhar est désigné publiquement par le Premier ministre de l’époque, Abdelmalek Sellal, et par le patron du RND, Ahmed Ouyahia, comme étant «la tête de la discorde».

           Sellal avait déclaré à son sujet : «Fekhar est fini.» Certaines chaînes de télévision se chargent de l’achever politiquement. L’homme est voué aux gémonies. Un bouc émissaire. Il ne reste à la justice qu’à le «coffrer». En effet, le 11 juillet 2005 il est emprisonné. Traîné de prison en prison pour finir à Berouaghia. Il pèse sur lui 18 chefs d’inculpation.

           Résistant, il poursuit son combat à partir de sa cellule, en entamant une grève de la faim qui a duré plus de 100 jours, rien que pour obtenir la tenue d’un procès pour lui et une vingtaine de détenus. Au bout de 22 mois de détention, il aura enfin son procès.

           Un moment d’explication tant attendu pour ce battant. Au terme de deux jours de procès et malgré sa santé chancelante, il a taillé en pièces l’accusation. Il est condamné à deux ans de prison ferme, malgré la faiblesse des accusations.

           Inébranlable, il ressort avec la même détermination. A sa sortie de prison, il lance un appel «à toutes les personnalités nationales indépendantes pour la mise en place d’une commission d’enquête sur les événements de Ghardaïa pour dire : plus jamais ça».

           Il a également appelé «les Algériens à œuvrer ensemble à l’instauration d’un Etat démocratique d’une façon pacifique, pour le respect des droits de l’homme».

           Et c’est à l’heure où l’Algérie s’engage massivement dans cette voie à laquelle le Dr Fekhar a largement contribué, en pleine insurrection citoyenne, qu’il est renvoyé en prison pour la 3e fois. Mais cette fois-ci, il ne reviendra pas.

           A ses enfants qui réclamaient sa libération, on le leur envoie dans un cercueil. Triste fin d’un militant entier au parcours plein de batailles, mort dans les geôles du régime.
HACEN OUALI                      


MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci-dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

Notre Ami Jean Louis Ventura créateur d'un autre site de Bône a créé une rubrique d'ANNONCES et d'AVIS de RECHERCHE qui est liée avec les numéros de la Seybouse.
Pour prendre connaissance de cette rubrique,

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sur le site de notre Ami Jean Louis Ventura



Gérard Boutonné.

         Bonjour, Bône,

           Bonjour amis Bônois / Bônoises
         Je suis Gérard Boutonné un Philippevillois qui recherche toujours comme dans mon avis de recherche du mois dernier sur votre journal, le texte dactylographier ou mieux encore le livret de la pièce de théâtre écrite pad Édouard BLOIS : JOSETTE DE VERRIÈRES.
         Ci-joint la liste des acteurs (Bônois) ayant joué la pièce précédente :CARMENO TOLLO et don la famille pourrait avoir conservé le texte de JOSETE DE VERRIÈRES que je recherche pour l’immortaliser au « Centre de documentation historique sur l’Algérie », période française.
         Cherchez mes amis/es, il faut sauvegarder tout ce que nous avons créé.
         Cordialement pied noir, Gérard.
         Mon adresse est, (cliquez sur) : g.boutonne@free.fr




De M. Pierre Jarrige

Chers Amis
Voici les derniers Diaporamas sur les Aéronefs d'Algérie. A vous de les faire connaître.
    Diaporama 116                                          Diaporama 117
    Diaporama 118                                          Diaporama 121
    Diaporama 122                                          Diaporama 124
    PDF 125                                                       Diaporama 126
    PDF 127                                                       PDF 128
    Diaporama 128
Pierre Jarrige
Site Web:http://www.aviation-algerie.com/
Mon adresse : jarrige31@orange.fr

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Mise à Jour Vocabulaire
Envoyé par Annie
       Conservez-les, un jour viendra où on ne les trouvera plus dans aucun dictionnaire, si ce n'est de vieux français.

       Inculpation
       A été expurgé du Code Pénal au profit de "mise en examen", cela afin d'éviter une infamante présomption de culpabilité.
       - Être "en examen" ne présage pas du résultat de l' examen.
       - Aujourd'hui quand quelqu'un est mis en examen, on doit toujours insister sur le fait que cela ne préjuge pas de sa culpabilité.
       - Comme du temps où il aurait été "inculpé".

       Instituteur
       - A longtemps remplacé "Maître d'école".
       - Il tend à disparaître par sa dissolution dans le concept fourre-tout de l'enseignement, au bénéfice de "Professeur des écoles"

       Maîtresse
       - Ne pas assimiler à la version féminine d'instituteur !
       - Ce serait une "professeure des écoles". Les maris n'ont plus de maîtresse mais une "amie".
       - Les épouses conservent parfois l'amant, mais seulement à cause de la connotation romantique : les moins romantiques n' ont qu' un ami aussi.

       Morale
       - A force d'être inemployée a disparu. Ne demeure que "ordre moral", mais attention : connoté de « fascisme »
       - Toutefois personne ne se réclame du "désordre moral". La morale n'est plus enseignée, elle est remplacée par "éducation à la citoyenneté"

       Mourant
       - Il n'y a plus de mourant mais des malades en "phase terminale".
       - Afin d'éviter une regrettable confusion ne dites pas à votre fils qu'il est en terminale mais qu'il va passer son bac !
       - Pour désigner un mort doit-on parler d'un individu "en phase terminée" ?

       Patriote
       - Totalement absent du vocabulaire politique et civique.
       - Désigne aussi un bon citoyen américain et un missile américain.

       Pauvre
       N'existe plus. c'est un "défavorisé", un "plus défavorisé", un "exclu", un "S.D.F." à la rigueur un "laissé pour compte".
       - Dans les années 80, il subsistait uniquement dans l'appellation "nouveau pauvre"; ce fut le chant du cygne.

       Province
       - Dire "en RÉGION". On ne dit plus du "provincial" mais du "RÉGIONAL".

       Race
       - A été abolie au profit "d'appartenance ethnique". Sinon, vous êtes raciste, fasciste, nauséabond,
      
- On peut néanmoins dire "black" en anglais et en banlieue.

       Servante / Bonne
       - Se trouve dans les romans du XIX° siècle.
       - Aujourd'hui c'est une "employée de maison".
       - Quand elle s'occupe de vieux - pardon de "personnes âgées" - elle devient "auxiliaire de vie".

       Séquestré
       - Aucun cadre, aucun chef d'entreprise n'est séquestré, il est "retenu contre son gré".

       Vandale
       - A laissé place à "jeunes en colère" voire à "paysans en colère".
       - L'ampleur des dégâts distingue les vandales des autres.

       Vol
       - Terme réservé aux gagne-petit et aux obscurs.
       - Pour les politiques on parlera "d'enrichissement personnel".
       - Ce qui est condamné unanimement par les collègues contrairement à l'enrichissement impersonnel, qui, lui, ne bénéficie qu'au parti...
       - Mérite la compréhension, ce que les juges n' ont pas encore compris !

       Voyou
       - En voie d'extinction... On ne connaît que des individus "bien connus des services de police", des "récidivistes", des multidélinquants".
Jean d'Ormesson


Si vous avez des documents ou photos à partager,
n'hésitez-pas à nous les envoyer. D'avance, Merci.

                 EN CLIQUANT. ===> ICI


Notre liberté de penser, de diffuser et d’informer est grandement menacée, et c’est pourquoi je suis obligé de suivre l’exemple de nombre de Webmasters Amis et de diffuser ce petit paragraphe sur mes envois.
« La liberté d’information (FOI) ... est inhérente au droit fondamental à la liberté d’expression, tel qu’il est reconnu par la Résolution 59 de l’Assemblée générale des Nations Unies adoptée en 1946, ainsi que par les Articles 19 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948), qui déclarent que le droit fondamental à la liberté d’expression englobe la liberté de « chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».


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