N° 115
Mars

http://piednoir.net
    carte de M. Bartolini J.P.
     Les Bords de la SEYBOUSE à HIPPONE
1erMars 2012
jean-pierre.bartolini@wanadoo.fr
http://www.seybouse.info/
Création de M. Bonemaint
LA SEYBOUSE
La petite Gazette de BÔNE la COQUETTE
Le site des Bônois en particulier et des Pieds-Noirs en Général
l'histoire de ce journal racontée par Louis ARNAUD
se trouve dans la page: La Seybouse,
Ecusson de Bône généreusement offert au site de Bône par M. Bonemaint
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EDITO

   ET VOILA QUE   
   ÇA RECOMMENCE   

        L'exemple que j'ai vécu, il n'y a pas si longtemps, avec une poursuite devant les tribunaux, se renouvelle pour une autre personne avec une assignation devant une autre juridiction.
        Dans mon exemple, c'était un Webmaster qui était attaqué. Dans cet autre exemple, c'est une présidente d'association éditrice d'une revue associative.
        Dans les deux cas, ce sont des querelles entres Pieds-Noirs qui ne devraient pas avoir leur place dans les prétoires. Ces querelles n'ont qu'un résultat, la dégradation de l'image de la communauté Pieds-Noirs dans la sphère française.

        Sans mentionner aucun protagoniste, je vous livre une information commentée.
L'INFORMATION :
        Une présidente d'association et éditrice de sa revue uniquement destinée à ses adhérents, reçoit une assignation devant un tribunal.
Motif : refus d'éditer un droit de réponse suite à un article d'information sur l'espoir suscité par la création d'un film sur l'épopée des Pieds-Noirs. Le sujet principal de l'article portait sur le retrait du collecteur de fonds et le remboursement au prorata du reste de la souscription sans les frais.
        Une information comme cela a été fait ailleurs pour la même cause. Une information que l'éditrice devait à ses lecteurs, adhérents et souscripteurs du film en question. Elle-même en avait fait la promotion tout en incitant à la souscription et devenait ainsi responsable morale auprès d'eux.

Pourquoi ce refus ? Des personnes, n'ayant aucunes responsabilités légales et pénales dans la collecte faite par le collecteur de fond mis en cause, s'estiment lésées par cet article qui ne les cite pas ou ne les met pas en cause personnellement. Ces personnes demandent un droit de réponse.
        La présidente a reçu deux demandes différentes " de droit de réponse " pour le même article.
        Ces " droits de réponse " mettent en cause le collecteur de fonds et son association en des termes qui pourraient être jugés insultants, diffamants et pouvant faire l'objet de poursuites pénales à l'encontre de la présidente/éditrice tout autant que les auteurs de ces droits de réponse.
        Donc conformément à la loi elle décide de ne pas tenir compte de ces droits de réponse et ce sont ces refus dans le cadre de la loi et de la morale qui lui valent une assignation en justice.

COMMENTAIRE : Connaissant, avec documents en ma possession, cette affaire de film, je m'en suis exprimé dans ces colonnes au nom de ceux qui m'avaient fait confiance pour la souscription.
        En lisant bien cet article écrit et édité par cette présidente/éditrice à l'intention de ses adhérents, on ne peut qu'interpréter cela comme une simple information sans mise en cause de personnes nommément désignées.
        Lorsque l'on lit et relit " les droits de réponses " des " estimées victimes ", on peut dire que n'importe quel éditeur censé aurait refusé de les diffuser afin de ne pas être poursuivi pour insultes, diffamation, surtout en connaissant le contexte de l'affaire du film avec des documents à l'appui.
        Un tel refus est tout à fait raisonnable, sensé et ne porte aucunement atteinte aux personnes réclamant le droit de réponse.

        Cette malheureuse affaire, en venant aux oreilles de nos adversaires et pour tenter de comprendre l'utilité réelle ou les buts d'une telle assignation, finira par leur faire poser ironiquement des questions qui pourraient être du genre de :
                1) Est-ce pour porter atteinte à cette présidente/éditrice et à son association ?
                2) Est-ce pour porter atteinte à la crédibilité de la communauté ?
                3) Est-ce que les termes de ces " droits de réponse " étaient volontairement outrageant afin de provoquer le collecteur de fonds et de le faire sortir de ses gongs ?
                4) Est-ce que quelqu'un d'autre ou une autre association sont visés au travers de cette assignation ?
                5) Est-ce l'aveu d'un échec pour un projet, de film, mal ficelé depuis le départ afin de se dédouaner sur autrui ?
                6) Vu les montants exorbitants demandés, est-ce une façon de renflouer le compte bancaire du film ou des portefeuilles. ?
                7) Après le déballage de toute cette affaire devant un tribunal, croyez-vous que des producteurs sérieux accorderont le moindre crédit à un projet de film P.N. ?
                8) Après cet affrontement, est-ce que les Pieds-Noirs dans leur masse, accorderont le moindre crédit à un nouveau projet P.N. ?

        L'on pourrait trouver d'autres questions, mais on aimerait plutôt dire amicalement " aux assigneurs " ou " poursuiteurs ", c'est de se mettre autour d'une table tant qu'il en est encore temps. S'ils l'avaient fait quand il avait été suggéré, un vrai projet aurait pu sortir, être réalisé et diffusé sur les grands écrans des salles citadines. On pourrait leur donner le conseil d'abandonner leur initiative judiciaire car ils auront de grandes désillusions et dont, au-delà du ridicule, le seul véritable résultat sera la salissure de notre communauté en ce cinquantenaire de notre exil.

        Puisque ces " poursuiteurs " ont pris l'initiative de la continuité du projet de film, qu'ils le mènent à son terme avec une sortie sur les grands écrans comme annoncé, et cela sera la preuve qu'ils sont dans la bonne ligne afin de réconcilier toutes les parties. Un procès accentuera la division. Est-ce là le véritable but recherché ?

        Personnellement je peux dire qu'en tant que souscripteur j'ai été remboursé sur ma modeste souscription à 60 % du montant restant de la collecte, (je dis merci au collecteur de fonds pour son honnêteté) mais surtout je rappelle " aux poursuiteurs " qu'en s'appropriant le montant versé par le collecteur de fonds à une personne, eux-même se sont appropriés sans mon accord 33% de ma souscription et qu'ils m'en sont redevables. Je saurai les réclamer le moment venu puisqu'ils ont déclaré que les souscripteurs seraient associés aux bénéfices du film. Je crois qu'à ce moment là, je ne serai pas le seul. Est-ce une boutade ou pas ?
Jean Pierre Bartolini          

        Diobône,
        A tchao.

Mers-El-Kebir
Lettre à mon village
ECHO D'ORANIE Mai/Juin 2001 - N°274

Mon beau pays,
Qui m'a vue naître,
Où j'ai grandi.

Chasse au loin ton lourd silence,
Fais-moi revivre ma tendre enfance.
Je veux entendre les cris de joie
De mes amis, comme autrefois.

Offre-moi ton ciel si bleu,
Je sens des larmes dans mes yeux.
Je veux chanter, je veux danser,
Près de la vague, une nuit d'été.

Quand ton soleil devient trop fort,
Je fais une pause et je m'endors.
Alors, je rêve d'autres pays,
Mais tu es celui que jamais je n'oublie.

Je retrouve triste, ma maison.
Envolés les fous-rires, les tendres chansons.
La porte pour toujours, reste close,
Emprisonnant les souvenirs et les choses.

Au revoir mon cher village,
Mon beau pays,
Qui m'a vue naître,
Où j'ai grandi.

Je vais te quitter, ne pleure pas,
Tu le sais bien, je pense à toi.
Je reviendrai dans tes pensées,
Comme l'hirondelle de l'été.

A bientôt.
Sylviane MAS / PIETRAVALLEO              



CONTE EN SABIR
Par Kaddour

LI BITES QUI SONT TOS MALADES
FABLE IMITEE DE LA FONTAINE!

             Ji si pas comm' s'apil, ji crois ci cholira
             Pit-itre enfilenza ; enfin comme ti voudra.
             C'it one gran maladie, qui son touillé li moche,
             Li zoizeaux, li chacail, li chian quan y li toche,
             Li pole, li bardrix, li chval, li borriquots,
             Li gamel y li puces, y mime li ziscargot.
             Yana qui son pas mort, ma tos y son cochi.
             Y son moitié crivi, barsonne y son cachi.
             Li chacail y lisse Io, li moton brominer
             Y son trop isquintés, por sarchi l'attraper.
             La lion fatigué, y ni fi blou bousbous
             A sa femme qui bloré, barc' qui son mouru tous,
             Sa sor afic sa mire, afic son fils aussi
             Li chian y son fouti, son cochi dans l' fossi.
             Li bigeons son parti, y ni fi plus l'amor
             Li coq ni plus chanti quand y viendra li jor.

             La lion gran soltan, y son fir gran ronion ;
             Y voilà quis qui dit : " Ji crois qui li mon Dion
             " Son tot afi fachi. Nos son malade bessif,
             " Ji ni si pas borquoi ? Ji sarche bor qu'il motif ?
             " Pit-itre qui qu'arqu'on y son fir on scandal,
             " Y rire d'one marabout ! y dire ji m'fot pas mal
             " Bisoan qui nous disons, frachement la virité
             " Quisqui nos avons fi, pas moyen carotté.
             " Qui çoui là qu'il a li, pit-itre one coillonade "
             " Bisoan qui sont béyé, bor tos li camarades. ".
             " Ji voir dans li Coran, Allah y son spliqui,
             · Çoui là qui sont nrichant, bar force y son claqui. "
             · Matenant mon zami, ji fir spliquation
             " Di soge qui ji fir, pit-itre y son pas bon.
             " Moi ji soui tot li jours bisoan bocoup manger,
             " Ji trappi li motons, et mime bor sanger

             " Quiqu' fois y m'arrive, ji mange on ptit' Kabyle "
             " On jor one ptit Mauresque, qui marchait bor la ville.
             " Ji crois ça n'y hais bian, barc' qui tot cit gens-là,
             " Y mi pas fir masire, y qui ji couni pas.
             " Si moi ji fir cit mal, qui tos nos son crivi ?
             " Vos povi touillé moi, por ji fir la jouslice.
             " Li chacail dit : " Sidi, borquoi vos ites trovi
             " Qui vos ites bian michan, qui bisouan la boulice
             " Y vianne vo trappi ? barc' qui ti .a mangé
             " On Kabyle, on Mauresque, di moton bor sangé ?
             " Quisqui cit mon zami, ça ci ni pas gran soge,
             · Li moton ji t'assoure, y ziti bian contan
             · Bor li Kabyle, moi ji bensi to l'tan
             Qui cit di salopri, di canail la mime soge
             Qui yana di fousil, qui sarche bor touillé moi
             " Y qui si t'a trovi, Iir la mime soge bor toi. "
             Li chacail son fini, to li monde y son rire,
             Quand y vian la sarpent, li tigre, la panthère,
             Li chval y la hyène y di chian tot ispice,
             Y barli quisqui fir ! T'os y son bon sarbice.
             " Y vian li borriquot y dir : " Y a lontan
             " To pri di marabout Sidi Abderrahman,
             " Ji bassi dans l'jardan, osqui chante li moquère
             " Ji mange on zartichaux qui son tombi par terre.
             " Ji n'en a pas l'droit. Pit-itre cit difendu ?'
             Ma ji joure ma barole, qui jamais ji fir plus. "

             " Ah ! cit toi gran fartasse, qui son dir tot li bite ,
             Millor qui ti crivi, quand vos ites tot bitite. "
             Li chacail son barli : " Bogre di salopri
             Vos ites on gran volor. Borquoi ti yana pri
             " One soge di marabout. ispice di salti
             " Bisoan qui ti morir, por no son tos quitti. "
             " Comme y dire y son fir, y copi son la tite,
             " Bor qu'Allah son contan, y liz ôtres y son quite.

             MORALE
             Si ti yana l'arjan, ou vos ites rafalé
             Si ti yana la force, bor foti bon râclé
             Si ti a bil mison, afic bèsef douro
             Li cadi fir bor toi, blanco pit-itre négro.
 


HISTOIRE DES VILLES DE LA
PROVINCE DE CONSTANTINE      N°12
PAR CHARLES FÉRAUD
Interprète principal de l'Armée auprès du Gouverneur général de l'Algérie.
LA CALLE

ET DOCUMENTS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES ANCIENNES CONCESSIONS
FRANÇAISES D'AFRIQUE.
Au GÉNÉRAL FORGEMOL

Ancien Capitaine Commandant supérieur,
du Cercle de La Calle

Mort du Père Le Vacher,
vicaire apostolique, Consul…

                     Parti, le 6 mai 1683, de Toulon avec six vaisseaux de guerre, Duquesne, arriva de nouveau, le 20 juin, devant Alger ; il y trouva une Escadre de cinq navires, commandée par le Marquis d'Amfreville. Ce ne fut que dans la nuit du 26 au 27 que les galiotes, pouvant prendre leur poste de combat, commencèrent à lancer des bombes.
                     Le 28, le temps, qui semblait d'abord annoncer l'orage, s'étant remis, les galiotes continuèrent le feu pendant deux heures et jetèrent encore cent vingt-sept bombes dans la ville. Leur effet fut désastreux ; sept ou huit cents personnes demeurèrent ensevelies sous les ruines des maisons, le désordre se mit dans la ville, et les magasins, à moitié détruits par les bombes, furent pillés. Un grand nombre de femmes désolées allèrent trouver le Pacha, le Dey et les principaux Officiers ; les unes portaient leurs enfants estropiés, les autres les bras et les têtes de leurs maris ou de leurs parents qui avaient été tués par les bombes. La Milice, émue contre Baba Hassan, lui reprocha, avec menaces, qu'il était la cause du malheur de la ville, puisqu'il l'avait excitée à rompre témérairement la Paix avec la France. Les principaux de cette Milice disaient que si on les voulait mener à la guerre contre les ennemis, ils étaient prêts à hasarder leur vie, mais qu'ils ne voulaient pas être tués dans leurs maisons où ils n'étaient plus en sûreté, et ils crièrent qu'il fallait demander la Paix au Général de la flotte de l'Empereur de France.

                     Ils allèrent aussi à la maison du Pacha, le priant d'employer son autorité pour faire punir Baba Hassan et pour conclure la Paix avec la France. Le Pacha, se voyant appuyé par les principaux de la Milice, fit assembler le Divan, le lendemain, 28, de grand matin. Il y parla à Baba Hassan avec une fierté extraordinaire et lui demanda, avec indignation, si les batteries, dont il promettait de si grands effets, avaient empêché les approches des Français et la désolation de la ville. Il dit ensuite qu'il fallait demander la Paix au Général de la flotte, que n'était le seul moyen de préserver la ville d'une entière ruine, et que si, par opiniâtreté, il persistait à empêcher la Paix, il était résolu de se retirer à Tunis et d'écrire au Grand Seigneur que Baba Hassan était la cause de la destruction d'Alger, et qu'il l'avait mis dans l'impossibilité de payer le tribut accoutumé.
                     Les principaux du Divan et la Milice firent les mêmes plaintes contre le Dey. Ému de ces discours, effrayé des menaces du peuple et des murmures de la Milice, Baba Hassan fit amener en toute hâte, devant le Conseil, un Capitaine de vaisseau français, Esclave de l'Amiral d'Alger, et le pria de leur donner un bon conseil en échange de la liberté qu'il allait recouvrer. Beaujeu, c'était le nom de cet officier (Beaujeu avait été pris, en 1681, dans une reconnaissance qu'il avait été chargé de faire du port d'Alger avec divers ingénieur.) , répondit fièrement qu'il ne leur restait qu'à se soumettre à l'Empereur de France et à demander pardon. " J'aimerais mieux, s'écria Hassan, voir Alger réduit en cendres ! " Mais tant de résolution était difficile à soutenir devant une Milice mécontente et un peuple lâche et révolté ; aussi, peu d'instants après, démentant la fierté de ses paroles, il fit venir M. Le Vacher, et tout le Divan résolut, pour prévenir les suites d'un commencement si funeste, d'envoyer promptement demander la Paix au Marquis Duquesne.
                     
                     Ils firent partir dans une chaloupe, avec le pavillon blanc, un Député, ami de Baba Hassan, et un Interprète, et ils obligèrent Le Vacher à les accompagner. Ce Député, M. Le Vacher et l'Interprète arrivèrent, vers les neuf heures du matin, le long du bord du vaisseau Amiral. Le Marquis Duquesne leur fit notifier qu'ils n'abordassent pas, et que s'ils avaient quelque chose à dire, ils allassent à la poupe de son vaisseau et qu'on leur parlerait de la galerie, Ils y allèrent et Le Vacher dit que c'était un Envoyé de Baba Hassan, du Divan et de la Milice d'Alger qui désirait parler au Général ; il lui demanda ce qu'il voulait. Le Député répondit qu'il venait pour lui demander la Paix et savoir à quelles conditions il la voulait accorder. Duquesne, qui savait par une longue expérience combien les réponses fâcheuses sont peu fidèlement rapportées au Divan par ses Députés, ne voulut répondre que par écrit ; il donna au Député ces mots signés de sa main :
                     " Le Général de l'Armée de l'Empereur de France, qui est présentement à la rade d'Alger, dit pour réponse à l'Envoyé de la part des trois Puissances et Gouverneur du Royaume d'Alger, qu'il n'entendra aucunes propositions de Paix que les susdites Puissances n'aient auparavant mis en libertés et renvoyés francs et quittes à bord des vaisseaux de l'Armée, généralement tous les Français et autres Sujets de Sa Majesté et même tous autres de quelque que Nation qu'ils soient, qui ont été pris sur les vaisseaux de France, sans en excepter pas un.
                     " Fait à bord du vaisseau de l'Empereur de France, ce 8 juin 1683. "
                     " DUQUESNE. "


                     Duquesne déclara à l'Interprète qu'il ne voulait point recevoir d'autre réponse, sinon une prompte exécution de ce qu'il exigeait, sans laquelle il n'y avait pas de Paix à espérer. Le Député fut fort surpris, et il demanda, avec étonnement, si on pouvait encore leur faire la guerre après qu'ils auraient relâché les Esclaves; mais il fut obligé de s'en retourner sans pouvoir obtenir d'autre réponse.
                     Deux heures après, le Député, revint encore avec le pavillon blanc et il apporta une lettre de M. Le Vacher. Mais Duquesne ne voulut pas la recevoir et lui répondit qu'il pouvait s'en retourner, puisqu'il s'agissait d'exécuter ce qui lui avait déjà été déclaré par écrit et non de capituler.
                     Le même Député revint vers sept heures du soir et dit à Duquesne, de la part de Baba Hasan et du Divan, qu'ils le suppliaient de ne pas lancer de bombes la nuit suivante, et qu'on réunissait les Esclaves Français dispersés en plusieurs lieux, pour les remettre entre les mains de ceux qu'il enverrait pour les recevoir. Duquesne lui fit entendre qu'il voulait qu'ils les amenassent eux-mêmes, et le Député promit qu'ils seraient amenés le lendemain avant midi. Duquesne lui dit qu'il ne tirerait pas de bombes la nuit suivante, et il fit, à la prière du Député, tirer un coup de canon pour faire savoir à ceux d'Alger qu'il leur accordait cette grâce. On ne laissa pas de travailler toute la nuit pour retirer les amarres et pour se mettre en état d'agir s'ils manquaient d'exécuter leur promesse.

                     Le lendemain, 29, ils amenèrent cent quarante-un Esclaves à l'heure qu'ils avaient promis, entre autres de Beaujeu, qui avait été acheté onze mile deux cents piastres ; le même Député les accompagnait, et il assurait qu'on assemblait tous les autres Esclaves Français et tous ceux qui avaient été pris sous la bannière de France pour les renvoyer incessamment. Il demanda aussi, de la part de Baba Hassan, la liberté des Raïs et des Algériens qui avaient été pris sur le vaisseau que le Chevalier de Lhéry avait enlevé sur sa route.

                     Le 30, ils amenèrent cent vingt-quatre Esclaves, et, le 1er juillet, cent cinquante-deux ; le Député fit de nouvelles instances, au nom de Baba Hassan, pour obtenir au moins la liberté des Raïs ; Duquesne le lui accorda enfin, lui déclarant qu'il les relâchait en considération de Baba Hassan, auquel il voulait faire ce présent sans conséquence.
                     Dès les premiers jours de juillet, il y eut tradition d'éloges réciproques. Duquesne demanda Mezzomorto, Amiral de la flotte Algérienne et Aly Raïs, de la Marine. Sa demande fut accordée avec d'autant plus d'empressement que Baba Hassan connaissait la cabale que Mezzomorto organisait contre lui.
                     M. Le Vacher fut prié, par le Dey, de conduire les otages. La longue expérience que l'exercice du Consulat avait donnée à Le Vacher du caractère des Algériens et de la manière de conduire les affaires, la bonne volonté dont il savait Baba Hassan animé, au milieu des graves difficultés qu'il avait à surmonter, lui faisaient désirer, dans l'intérêt de la Paix, de la Religion et de la France, que Duquesne ne poussât pas les choses à l'extrême. Mais Duquesne ne ménagea rien.

                     Les jours suivants, les Algériens continuèrent à amener d'autres Esclaves jusqu'au 9. Il ne restait plus aucun Esclave Français à Alger, ou autre qui eût été pris sous la bannière de France ; le nombre de ceux délivrés allait à cinq cent quarante-six. La Paix paraissait donc une chose assurée, puisqu'elle était désirée de part et d'autre ; il ne s'agissait que de s'entendre sur les articles du Traité. Cependant, on touchait à une rupture éclatante et la guerre, un instant suspendue, allait recommencer avec une fureur nouvelle.
                     Le peuple, si ardent pour la Paix quand les bombes menaçaient la ville, avait bientôt oublié ses terreurs, et, furieux de voir qu'on lui avait enlevé ses Esclaves sans lui donner même l'espoir d'une indemnité, paraissait disposé à se révolter pour la guerre comme il venait de le faire pour la paix. Cette disposition mit Baba Hassan dans un grand embarras au sujet des cinq cent mille livres que Duquesne réclamait comme compensation des prises faites sur ses compatriotes ; après bien des pourparlers, qui n'amenaient aucun résultat par l'impossibilité où était Baba Hassan de faire consentir la Milice à l'indemnité, Mezzomorto, qui voulait à tout prix sortir de la position où il se trouvait, engagea Duquesne à le laisser aller à terre, en lui disant : " Dans une heure, j'en ferai plus que Baba Hassan dans quinze jours. " Duquesne, ne comprenant pas le double sens de ces paroles, lui accorda la faveur qu'il demandait. Au moment où il quittait le vaisseau français, il toucha la main de l'Amiral, lui promettant bientôt de ses nouvelles.

                     A peine de retour en ville, il se rendit dans les cafés, parcourut les groupes des Janissaires, ranima leur mécontentement et souffla partout le feu de la révolte. " Baba Hassan, disait-il, ne méritait pas de commander à l'invincible Milice, il la déshonorait par une Paix honteuse, et déjà il avait ruiné l'État et les particuliers en restituant les Esclaves aux Français qui, par un mépris intolérable, refusaient eux-mêmes de rendre leurs compatriotes, enchaînés à bord des galiotes ! Ces discours et d'autres semblables ayant porté au comble la fureur des Janissaires, ils se répandirent en petits groupes dans la ville, et, le soir, à dix heures, Baba Hassan, en rentrant chez lui, tomba frappé de quatre coups de feu, et Mezzomorto était élu Dey d'une voix unanime. Duquesne, croyant encore aux dispositions favorables de Mezzomorto, le fit aussitôt complimenter et, sur sa demande, lui envoya les conditions de la Paix.

                     Deux jours se passèrent sans que l'Amiral Français reçut aucune réponse. Certain alors qu'il n'avait plus rien à attendre des négociations, il hissa de nouveau le pavillon rouge, qu'il appuya de deux coups de canon à boulet ; les Algériens répondirent par un nombre de coups pareil et hissèrent à leur tour le pavillon de guerre. En renvoyant l'otage français, Mezzomorto lui déclara que, si on continuait à bombarder, il ferait mettre à la bouche du canon tous les Français qui se trouvaient à Alger. Cette nouvelle reprise des hostilités pouvant donner à la guerre un caractère d'acharnement qu'elle n'avait pas encore eu, Duquesne jugea prudent de mettre à l'abri de tout danger la population qui occupait les Établissements de La Calle ; il y envoya donc quatre galères sous les ordres de M. de Breteuil, qui revinrent, peu de temps après, chargées de quatre cents personnes qui furent évacuées sur Toulon(2). C'est à tort que certains historiens ont affirmé que les commerçants de La Calle se sauvèrent à Tabarque, qui était occupée alors, par les Génois, leurs concurrents et même leurs ennemis.
                     La nuit qui suivit cette déclaration de guerre, Duquesne fit reprendre l'attaque et ce fut avec une vigueur nouvelle ; indépendamment des bombes ordinaires, il ordonna cette fois, de lancer sur la ville des carcasses incendiaires.
                     Les Mortiers furent servis avec la plus grande activité, et, chaque nuit, on tirait jusqu'à trois cents bombes ; bientôt même, faisant preuve d'une hardiesse extrême, les Français embossèrent de jour la moitié des galiotes sous le canon de l'ennemi et, tirant sans relâche, ne laissèrent aucun repos aux infidèles. Ils leur firent ainsi éprouver des pertes d'autant plus cruelles que la population, qui se retirait la nuit à la campagne, rentrait, dès le matin, dans la ville. De leur côté, les Corsaires continuaient à diriger sur les galiotes un feu des plus vifs qui causait peu de dommages.

                     Cependant, les Corsaires acquéraient un peu d'expérience ; la nuit, ils allumaient des feux qui servaient à diriger leurs coups, et, dans chaque attaque, les Français éprouvaient quelques pertes en officiers et en soldats.

                     Mais, bientôt, les moyens ordinaires de défense ne suffirent plus aux Algériens, et, laissant enfin éclater cette fureur et cette barbarie qui semble toujours former le fond de leur caractère, ils donnèrent à la guerre une face nouvelle. Un Renégat, voyant du linge que l'on faisait sécher sur la plate-forme de la maison du Consul, le dénonça à Mezzomorto comme donnant un signal à l'armée du Roi pour tirer les bombes ; le Dey commanda aussitôt qu'on allât le prendre et qu'on le mit à la bouche d'un canon, heureux de satisfaire ainsi une animosité qu'il nourrissait depuis longtemps contre le Vicaire-Apostolique. L'occasion de cette rancune nous est révélée par une lettre de M. Montmasson, écrite, d'Alger, le 20 octobre 1686. Mezzomorto, dans une de ses courses, avant la guerre, avait pris une femme de Majorque, fort jolie, dont il voulut abuser plusieurs fois par force ; cette dame en écrivit secrètement à M. Le Vacher qui, se transportant aussitôt à la maison de Baba Hassan, gendre du Dey, qui était Gouverneur et gouvernait plus que son beau-père Mohamed, et lui fit ses plaintes contre Mezzomorto. Baba Hassan réprimanda Mezzomorto qui en fut si choqué, qu'il ne voulut jamais pardonner cette dénonciation à M. Le Vacher, et, aussitôt qu'il fut Dey, il saisit avec empressement l'occasion de lui faire éprouver tout son ressentiment, " L'ordre donné d'amener Le Vacher fut à l'instant même exécuté et sa maison livrée au pillage ; mais comme le Consul ne pouvait marcher, on le mit sur les épaules d'un portefaix et on le transporta ainsi chez le Dey, " Il était atteint de l'éléphantiasis depuis qu'il avait eu la peste à Tunis. Une autre relation dit qu'il fut porté dans sa chaise. Ces forcenés, connaissant les intentions de leur maître, conduisirent, dit un écrivain du temps, cette innocente victime à la mort qu'ils voulaient lui faire souffrir sans autre formalité, car l'ayant mené sur le Môle, le dos tourné à la mer, on le mit à la bouche du canon.
                     " - Tu ne mourras pas, lui dit le Commandant de la troupe, si tu veux arborer le turban. "
                     " - Garde ton turban, lui répliqua le vieux missionnaire… "


                     Il était connu des Turcs pour un homme d'une piété, d'une douceur et d'une charité sans exemple ; aucun d'eux ne voulut mettre le feu au canon. Un malheureux Renégat, plus cruel que tous les autres, se chargea de l'exécution ; il mit le feu, le canon creva, mais il avait eu tout l'effet qu'on en attendait...
                     Ainsi s'envola, le 29 juillet 1683, dans le sein du Seigneur, cette âme généreuse et si bienfaisante, après avoir consacré trente-six ans de son existence au soulagement des pauvres Esclaves Chrétiens de Tunis et d'Alger, et près de vingt ans à soutenir l'honneur de son Roi, qu'il représentait sur cette terre barbare. Sa maison, c'est-à-dire le Consulat de France, fut livré au pillage, et c'est ainsi que nos anciennes Archives disparurent.
                     Le meurtre du Consul fut suivi de celui de vingt-deux autres Chrétiens, qui périrent de la même manière. " Ces inutiles cruautés, dit Rotalier, déshonorèrent la défense des Algériens ; elles sont du petit nombre des faits dont se souviennent les peuples. " Les restes de son corps furent ramassés par des Chrétiens. Ses habits furent conservés comme de saintes reliques; il y eut même des Turcs qui en voulurent avoir pour se ressouvenir des vertus de cet homme de bien.

                     Les attaques durèrent jusqu'au 18 du mois d'août, et des centaines de bombes lancées sur la ville où elles causèrent de grands désastres. Plus d'une fois l'esprit de révolte reparut et Mezzomorto fut Obligé de défendre, l'épée à la main, le pouvoir qu'il avait gagné par une conspiration. Le sang coula dans les rues d'Alger et ces fureurs intestines ajoutèrent de nombreuses victimes à celles de la guerre.
                     Cependant la persévérance du nouveau Dey ne se démentit point, et Duquesne ayant épuisé toutes ses bombes, fut obligé de songer à la retraite, sans avoir obtenu la satisfaction qu'il était venu demander. Toutefois, en renvoyant une bonne partie de sa flotte à Toulon, Duquesne resta lui-même en croisière dans les eaux d'Alger pour empêcher les Algériens de reprendre des courses dont les profits les eussent promptement dédommagés des pertes qu'ils venaient d'essuyer.
                     Le bombardement n'ayant pas obtenu le résultat qu'on avait principalement eu vue, la liberté des mers, dès le milieu du mois d'août 1683, Dussault, un des principaux intéressés dans le Bastion de France, fut autorisé à entreprendre des négociations officieuses. Duquesne s'opposa au projet de Dussault, qui dût en référer à Colbert, pour qu'il fit part de ses intentions à l'Amiral français ; le 14 septembre, celui-ci était informé par le Marquis de Seignelay, successeur de Colbert, récemment décédé, qu'il venait d'écrire à Duquesne à ce sujet.

                     Le 8 octobre, Dussault fut reçu par le Dey à la Maison du Roi, en présence du Pacha et des Secrétaires. Le Dey accusa Duquesne d'avoir manqué à sa parole et déclara que la République ferait toujours la guerre plutôt que de traiter avec lui, qu'il avait trompé son prédécesseur dont il avait occasionné la mort. Du reste, il était disposé à recevoir les intentions du Roi de la main d'un particulier, ce qu'il ne ferait jamais de celle de Duquesne avec toutes ses forces.
                     Dussault quitta Alger, le 10 octobre, pour retourner à Marseille, persuadé que le Chef de la Régence entamerait volontiers des négociations pour la Paix s'il avait à traiter avec un autre que l'Amiral. Le Ministre, instruit de ces dispositions, rappela Duquesne, donna commission à de Tourville de le remplacer devant Alger et à Dassault de poursuivre sar négociation.

                     Le 2 avril, l'escadre de Tourville parut en rade d'Alger, et Dassault engagea le Dey à lui envoyer deux Capitaines pour lui demander la Paix. Après bien des tergiversations, sous prétexte d'impossibilité, Mezzomorto se détermina à faire des avances ; mais ses représentants, admis en présence de Tourville, se bornèrent à des compliments sans rien demander. Dussault s'étant plaint au Dey de la fausse démarche qu'il lui avait fait faire, celui-ci répondit qu'il y avait moyen de tout réparer en écrivant au Commandant de l'Escadre et le pria de porter lui-même la lettre.
                     Le lendemain, Tourville répondit à Mezzomorto qu'il enverrait un Commissaire au Divan pour dire les intentions du Roi, et lui expliquer que sa dernière résolution était de lui demander les Sujets de Sa Majesté et les Étrangers pris sous son pavillon, cinq cent mille écus pour l'indemnité, des prises et les fonds qui s'étaient trouvés chez M. Le Vacher.
                     A ces propositions, le Dey répliqua : " Il est inutile de parler davantage sur ce sujet ; tout ce qu'on peut faire, c'est d'oublier le passé de part et d'autre ; il n'y a pas d'indemnité à espérer pour les prises, tous les Français seront rendus à la condition qu'on rendra tous les Turcs ou Maures de la dépendance d'Alger qui sont sur les galères ; ces propositions étant de nature à aigrir le Divan plutôt qu'à le rendre favorable, il est inutile de donner des otages. "

                     Cédant aux instances de Dassault et de Tourville, le Dey assembla le Divan pour qu'il eût à se prononcer sur la convenance de la Paix ou de la Guerre avec la France ; le premier avis ayant prévalu, on livra des otages de part et d'autre. Le Dey pria Dassault d'avertir le Commissaire de ne pas parler des fonds qui se trouvaient chez M. Le Vacher, lui promettant de les lui donner de la main à la main, afin que le public ne le sut pas.
                     Le Commissaire se borna à mentionner au Divan la restitution réciproque des Captifs esclaves, l'engageant à s'en rapporter, pour les détails et les autres propositions qui pourraient être mises en délibération, à la sagesse du Dey, du Capigy, du Bachi et du Pacha, comme seul moyen d'arriver à une conclusion. La pluralité des suffrages se prononça dans ce sens.
                     Après le Divan, Mezzomorto prétendit que les Français, déjà livrés à Duquesne, devaient entrer en compte dans l'échange ; ce qu'apprenant, Tourville renvoya l'otage Turc et demanda son Commissaire. La négociation était rompue.
                     Dassault fit alors demander, à Tourville, s'il pouvait se désister des fonds de M. Le Vacher, pour avoir occasion de renouer cette affaire si c'était possible. La réponse fut affirmative.

                     Le 17 avril, le Commandant de l'Escadre, ne recevant pas de nouvelles, écrivit au Dey pour lui annoncer son départ. Le lendemain, le Dey envoya en réponse à Tourville la lettre suivante dans laquelle il lui faisait savoir tout ce qu'il pouvait faire:
                     " Au Général de l'armée de France, M. le Chevalier de Tourville, qui est l'exemple des Grands des Chrétiens et le soutien de la gloire du Seigneur de la religion de Jésus, que votre prospérité soit augmentée.
                     " Nous vous donnons avis, avec toute sorte d'amitiés, que l'agréable lettre que vous nous avez écrite est heureusement arrivée vers nous qui sommes vos amis ; nous l'avons lue d'un bout à l'autre et nous en avons parfaitement compris la teneur, par laquelle vous nous donnez à connaître les moyens de finir la guerre qui est entre nous, la changer en bonne union et amitié, et mettre en repos et en paix l'un et l'autre Parti. Sur quoi, je vous dirai, comme à mon bon ami, que si Votre Excellente souhaite une fois la Paix, nous la voulons et désirons dix fois davantage. Vous n'avez qu'à demander au Gentilhomme Dassault, du Bastion, de quelle manière j'ai employé, pour cette affaire, tous mes soins et toute mon étude ; il vous dira ce qui en est et comme tout s'est passé, afin que vous n'en doutiez nullement.
                     Ensuite, vous marquez dans la vôtre que nous rendions tous les Esclaves pris sous le pavillon de France; ces sortes de demandes ne sont pas à faire dans des Lettres pour parler de Paix, parce qu'il n'est pas à propos, ni à vous ni à moi, de parler de ce qui s'est passé.
                     " Ce qui est arrivé est arrivé, et ce qui est passé soit passé, il n'y faut plus songer ; il faut traiter les choses sur le même pied que si Alger n'avait jamais eu, jusqu'à présent, ni paix, ni connaissance avec la France, et, qu'aujourd'hui, l'un et l'autre Parti souhaitant la Paix, formassent mutuellement le dessein de contracter amitié ensemble ; et faisons le compte que nous voulons faire la Paix la première fois. A ce sujet, je vous dirai, comme à mon ami, que la dernière résolution à laquelle nous nous sommes arrêtés, en présence de tous, est que vous apporterez, à Alger, tous les Esclaves Mahométans qui nous appartiennent, soit les Janissaires, soldats du pays, soit les Maures ou Arabes, et nous ferons échange de tous vos Esclaves, tête par tête, et Esclave par Esclave ; si les nôtres se trouvent en plus grand nombre que les vôtres et qu'il en reste quelques-uns, nous les rachèterons au prix que vous estimerez juste et raisonnable; et si les vôtres sont en plus grand nombre, on vous les rendra au prix auquel ils ont été achetés; c'est à quoi l'on a conclu. Cependant, mon cher ami, quelque soin et diligence, quelque peine et exactitude que vous observiez à l'égard de cette Paix, je sais que votre parole est écoutée favorablement chez le Roy, et même que ce que vous dites ne manque pas d'avoir son effet ; de quelque manière que la chose réussisse, après avoir fait toutes vos diligences, Votre Excellence n'a point de prétextes, ni d'excuses à chercher, ni des discours des uns et des autres à craindre, parce que toutes ces affaires ont été remises à votre disposition, et il donnera son consentement à tout ce que vous ferez.

                     " Ce que nous venons de dire a été reçu de toute la victorieuse Milice, nos enfants, qui sont à présent dans Alger ; ils y ont consenti et donné leur parole. Pour ce qui est de nos autres enfants qui sont dehors, au Camp victorieux, nous leur avons écrit une Lettre pour leur faire savoir en quel état sont les affaires de cette Paix, afin qu'ils soient informés et participants de ce qui se passe. Nous en aurons, s'il plaît à Dieu, une réponse dans cinq ou six jours, et alors nous ferons la Paix avec vous, et il est très assuré et certain que notre union et amitié sera plus grande et plus stable qu'elle n'a jamais été. Le salut de Paix vous soit donné."


                     Après avoir étouffé énergiquement une conspiration formée par Barberousse, appuyé sur une fraction opposée à la Paix avec la France, Mezzomorto fit publier une Ordonnance prescrivant aux particuliers d'amener les Français Esclaves à la Maison du Roi, pour savoir ce qu'ils avaient coûté et chercher les moyens de rembourser les patrons quand on les rendrait.
                     Les ennemis des Français faisaient toujours courir des bruits mensongers pour susciter de nouveaux obstacles au Traité de Paix ; dans le but de soulever la populace, ils disaient que, dans l'échange, le Dey ne stipulait que celui des Janissaires. A cette nouvelle, les Maures se rendirent en tumulte auprès du Dey pour lui offrir une somme égale à la valeur des Esclaves Français, soutenir la guerre et se procurer la satisfaction de mettre eux-mêmes les Chrétiens à la bouche du canon, si l'Armée du Roi venait encore à lancer des bombes.
                     De leur côté, les Marabouts assiégeaient le Dey, pour lui répéter sur tous les tons que le Coran défend de rendre les Chrétiens sans argent.

                     Au milieu de cette effervescence, les Consuls Anglais et Hollandais ne restaient pas inactifs ; ils menaçaient le Dey, s'il concluait la Paix aux conditions proposées par la France, de rompre avec lui et de le forcer d'accorder à leurs Souverains les mêmes avantages ; du reste, ils mettaient à sa disposition tout ce qu'il demanderait pour soutenir avec honneur la guerre contre la France. Mezzomorto renvoya le Consul Anglais avec menaces et dit au second qu'il redoutait le Roi de France et qu'il ne craignait pas son maître.
                     La réponse de Tourville, du 19 avril, fut qu'il ne pouvait accepter les conditions proposées et qu'il s'en tenait à celles qu'il avait déjà transmises.

                     Le lendemain 20, à la suite d'une conférence, entre le Dey, le Capigy, le Rachi et l'Amiral Algérien, il fut résolu que Dussault serait dépêché au Roi de France avec une Lettre au sujet du différend qui divisait les parties contractantes; Mezzomorto avait une telle confiance dans la Justice du Roi de France, qu'il disait qu'il en passerait par tout ce qu'il plairait à Sa Majesté.
                     Ce même jour, le Commandant Français envoya sa chaloupe à Dussault, fi t tirer le coup de partance et mit à la voile. A l'instant, Dussault se rend auprès de Tourville, lui fait part de la Conférence qui venait de se tenir, et le prie d'accorder une Trêve de 45 jours pour remplir la Commission dont il se trouve chargé auprès du Roi.
                     Tourville y consentit, mais le Dey voulut trois mois, ce à quoi ne consentit pas le Commandant Français. Alors le Dey lui ayant fait dire qu'il serait plus content de la Paix que de la Trêve, il reçut une copie en Français et en Turc de l'Article 4, qui était le sujet de la contestation ; en la remettant au Dey, Dussault lui dit que Tourville avait promis de le rayer, s'il n'en était pas content, et qu'ainsi il ne s'agissait plus de Trêve, mais de Paix. Le Dey accepta l'offre, et, ayant lu le Traité en entier, il fit insérer l'Article 4 et donna à Dussault un otage pour le conduire à bord.

                     Le 23 avril, l'otage fut mené auprès de Tourville. Le Commissaire Français, accompagné de De la Croix, Interprète du Roi, vint à terre et fut introduit au Divan général ; après la harangue du Commissaire, le Dey demanda dans quel temps l'échange se ferait et qui se chargerait de l'exécuter. A quoi Dussault répondit que c'était lui qui en était chargé. Alors De la Croix lut tout haut le Traité par ordre du Dey, afin que personne n'en ignorât.

                     A aucune époque, il n'y eut une joie plus grande parmi le peuple que dans cette circonstance ; il promit de maintenir inviolablement la Paix, disant ; " que les enfants de leurs enfants se souviendraient qu'il ne faut jamais faire la moindre insulte au pavillon de France. "
                     Le marquis d'Amfreville ayant désiré descendre à terre, après la signature du Traité, le Dey le reçut avec la plus grande distinction, ainsi que tous les officiers qui l'accompagnèrent.

                     Le Traité de 1684, en 29 Articles, renouvelant les clauses des anciens Traités, se termine par la mention suivante :
                     " Fait et publié en la Maison du Roy, à Alger, le Divan assemblé où étaient les très illustres et magnifiques seigneurs Ismaïl Pacha, Hadj Hussein Dey Gouverneur, l'Agha de la Milice, le Muphti, les deux Cadis, les gens de la loi et de justice et de toutes les victorieuses Milices, en présence du sieur Hayet, Conseiller du Roy en ses Conseils, Commissaire général des Armées navales de Sa Majesté, au lieu et place de Monseigneur le Chevalier de Tourville. " Dussault, propriétaire du Bastion et de la Croix, Interprète de Sa Majesté, ès langues orientales, qui a lu le présent Traité au Divan, le jour de la publication de la Paix, le 8e de la lune de Djouad el-ouel, l'an de l'Hégire de Mahomet 1095 qui est le 23 avril 1684.
                     " Notre foi et notre parole avec le seing et le sceau du Pacha et du Dey.
                     " Signé : LE CHEVALIER DE TOURVILLE. "

A SUIVRE

ALGER, TYP. DE L'ASSOCIATION OUVRIÈRE V. AILLAUD ET Cie
Rue des Trois-Couleurs, 1877
Livre numérisé en mode texte par M. Alain Spenatto.

CATHÉDRALES
De Germain NOUVEAU
Envoyé par Gérard


Mais gloire aux cathédrales !
Pleines d'ombre et de feux, de silence et de râles,
Avec leur forêt d'énormes piliers
Et leur peuple de saints, moines et chevaliers,
Ce sont des cités au-dessus des villes,
Que gardent seulement les sons irréguliers
De l'aumône, au fond des sébiles,
Sous leurs porches hospitaliers.
Humblement agenouillées
Comme leurs sœurs des champs dans les herbes mouillées,
Sous le clocher d'ardoise ou le dôme d'étain,
Où les angélus clairs tintent dans le matin,
Les églises et les chapelles
Des couvents,
Tout au loin vers elles,
Mêlent un rire allègre au rire amer des vents,
En joyeuses vassales ;
Mais elles, dans les cieux traversés des vautours,
Comme au cœur d'une ruche, aux cages de leurs tours,
C'est un bourdonnement de guêpes colossales.

Voyez dans le nuage blanc
Qui traverse là-haut des solitudes bleues,
Par-dessus les balcons d'où l'on voit les banlieues,
Voyez monter la flèche au coq étincelant,
Qui, toute frémissante et toujours plus fluette,
Défiant parfois les regards trop lents,
Va droit au ciel se perdre, ainsi que l'alouette.
Ceux-là qui dressèrent la tour
Avec ses quatre rangs d'ouïes
Qui versent la rumeur des cloches éblouies,
Ceux qui firent la porte avec les saints autour,
Ceux qui bâtirent la muraille,
Ceux qui surent ployer les bras des arcs-boutants,
Dont la solidité se raille
Des gifles de l'éclair et des griffes du temps ;
Tous ceux dont les doigts ciselèrent
Les grands portails du temple, et ceux qui révélèrent
Les traits mystérieux du Christ et des Élus,
Que le siècle va voir et qu'il ne comprend plus ;
Ceux qui semèrent de fleurs vives
Le vitrail tout en flamme au cadre des ogives
Ces royaux ouvriers et ces divins sculpteurs
Qui suspendaient au ciel l'abside solennelle,
Dont les ciseaux pieux criaient dans les hauteurs,
N'ont point gravé leur nom sur la pierre éternelle ;
Vous les avez couverts, poudre des parchemins !
Vous seules les savez, vierges aux longues mains !

Vous, dont les Jésus rient dans leurs barcelonnettes,
Artistes d'autrefois, où vous reposez-vous ?
Sous quelle tombe où l'on prie à genoux ?
Et vous, mains qui tendiez les nerfs des colonnettes,
Et vous, doigts qui semiez
De saintes le portail où nichent les ramiers,
Et qui, dans les rayons dont le soleil l'arrose,
Chaque jour encor faites s'éveiller
La rosace, immortelle rose
Que nul vent ne vient effeuiller !
Ô cathédrales d'or, demeures des miracles
Et des soleils de gloire échevelés autour
Des tabernacles
De l'amour !
Vous qui retentissez toujours de ses oracles,
Vaisseaux délicieux qui voguez vers le jour !

Vous qui sacrez les rois, grandes et nobles dames,
Qui réchauffez les cœurs et recueillez les âmes
Sous votre vêtement fait en forme de croix !
Vous qui voyez, ô souveraines,
La ville à vos genoux courber ses toits !
Vous dont les cloches sont, fières de leurs marraines,
Comme un bijou sonore à l'oreille des reines !
Vous dont les beaux pieds sont de marbre pur !
Vous dont les voiles
Sont d'azur !
Vous dont la couronne est d'étoiles !
Sous vos habits de fête ou vos robes de deuil,
Vous êtes belles sans orgueil !
Vous montez sans orgueil vos marches en spirales
Qui conduisent au bord du ciel,
Ô magnifiques cathédrales,
Chaumières de Jésus, Bethléem éternel !

Si longues, qu'un brouillard léger toujours les voile ;
Si douces, que la lampe y ressemble à l'étoile,
Les nefs aux silences amis,
Dans l'air sombre des soirs, dans les bancs endormis,
Comptent les longs soupirs dont tremble un écho chaste
Et voient les larmes d'or où l'âme se répand,
Sous l'œil d'un Christ qui semble, en son calvaire vaste,
Un grand oiseau blessé dont l'aile lasse pend.

Ah ! bienheureux le coeur qui, dans les sanctuaires,
Près des cierges fleuris qu'allument les prières,
Souvent, dans l'encens bleu, vers le Seigneur monta,
Et qui, dans les parfums mystiques, écouta
Ce que disent les croix, les clous et les suaires,
Et ce que dit la paix du confessionnal,
Oreille de l'amour que l'homme connaît mal ! ...
Avec sa grille étroite et son ombre sévère,
Ô sages, qui parliez autour du Parthénon,
Le confessionnal, c'est la maison de verre
À qui Socrate rêve et qui manque à Zénon !
Grandes ombres du Styx, me répondrez-vous: non ?...

Ce que disent les cathédrales,
Soit qu'un baptême y jase au bord des eaux lustrales,
Soit qu'au peuple, autour d'un cercueil,
Un orgue aux ondes sépulcrales
Y verse un vin funèbre et l'ivresse du deuil,
Soit que la foule autour des tables
S'y presse aux repas délectables,
Soit qu'un prêtre vêtu de blanc
Y rayonne au fond de sa chaise,
Soit que la chaire y tonne ou soit qu'elle se taise,
Heureux le coeur qui l'écoute en tremblant !
Heureux celui qui vous écoute,
Vagues frémissements des ailes sous la voûte !

Comme une clé qui luit dans un trousseau vermeil
Quand un rayon plus rouge aux doigts d'or du soleil
A clos la porte obscure au seuil de chaque église,
Quand le vitrail palpite au vol de l'heure grise,
Quand le parvis plein d'ombre éteint toutes ses voix,
Ô cathédrales, je vous vois
Semblables au navire émergeant de l'eau brune,
Et vos clochetons fins sont des mâts sous la lune ;
D'invisibles ris sont largués,
Une vigie est sur la hune,
Car immobiles, vous voguez,
Car c'est en vous que je vois l'arche
Qui, sur l'ordre de Dieu, vers Dieu s'est mise en marche ;
La race de Noé gronde encore dans vos flancs ;
Vous êtes le vaisseau des immortels élans,
Et vous bravez tous les désastres.
Car le maître est Celui qui gouverne les astres,
Le pilote, Celui qui marche sur les eaux...
Laissez, autour de vous, pousser aux noirs oiseaux
Leur croassement de sinistre augure ;
Allez, vous êtes la figure
Vivante de l'humanité ;
Et la voile du Christ à l'immense envergure
Mène au port de l'éternité.
Germain NOUVEAU       
(Recueil : Poésies d'Humilis)       
  



D : comme Départ,
Drame, Désespoir.
Envoyé par Mme Joceline MAS

              Alger, sur les quais envahis de soleil, une foule se presse.
              Une colonne de personnes chargées, fatiguées, hagardes, avance vers la passerelle d'un grand paquebot.
              Un homme, René, porte deux lourdes valises, sa femme Josette, suit. A son bras un grand et gros sac, qui paraît trop lourd pour ses bras frêles.
              Deux enfants, Aline 8 ans et Marc 10 ans tenant serrés leurs jouets, semblent épuisés. Ils montent à leur tour sur la passerelle et arrivent sur le pont. Josette sanglote, les petits pleurent aussi. Ils pleurent de voir leur mère pleurer, ils ne savent pas exactement ce qui se passe. Pourquoi ils doivent quitter leur maison, leurs amis, leur pays ? Ils vont en France.
                            " - C'est où la France ?
                            - Chez qui allons-nous ?
                            - en France !
                            - mais chez qui ? Maman ?
                            - Je ne sais pas ! En France. "

              Laissant les enfants et leurs bagages à côté des deux chaises longues qui leur sont réservées, les parents se frayent un passage à travers la foule, pour arriver au bastingage. Là, appuyés à la rambarde, ils regardent avec intensité la ville blanche qui s'éloigne tout doucement, ils pleurent sans retenue, avec de gros sanglots qui montent de leurs cœurs meurtris. Insidieusement le rivage disparaît lentement. Les quais, les immeubles disparaissent aussi.
              Josette se penche, veut voir encore son pays, sa terre. Sa tête tourne, ses pensées s'emmêlent, elle se penche encore et encore pour apercevoir une dernière fois sa vie qui s'efface. Son buste est perpendiculaire à la rambarde. Soudain, un cri déchire l'air, Josette bascule, hurle le nom de son mari : " René !! René !! ". Son corps disparaît dans le remous des vagues.
              Les passagers se mettent à hurler.
              René, sans réfléchir, enjambe le bastingage, se tourne un instant vers ses enfants et comme pour s'excuser : " Elle m'appelle " et saute à son tour dans le tourbillon mousseux que trace le sillage du navire.
              Leurs corps disparaissent. Engloutis à jamais, dans cette Méditerranée qui a bercé leur enfance. Appuyés, plaqués contre les cabines, deux enfants hagards. Aline la bouche grande ouverte sur un cri silencieux, les yeux horrifiés, ne réalise pas ce qui vient d'arriver.
              Marc hurle son effroi " Non ! Non ! Papa ! Maman ! au secours !
              Qui viendra au secours de ces enfants dont l'enfance est fauchée, l'adolescence meurtrie, la vie saccagée ?

              Josette est-elle tombée accidentellement ? ou a-t-elle voulu mourir, ne supportant pas l'idée de partir, de laisser sa terre, ses parents enterrés dans le petit cimetière de leur village ?
              Et René ? a-t-il pensé une seconde qu'il pouvait sauver sa femme des flots ? a-t-il pensé qu'il ne lui serait pas possible de vivre sans elle ? peut-on réfléchir dans ces cas extrêmes ?

              Longtemps la petite fille n'a pu prononcer une parole. Son cœur s'est refermé sur les images de ses parents. Elle n'a jamais pu raconter à personne son arrivée en France. Une vague cousine les a recueillis son frère et elle. Une femme déjà âgée, n'ayant jamais eu d'enfants, se trouvant en quelque sorte, forcée de garder ces deux là. Elle ne leur prodiguera ni chaleur, ni tendresse, ni mauvais traitement. Elle les élèvera, les nourrira sans plus.
              Le frère et la sœur deviendront indissociables. Toujours ensemble, se protégeant l'un, l'autre. Se nourrissant de leurs faibles souvenirs, revivant sans cesse leur enfance heureuse avec papa et maman, avant que n'apparaisse le gros paquebot.

              Quarante ans ont passé. Marc et Aline sont instituteurs tous des deux ; ils ne sont pas mariés, ils habitent tous deux, un petit pavillon dans la banlieue parisienne. Les élèves sont leur famille.
              Un jour, chez une amie, devant un ordinateur, ils regardent un CD sur Alger et ses environs. Soudain, fébrilement, ils cliquent sur la souris, ils regardent de tous leurs yeux, ils reviennent plusieurs fois sur la même image. Ils revoient leur pays, les quartiers qu'ils ont connus, leurs écoles. Leurs mains tremblent, ils se regardent et leurs yeux s'embuent de larmes. Si longtemps contenu, leur chagrin remonte à la surface, libère l'étau de leur cœur.
              Et les larmes coulent, coulent. Aline, maintenant sanglote. Elle ne voit plus rien sur l'écran, mais enfin, elle peut parler de ce drame qu'ils ont vécu.
              Jamais, elle n'a pu en parler à qui que ce soit. Et là, elle raconte, parle, délivre son cœur de cette immense chape qui l'enserrait.
              Son amie lui apporte des mouchoirs, une tasse de thé, la réconforte du mieux qu'elle peut, émue aussi aux larmes.
              Peut-être que ces deux êtres meurtris par la vie, retrouveront à partir de cet instant, un peu de sérénité.
              Que le fait de parler de cette tragédie soit une réconciliation avec la vie, et qu'ils pourront penser à être heureux, à leur tour, avant qu'il ne soit trop tard.

Extrait du livre " De la Côte Turquoise à la Côte d'Azur "
Médaille de Bronze avec Mention d'Excellence décernée par le Centre Européen pour la Promotion des Arts et Lettres.

Jocelyne MAS
Poète-Ecrivain
Chevalier dans l'Ordre National du Mérite
Membre de la Société des Poètes Français.

Site Internet : http://www.jocelynemas.com


CUISINE
de nos lecteurs

¤¤¤ LES GRIOUCHES ¤¤¤
De Pierrette, Aïcha et Jeanine

Ingrédients :
¤ 250g de beurre.
¤ 2 Sachets de vanille.
¤ 1 Œuf.
¤ 1/2 coquille de vinaigre blanc.
¤ 1 pincée de sel.
¤ 1 verre d'eau (plus chaude que tiède).
¤ 500g de farine.
¤ Levure fraîche (un cube 40g).

¤¤¤ DECO ¤¤¤
¤ Graines de sésame.
¤ Miel + eau de fleur d'oranger.
¤ Huile pour la friture.

¤¤¤ Préparation ¤¤¤

Dans un grand saladier ou dans le bol du batteur, à l’aide d’un fouet, bien mélanger le beurre fondu, la vanille, l’œuf, le vinaigre, le sel.

Délayer la levure dans l’eau. Dans le bol, ajouter la levure et la farine que vous incorporez lentement tout en remuant afin obtenir une pâte homogène, malléable et détachable du bol. Le mieux est de finir le malaxage dans le batteur pendant 5 minutes. Peut-être vous faudra t-il ajouter un peu de farine.


Laisser reposer la pâte environ une heure dans un endroit à 20°, ensuite fariner un peu votre table et étaler la pâte assez finement comme pour des oreillettes. Avec votre moule, faite vos empreintes ou le système D : avec une boite (retournée) en plastique carrée de 8 cm, faire l’empreinte (découpe) et avec une roulette, faire 4 entailles parallèles à la roulette, sans aller jusqu'aux bords.


Pour tresser les carrés : à l'aide des deux mains, soulever et séparer avec un doigt les lanières 1-3-5 des lanières 2 et 4 sans casser le carré de pâte.

Souder les deux angles inférieurs du carré et les faire remonter vers le haut pour obtenir cette forme.


         4¤ Faire toute votre pâte. Une fois fini le découpage et le tressage des griouches, les mettre dans une huile bouillante et les faire dorer des deux cotés, les sortir de l'huile et les tremper dans du miel chaud mélangé avec de la fleur d’oranger. Laisser imbiber, égoutter dans une passoire le surplus de miel, mettre dans un plat et décorer avec les graines de sésame, servir froid avec un thé bien chaud.


La nappe est une relique du Lycée Mercier de Bône
offerte par un couple d’Amis.
    

L'évidence même !!!
Envoyé Par Jean

         
       Un ours polaire, un dauphin et un crocodile sont en train de discuter des vacances qui approchent. L'un d'eux demande au dauphin :
       - Tu vas où en vacances cette année ?
       - Eh bien, tu sais, ma femme a des nageoires, mes enfants ont des nageoires, moi aussi j'en ai, donc on va aller du côté de l'océan.

       L'ours et le crocodile :
       - Oh c'est bien !

       - Et toi l'ours, où tu vas en vacances ? demande le dauphin.

       L'ours:
       - J'ai beaucoup de poils, ma femme et mes enfants aussi, donc je pense que je vais aller au Pôle Nord.

       Les autres :
       - Cool ! Et toi le crocodile tu vas où ? demande l'ours.

       Le crocodile :
       - Ma femme a une grande gueule, mes enfants ont une grande gueule, moi j'ai une grande gueule, je crois qu'on va aller en France pour manifester !



Albert CAMUS
Par M. M. BELHASSEB
Envoyé par M. Barisain
        Vendredi, 03 Février 2012 18:50
        Par : http://www.liberte-algerie.com/contributions/entre-morts-et-memoires-albert-camus-171239


Entre morts et mémoires

« Oui, c’est vrai. Des hommes et des sociétés ont marqué ce pays avec leur civilisation de sous-officiers. Ils se faisaient une idée basse et ridicule de la grandeur et mesuraient celle de leur Empire à la surface qu’ils couvraient. Le miracle, c’est que les ruines de leur civilisation soient la négation de leur idéal. Car cette ville squelette, vue de si haut dans le soir finissant et dans les vols blancs des pigeons autour de l’arc de triomphe, n’inscrivait pas sur le ciel les signes de conquête et de l’ambition. Le monde finit toujours par vaincre l’histoire. »
Albert Camus, Le vent à Djémila, p.,31.3.

              La pose d’une plaque commémorative (sic) sur le frontispice de la maison natale d’Albert Camus à Dréan (ex Mondovi), il y a quelques jours, par l’ambassadeur de France en Algérie, ne relève pas de l’anodin vue des deux rives. Vue de l’autre rive, l’événement se prête bien à cette lecture chargée, voire même surchargée de sens, à la veille d’une élection présidentielle où se multiplient les gestes ravivant la mémoire commune entre l’Algérie et la France. Si François Hollande a préféré jeter des fleurs sur la Seine à la mémoire des victimes du 17 octobre 1961, Nicolas Sarkozy, qui voulait panthéoniser Camus au début de son mandat, a préféré le commémorer à la source, sur sa terre natale ! Vue de cette rive ci, rien n’a été dit et le wali d’El Taref qui accompagnait l’ambassadeur de la France faisait dans le diplomatiquement correcte puisque le silence pèse lourd sur l’homme et son œuvre parce qu’ici la mémoire de Camus n’a pas droit à la parole. Pareil encore pour le cinquantenaire de la mort de l’écrivain, il y a deux ans où toute parole était non seulement souhaitable mais interdite puisque une pétition circulait déjà pour interdire toute activité commémorative de cet événement.
              Entre ces passions de part et d’autre des deux rives que reste-t-il aujourd’hui aux lecteurs algériens de cet homme et de son œuvre ?
              La question est pertinente et se pose avec acuité chaque fois qu’il est question de Camus et de son œuvre qui porte l’Algérie dans ses moindres interstices. Car que serait cette œuvre si on lui ôtait sa terre nourricière, sa sève même ?
              Le poids du silence sur Camus, ici, a bien une cause : c’est cette conviction que se sont faite, depuis l’indépendance de l’Algérie, certains de nos compatriotes parmi les plus instruits qu’Albert Camus reste un écrivain français, un colonialiste de la première heure. Ses écrits dépeignent le colonisateur et sa conscience d’hégémonie sur les autochtones et autres arabes qui constituent juste un élément du décor. Or, cette position est-elle indemne de parti pris politique et idéologique ? Un parti pris à la peau dure puisqu’il a résisté cinquante années durant sans même qu’il ait été soumis à la critique scientifique. Le peu de travaux universitaires ou autres contributions, d’ailleurs, ne font que reconduire cet établissement définitif. On se rappelle alors le numéro spécial de la revue de l’ILE de 1990, Albert Camus au présent, qui, dans son préambule affichait cette volonté d’une « lecture algérienne » celle justement de consacrer l’établissement définitif. A la veille de la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, ne sommes-nous pas appelés à revoir cette lecture définitive de l’œuvre camusienne qui nous dit, qui nous écrit ? Cette entreprise relèverait alors du dépassement même des préjugés et autres égoïsmes car elle appellera à la pertinence scientifique, à la lecture productive, celle qui élargirait l’horizon de l’œuvre et l’inscrirait dans de nouveaux contextes puisque ceux qui ont vu l’écriture de l’œuvre sont largement consommés et largement dépassés ! Cette entreprise de renouvellement de la lecture des textes de Camus doit concéder, au moins, ce qui a été admis par les lectures, et qui reste la préoccupation fondamentale de Camus, à savoir : l’homme aux prises avec son destin. Du coup, la question de la réception de l’œuvre camusienne reste d’actualité. Il est évident, à en croire Paul Ricoeur , que l’œuvre reste ouverte et soumise à son lecteur à qui elle appartient et à qui revient le devoir d’élargir et/ou de renouveler son horizon en fonction de ses propres attentes. Cette perspective arracherait l’œuvre de l’horizon qui l’a vu naître et l’inscrirait dans un horizon nouveau celui du présent du lecteur.
              Il s’agit, pour dire simple, décontextualiser l’œuvre et la recontextualiser en permanence ce dont dépend, fondamentalement, la conscience de la lecture. Car, au demeurant, l’Algérie d’aujourd’hui n’est pas celle d’il y a cinquante ans !

              Un constat : si les lecteurs d’aujourd’hui ont conscience de ce fait ils auront conscience certainement que l’œuvre les interpellent…! Le problème encore est que notre mémoire de Camus est vouée au silence et que toute tentative de se le remémorer s’avèrerait vaine du fait que des gardiens de la conscience sont là veillent à ce que cette mémoire camusienne soit vouée aux oubliettes, aux silences. Le paradoxe est que la mémoire qui travaille l’œuvre de part en part, et nous travaille, refuse tout enfermement dans le passé au profit du présent même s’il faut créer des morts conscientes : « Créer des morts conscientes, c’est diminuer la distance qui nous sépare du monde à jamais perdu, et entrer sans joie dans l’accomplissement, conscient des images exaltantes d’un monde à jamais perdu. » C’est bien cette âpre leçon de la terre d’Algérie que Camus a commencé à apprendre dès sa tendre jeunesse. S’il faut s’en apprivoiser, il suffit de parcourir ses premiers écrits écrits entre 1933 et 1935 et publiés entre 1937 et 1939, à savoir L’envers et l’endroit et Noces. Ecrits dans lesquels Camus, il le dit dans la Préface de la réédition de L’envers et l’endroit de 1958, n’a pas beaucoup marché. Il est resté le même. Ces essais sont définitifs, emblématiques même, dans l’ensemble de l’œuvre. Ils racontent les tribulations d’un jeune homme aux prises avec son destin qu’il essaye d’apprivoiser en cherchant des évidences dans la contemplation de la terre d’Algérie et de sa lumière ; où le jeune homme empoignant ses angoisses errait et allait à la rencontre du monde avec sa conscience lucide : « A cette extrême pointe de l’extrême conscience, tout se rejoignait et ma vie m’apparaissait comme un bloc à rejeter ou à recevoir. J’avais besoin d’une grandeur. Je la trouvais dans la confrontation du désespoir profond et de l’indifférence secrète d’un des plus beau paysage du monde.
              J’y puisais la force d’être courageux et conscient à la fois. » Ne trouve-t-on pas ces traces dans le « Premier homme » puisque cette errance conduit l’écrivain, le jeune homme, vers cet immense oubli, vers la patrie des hommes de sa race, le lieu de l’aboutissement d’une vie commencée dans ses racines ; le lieu même de la lecture si, toutefois, la lecture accèderait à la conscience de l’œuvre ! Toute conscience d’une œuvre est conscience de lecture, nous dit encore Ricoeur. L’Algérie de Camus telle qu’il l’écrit tout au long de son œuvre se concentre dans ses premiers écrits forgés dans ces « images simples et éternelles », source unique que l’écrivain a gardé au fond de lui. Pour Camus de cette époque, et même pour celui de l’après Nobel, cette source unique irriguée des senteurs et des odeurs de la terre ocre de son enfance algéroise, son ciel bleu écru et la mer argentée, et de loin en loin encore le désert qui se révéla une nuit à Janine… l’a forgé comme homme et comme artiste et lui a donné sa mesure profonde ce sur quoi, en effet, il revient dans la Préface de 1958 : « Pour moi, je sais que ma source est dans L’envers et l’endroit, dans ce monde de pauvreté et de lumière où j’ai longtemps vécu et dont le souvenir me préserve encore des deux danger contraires qui menacent tout artiste, le ressentiment et la satisfaction. »
              Il y a dans l’œuvre de Camus une conscience réelle de sa terre natale. N’est-elle pas d’ailleurs la force unique qui le travaille chaque fois qu’il se mettait à écrire ? Oui, cette conscience est aigue chez ce petit pauvre de blanc de Bab El oued que Jean Grenier, le maître et le tuteur incontestable, avait bien orienté vers des réflexions profondes. C’est lui encore qui l’orienta vers Saint Augustin et Plotin dans ses débuts universitaires. Son mémoire de DES traitait déjà de ces deux philosophes de cette rive ci, deux hommes du Sud, comme lui, méditerranéens et nord africains ! L’homme Camus, et l’artiste aussi, était obscurément, comme il le dit, resté attaché à ses racines du sud, comme Faulkner, à jeter de la lumière sur cette partie obscure en lui que la critique française de l’époque, et même d’aujourd’hui, a oubliée. Ni L’Etranger, ni La Peste, ni L’Exil et le royaume ni encore moins Le Premier homme n’ont fait l’économie de l’Algérie. Elle est cette conscience aigue de l’œuvre qui la ferait accéder à l’éternité de la lecture ! Il n’a point de risque dès lors de dire que cette terre natale tant aimée est celle là même qui dessine cette géographie de l’absurde, quant on sait que l’absurde est ce dur face à face de l’homme avec son destin ; elle serait alors la terre de la révolte, la révolte même faible de l’esprit !
              S’il est question, pour le lecteur aujourd’hui, de saisir la profondeur du questionnement absurde n’est-ce pas la terre d’Algérie qui lui apporterait des réponses ? Non seulement des réponses mais les évidences même sur une réflexion profondément humaniste et franchement orienté vers l’universel. S’il est en effet un sens auquel pourrait accéder l’œuvre, et de ce fait de sa lecture ce serait cet universel humain car au demeurant que serait l’Algérie sans cette aspiration à l’universel !
              Le travail de renouvellement de lecture qu’il nous appartient aujourd’hui d’effectuer à propos de Camus devrait dégager notre mémoire des clivages idéologiques pour l’inscrire dans l’ordre universel du monde : « Ce pays est sans leçons. Il ne promet ni ne fait entrevoir. Il se contente de donner, mais à profusion. Il est tout entier livré aux yeux et on le connaît dès l’instant où l’on en jouit. Ses plaisirs n’ont pas de remède, et ses joies restent sans espoir. Ce qu’il exige, ce sont des âmes clairvoyantes, c’est à dire sans consolation. Il demande qu’on fasse un acte de lucidité comme on fait un acte de foi. Singulier pays qui donne à l’homme qu’il nourrit à la fois sa splendeur et sa misère ! » Au delà de la guerre des mémoires, comme le dit si bien Mohamed Harbi, ces mots retentiront comme un cri de grâce et délivreront l’œuvre et son lecteur des jougs idéologiques de circonstance. Ce qu’il faut au travail de renouvellement de lecture, à la décontextualisastion et recontextualisation de l’œuvre c’est de donner parole à notre mémoire sourde, interdite de parole, victime alors d’égoïsmes qui n’apporterait rien aux aspirations universelles de l’Algérie d’aujourd’hui. Camus reste un écrivain de chez nous, un écrivain d’ici. Il mérite la place qui est la sienne parmi nous, sans préjugés ni égoïsmes, car au moins il nous ouvre les yeux sur notre présent, sur un présent impérissable…!

              M.BELHASSEB ( enseignant de littérature française à l'université de Guelma ), le 30 janvier 2012.


Voici la plaque posée le 22 janvier 2012
et qui a disparue la nuit suivante
Voir la Seybouse précédente (N°114)

ANECDOTE
Envoyé par M. Fernandez
 Persécutions antichrétiennes en Algérie :
une réalité travestie par l'Etat

25/01/2012 - 11h00

                 ALGER (NOVOpress) - Bouabdellah Ghlamallah, le ministre des affaires religieuses algériennes, souhaiterait que sept églises chrétiennes, qui célèbrent leur culte clandestinement, puissent " régulariser leur situation ". Le dirigeant musulman a ajouté que " les chrétiens en Algérie exercent librement leur culte ". Une réalité sérieusement travestie par la propagande de l'Etat algérien.
      Mgr Ghaleb Moussa Bader, archevêque d'Alger, note que l'administration algérienne refuse de plus en plus souvent de délivrer des visas à des prêtres ou des religieux. Lors d'un récent colloque, le prélat s'est inquiété du " risque d'asphyxier à petit feu la communauté catholique ". Tandis que les évêques d'Algérie exprimaient début 2010 leur " grande peine " suite au saccage d'un temple protestant à Tizi Ouzou (Est d'Alger) et se déclaraient " très inquiets des entraves mises à la pratique du culte chrétien dans le pays ".
      Fin septembre 2010, France Soir soulignait aussi que " depuis plusieurs années, procès, persécutions et discriminations en tout genre se multiplient contre les chrétiens en Algérie, où l'islam est religion d'Etat ".

      Novopress.info, 2012, Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d'origine http://fr.novopress.info/


PHOTOS
Diverses de BÔNE
Envois de diverses personnes

Envoyé par M. Charles Ciantar
Démolition du Monument aux Morts de Bône
Photo Charles Ciantar
Vue générale de Bône
Photo Charles Ciantar
Vue des Santons
Photo Charles Ciantar
Envoyé par M. Jean Brua
Aquarelle du cours Bertagna, par M. Maurice Bouviolle
Colection personnelle de M. Jean Brua
Collection M. Jean Brua
Cartes envoyées par M. Albert
Le Marché Arabe
Photo Albert R.
L'Hôpital de Bône
Photo Albert R.
L'Orphelinat
Photo Albert R.
Le Cap de Garde
Photo Albert R.

L'ALGERIE de A. BERACHET
envoyé par M. C. Ciantar

          Les premiers immigrants qui ont traversé la Méditerranée ont obéi à l'attrait de l'inconnu, à l'amour de l'aventure, beaucoup plus qu'aux suggestions du calcul. Ils se sont, pour la plupart, mis à l'œuvre avec résolution. Ils ont supporté héroïquement (l'expression n'a rien d'exagéré) les privations, les périls, les maladies, la ruine même et la misère. Quand nous faisons la somme de tous les obstacles qu'ils ont eu à vaincre, des épreuves formidables que presque tous ont traversées, nous ne pouvons nous défendre d'un profond sentiment d'admiration. Ceux qui les ont vus à l'œuvre ont la juste mesure de leurs misères passées et de leurs mâles vertus. Ceux qui ont succombé sont oubliés ; mais, sur le champ de bataille de la colonisation algérienne, il y a des survivants debout, et ceux-là peuvent dire ce qu'il leur a fallu d'énergie pour arriver au but.
          On ne saurait assez répéter combien les premiers pas furent difficiles, pour ne pas dire impossibles. Il fallait en quelque sorte faire le terrain ; il fallait fouiller le sol d'une main et de l'autre tenir le fusil pour repousser les maraudeurs; puis après de longues journées tout entières passées à se courber sur le sol, à déraciner des entrailles de la terre les mille plantes parasites qui en empêchaient la fécondation, la fièvre couchait le laboureur sur le sillon entamé, et bien des champs de l'Algérie ont été de tristes ossuaires avant de se charger de leurs splendides moissons.
          Quand on voit maintenant dans ces campagnes fertiles des villages prospères, des fermes qui n'ont rien à envier à nos fermes françaises, qu'on se reporte au temps très rapproché de nous, où tous ces terrains étaient couverts de marais infects et de broussailles impénétrables, on se sent saisi d'admiration pour les hommes qui ont fait de pareilles choses.
          Le premier acte de colonisation après la prise de possession du territoire d'Alger fut un arrêté du maréchal Clauzel qui loua à une société anonyme, dont il approuva les statuts, la ferme dite Haouch-Hassan-Pacha qui depuis ce moment a été connue sous le nom de Ferme modèle, parce qu'elle fut destinée à servir de type à tous les établissements agricoles qui viendraient à se former. Cet arrêté porte la date du 31 octobre 1830.

          
          Dès le printemps de 1831 quelques autres établissements se fondent, notamment chez les Béni-Moussa, à une lieue et demie de la ferme modèle.
          Dans le courant de cette même année, il arrive à Alger environ cinq cents émigrés allemands et suisses qui étaient partis de chez eux avec l'intention de se rendre en Amérique, mais qui parvenus au Havre changèrent brusquement de résolution et se dirigèrent sur Alger. Ce furent ces colons qui formèrent le noyau de la population des deux premiers villages européens, Kouba et Dely-Ibrahim, construits en 1832. Alors aussi est créé le jardin d'essai à la porte d'Alger.

          En 1833, l'Administration militaire se livre à de grands travaux qui donnent autour des places où ils ont lieu un certain essor industriel : le génie militaire exécute des travaux de dessèchement dans la Mitidja et à Bône.

          En 1834, Boufarik prend son origine dans le camp d'Haouch-Chaouch ; quelques colons arrivent, mais en petit nombre.

          En 1835, quatorze communes rurales sont fondées autour d'Alger : à Pointe-Pescade, Bouzaréah, Dely-Ibrahim, Mustapha, El-Biar, Birmandreis, Kadous, Kouba, Hussein-Dey, Birtouta, Dechioua, Douéra et Mazafran. D'autre part des relations d'affaires s'établissent : Alger vend à la France et à l'étranger pour 2.500.000 francs de produits. A la fin de l'année, la population européenne est de 11.121 individus, dont 4.888 étrangers.

          En 1836, la population monte à 14.500 habitants dont 5.485 Français. La colonisation s'étend, aux environs d'Alger, à la Reghaïa, à l'Haouch-ben-Chenouf, à Ain-Kadra, et aux environs de Bône, où l'on fonde le camp de Dréan, dans la plaine de Seybouse.

          En 1837, le traité de la Tafna permet un développement temporaire de la colonisation. On met en culture une assez grande quantité de terres; des colonies militaires sont établies à Misserghin et aux Figuiers ; on dompte autour d'Alger 6.935 hectares cultivés, 597 autour de Bône et 595 autour d'Oran. La population européenne s'élève à 16.770 habitants dont 6.592 Français.

          L'année 1838 voit la colonisation s'étendre dans toutes les sphères. Tous les villages déjà fondés augmentent en population. Ainsi, on compte à Boufarik cinq cents habitants et soixante maisons et à Dely-Ibrahim quatre cents habitants et quatre-vingt-dix maisons. D'autres points, comme la plaine de l'Outhan des Beni-Mouça, reçoivent de hardis colons. Les postes du Fondouk sur le Khamis et de Kara-Mustapha, sur l'Oued-Kadarah, sont installés pour la protection de la Mitidja. On fonde ailleurs ceux de Maelma, de Mered, et beaucoup d'autres qui devinrent des villages. Des cultivateurs s'établissent également à la Calle. Les camps retranchés de Koléa et de Blida deviennent l'origine d'une certaine culture européenne ; toutefois le mouvement de l'immigration est toujours lent. A la fin de l'année on ne compte encore que vingt-deux mille soixante-dix-huit habitants européens non-soldats, dont huit mille quatre cents français. L'Algérie exporte pour près de 4.000.000 de francs.
          C'est dans cette même année que la religion chrétienne prend officiellement sa place sur le nouveau territoire français; un évêché est institué à Alger.

          En 1839, année de l'insurrection générale, les colons ont à se défendre pied à pied, corps à corps ; on les voit faire eux-mêmes la police de la plaine et transformer leurs fermes en de véritables forteresses que les bandes arabes assiégent plus d'une fois en vain.
          Cependant, cette année-là, il y a un certain essor de la population civile. On compte vingt-six mille vingt-trois habitants européens, non-soldats, dont environ douze mille français. D'autre part à Alger, à Bône, à Constantine, le négoce se développe; il faut créer un tribunal de commerce.

          L'année 1840 est aussi une année de guerre. Les exportations diminuent. La population n'augmente que d'un millier d'âmes (27.204 habitants civils, dont 12.193 Français).

          Les succès de 1841 raniment la colonisation. Les grands travaux se font dans les villes, qui prennent peu à peu un aspect européen. Des cités entières, comme celle de Philippeville, fondée en 1838, sortent comme de terre. D'un autre côté, on comprend que le meilleur moyen de lutter avec l'élément arabe, c'est d'amener en Algérie une forte population agricole européenne. L'arrêté du 13 avril détermine les règles des concessions, fixe les centres autour desquels elles se forment. On essaye aussi de la colonisation par des soldats libérés; mais il y a toujours un peu de contrainte dans la colonisation militaire. Le soldat libéré en Algérie a depuis trop longtemps quitté sa patrie pour ne pas désirer la revoir. Les villages militaires sont aujourd'hui des villages complètement civils. Néanmoins, tous les efforts réunis donnent un grand essor à l'ensemble du mouvement algérien. Les cultures du coton et de la soie sont introduites; les forêts sont parcourues et étudiées. La population européenne non militaire s'élève tout à coup jusqu'au chiffre de 35.727 habitants, dont 15.947 Français.

          Mais c'est de 1842 que date la vraie prospérité de la colonie. Les villages de Draria, de Douera, de l'Achour, d'Ouled-Fayet, de Cheragas, et d'autres, sont fondés. On achève de grands défrichements; les villes nouvellement conquises se peuplent et deviennent commerçantes. On trouve le Français partout ; la population européenne civile est de 46.500 habitants, dont 21.000 Français.

          En 1843, création de villages à Saoula, Baba-Hassen, Crescia, Saint-Ferdinand, Sainte-Amélie, Daouâda, Montpensier, Joinville, Mered, Saint-Jules, etc., dans la province d'Alger ; concession aux trappistes de Staouéli ; fondation des pépinières de Guelma, de Misserghin, de Philippeville ; travaux de la Senia, de la Mina, du Sig; institution du service spécial de dessèchement; amélioration des ports d'Alger, Cherchell, Oran, Mers-el-Kebir, Mostaganem, Philippeville, Bône, la Calle ; fonds considérables et instruments de culture distribués : voilà les principaux faits de la colonisation ; aussi des capitaux énormes s'engagent en Algérie. On estime alors à 50 millions de francs la valeur des constructions et propriétés européennes. La population civile est de 59.186 habitants, dont 28.169 Français.
          Ajoutons qu'alors la femme se montre comme élément de colonisation. Le recensement de cette année atteste la présence en Algérie de.14.569 femmes européennes, dont 9.062 mariées.

          Ce nombre augmente énormément en 1845, ainsi que celui des habitants non militaires. Le chiffre de ceux-ci est de 75.420, dont environ 38.000 Français. La culture se développe ; de nombreux centres de population sont fondés à Djemma-Ghazaouat, El-Arouch, la Calle; on établit les villages de Vallée, Damrémont, Saint-Antoine ; on récolte, dans les prairies appartenant à l'État, pour 2.500.000 francs de fourrages; de riches plantations réparent les ravages des razzias.
          En 1845, ce qui dénote le plus la marche ascendante de la colonisation, c'est la valeur des exportations commerciales : elles s'élèvent à près de 7 millions de francs. La population civile croît dans une proportion analogue : elle est de 96.649 personnes, dont plus de 44.000 Français.

          L'année 1846 voit s'accroître ce dernier chiffre, qui monte à 109.400. Tous les centres de population se développent : on crée les communes de Saint-Louis, Nemours, Joinville, Sainte-Adélaïde, Saint-Eugène, Saint-Leu, Sainte-Barbe ; les villages de Saint-Hippolyte, Saint-André, Stidia, Sainte-Léonie; les agglomérations des Toumiettes, de Kantours, de Smendou. Les richesses naturelles sont mieux connues, les richesses agricoles augmentent considérablement.

          En 1847, année de crise commerciale pour la France, la colonisation se ressent du malaise général. La population diminue : elle tombe à 103.893 habitants. Cependant, la fameuse ordonnance du 28 septembre institue en Algérie le régime municipal. On crée aussi de nouveaux centres à Mouzaïa et sur la Chiffa ; on fonde les villages de Bugeaud, de Condé, de Saint-Charles ; les communes espagnoles de Christine, San-Fernando, Isabelle.
          L'année 1848 est décisive pour l'Algérie. Le principe de l'assimilation est posé, puisque le territoire est divisé, comme celui de la métropole, en départements.
          Des motifs politiques, pris dans la situation intérieure de la France, déterminent le gouvernement à faire d'énormes sacrifices pour la colonisation. Une loi du 19 septembre ouvre au ministre de la guerre un crédit de 50 millions pour fonder des colonies agricoles. Ce crédit est partagé en annuités, savoir : 5 millions pour 1848, 10 millions pour 1849, 35 millions pour les années 1850, 1851 et les suivantes.

          12.000 colons partent de France en 1848 ; malheureusement on ne les prend guère que dans la population des villes, et ils sont presque tous étrangers au travail des champs. On les répartit entre quarante-deux centres de population qui sont créés aux endroits les plus convenables pour la culture et les mieux placés pour le commerce et la défense. Dans la province d'Alger : à l'Afroun, Bou-Roumi, Marengo et Zurich, sur la route de Blida à Cherchell; à Castiglione et Tefeschoune, sur la route d'Alger à Cherchell; à Lodi, sur la route de Médéa à Miliana ; à Damiette, près de Médéa; à Novi, près de Cherchell; à Montenotte, sur la route de Ténès à Orléansville; à la Ferme et à Ponteba près de cette ville. Il y en eut neuf dans la province de Constantine, savoir : Jemmapes, Gastonville et Robertville, dans le cercle de Philippeville ; Héliopolis, Guelma, Millesimo et Petit, dans le cercle de Guelma ; Mondovi n° 1 et Mondovi n° 2, depuis Barrai, dans le cercle de Borie. Enfin, il y en eut vingt et un dans la province d'Oran, savoir : Fleurus, Assi-Ameur, Assiben-Ferruh, Saint-Louis, Assi-ben-Okba, Assibou-Nef et Mongin, aux environs d'Oran; Saint-Leu, Damesme, Arzew, Muley-Magnin, Kléber, Mefessour et Saint-Cloud, autour d'Arzew; et Aboukir, Rivoli, Aïn-Nouissi, Tourin, Karouba, Aïn-Tedeles et Souk-el-Mitou, autour de Mostaganem.

          Ces colonies avaient coûté, au 1er janvier 1852, 28 millions ; elles présentaient alors une population de 10.450 âmes, ce qui faisait 2.705 francs par individu. Un grand nombre de ces immigrants moururent ou retournèrent en France dès la première année; mais les plus forts et les plus vaillants restèrent en ligne, et, les années et l'expérience achevant ce que la trempe du caractère avait commencé, ils devinrent d'excellents colons.
          Cette colonisation extraordinaire de 1848 resta distincte de la colonisation ordinaire, qui poursuivit son cours.
          Les centres de population créés par les ressources de la colonisation ordinaire, de 1848 à 1854 sont :
          Dans la province d'Alger : L'Arba, auprès d'Alger; la Chiffa, près de Blida ; Affreville, dans les environs de Miliana; Le Fort de l'Eau, sur le littoral non loin d'Alger; Birtouta, près de Boufarik; Oued-el-Halleg, dans le voisinage de Blida ; Rovigo, au point où l'Arrach sort des montagnes, village dont la création ordonnée en 1844 n'a pu avoir lieu qu'en 1851 ; Saïghr, Zoug-el-Abbès, Messaoud et Berbessa, hameaux peuplés de suisses, sur le territoire de Koléa ; Djoudira et Boukandoura près de Douérà.

          Dans la province d'Oran ; Valmy, Arcole, Aïn-Turk, Ouréa, sur le territoire d'Oran ; Bréa, Négrier, Mansourah, Seysaf, sur celui de Tlemcen ; Hennaya, non loin de cette même ville ; Oued-el-Hammam, sur la route de Mascara à Oran ; Aïn-Temouchent, sur la route d'Oran à Tlemcen, Sidi-Lassen, Frenda, Sidi-Ibrahim, sur le territoire de Sidi-bel-Abbès, les Libérés (appelé depuis Pélissier), près de Mostaganem.
          Dans la province de Constantine : Duzerville, entre Bône et Mondovi, village décrété en 1846, mais qui n'a pu être peuplé qu'en 1851 ; El-Hadjar, entre Duzerville et Penthièvre ; l'Alélick, dans la plaine de Bône ; Saint-Charles, dans la vallée de l'Oued Safsaf entre Philippeville et El-Arrouch ; Penthièvre, entre Dréan et Nechmeya, le pénitencier de Lambessà.

          Le 31 décembre 1849 la population européenne était tombée au chiffre de 112.000 habitants ; le commerce s'était néanmoins développé, il atteignait à l'exportation une valeur de 7.700.000 francs.

          En 1850, le chiffre de la population se relève, il est de 125.748 habitants; il monte en 1851 à 131.223, c'est l'époque des transportations.

          Au 31 décembre 1853 la population européenne s'élève à 133.192. Jusqu'en 1853 l'État avait été pour ainsi dire le seul entrepreneur de colonisation; une compagnie se fonde cette année sous le nom de compagnie genevoise pour la colonisation des environs de Sétif par des émigrants suisses; il lui est fait concession de 20.000 hectares; un premier village est établi par elle à Aïn-Arnat.

          Pendant l'année 1854, cinq nouveaux centres de population sont crées à Rouiba et Reghaïa, sur la route d'Alger à Dellys; Aïn-Taya, sur la baie de Matifou ; Chebli, à 8 kilomètres de Boufarik, Ben-Nchoud près Dellys dans la Kabylie.
          La compagnie genevoise installe quatre nouveaux villages; Bouhira, Messaoud, Mahouan, Ourcia. La population européenne arrive au chiffre de 143.387, dont 78.577 Français.

          En 1855, création des centres de Staouéli, entre Sidi-Ferruch et le couvent de la Trappe, dont l'exploitation s'étend à 800 hectares; de l'Alma sur la route d'Alger à Dellys; de Rivet au pied de l'Atlas, à 25 kilomètres d'Alger; d'Hamédi, sur la route d'Alger à Fondouk; d'Aïn-Kial et de Lourmel, sur la route d'Oran à Tlemcen. L'exportation des produits algériens monte cette année à 49.000.000.

          A la fin de 1856, les colons ont déjà édifié 25.000 maisons; la colonisation individuelle donne sur beaucoup de points des résultats considérables; ainsi, dans la partie est de l'arrondissement d'Alger, espace compris entre l'Arrach, l'Oued-Corso , la mer et l'Atlas, on compte cent quarante-trois exploitations européennes ayant ensemble une superficie de 21.000 hectares, des constructions estimées 1.500.000 francs, une population de 1.167 individus et un nombre d'arbres évalués à 76.600. Création du village de Bizot à 15 kilomètres de Constantine, des villages de El-Hassi, Ain-Trick, et Aïn-Mehla par la compagnie genevoise.

          En 1857, sont établis les centres de Relizane, à l'entrée de la Mina ; de Tenira sur la route de Daya à Sidi-bel-Abbès, du pont de Pisser, aussi dans la province d'Oran. La population européenne s'élève à 188,872 habitants.

          Quatorze centres européens sont crées en 1858 : dans la province d'Alger, Pont de l'Oued Jer, Chaterbach, Bir-Rabalou, Teniet-et-Had, Bérard, Ouled-Mimoun, Dra-el-Mizan ; dans la province d'Oran, Mleta, Perregaux, Aïn-el-Arba, Tamzourah ; dans la province de Constantine, Souk-ahras, Enchir-Saïd.

          En 1859 sont fondés dix centres : L'Hillil, Guelt-Zerga, Er-Rahel, Ammi-Moussa, dans la province d'Oran; Mdjez-Sfa, Lamblèche, le Kroub, Ouled-Ramoun, Guerfa, Madjiba, dans la province de Constantine.

          En 1860, Berouaghia, et Rebeval, dans la province d'Alger, Gastu dans la province de Constantine.

          En 1861, Djelfa dans la province d'Alger. De 1851 à 1861, 37,840 hectares ont été alloués pour les besoins de la colonisation. La population européenne est montée à 192.746 habitants, dont 112.229 français.

          En 1862, on crée le centre de Saïda à 80 kilomètres de Mascara, sur la limite des hauts plateaux.

          En 1863, Sidi-Khaled et les Trembles, auprès de Sidi-bel-Abbès.
          Le total des maisons édifiées par les Européens jusqu'à cette année s'élève à 39.184, représentant un capital créé de plusieurs centaines de millions.
          Un sénatus-consulte voté par le sénat le 13 avril 1863 fait disparaître les inconvénients et les dangers inhérents à l'instabilité de la propriété du sol et prépare la liberté des transactions; il établit la propriété sur des bases inattaquables, en rendant les tribus ou fractions de tribus propriétaires incommutables des terrains qu'elles occupent à demeure fixe au moment de sa promulgation, et dont elles ont la jouissance traditionnelle à quelque titre que ce soit.

          A la fin de 1864, on compte en Algérie 240 villes, villages ou autres agglomérations européennes. Ces villes et centres agricoles sont desservis par 7 routes impériales, 38 routes provinciales et 45 chemins de grande communication représentant un parcours de 6.661 kilomètres, dont 3,826 empierrés et 2.835 à l'état de lacunes. Cette même année, sont créés les centres d'Aïn-Smara, sur la route de Constantine à Sétif ; de Zemmorah, sur la route de Tiaret à Mostaganem. La population européenne arrive au chiffre de 235.570 habitants. L'ensemble des produits exportés par les différents ports de l'Algérie, à toutes destinations, donne une valeur totale de 108.067.364 francs, le chiffre le plus élevé qui ait été atteint jusqu'à 1870.

          L'acte le plus important, au point de vue de la colonisation, qui marque l'année 1865, est la loi du 12 juillet 1865 approuvant une convention entre l'État et une compagnie financière qui s'engage à mettre à la disposition de l'État une somme de cent millions à employer dans le délai de six années à l'exécution de .grands travaux d'utilité publique. Cette Compagnie s'engage en même temps à réaliser un capital de 120 millions dont le produit sera exclusivement appliqué à des entreprises industrielles et agricoles. La somme de cent millions est répartie ainsi qu'il suit entre les diverses catégories de travaux :
          Aux ports et phares                                                       36,190,000
          Aux routes et chemins                                                   47,893,000
          Aux dessèchements et irrigations                                11,417,000
          Aux reboisements                                                            3,000,000
          A la construction d'un câble électrique
direct entre la France et l'Algérie                                              1,500,000
          Cent mille hectares sont cédés à la Compagnie, moyennant le payement pendant cinquante années, d'une rente de un franc par hectare et par an.
          Depuis la conquête jusqu'en 1865, on avait appliqué le régime de la concession gratuite des terres. La concession était soumise à certaines conditions, elle était grevée de clauses résolutoires, c'est-à-dire dont l'inexécution entraînait la déchéance des concessionnaires. La conséquence du sénatus-consulte du 22 avril 1863, reconnaissant les tribus propriétaires du sol quelles occupent et promettant la constitution de la propriété individuelle et la liberté des transaction immobilières, devait avoir pour conséquence l'inauguration d'un nouveau système donnant à la terre une valeur vénale et débarrassant le droit de la propriété de toutes entraves. Un décret du 31 décembre 1866 a substitué à la concession gratuite le système de la vente des terres. Toutefois la gratuité de la concession a été maintenue pour le cas où les besoins de la défense ou tout autre motif d'ordre public nécessiteraient, sur un point avancé du pays, la création de centres de population.

          Depuis l'origine de la conquête jusqu'au 31 décembre 1864 il a été délivré 31.283 concessions représentant une étendue totale de 463.604 hectares; il a été prononcé 727 déchéances s'appliquant à un total de 21.338 hectares. Les concessions frappées de déchéance et reprises par le domaine faisaient l'objet de nouvelles concessions.

          Au 30 juin 1865, les propriétés des Européens embrassent une superficie de 571.215 hectares. Le nombre total des bestiaux (chevaux, mulets, bœufs, moutons, chèvres, porcs) s'élève à 331.521 tètes; on compte pour le matériel agricole (chariots, charrettes, charrues, herses, machines perfectionnées) 45,981 instruments dont la valeur est évaluée à 6.120.314 francs; le nombre des arbres fruitiers, forestiers et d'agréments, plantés et possédés par les Européens est de 4.574.273 ; les constructions rurales diverses représentent une valeur de 101.613.548 francs. Les Européens ont, en dehors des terres dont l'exploitation n'a nécessité que des travaux de culture, défriché, depuis la conquête, 133.188 hectares, dont 104.957 consistaient en broussailles et 28.231 en palmiers nains. L'année 1865 voit commencer la construction du barrage de l'Habra dans la province d'Oran. Au mois de juillet de cette même année est voté par le sénat un sénatus-consulte qui déclare français les musulmans et les israélites de l'Algérie, et, tout en leur laissant leur loi et leur statut personnel, les reconnaît aptes à servir dans nos armées de terre et de mer et à être appelés à des fonctions et emplois civils en Algérie. Toutefois les droits attachés à la qualité de citoyen français ne seront accordés qu'à ceux qui se soumettront aux lois civiles et politiques de la mère patrie. Ce même sénatus-consulte admet les étrangers au bénéfice de la naturalisation après trois années de résidence en Algérie.

          De 1865 à 1868, l'administration ne peut construire de nouveaux villages. Par suite des accidents calamiteux qui se sont succédé durant ces années, elle est obligée d'employer les fonds de colonisation mis à. sa disposition à relever des villages détruits par les tremblements de terre, et à mettre les autres centres de colonisation déjà existants dans de meilleures conditions. Ces travaux coûtent 1.200.000 francs.

          En 1869, il est créé, sur divers points des trois provinces, onze centres de population sur une superficie totale de 15.000 hectares environ. Une partie des lots est vendue, dans ces villages, à des fils de colon établis depuis longtemps en Algérie. L'autre partie est réservée à des émigrants fournis par la France, le Tyrol, l'Espagne et l'Irlande, et se présentant avec des ressources suffisantes pour pouvoir cultiver leurs terres. Les fonds destinés à la colonisation, en 1870, sont employés d'abord à achever les travaux préparatoires des onze villages crées en 1869, puis à entreprendre la création d'autres centres dont les emplacements sont depuis longtemps reconnus. Enfin, la société algérienne fait étudier les projets de création de cinq villages dans la province de Constantine.



POULETS A UNE PATTE
Envoyé Par Fernand

         
          Un homme, qui vit en château, a depuis quelques mois un nouveau cuisinier. Il n'a jusqu'alors pas à s'en plaindre. Mais voici qu'à l'occasion d'une réception grandiose l'homme s'aperçoit que les cinquante poulets servis aux invités n'ont, chacun, qu'une patte. Nul doute que le cuisinier a fait disparaître les cinquante pattes manquantes, peut-être pour se faire de l'argent de poche... Après la réception, l'homme se rend aux cuisines :
          - Comment se fait-il que les poulets servis n'avaient qu'une patte?
          - Parce que c'était des poulets à une patte, répond le cuisinier, sans se démonter.
          - Ne dis pas n'importe quoi. Ils proviennent de mon élevage. Je n'ai jamais eu de tels poulets.
          - Pourtant...
          - Viens avec moi au poulailler, si tu trouves des poulets à une patte, je double ton salaire.
          L'homme et le cuisinier se rendent alors au poulailler. Il est deux heures du matin. Debout sur une patte, poules et poulets dorment.
          - Ah! Vous voyez bien! dit le cuisinier. Y'a qu'une patte.
          - Je vais te faire voir, moi, s'il n'y a qu'une patte! Et l'homme, créant un tohu-bohu, réveille les gallinacés qui s'éparpillent en courant sur leurs deux pattes.
          - Alors? dit-il. Mes poulets? Tu as vu comme moi qu'ils avaient deux pattes.
          - Oui! dit le cuisinier. Mais, pour la réception, je les avais tués sans les réveiller.



LES ANNALES ALGERIENNES
De E. Pellissier de Reynaud (octobre 1854)
Envoyé par Robert
LIVRE XI
Intérim du général Avizard. - Création du bureau arabe. -M. de la Moricière, chef du bureau arabe. - Actes de l'administration civile sous le général Avizard. - Arrivée du général Voirol. - Expédition de Guerouaou. - Camp du Hamise. - Création des spahis d'El Fhas. - La garde des blockhaus est confiée aux indigènes. - Pacification du pays. - Travaux des ponts de Bouffarik. - Travaux des routes et de dessécbement. - Camp de Douéra. - Expédition de Bougie. - Evénements de Bône.

          Le duc de Rovigo quitta l'Afrique dans le mois de mars 1832, pour aller faire soigner sa santé en France, et avec l'espoir d'obtenir à son arrivée à Paris le bàton de maréchal qu'il n'eut point. Le général d'Alton, qui commandait les troupes sous le duc, en qualité d'inspecteur général permanent, étant parti d'Alger quelque temps auparavant, le commandement par intérim échut au général Avizard, le plus ancien des maréchaux de camp. Ce fut sous sa courte administration que le général Trézel, chef d'état-major du corps d'occupation, fit établir, par ses conseils, le bureau arabe, institution utile, qui devait donner à nos relations avec les tribus une régularité et une extension dont elles avaient manqué jusqu'alors. Ce bureau dut concentrer toutes les affaires arabes, réunir les documents, et mettre chaque jour sous les yeux du général en chef la situation du pays et la traduction des lettres les plus importantes. Les décisions du général en chef étaient transmises par le bureau, qui se composait d'un chef, d'un ou de deux officiers placés sous ses ordres, et de trois interprètes. Le premier chef du bureau arabe fut M. de la Moricière, capitaine au bataillon de zouaves. On ne pouvait faire un meilleur choix. Cet officier connaissait déjà assez bien l'arabe pour traiter directement avec les indigènes, et les fonctions auxquelles il était appelé devaient nécessairement lui faire faire de rapides progrès. Il était de plus homme de résolution, plein de ressources dans l'esprit, éclairé, travailleur, et animé de la généreuse ambition de se distinguer par quelque chose de grand et d'utile. En se rendant plusieurs fois seul au milieu des Arabes, il prouva, le premier, que l'on peut traiter avec eux autrement que la baïonnette au bout du fusil.

          Le dernier acte de l'administration du duc de Rovigo, c'est-à-dire l'exécution de Meçaoud et d'El-Arhi, avait jeté une si grande méfiance parmi les Arabes, qu'aucun d'eux n'osait plus venir à Alger. Nos marchés étaient dégarnis, et la viande commençait à manquer à la troupe. Il fallut, pour en avoir, que M. de la Moricière allât parcourir plusieurs villages. Il fit tant par ses discours et' par la franchise de ses manières qu'il ramena à Alger quelques Arabes du Sahel. La façon dont ils y furent reçus, le soin que prit M. de la Moricière d'afficher, dès les premiers jours de sa gestion, des principes opposés à ceux qui, avant lui, dirigeaient les affaires, et, plus que tout, la nouvelle du départ du duc de Rovigo, rassurèrent les hommes obscurs qui n'avaient pas de sujet personnel de crainte; mais tous ceux que leur position mettait un peu en évidence continuèrent à se tenir à l'écart, et ce ne fut que plusieurs mois après qu'ils reprirent un peu de confiance.

          Plusieurs dispositions administratives furent prises pendant l'intérim du général Avizard. Le 2 avril, un arrêté rendu en commun par le général et l'intendant civil, modifia la législation forestière mise en vigueur dans le pays par celui du 4 novembre 1831. Ce dernier arrêté avait prohibé la coupe des arbres; mais comme il renvoyait, en plusieurs cas, à des lois et règlements peu applicables au pays, il fut abrogé par celui dont il est ici question, qui cependant en conserva le principe. L'arrêté du 2 avril défendit à tous propriétaires, colons et fermiers, d'abattre ou d'arracher, sans une autorisation du directeur des domaines, aucun arbre forestier ou fruitier, en plein vent ou en haie, sous peine d'amende et de confiscation des arbres coupés ou arrachés.
          Plusieurs autres arrêtés furent rendus le même jour pour régler les professions de courtier, de boulanger et de boucher; pour l'institution, dans chacune des villes d'Alger, de Bône et d'Oran, d'un curateur aux successions vacantes parmi les Européens, et pour quelques autres objets.

          La connaissance des contraventions rurales fut donnée aux commandants des quartiers de Kouba et de DeIy-Ibrahim. Ces commandants de quartiers remplissaient, à plusieurs égards, les fonctions de maire dans ces deux villages.
          Dans les derniers jours d'avril, le lieutenant-général, baron Voirol, arriva à Alger comme commandant et inspecteur des troupes. Il devait avoir le commandement en chef par intérim jusqu'au remplacement du duc de Rovigo, qui mourut à Paris dans les premiers jours de juin.
          Son premier soin fut de faire travailler aux routes dont le plan avait été arrêté sous le duc de Rovigo, et d'en faire ouvrir de nouvelles. Les travaux de cette nature qui furent entrepris et à peu près terminés sous son administration sont immenses, et peuvent se classer ainsi qu'il suit :
          1° Route de Blida par Dely-Ibrahim et Douéra. Le duc de Rovigo, qui l'avait ouverte, la poussa jusqu'au-dessus du fort l'Empereur, dans un développement d'une lieue seulement, mais dans un terrain très difficile. Le général Voirol la prolongea jusqu'au village arabe d'Oulad-Mendil, à l'entrée de la plaine de la Métidja, dans un développement de plus de six lieues;
          2° Route de Blida par Bir-Kadem et Oued-el-Kerma. Elle fut poussée en entier par le général Voirol jusqu'au pont d'Oued-el-Kerma, et un peu au delà. Elle offrit à nos colons un prompt et facile débouché sur la plaine. Le développement en est de plus de trois lieues. Elle devait, à Bir-Kadem, pousser une ramification sur Ben-Charma; mais cette ramification, qui fut ouverte, ne fut pas continuée ;
          3° Route des Tagarins. Elle conduit de la porte Babel-Oued à la porte de la Casbah, non loin de laquelle elle se réunit à celle du fort l'Empereur. De sorte que les voitures purent faire le tour de la ville. Le développement n'en est guère que d'une demi-lieue;
          4° Route de Kouba. Le développement de cette route, qui traverse la plaine de Mustapha Pacha, est d'une lieue et demie environ;
          5° Route de la Maison-Carrée. Elle se sépare de la précédente au-dessous de Mustapha; le développement en est de deux lieues environ;
          6° Route en avant de la Maison-Carrée. Elle conduit dans l'outhan deKhachna, et fut poussée jusqu'à près de deux lieues ;
          7° Chemin du fort de l'Eau à la Maison-Carrée. C'est un chemin à une seule voie, mais fort bon.

          Toutes ces routes furent construites par les troupes, sous la direction du génie militaire. Les travaux d'empierrement furent faits par le génie civil. Le général Voirol eut à lutter, pour l'accomplissement de cette oeuvre immense, contre des difficultés de plus d'un genre, les rivalités des deux génies, et les oppositions des chefs de corps qui, en général, n'aiment point que l'on détourne les soldats de leurs habitudes de caserne, où ces officiers ont le tort de trop concentrer leurs idées. Mais lorsque l'ouvrage fut à peu près terminé, chacun voulut en être le père. On éleva de tous côtés des pierres portant des noms de généraux et de colonels. Si, après plusieurs siècles d'enfouissement, elles arrivent aux races futures, plus d'un antiquaire sera embarrassé d'attacher un soutenir historique à chacun de ces noms. Deux de ces inscriptions survivront indubitablement, et seront comprises : celle du duc de Rovigo, qui mit le premier la main à l'oeuvre, et celle du général Voirol, qui y donna tant d'extension. On lit cette dernière sur une élégante colonne en marbre, élevée sur la route de Bir-Kadem, au point culminant des collines de Mustapha-Pacha.

          Les travaux de terrassement qui furent faits par les soldats, à qui on n'accordait qu'une double ration de vin, coûtèrent peu. On n'eut à mettre en ligne de compte que le prix de cette ration, et l'usure des outils. Ceux d'empierrement contèrent plus cher qu'en France; mais en somme, la dépense totale fut bien moindre qu'elle ne l'aurait été dans un de nos départements. Toutes les pentes furent calculées au vingtième; c'est-à-dire que les routes grimpantes ne s'élèvent que d'un mètre sur vingt. Ce rapport a paru un peu exagéré dans un pays où l'on n'a pas le verglas à craindre, et où par conséquent les pentes pourraient, sans graves inconvénients, être souvent plus raides. Il en est résulté la nécessité d'un développement très-considérable dans le tracé, et par conséquent une grande augmentation de travail. Mais à présent que la besogne est faite, nos routes sont si belles que l'on ne doit pas regretter le temps ni les bras qu'on y a employés. Mais ce qui est à regretter, peut-être, c'est que le génie ait partout voulu faire du neuf, et qu'il n'ait pas assez tiré parti de ce qui existait.

          Des travaux d'une utilité moins immédiate que ceux des routes, mais d'une importance non moins grande, furent entrepris sous le général Voirol. Je veux parler des travaux de desséchement, exécutés par le génie militaire dans les hivers de 1833 et 1834 sur le territoire de la Ferme-Modèle et celui de la Maison-Carrée. Ces deux points, comme on le sait, sont très marécageux, et répandent au loin une influence morbifique: Le desséchement de ces marais était donc une mesure tout à la fois agricole et hygiénique. Il s'agissait de faire dégorger dans l'Arach ceux de la Maison-Carrée, et dans l'Oued-el-Kerma et l'Arach, ceux de la Ferme-Modèle. Le génie y travailla avec ardeur et talent.
          Des travaux de desséchement furent aussi entrepris à Bône.

          Peu de temps après l'arrivée du général Voirol, une expédition fut dirigée contre les gens de Bouagueb et de Guerrouaou de l'outhan de Beni-Khelil qui refusaient de reconnaître pour kaïd Bouzeid-ben-Chaoua, nommé à cet emploi en remplacement d'Hamoud qui avait abandonné ses fonctions. Les Bouagueb et les Guerrouaou avaient en outre commis plusieurs actes de brigandage au détriment des Arabes qui nous étaient soumis. L'expédition fut commandée par le général Trézel. Il y eut un léger engagement dans lequel on échangea avec les Arabes quelques coups de sabre et de fusil (1). Les villages des rebelles furent pillés, et on leur enleva beaucoup de bétail. L'usage qu'on en fit fut très convenable, car on le partagea entre les Arabes qui avaient eu à souffrir des déprédations de ceux que l'on venait de châtier. Cet acte de vigueur, et en même temps de justice, fut un heureux début pour l'administration du général Voirol. Peu de jours après, un camp fut établi sur les bords du Hamise pour protéger la fenaison des belles prairies qu'il arrose, et qui paraissaient devoir suffire aux besoins de notre cavalerie. Cette opération ne fut nullement contrariée par les Arabes de cette partie de la plaine. Ils venaient, au contraire, chaque jour approvisionner le marché du camp. M. de la Moricière était partout où il y avait quelque trouble à apaiser, et quelque conquête morale à faire. (1) Le fils du duc de Rovigo, sous-lieutenant au 1er régiment de chasseurs d'Afrique, se conduisit fort bien dans cette affaire ; mais son cheval ayant été tué, il tomba au milieu des ennemis et allait périr lorsque le capitaine de Cologne, du même corps, tua d'un coup de pistolet un Arabe qui tenait un yataghan levé sur sa tête.

          Le foin récolté au Hamise était abondant et d'excellente qualité. Il fut transporté par mer à Alger; mais il n'en rentra dans les magasins que la moitié au plus de ce qui avait été fauché. La manière dont se fit le transport en laissa perdre beaucoup; ensuite, on a généralement cru que tout ce qu'on reçut ne fut pas déclaré. Il en résulta que les frais ayant été faits pour une certaine quantité, et que cette quantité ayant été réduite de plus de moitié à son entrée administrative au magasin, les dépenses parurent doubles de ce qu'elles avaient été réellement, et que quelques personnes en tirèrent la conclusion absurde que du foin coupé à trois lieues d'Alger, revenait plus cher que celui que l'on envoyait d'Europe.
          Le kaid de Beni-Khelil, Bouzeïd-ben-Chaoua, homme d'une énergie peu commune, voyant que nous étions bien décidés à le soutenir, fit plier son outhan sous son autorité, et se déclara notre serviteur et notre ami plus ouvertement que personne ne l'avait fait avant lui. Le kaïd de Beni-Mouça ayant donné quelques sujets de plainte, fut remplacé par Ali-ben-el-Kbasnadji, homme résolu et capable, qui avait été longtemps notre ennemi, mais qui, depuis sa nomination, nous servit avec une admirable fidélité. Le général Voirol pensait, avec raison, qu'il vaut mieux convertir ses ennemis que les. tuer, et que l'acharnement avec lequel on nous a fait la guerre ne doit pas être un titre d'exclusion quand on revient à nous. Les haines s'affaiblissaient peu à peu. La fàcheuse impression qu'avait laissée dans les esprits l'exécution de Meçaoud et d'El-Arbi, s'effaçait devant la loyauté bien connue du nouveau général. On songea alors à organiser une force publique chez les Arabes, à rétablir, en un mot, les anciens spahis, avec les modifications cependant que nécessitait l'état des choses.

          On commença par le Fhas. Un arrêté du 24 juin 1833, prescrivit la création, dans ce district, d'un certain nombre de cavaliers, dits spahis d'El-Fhas, destinés à prêter main-forte an besoin à la gendarmerie, et à concourir à la défense commune. Ils durent se monter et s'équiper à leurs frais. On leur donna des armes, et on leur alloua une solde fixe de 60 cent. par jour, plus, une indemnité de 2 fr. par chaque jour de service. C'était le tarif de l'ordonnance du 17 novembre 1851, qui autorise la formation de ces cavaliers, mais qui les met à la suite des régiments de chasseurs d'Afrique. Le 5 août un nouvel arrêté vint étendre cette mesure aux trois outhans qui reconnaissaient notre autorité. Elle était là d'une application plus difficile, car les divers cantons de ces outhans n'avaient pas, comme le Fhas, de cheikhs reconnus. Le général Voirol institua, en outre, dans le Fhas une milice à pied, pour garder en été les blockhaus et les postes que leur position malsaine rendait dangereux pour les troupes européennes. Cette sage mesure contribua puissamment à diminuer sensiblement cette année le nombre des malades. Chaque homme de cette milice reçut un franc par journée de service.

          Lorsque l'on eut ainsi assuré, par divers moyens, la tranquillité et la soumission des outhans qui environnent Alger, on songea à agir sur les autres. On commença par celui d'El-Sebt, où se trouvent les Hadjoutes, gens turbulents et belliqueux que l'on voulait s'attacher. M. de la Moricière eut dans la plaine une entrevue avec eux. Il vit aussi Chaouch-Kouider-ben-Rebah, l'homme le plus influent de cette tribu; mais il ne put en obtenir que des assurances de paix, sans engagement de soumission. Les Hadjoutes, comme toutes les autres tribus, demandèrent avec instance la liberté des deux marabouts de Coléa, détenus à Alger depuis dix mois. Le général en chef, satisfait de l'état du pays, résolut de leur accorder une partie de leur demande. En conséquence, il relâcha Sidi-Allah, promettant que si la paix n'était pas troublée, il ne tarderait pas à délivrer aussi son cousin Mohammed. Sidi-Allah fut ramené à Coléa par M. de la Moricière.
          Malgré l'état satisfaisant de nos relations avec les Arabes, on sentit qu'on ne devait pas s'endormir dans une trop grande sécurité. Le camp de Douéra fut établi, menaçant à la fois Blida et Coléa ; mais ce ne fut que l'année d'après que ce camp devint permanent. Les belles routes qui s'ouvraient de toutes parts allaient bientôt nous offrir de nombreux et faciles débouchés sur la plaine; on voulut aussi s'assurer du défilé boisé et marécageux de Bouffarik, passage obligé pour agir sur Blida, et la partie méridionale de l'outhan de Beni-Khelil. On y établit des ouvriers indigènes pour abattre les taillis, consolider les ponts et saigner les marais. Peu de temps après, M. de la Moricière quitta la direction du bureau arabe, pour suivre l'expédition de Bougie, dont l'histoire va terminer ce livre; mais nous devons la faire précéder d'une courte description du pays dont cette ville est le centre.

          Ce pays est un segment montagneux dont les bords de la mer forment la corde. Il est traversé du sud au nord par le cours d'eau connu sous les noms de Somman, Adouse, Oued-Bou-Messaoud, et Oued-Akbou, rivière formée par la réunion de l'Oued-bou-Sellam, qui vient du plateau de Sétif et de l'Oued-Lekal qui descend de celui d'Hamza.
          Bougie est située au bord de la mer, à une lieue de distance de la Somman. Elle est bâtie en amphithéàtre sur un versant du mont Gouraia, dont l'élévation est de 670 mètres. Elle est partagée en deux par un ravin assez profond qui se bifurque vers le haut de la ville. L'enceinte, autrefois fort étendue, en est indiquée par les restes d'un vieux mur qui, sur le côté droit du ravin, offre encore quelque continuité, mais qui, du côté gauche, n'a plus guère que les fondements, de sorte que la ville est ouverte. Elle est défendue par trois forts : le premier, appelé le fort Mouça, est dans le haut de la ville, sur la droite du ravin ; le second, appelé la Casbah. a été construit au bord de la mer, également à droite du ravin; le troisième, dit fort Abd-el-Kader, est à la gauche du ravin et aussi sur le bord de la mer. Il y a de plus quelques batteries de peu d'importance. Telle était Bougie avant l'occupation française ; mais depuis que nous nous en sommes emparés, nous y avons ajouté de nombreux ouvrages.

          Une plaine d'une lieue d'étendue, bornée en demi-cercle par les montagnes et par la mer, règne entre Bougie et la Soumamm. Elle est arrosée par de petit cours d'eau qui forment quelques marais. Tout le reste de la contrée est montagneux.
          Le golfe de Bougie est compris entre les caps Carbon et Cavallo. La rade est vaste et assez sûre, mais pas autant qu'on l'avait cru dans le principe. L'entrée et la sortie en sont peu faciles par les vents qui règnent le plus habituellement sur les côtes de Barbarie. Le mouillage habituel est au nord-est de la ville. C'est une anse spacieuse, comprise entre la pointe du fort Abd-et-Kader et le cap de Bouhak, la partie de ce mouillage située au-dessous du marabout dit Sidi-Yahia est très sûre.
          Les tribus Kbailes du pays de Bougie sont très nombreuses et très guerrières. Celle de Mezzaïa, une des plus puissantes, entoure la ville. A l'est de la Souman, en marchant vers Djidjelli, on trouve les Beni Messaoud, les Beni-Mimoun, les Beni-Amrous, les Oulad-Ouert-ou-Ali, les Beni-Mohammed, les Beni-Bassein, les Beni-Seg,rouel.

          A l'ouest de Bougie et des Mezzaïa, en suivant le littoral, on rencontre les Beni-Amran, les Beni .Ksila, les Beni Iddel.
          En remontant la rivière au-dessus des Beni-Messaoud, on trouve à droite les Oulad-Abd-el-Djebbar, les Senadja, les Beni-Immel, etc., et à gauche, les Toudja, les Bou-Nedjamen, les Fenaya, les Beni-Ourglis.
          Dans l'intérieur des terres habitent les Oulad-Amériou, les Beni-Barbache, les Beni-Soliman, les Beni-Gratib, les Kifser, les Beni-Djellib, les Msisna, les Adjessa, les Beni-Chebana, les Beni-Oudjan, les Beni-Ismaël, les Beni-Abbès et les Greboula.
          Ces deux dernières tribus sont les plus éloignées de Bougie. Elles sont très-populeuses et très-puissantes. On trouve sur le territoire des Beni-Abbès, la ville de Sala bâtie sur un rocher élevé où l'on ne parvient que par deux chemins étroits et difficiles. Cette ville est entourée d'un bon mur, et défendue par quelques pièces de canon. Elle n'est qu'à quatre à cinq lieues du défilé des Biban ou Portes de Fer. Le gouvernement en est républicain, et la population de cinq à six mille âmes. Les Beni-Abbès fabriquent des fusils qui sont assez estimés dans le pays. Ils tirent le fer de chez les Beni-Barbache qui ea ont des mines considérables en pleine exploitation.
          Greboula est aussi une tribu fort puissante qui compte plusieurs villages, dont un, Akrib, est fort peuplé.

          Au nord-ouest des Beni-Abbès , entre cette tribu et celle de Flissa, sont les Zouaoua, tribu nombreuse et puissante, centre de l'ancien royaume de Koukou.
          Les tribus Kbailes dont nous venons de parler pourraient réunir plus de 20,000 hommes armés. Chacune d'elles se divise en districts ou kharoubas, et chaque kharouba en dacheras on villages. Elles jouissent d'une ferté absolue. Les kharoubas ont des cheikhs électifs nommés en assemblée générale et pour fort peu de temps. La justice criminelle est administrée dans chaque tribu par l'assemblée des cheikhs. Les cadis et les talebs, ou savants, administrent la justice civile. Lorsqu'une ou plusieurs tribus entreprennent quelque guerre, elles nomment le plus souvent un chef commun, dont les fonctions sont toujours de courte durée. Toutes les affaires importantes se décident en assemblée générale. Il n'existe nulle part un gouvernement plus complètement démocratique que celui des Kbailes. Ils se trouvent si bien de cet état de choses et de la grossière simplicité dans la-quelle ils vivent, qu'il est impossible de trouver un peuple qui soit plus attaché à ses usages. Cependant, presque tous ont voyagé; beaucoup d'entre eux vont travailler dans les villes de l'Algérie, où ils exercent même des emplois de domesticité ; d'autres entrent an service des puissances barbaresques; mais aussitôt qu'ils se sont fait un petit pécule, ils retournent dans leurs montagnes vivre libres et indépendants. Leur ambition se borne, pour la plupart, à avoir une femme, un gourbi ou cabane, un fusil, un yataghan, une bèche, une meule et un chien. Avec cela, ils sont les plus heureux des hommes. Un Petit flageolet, sur lequel ils jouent des airs nationaux d'un mode lent et monotone, est aussi un de leurs éléments de bonheur. Ceux d'entre eux qui ont des maisons en pierres, un cheval, des charrues et des boeufs de labour, sont considérés comme étant au comble de la félicité humaine.

          La religion des Kbaïles est le mahométisme. Ils ont des mosquées et des écoles dans la plupart de leurs villages; mais ils mêlent aux préceptes du Coran beaucoup de superstitions fétichiques. Nous avons déjà dit que leur langue nationale diffère totalement de l'arabe , que la plupart d'entre eux parlent cependant avec facilité.
          Bougie, et la contrée dont cette ville est le centre, étaient comprises dans la province de Constantine, mais bien plus de nom que de fait. Bougie fut prise, en 1510, par les Espagnols commandés par Pierre de Navarre. Le pacha Salah-Raïs la leur enleva en 1555.

          Depuis la tragique aventure de Mourut, sous le maréchal de Bourmont, les Français semblaient avoir oublié cette ville. Trois individus de race et de position diverses résolurent, dans des vues d'intérêt personnel, de leur rappeler qu'elle existait, sous l'administration du duc de Rovigo. Ces trois hommes étaient Oulid-ou-Rebah, personnage très influent de la tribu des Oulad-Abdel-Djebbar, Boucetta, maure de Bougie, capitaine du port de cette ville, et le sieur Joly, français, demeurant depuis nombre d'années à Alger. Leur projet était de faire établir à Bougie un consul de notre nation, qui aurait été le sieur Joly lui-même, et d'en ouvrir le port aux navires français. Boucetta aurait remis à Joly les objets d'exportation apportés en ville par les soins d'Oulid-ou-Rebah. Ils se seraient partagé de cette manière le monopole du commerce, qui consiste en bois de charpente et de construction, cire, huile et quelques autres articles secondaires. Ce plan était assez habilement conçu et pouvait être adopté, à l'exception toutefois du monopole. On pouvait traiter sans déshonneur, de puissance à puissance, avec les Kbaïles de l'Algérie, peuple libre et indépendant de fait et de droit, et qui mérite si bien de l'être. Un simple stationnaire en rade aurait suffi pour protéger le commerce français et européen. On aurait pu méme, avec le temps, établir garnison dans un des forts, et y avoir, en attendant, quelques soldats turcs ou indigènes, censés à la solde de la ville, mais que nous avions initie moyens de rendre tout à fait nôtres. Le duc de Rovigo dirigea d'abord ses idées vers ce but, et il accueillit les ouvertures qui lui furent faites dans ce sens par Boucetta et par Oulid-ou-Rebah; mais bientôt, s'exagérant l'importance politique de ces deux hommes, il espéra parvenir, par leurs moyens, à faire occuper immédiatement la ville par des troupes françaises, et des projets de conquête remplacèrent ceux de relations commerciales.
          Sur ces entrefaites, un navire anglais fut insulté en rade de Bougie. Le Gouvernement de la Grande-Bretagne s'en plaignit, disant que, si la France ne savait pas faire respecter le pavillon de ses amis sur des côtes qu'elle considérait comme à elle, il se verrait forcé d'employer d'autres moyens pour que l'insulte qu'il avait reçue ne se renouvelât pas. Le ministère, voyant dans cette insinuation une menace d'occuper Bougie, craignit d'avoir près d'Alger un voisin incommode, et résolut de le prévenir. On fit d'abord reconnaître la place. M. de la Moricière fut chargé de cette mission. Il s'y introduisit par le moyen de Boucetta, mais il fut très mal reçu et ne put y rester que peu d'instants. Il courut même d'assez grands dangers. Boucetta fut obligé de quitter la ville avec lui; à peine fut-il embarqué, que la population mit le feu à sa maison.

          M. de la Moricière vit néanmoins assez bien le pays; mais le désir si naturel à un jeune officier de voir s'effectuer une entreprise de guerre lui fit, à son insu, exagérer les facilités de celle-ci; aussi les documents qu'il fournit furent cause de plus d'un mécompte.
          Le ministre de la guerre annonça au duc de Rovigo, le 26 décembre 1832, que l'occupation de Bougie était un point arrêté dans son esprit; mais ce ne fut que sous le général Voirol qu'on s'occupa des moyens d'exécution. Celui-ci voyait sainement les choses : l'expédition ne lui paraissant pas devoir offrir les avantages qu'on en attendait, il s'y montra peu disposé; mais, ne voulant point lutter contre l'opinion du ministre, et même contre celle de son chef d'état-major et de quelques autres officiers, il ne chercha pas à combattre l'enthousiasme réel ou de commande de quelques tètes qui, n'étant pas toutes jeunes, auraient pu avoir plus de maturité. Néanmoins, lorsqu'on voulut lui persuader que 600 hommes partis d'Alger suffiraient pour occuper Bougie, il repoussa cette extravagance, et détermina le ministre à envoyer, pour tette expédition, un renfort à l'armée d'Afrique.

          Le ministre, lorsqu'il était dans la persuasion qu'un bataillon suffirait pour conquérir Bougie, avait nommé au commandement de ce point le chef de bataillon Duvivier; mais, lorsqu'il vit qu'il fallait plus de troupes qu'il ne l'avait d'abord cru, il décida que l'expédition serait conduite par un maréchal de camp, et il fit choix du général Trézel. Celui-ci, après avoir pris Bougie, devait rentrer dans ses fonctions de chef de l'état-major général, et donner à M. Duvivier le commandement de sa conquête.

          Le générai Trézel reçut, dans le courant du mois d'août, l'ordre de se rendre à Toulon, pour y prendre le commandement de l'expédition qui, de ce port, devait se rendre à Bougie. Elle se composa des deux premiers bataillons du 59e de ligne. Le commandant de l'expédition connaissait si peu le pays dans lequel il allait opérer que, dans la visite de corps que lui firent les officiers de ce régiment, il fit entendre ces paroles, auxquelles les faits devaient donner par la suite un si formel démenti : " Nos soldats sont appelés à remplir une mission plus agricole que guerrière. Ils auront plus souvent à manier la pioche et la bèche que le fusil. C'est en introduisant chez les Kbailes les bienfaits de notre civilisation, et en leur enseignant à mieux se vêtir, à mieux se loger, que nous les gagnerons à notre cause. "
          Le 20 septembre, les deux bataillons du 59e, commandés par le colonel Petit d'Autrive, deux batteries d'artillerie, une compagnie de sapeurs du génie, une section du train des équipages, une section d'ouvriers d'administration, et enfin le général Trézel et son état-major, s'embarquèrent sur une escadre ainsi composée : la Victoire, frégate commandée par M. Parseval, capitaine de vaisseau; la Circé et l'Ariane, corvettes armées; l'Oise, corvette de charge; la Durance et la Caravane, gabarres ; le Cygne, brig.

          L'escadre, contrariée par les vents, ne put sortir de la rade de Toulon que le 22. Elle arriva sur celle de Bougie le 29. Les forts se mirent aussitôt à tirer; mais quelques bordées des bàtiments français les eurent bientôt réduits au silence. Le débarquement commença entre huit et neuf heures du matin. Il s'opéra devant la porte de la Marine, entre la Casbah et le fort Abd-el-Kader. Un ordre du jour en avait réglé tous les détails ; mais, comme presque toujours, rien de ce qu'il avait arrêté ne fut exécuté. Le débarquement des premières troupes s'opéra sous un feu assez vif de mousqueterie. Néanmoins, les Français pénétrèrent facilement dans la ville. En face de la porte de la Marine, dont ils se rendirent bientôt maïtres, débouche le ravin de Sidi-Touati, qui coupe la ville en deux. A gauche de ce ravin, est la croupe de Bridja, et, à droite, celle de Mouça, couronnée par le fort de ce nom. Cette dernière avait seule de l'importance; en l'occupant on obligeait l'ennemi d'évacuer la seconde. Ce fut cependant vers celle-ci que se dirigèrent les premières attaques, contrairement aux intentions du général. Le quartier de Bridja fut enlevé, et le fort Abd-el-Kader occupé par les compagnies placées sous les ordres du commandant Esselin, qui fut blessé dans cette affaire. A gauche, d'autres compagnies attaquèrent la croupe de Mouça, et prirent possession de la Casbah, ainsi que du fort Mouça. On eut ainsi deux combats, au lieu du seul que l'on aurait eu en attaquant seulement la croupe de Mouça, dont l'occupation devait faire tomber Bridja. A cette première faute, on ajouta celle de ne point occuper l'espace compris entre la porte Bab-el-Lous, la muraille de l'ouest, et le marabout de Sidi-Touati. L'ennemi resta ainsi maître de la tète du ravin, où il put se glisser pour couper les communications directes entre Bridja et Mouça; c'est ce qu'il fit dans la nuit. Il poussa même jusqu'aux compagnies que l'on avait laissées à la porte de la Marine, et leur tua trois hommes. Il occupait en outre toutes les maisons des quartiers supérieurs. Ainsi, après la première journée, les Français n'étaient point encore complètement maîtres de Bougie.

          Le 30, le feu continua sur tous les points. Les Kbaïles se montraient à toutes les tètes de rue. Ils pénétraient facilement en ville par le ravin et par la porte Fouca, que l'on avait négligé d'occuper par ignorance, a-t-on dit, de son existence. Des pièces que l'on conduisait au fort Mouça furent vivement attaquées. On fit alors occuper une maison qui défendait la rue par où les Kbaïles arrivaient de la porte Fouca ; mais ceux-ci passèrent par les rues latérales, et les combats de rue en rue n'en continuèrent pas moins.

          Le 1°' octobre, les soldats, irrités de cette opiniâtre résistance, se portèrent à des excès déplorables. Quelques Bougiotes étaient restés dans leurs demeures, plu-sieurs d'entre eux furent égorgés. Quatorze femmes ou enfants furent massacrés dans la maison du cadi. Bou-cella, qui avait des vengeances à exercer, présida, dit-on, à cette boucherie. Il en reçut bientôt la juste punition, car il fut tué par un de nos soldats qui le prit pour un Kbaïle.
          II était évident désormais que l'on s'était trompé du tout au tout dans la manière dont on avait envisagé l'expédition de Bougie. Les forts n'avaient pas été défendus par un ennemi qui veut toujours rester maître de sa retraite, mais chaque pan de mur, chaque maison à deux issues, devenait un fort pour lui. On reconnut que l'on n'avait pas assez de forces. Des compagnies de marine débarquèrent, et des secours furent demandés à Alger.
          On se décida, le 1er octobre, à occuper le marabout de Sidi-Touati. Le général s'étant aperçu que l'occupation de la maison de la porte Fouca ne remplissait pas le but qu'il s'en était proposé, en fit occuper une autre qui lui parut être dans une position plus avantageuse, mais l'officier qui y fut envoyé, craignant bientôt d'avoir ses communications coupées, revint à la première position. Le général le renvoya bien vite à la seconde. Dans toutes ces allées et venues, on découvrit enfin la porte Fouca, qui fut murée. Le général reçut ce jour-là une blessure à la jambe"; elle n'était point assez grave pour l'obliger de quitter le commandement, qu'il conserva.

          Dans la nuit du 2 au 3, la position du camp retranché supérieur fut occupée par quatre compagnies qu'y conduisit M. de la Moricière. On y éleva un blokhaus, et on y transporta les pièces qui avaient été conduites à Mouça. De cette manière, on fut maître du haut de la ville et de l'entrée du ravin.
          Le 3, quelques compagnies reçurent ordre d'attaquer la position dite des Tours, à l'ouest de la ville; elles l'enlevèrent facilement. On leur donna alors l'ordre d'enlever celle des Ruines, ce qu'elles firent également. Puis enfin, elles reçurent celui d'attaquer le Gouraïa : ici leur bonne volonté fut impuissante et vint échouer contre des difficultés qu'elles n'étaient point en mesure de surmonter. Elles se replièrent sur la ville, où le général Trézel ne songea plus, pendant quelques jours, qu'à se consolider. Un blockhaus fut établi le 4 à Bou-Ali, à l'est de la ville. Le même jour, un bataillon du 4° de ligne et deux compagnies du 2° bataillon d'Afrique, venant d'Alger, débarquèrent à Bougie. Le général Trézel fut alors assez fort pour s'emparer du Gouraïa, dont la prise n'eut cependant lieu que le 12. L'attaque commença avant le jour sur trois colonnes; celle de droite et celle du centre s'emparèrent du sommet du Gouraïa, sans avoir rencontré beaucoup de résistance; celle de gauche, composée du bataillon du 4° de ligne, commandée par le chef de bataillon Gentil, attaqua un camp kbaïle placé à la position du moulin de Demous. Cette position fut enlevée, et l'ennemi repoussé vers le village de Dar-Nassar qui est au-dessous. Des compagnies de marine, que M. de Parseval fit débarquer au fond de la rade, soutinrent ce mouvement et prirent une part glorieuse aux combats de cette journée. Les troupes rentrèrent en ville à la nuit. Le poste du Gouraïa fut fortement occupé. Le génie se mit aussitôt à le fortifier. Le colonel Lemercier, directeur des fortifications, en a fait un très-bel ouvrage.

          Les Kbaïles, un peu découragés par nos succès du 12, restèrent plusieurs jours dans l'inaction. Le 25, pendant que l'on établissait le blockhaus Salem pour couvrir les communications avec le Gouraïa, ils vinrent attaquer et furent repoussés avec perte. Le 26, on établit le blockhaus Rouman. Le 1er novembre, l'ennemi vint encore attaquer nos postes. Quelques hommes du 2° bataillon l'Afrique, emportés par trop d'ardeur, s'avancèrent plus qu'ils ne devaient et furent tués. Le 4, une nouvelle ataque eut lieu ; mais cette fois, les travaux des postes extérieurs étant terminés, les troupes restèrent dans leurs lignes ; on se contenta de repousser l'ennemi àcoups de canon

          La mission du général Trézel était terminée; la ville de Bougie était en notre pouvoir; mais dégarnie d'habitants, mais ruinée par la guerre et par le peu de soin que l'on mit à la conservation des maisons, que les soldats démolissaient pour avoir du bois. Nous avions conquis des ruines, augmenté le nombre de nos ennemis, et accru les embarras et les dépenses de l'occupation. Tel fut, il faut bien le dire, le premier résultat de l'expédition de Bougie.
          M. Duvivier prit, le 7 novembre, le commandement supérieur de Bougie. On lui laissa un bataillon du 59° de ligne, un du 4', et le 2e d'infanterie légère d'Afrique. On lui envoya, peu de temps après, un escadron du 3° régiment de chasseurs d'Afrique qui était à Bône. Le général Trézel rentra à Alger, où il resta longtemps malade des suites de sa blessure, qui s'était envenimée.

          Tout avait été tranquille dans les environs de Bône depuis l'expédition des Oulad-Attia. Les Arabes venaient de tous côtés au marché de cette ville, et toutes les impressions qu'ils y recevaient étaient favorables au général d'Uzer et à l'autorité française. Ce général était tout à la fois craint et aimé des indigènes, qui savaient que, quoiqu'il les traitât avec une paternelle douceur, il ne laisserait jamais une injure ou une injustice impunie. Au mois de septembre 1833, il eut occasion de faire une nouvelle et frappante application de son système : les Merdès, tribu très nombreuse, qui habite sur la rive droite de la Mafrag, à l'est de Bône, se permirent de piller quelques marchands qui se rendaient dans cette ville. Le général les somma de lui faire réparation de cette offense. Il leur envoya même, pour les engager à ne pas le forcer à recourir aux armes, dix de leurs compatriotes qui servaient à Bône dans ce qu'on appelait les Stages. Les Merdes furent sourds à ses remontrances; mais il fut si évident qu'ils mettaient le bon droit contre eux, que les dix envoyés du général, quoique de leur tribu, revinrent à Bône, ne voulant pas s'associer à leur injustice. Obligé d'employer la force, le général d'Uzer marcha contre les Merdès. Arrivé sur la rive gauche de la Mafrag, au marabout de Sidi-Abdel-Aziz, il fit de nouvelles sommations, qui ne furent pas plus efficaces que les premières. Ayant ainsi épuisé tout moyen de conciliation, il lança sur l'autre rive de la Mafrag toute sa cavalerie, qui en un clin d'oeil enfonça les rebelles, et leur enleva leurs troupeaux. Ils vinrent alors demander leur grâce à genoux. Le général d'Uzer la leur accorda, après une sévère réprimande. Il eut la générosité, peut-être excessive, de ne retenir, du butin qu'il avait fait sur eux, que ce qui était nécessaire pour indemniser les marchands qui avaient été pillés. Depuis cette époque, les Merdès, dont une faible partie était déjà sous notre domination, ne donnèrent plus de sujets de mécontentement.

          Dans cette expédition, le capitaine Morris, du 3° régiment de chasseurs d'Afrique, eut un combat singulier avec un Arabe d'une taille gigantesque. Les deux adversaires ayant été démontés dans le choc, se prirent corps à corps : le Français sortit vainqueur de cette lutte acharnée, où l'Arabe laissa la vie.  
                   
A SUIVRE


L'Ancien et la Blonde
Envoyé Par Chamaloo

         
          Le propriétaire d'un cirque a passé une annonce pour trouver un dompteur de lions.

          Deux personnes se présentent : un homme de bonne présentation, retraité, de près de 70 ans, et une blonde spectaculaire de 25 ans.

          Le patron du cirque, reçoit les deux candidats et leur dit :
          "Je n'irai pas par quatre chemins : "mon lion est très fort et a tué mes deux derniers dompteurs.
          "Ou vous êtes très bon ou ça ne durera pas une minute !
          "Voici l'équipement : le banc, le fouet et le pistolet.
          "Qui veut commencer ? "

          La blonde dit : "moi j'y vais."
          Elle fait fi de l'équipement, du fouet du pistolet, et entre rapidement dans la cage.

          Le lion rugit et court jusqu'à la blonde.
          Quand il arrive à moins d'un mètre, elle commence à se déshabiller et reste complètement nue, montrant son corps superbe.

          Le lion s'arrête immédiatement !
          Il se couche devant elle et lui lèche les pieds.
          Petit à petit il se relève et lui lèche tout le corps pendant un long moment !

          Le patron du cirque n'en revient pas et dit :
          "Je n'ai jamais vu ça de toute ma vie ! "

          Il se tourne vers l'ancien et lui demande :
          " Est-ce que vous pouvez en faire autant ? "

          Et l'homme lui répond :
          " bien sûr ... mais d'abord sortez le lion "



HORREUR
Envoyé Par M. Spina

Annaba.
Crime contre l'histoire et l'environnement :
« La batterie de caroubier » détruite

Même le wali d’Annaba n'a pas daigné intervenir pour mettre fin à ce véritable crime contre la nature.
C’est face à une véritable atteinte à l’histoire d’une ville vieille de plusieurs millénaires que les habitants d’Annaba ont été confrontés, cette semaine, avec la démolition d’un vestige datant de 1870. Avec l’aval de l’administration locale, chapeautée par le wali d’Annaba, un opérateur économique a ébranlé son brise-roche, mutilant scandaleusement une partie d’un incontournable monument historique, en l’occurrence la «batterie de Caroubier», faisant ainsi disparaître l’un de ses deux canons posés depuis deux siècles sur ce témoin de l’histoire locale et nationale
La complicité des uns, la cupidité des autres et surtout l’impunité de ceux qui sont chargés de protéger l’histoire de la wilaya ont permis à cet opérateur d’entamer la construction d’un hôtel, vulgaire masse de béton, au lieu d’un patrimoine classé selon le Journal officiel n° 55 du 20 novembre 1978. Les réactions des habitants n’ont pas tardé. Après être intervenus de façon énergique pour arrêter le massacre, ils ont lancé un appel à la mobilisation qui fait actuellement un tabac sur la Toile, via Facebook. Une pétition de plusieurs centaines de signataires est également mise en ligne. D’autres sont sortis, hier, dans la rue pour exprimer leur colère contre le wali d’Annaba et l’opérateur auteur de cette atteinte que l’histoire ne saura pardonner. D’autant plus que la démolition partielle de ce monument, qui figure sur tous les guides touristiques du monde, notamment sur le livre référence L’index de la fortification française 1874-1914 a été entamée sans permis.
Affolé, le P/APC d’Annaba est formel. Selon lui, aucune opération de démolition ne peut s’effectuer sans permission préalable.
Quelques jours plus tôt, un autre opérateur économique a déversé, en toute impunité, des tonnes de déblais et gravats sur la corniche d’Annaba à hauteur de Ras El Hamra et Aïn Ben Soltane, deux lieux classés zones d’extension touristiques (ZET).
Les habitants, qui affirment avoir saisi la gendarmerie, la direction de l’environnement et autres services concernés se sont interrogés sur l’absence de toute réaction. Même le wali d’Annaba n’a pas daigné intervenir pour mettre fin à ce véritable crime contre la nature. «Il y a des barons à Annaba qui demeurent toujours intouchables. Bien introduits dans les rouages de l’administration, ils font et défont, selon leurs intérêts, au su et au vu des services de sécurité qui, par leur silence, confirment leur complicité», estiment les Annabis. Ainsi, l’indisponibilité du foncier à Annaba a donné lieu à de graves abus, et la voracité des barons n’a plus de limite et s’oriente désormais, avec la complicité de l’administration locale, vers les assiettes abritant des sites historiques.

Mohamed Fawzi Gaïdi [EL WATAN - 12-02-2012]


De la BERBERIE à l'ALGERIE
Photo M. Duclos-Aprico
Photo M. Duclos-Aprico

Texte tiré du livre "DE LA BERBERIE à l'ALGERIE"
De Jean Pierre Duclos-Aprico
REBELLION - BARBARIE                     
                     REPRESSION - TORTURE

POURQUOI TOUT ÇA ?
       1954, désormais il y a la guerre des djebels opposant les combattants de l'ALN à l'année française.
       Et il y a celle des attentats et massacres visant les innocents, civils algériens ou européens, hommes, femmes, enfants et vieillards.
       Cette dernière n'est pas une guerre, c'est l'expression d'une lâcheté vile (les mots sont insuffisants et trop faibles pour la qualifier) que rien ne justifie (et encore moins le Coran ?), mais que pourtant le FLN va ériger en système au même titre que les massacres rituels et les mutilations. Plus tard, le désespoir va entraîner les ultras et l'OAS dans de mêmes pratiques que le SAC et les barbouzes adopteront également.

       Bien entendu le but recherché par la rébellion est atteint, la répression dure et aveugle va s'exercer sur les civils algériens, innocents ou non, on détruit des mechtas, on exécute sans jugement ceux qu'on a rassemblés, partout la chasse à l'arabe est engagée, par l'armée, par les milices européennes, on exécute sur place ceux qui sont pris les armes à la main, on tue les fuyards, hommes, femmes et enfants.
       Zighout Youssef sera tué par les sénégalais au cours d'une embuscade au nord de Philippeville.

       Bilan officiel. 1273 morts et un millier de prisonniers.
       Du coté algérien il s'établit 12 000.
       Nouvelle bataille de chiffres.
       La vérité, d'après des études ultérieures, s'établirait à environ 2500 morts.
       Quel que soit le nombre, tous ces morts sont inutiles.

       L'Algérie prend désormais conscience de la réalité de la rébellion, la métropole de même, le monde entier aussi où les événements sont largement rapportés.

       Le fossé entre européens et algériens ne peut que s'élargir et jeter ces derniers dans les bras de la révolution.
       Chacun désormais vit dans la peur de l'autre.

       Lorsqu'on évoque l'horreur et les atrocités des bêtes sanguinaires de l'ALN, on doit aussi évoquer celles qui firent commises contre les sympathisants de Messali Hadj, cela dépasse l'entendement.
       La totalité des habitants de la Dechra Ifraten (1200 habitants - chiffres contestés) au cours de ce qu'on appela " la nuit rouge " a été égorgée par des bandes d'Amirouche (nuit du 13 au 14 avril 1956).

       A Melouza, entre le 28 et le 29 mai 1957, pour les mêmes raisons, les hommes de Saïd Mohamedi (ancien de la SS) massacrèrent tous les mâles du village (338), y compris les enfants (égorgés et émasculés). Saïd Mohamedi sera ministre dans le 1er gouvernement de Ben Bella.

       On comprendra que pour mener ce combat et en particulier la lutte contre le terrorisme urbain, le renseignement sera l'élément essentiel. I
       nfiltrés et retournés en seront la base, les autres seront soumis à la " question " à partir de centres spécialisés d'où en général on ne ressort pas vivant. C'est le prix à payer !
       Raphaëlle Branche consacre 450 pages à la torture pratiquée par l'armée pendant la guerre d'Algérie, pas un mot des tortures pratiquées sur nos soldats prisonniers retrouvés lardés de coups de couteau, émasculés, doigts et oreilles coupés, yeux crevés, avant de mourir dans d'atroces souffrances.
       C'est à croire qu'au cours de cette guerre il n'y avait que de "bons " algériens face à de " méchants " français.
       Avec l'armée, à laquelle le gouvernement et le gouverneur Lacoste ont confié en janvier 1956 les pouvoirs de police dans Alger alors aux mains des terroristes, on s'embarrasse moins des procédures (en effet le gouvernement socialiste de Guy Mollet a obtenu des députés qu'ils lui attribuent l'exercice de l'article V de la loi des " pouvoirs spéciaux "). Les arrestations, en collaboration avec les services de police traditionnels, sont le fait de l'armée majoritairement. Elle possède ses propres locaux de rétention, ses centres de triage et de transit dans des camps spécialisés. Berrouaghia, Lodi, Paul-Cazelles, Ben Aknoun, Beni-Messous (ces centres ont été officialisés par Robert Lacoste sous couvert de F. Mitterrand, ministre de la Justice) Les centres d'interrogatoire se multiplient, chaque unité a le sien, villa Susini, Clos Salembier, villa des Roses, Fontaine, Fort l'Empereur.

       OUI, on soumet à la torture pour éviter les attentats qui se multiplient alors, faisant des victimes civiles innocentes, à jamais touchées dans leur chair lorsqu'elles en ont réchappé.
       OUI, combien d'Otomatic, Cafeteria (02 morts et 16 blessés), Milk-bar (02 morts et 36 blessés : c'était le 30 septembre 1956. Mme Nicole Guiraud grièvement blessée milite encore aujourd'hui contre ces actes aveugles), Coq Hardi, Hall d'Air France, stade municipal d'Alger (02 morts et 15 blessés), stade d'El-Biar ( O8 morts et 30 blessés ) ou Casino de la Corniche (09 morts atrocement déchiquetés, 85 blessés dont 10 dans un état désespéré ), a-t-on évité ?
       OUI, la torture a existé, elle était un mal nécessaire et une réponse au terrorisme aveugle pratiqué par le FLN qui l'avait érigé en méthode de combat.

       Les Danielle Minne (militante communiste de 17 ans qui sera arrêtée dans les maquis d'Amirouche, libérée après 07 ans de prison, deviendra maître de conférence à l'université de Toulouse, grâce à des études payées par la France, sur le thème de la " décolonisation ". Mariée sous le nom de Djamila Anne) et Zahia Kerfallah, Djouher Akhror, Baya Hocine, Fadhila Attia, Djannla Bouazza, Zohra Drif (vice-présidente de l'Assemblée algérienne, invitée en France où elle a été arrogante de mépris à notre égard), arrêtée avec Yassef Saadi, Sarnia Lakdhari, Djamila Bouhired (condamnée à mort puis graciée, elle épousera Me Verges et sera décorée en mars 2009 de la plus haute distinction syrienne par Bachar al Assad - aujourd'hui malade, elle se fait soigner en France et loge à l'hôtel Georges V !), ou encore Hassiba ben Bouali (qui périt dans une cache de la casbah avec Ali la pointe). Raymonde Peschard (bombe dans un bus scolaire), Fernand Yveton, André Moine, Daniel Timsitt (artificier du FLN) tous fabricants ou poseurs de bombes qui seront arrêtés, interrogés, torturés et pour certains tués ou exécutés, doivent-ils aujourd'hui être considérés comme des héros de la guerre de libération ou comme de vulgaires assassins?

       Les " porteurs de valises " étaient ils des idéologues ?…….

SAS - PACIFICATION - ABANDON
INDEPENDANCE - EPURATION - "HARKICIDE"

POUR QUEL RESULTAT ?
       Les SAS avait pour mission principale la pacification (développement des mesures de prophylaxie et d'hygiène, émancipation des femmes musulmanes), de même la construction de classes, de villages de regroupements, la distribution de vivres, faune, lait concentré, céréales, vêtements, etc...
       Les premières SAS ont été mises en place dans le constantinois et la grande Kabylie, progressivement elles seront étendues dans toute l'Algérie y compris dans les villes (SA Urbaine). On en comptera prés de 800 en 1960, 4000 officiers d'active ou appelés y serviront, 700 médecins, 1300 infirmières..
       En 1959, compte tenu des progrès de la pacification sur le terrain, on confie aux SAS des missions de maintien de l'ordre en les intégrant dans le dispositif militaire, ce qui permet de libérer des troupes qui vont se concentrer dans les zones présentant encore des risques …
       Mais après le discours de De Gaulle appelant à l'autodétermination le doute s'installe, en 1962 on regroupe les SAS isolées, les moghaznis sont désarmés .. Ils feront partie des victimes de l'indépendance avec les harkis.

       De 1956 à 1962, les pertes en officiers des SAS seront de 73, S/officiers 33, civils 42, moghaznis 612.
       On notera que certains officiers des SAS, regroupés au sein de l'"Association des Anciens des Affaires Algériennes ", ont conservé des relations avec quelques-uns uns de leurs ex administrés ou moghaznis et leur viennent en aide encore aujourd'hui, beaucoup d'autres se sont engagés dans des actions humanitaires.
       Les moghaznis, ils étaient environ 20 000, feront partie des 280.000 algériens (Soit un million de personnes avec leur famille) qui ont cru en la France et dont 100.000 seront assassinées dans des conditions abominables après le 19 mars 1962. Les accords d'Evian ne prévoient rien pour eux !
       Les képis bleus ont droit à notre reconnaissance, ils ont accompli une tache immense de proximité, de partage et de communion avec les populations dont ils avaient la charge, taches que ni la même république - d'abord colonialiste - ni la lVème - aux ordres des colons - n'ont su ni voulu mener car improductives pour la colonie ... Il aura fallu que le pays soit à feu et à sang pour que l'on songe à tous ces gens abandonnés..
       Alain Bougrenet de la Tocnaye, dont le nom reste associé à l'attentat du Petit-Clamart, lieutenant en Algérie, fut chef d'une SAS.
       Comme lui, un certain nombre d'officiers des SAS, proches de leurs hommes et des populations dont ils avaient la charge, ont cru à la permanence de la France en terre algérienne et ont tout fait pour soustraire leurs hommes à la vindicte du FLN en les faisant rapatrier clandestinement souvent, contrairement aux ordres reçus.
       Note du 25 mai 1962, signée Louis Joxe. ministre d'Etat chargé des affaires algériennes :
       " Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront renvoyés en Algérie. Il conviendra de donner la moindre publicité à cette mesure.", et ceux qui les auront aidés seront sanctionnés. Certains seront effectivement renvoyés en Algérie, débarqués par des soldats algériens et fusillés à même le port en présence de l'armée française qui n'intervint pas !

       On comprendra aisément que bien des officiers, tous hommes de cœur et de conviction se sont engagés dans les rangs de l'OAS, écœurés par l'attitude de la France à l'égard de ceux qui avaient cru en elle.
       Qui sont-ils ces supplétifs que nous avons utilisés jusqu'en 1962, abandonnés en Algérie après l'indépendance, parqués en France jusqu'en 1974 ?
       Ils sont recrutés sur la base du volontariat, sur la pression des notables et de l'armée, par attachement à la France, par suite de sévices du FLN, par vengeance, par leur état de dénuement, par rivalités tribales.
       Les appellations différent selon leur emploi :
       Les Harkis sont des auxiliaires temporaires rémunérés (01€ par jour soit deux fois le SMIG horaire) qui sont intégrés dans une harka, formation levée pour une opération déterminée et un temps limité, auxquels on donne des armes (fusils de chasse au début) qu'ils devront rendre une fois l'opération terminée. A hauteur de 10% ils seront intégrés dans les opérations de ratissage des commandos de chasse du Général Challe. Ils seront environ 60.000 en 1961. (On notera, cas à part, la harka du Bachaga Boualem dans l'Ouarsenis qui comptait 1 500 hommes).
       - Les Moghaznis sont affectés particulièrement aux SAS, comme les harkis ils n'ont pas de statut militaire. Ils sont les policiers de la SAS (20 à 30 en général) et accompagnent le chef de la S.AS dans ses tournées. Environ 20.000 en 1961.
       - Les GMPR (groupes mobiles de police rurale), sortes de goums civils musulmans chargés des patrouilles dans les zones rurales.
       - Les GAD (groupes d'auto-défense) regroupaient des villageois volontaires auxquels l'armée avait confié des armes pour assurer la protection de leurs douars contre les rebelles. libérant ainsi des effectifs pour les opérations de pacification. (Environ 62.000)
       Au total les supplétifs. plus généralement connus sous le vocable de harkis. étaient environ 150.000.
       A ces effectifs il faut ajouter les militaires musulmans engagés, environ 20.000 hommes, ceux du contingent 40.000, élus, fonctionnaires et anciens combattants 50.000.
       Soit 260.000 personnes (1 million avec leurs familles) attachées directement à la France (Rapport à l'ONU après le cessez le feu).

       A partir de janvier 1961, le référendum d'autodétermination étant annoncé et par voie de conséquence une indépendance inéluctable, on a procédé à des licenciements, on a regroupé, on a récupéré les armes, on a abandonné nos algériens.
       Les accords d'Evian ne prévoient rien.
       En 1962 il n'existe en France aucun plan d'évacuation ou de protection (contrairement à ce que semble indiquer monsieur Joxe) concernant les supplétifs..

       50.000 d'entre eux seront massacrés dans les semaines qui suivirent le cessez le feu par le FLN, par les combattants de la dernière heure, par des accapareurs de biens ou de familles, par vengeance et règlements de comptes.
       Certains sont enterrés vivants, seule la tète dépasse, recouverte de miel. Certains sont exhibés. Nez. oreilles et lèvres coupés, émasculés. Certains sont brûlés vifs à l'essence, les cadavres sont exposés dans des cages en bois sur les places de villages.
       Télégrammes à l'Elysée et à Matignon frappés du sceau " très secret " Sergent-chef X ..,découpé vivant à la serpe en autant de morceaux qu'il avait tué……..
**************

  "ANNONCE"
par M. Monsieur Jean-François BERENGUER

  CHAPELLE   D'ACCOUS  


        Monsieur Jean-François BERENGUER
        58, rue Gambetta -64200 -Biarritz
        Email : jeanfrancoisberenguer@wanadoo.fr

        Chers (es) amis (es),

        Je vous informe que la chapelle d'ACCOUS qui se trouve dans le cimetière où repose Monseigneur Bertrand LACASTE est terminée et le retable est en place.

        Pour toute la communauté pied-noir et sous l'égide de « l'Amicale des Pieds-Noirs de la Côte Basque » Monseigneur Marc AILLET procédera à son inauguration.

        La date fixée par Mgr Marc AILLET, est le lundi 30 avril 2012, la messe sera célébrée à 11 heures et sera suivie de l'inauguration.

        Notre souhait serait que vous puissiez participer nombreux à cette manifestation.
        D'autres informations pratiques vous seront communiquées.

        En vous souhaitant bonne réception de cette annonce, je vous prie d'agréer, chers compatriotes l'expression de ma considération distinguée.

        Mr J.F. BERENGUER

MESSAGE A TRANSMETTRE A TOUS VOS CONTACTS

        On nous communique.

        En vue d'un procès en béatification, concernant Monseigneur Bertrand LACASTE évêque d’ORAN, l'évêché de Bayonne cherche des témoignages de personnes qui l'ont connu.

        Ces témoignages sont à envoyer à :

        M. le Secrétaire de Monseigneur AILLET.
        Courrier à faire parvenir à l'adresse suivante :
        EVECHE DE BAYONNE
        16, place Mgr VANSTEEBERGHE
        64 100 – BAYONNE
   

HISTOIRE DES ÉTABLISSEMENTS
ET DU COMMERCE FRANÇAIS
DANS L'AFRIQUE BARBARESQUE
                 (1560-1793)                    (N°14)

(Algérie, Tunisie, Tripolitaine, Maroc)
PAR Paul MASSON (1903)
Professeur d'Histoire et de Géographie économique
à l'université D'Aix-Marseille.

TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE XI

LES ÉCHELLES DE BARBARIE
AU DÉBUT DU XVIIIe SIÈCLE
(1690-1740)


I. - ALGER, TUNIS, TRIPOLI

           La paix, maintenue sans interruption avec Alger et Tunis pendant cinquante ans, donna aux Français établis dans les échelles une sécurité qu'ils n'avaient jamais connue. La cause principale du maintien de la paix fut l'affaiblissement progressif de la puissance d'Alger et de Tunis à la fin du XVIIe siècle et au XVIIIe siècle. La milice d'Alger, forte de 22.000 hommes en 1634, ne comptait plus que 5.000 janissaires en 1769 ; les renégats, au nombre de 22.000 selon Haëdo, n'étaient plus que deux ou trois cents en 1769 ; le P. Dan avait vu 25.000 captifs, il n'y en avait plus que 3.000 à peine. En 1620, au moment de la course, plus de 300 reïs sortaient du port, dont 80 commandaient de gros vaisseaux ; en 1725, Laugier de Tassy ne trouva plus que 24 navires, armés de 10 à 52 pièces de canon. De Grammont, p. 240-41. - Quant à la population, malgré les pestes et les famines, il ne semble pas qu'elle eût diminué. Il ne faudrait pas exagérer cependant la tranquillité dans laquelle vécurent, à Alger surtout, nos marchands et particulièrement nus consuls. Avec les Barbaresques, nos relations passaient par une série de péripéties qu'il serait impossible de raconter. Les deys d'Alger, généralement ignorants et brutaux, n'eurent jamais de politique suivie. Entraînés par leur premier mouvement, ils étaient à la merci d'incidents fortuits et passaient, la même année, de la cordialité la Plus grande aux menaces de guerre. Leur violence les faisait se porter à des excès sous les plus minces prétextes et les consuls eurent fréquemment à subir leurs algarades. En lisant leur correspondance avec la cour de France, on ne se douterait pas de leur brutalité et de leur arrogance ; leurs lettres, même au moment des plus graves querelles, étaient remplies de protestations d'amitié enveloppées dans une phraséologie curieuse. Tout autre était leur attitude à Alger. Mais, dans leurs jours de plus méchante humeur, les deys n'osèrent guère aller au-delà des gros mots, des injures et des menaces.
           On compte, au XVIIIe siècle, les occasions exceptionnelles où ils s'emportèrent jusqu'à faire mettre momentanément les consuls aux fers ; jamais la vie de ceux-ci, ni celle des marchands, ne fut plus menacée comme au XVIIe siècle.

           Les années qui suivirent immédiatement la paix de 1689 furent assez tranquilles pour les Français d'Alger. Le consul Lemaire avait su gagner l'amitié de Chaban au point que le dey ne faisait plus rien sans le consulter. En toute occasion, celui-ci témoignait sa faveur aux Français, si bien que les Anglais et les Hollandais, voyant qu'ils n'avaient rien à attendre de lui, s'efforçaient de causer sa chute. En 1692, Chaban, vainqueur de Muley Ismaël, qu'il avait poursuivi jusqu'auprès de Fez, revenait à Alger chargé de butin. Au passage du Chelif, il trouva Lemaire et Dusault, qui s'étaient portés à sa rencontre, escortés par les principaux résidents de la nation, pour lui porter leurs félicitations. Le dey se montra particulièrement flatté et invita les Français à prendre place à ses côtés, à l'ombre des grands étendards déployés autour de lui. C'était là une faveur insigne qui n'avait jamais été accordée à des chrétiens. Le consul anglais s'était laissé devancer par son collègue ; il s'avançait à petites journées, croyant Lemaire à Alger, et ne rencontra que huit lieues plus loin le cortège du dey, qui l'accueillit assez froidement. Cependant, malgré son habileté, Lemaire finit par se brouiller complètement avec le dey, et fut rappelé en 1697 ; son successeur Durand, se plaignait bientôt d'essuyer de terribles bourrasques. Clairambault, en 1706, faillit perdre la vie dans une émeute. Baume, qui se conduisit d'ailleurs avec maladresse, se vit traiter de chien publiquement et ne put rester deux ans en charge. Nos défaites de la guerre de succession, les intrigues de nos ennemis les Anglais et les Hollandais, et le peu d'empressement du gouvernement français à combler les Puissances de présents avaient rendu la situation difficile à nos consuls. " Vous savez fort bien, écrivait le nouveau consul, Durand, à la Chambre de Commerce, le 28 février 1722, que la lésine avec laquelle.
           M. Baume s'est conduit dans ce consulat lui a attiré mille déboires et mortifications, qui non seulement lui ont fait un tort considérable, mais encore ont été très onéreux à la nation. "

           La mission de Duquesne Monnier et de Maillet à Alger, en 1718, suivie du renouvellement du traité de paix par Dusault en décembre 1719, puis la visite de l'ambassadeur à Constantinople, d'Andrezel, en 1724, rendirent les relations bien meilleures. Le nouveau dey Mohammed, qui avait gardé les bœufs et qui ne savait ni lire, ni écrire, n'avait pas la férocité extraordinaire de son prédécesseur Ali, mort en 1718. Le consul Durand (1721-1730) se loue souvent, dans sa correspondance, des bonnes dispositions des Algériens.

           Après 1730, les choses se gâtèrent de nouveau, bien que Duguay Trouin fût venu, dans l'été de 1731, négocier avec le dey le règlement de plusieurs affaires délicates et raffermir notre influence par sa visite. Il avait amené un nouveau consul, Delane, neveu de Dusault, que celui-ci avait recommandé à son lit de mort aux bontés du roi. Delane venait de la tranquille échelle de la Canée; il voulut adopter vis-à-vis des Algériens une attitude moins conciliante que ses prédécesseurs : à la première audience que lui donna le dey, il refusa d'enlever son épée pour paraître devant lui. Après une vive altercation, le dey lui interdit de revenir le voir. Delane écrivait à la Chambre de Commerce que ses prédécesseurs avaient pris à l'égard des deys de mauvaises habitudes, telles que celles de leur baiser la main et de quitter l'épée devant eux : qu'il avait pensé qu'en sa qualité de représentant de la plus grande nation de l'Europe, il ne devait se soumettre à aucune de ces humiliations que la faiblesse de quelques consuls, plus spéculateurs que magistrats, avait laissé passer en coutume. " Ce chef, ajoutait-il, a été gâté par les empressements que les Anglais, les Suédois et les Hollandais, ont témoigné à gagner sa bienveillance. Les grandes donations qu'ils ont faites pour y parvenir le dénotent assez. Il me faudra du temps pour faire revenir cette puissance orgueilleuse. " On eut peur d'un consul qui avait une si haute idée de la dignité de la France et Delane fut aussitôt rappelé (1732). Mais son successeur, Lemaire, eut beau enlever de lui-même son épée pour se présenter ait dey et se montrer très coulant, la reprise d'Oran par les Espagnols, que les Français furent accusés d'avoir aidés, irrita vivement contre eux le nouveau dey Ibrahim. " Si vous êtes véritablement notre ami, faites-nous connaître votre amitié, car il est clair comme le jour que la victoire que les Espagnols ont remportée sur Oran, qu'ils ont surprise, ne vient que de vous, par les troupes et les munitions que vous leur avez données. " Ibrahim dey à Maurepas, 6 février 1734. Plantet. - voir diverses pièces sur l'expédition d'Oran en 1732. Arch. nat. marine, B7, 311 ; cf., Ibid. B7, 321..
           Sa mauvaise humeur s'exerça sur le consul qu'il finit par refuser de voir ; il le traitait dans ses lettres de " magasin de méchanceté " et de fou et ne cessait de réclamer son rappel que Maurepas finit par lui accorder (1735). Il l'accusait de s'être présenté devant lui ivre, d'avoir tiré des coups de fusil sur des janissaires, " d'en avoir voulu faire mourir à coups de couteau. " V. Plantet, Alger, t. II. Lettres du 6 novembre 1733, 6 février 1734, 4 juin 1734.
           Taitbout de Marigny, qui le remplaça, était disposé à garder l'attitude la plus conciliante, puisqu'il proposa à la Cour de transiger sur les griefs dont Lemaire avait voulu réclamer la réparation. Il fut assez bien accueilli et vécut plus tranquille que ses deux prédécesseurs; cependant il quitta l'échelle de lui-même, en 1740, découragé par les difficultés qu'il avait rencontrées.

           Mais il serait oiseux de suivre de trop près tous les démêlés de nos consuls avec les deys et ce serait se tromper que de leur attribuer une trop grande influence sur la vie de nos résidents à Alger et sur le développement de leur commerce. C'étaient le plus souvent les rencontres sur mer, entre Français et Algériens, qui amenaient des récriminations de part et d'autre ; la nation française d'Alger n'était généralement pas mêlée à ces débats et tant qu'ils n'amenaient pas une brouille déclarée, elle n'avait guère à en souffrir dans sa tranquillité. Il est vrai que la mauvaise humeur des deys lui attirait, parfois, des avanies et, surtout, le mauvais vouloir des Puissances pour les Français, ne laissait pas de nuire à leur commerce dans un pays où le trafic, particulièrement celui des denrées, dépendait étroitement de la faveur du dey.

           Malgré des conditions, en somme bien plus favorables, le commerce français ne prit pas plus d'essor à Alger que celui des Compagnies d'Afrique dans les Concessions. Alger ne vous rapporte rien, écrivait, en 1699, le consul à la Chambre de Commerce, " le casuel ne m'a valu, l'année passée, que 220 piastres, et, cette année, 160 jusqu à présent. " " Le commerce est toujours ici dans une très mauvaise disposition, écrivait un autre, en 1733, nous n'y voyons paraître aucun de nos bâtiments, que quelques-uns uns de la Compagnie d'Afrique. " Le chancelier déclarait, dans une autre lettre, l'année suivante, que le commerce que les Français avaient toujours fait à Alger était " un trop petit objet, peu digne d'attention. "

           Si l'on en jugeait par le nombre des Français établis à Alger, il semblerait même, que leur commerce eût été beaucoup plus réduit qu'auparavant, car la nation de l'Échelle était moins nombreuse que jamais. En novembre 1700, le consul Durand avant fait assembler la nation, le procès-verbal mentionne seulement comme assistants : " M. Yves Lorance, prêtre de la mission, vicaire apostolique, MM. Michel et Despalleaux, agents de MM. les intéressés au commerce du Bastion de France, tous résidents en cette ville et y composant la nation française. " Il est possible, car cela arrivait fréquemment, que tous les résidents ne fussent pas présents à cette assemblée, mais il se peut aussi que, momentanément, aucun marchand n'ait été établi à Alger, sauf les représentants de la compagnie du Bastion. D'après Devoulx (Relevé des principaux français qui ont résidé à Alger, de 1686 à 1830. Rev. Africaine 1872, p. 356-87), il semblerait que le nombre des résidents français ait été toujours assez considérable. Mais Devoulx a dressé la liste des Français qui ont passé à Alger, plutôt que de ceux qui y ont réellement résidé.

           En 1731, le voyageur Tollot ne trouvait à Alger que deux marchands établis, en dehors de l'agent de la Compagnie d'Afrique. C'est ce que confirme le procès-verbal de l'assemblée de la nation du 31 juillet 1732, " où se sont trouvés les ci-après nommés MM. Joseph-François Martin, agent pour la Compagnie d'Afrique, Jean Tourcaty et Paul Mercurin, marchands. " La situation n'avait pas changé cinq ans après ; une lettre du consul, de 1737, parle des deux négociants établis à Alger : c'étaient les sieurs Dengallière et Natoire, dont on trouve les seules signatures au bas du procès-verbal d'une assemblée de la même année. Tollot, p. 68. - Devoulx. Les Archives du Consulat. p. 31 et 31. - Arch. de la Chambre. Lettre du 4 décembre 1737. A.A. 478. -. On trouve dans Devoulx le procès-verbal d'une assemblée du 13 septembre 1742 avec les signatures de MM. Dengalliére, Paul, Daniel. Dauphin. Cailhol, Bouquet, Michellon, Beaussier. Plusieurs de ces signataires n'étaient évidemment que des négociants ou des capitaines de passage. Les deux premiers, seuls, figurent dans des documents postérieurs. (Assemblée du 6 février 1748). - Les négociants de passage faisaient aux résidents une concurrence dont ceux-ci se plaignaient, parce qu'ils ne participaient pas aux charges de l'échelle. " Vous paraissez désirer, par votre lettre du 11 septembre, que les Français, qui touchent ici, ne fassent pas plus de séjour que les bâtiments qui les y ont apportés.... MM. Castor et Auban sont ici depuis le 21... Ces deux messieurs ont apporté un chargement de marchandises et je leur ferais un tort infini si je les obligeais à se retirer. D'un autre côté, votre lettre est pressante et, d'ailleurs, les deux négociants français établis ici se récrient que l'arrivée de MM. Castor et Auban leur a fait un préjudice considérable et que ce préjudice sera encore plus considérable si.... ". 4 décembre 1737. AA, 478.

           Maurepas se donnait beaucoup de mal pour réduire le nombre des résidents français dans les échelles du Levant et pour fixer la quantité des maisons qui pourraient y rester établies ; il n'eut pas cette peine à Alger.

           Les Anglais et les Hollandais ne négligeaient rien pour développer leur influence à Alger. La correspondance des consuls de France est pleine de détails sur leurs intrigues et sur leurs largesses, en même temps que de plaintes sur la pénurie d'argent où le gouvernement les laissait. Mais ce serait se tromper que de croire que la parcimonie de leurs cadeaux les mettait en mauvaise posture vis-à-vis des Puissances.

           " Il est certain, écrivait le voyageur anglais Shaw, qui séjourna à Alger entre 1720 et 1730, que les Algériens ont beaucoup d'estime et d'inclination pour la nation anglaise.... Les Hollandais ont grand soin de cultiver la bonne intelligence avec eux en leur faisant un présent tous les ans, moyen qui leur a parfaitement réussi jusqu'à présent. Les Français, d'un autre côté, les tiennent en respect par le souvenir du bombardement qu'ils ont fait essuyer à leur ville et par le ressentiment qu'ils ont témoigné en dernier lieu à Tripoli. "

           En réalité, malgré les deux dernières guerres de Louis XIV, malgré les intrigues et l'argent dépensé, l'influence française n'avait pas été entamée ; notre consul, qui conservait le pas sur tous les autres, était toujours en mesure de se faire écouter. Les Hollandais n'avaient pas aussi parfaitement réussi que l'affirme Shaw en se montrant les plus généreux, puisqu'ils venaient d'avoir avec Alger une guerre de douze ans, terminée seulement en 1726. Shaw remarque lui-même qu'ils avaient obtenu la paix, malgré l'opposition du plus grand nombre des soldats, " disant que ce serait en vain qu'ils armeraient en course s'ils avaient la paix avec les trois nations commerçantes, qu'ils n'avaient rien perdu dans cette guerre au prix qui ils y avaient gagné.

           Les anglais continuaient à fournir aux Algériens des armes et des munitions de guerre de toutes sortes, commerce fructueux, qui leur valait en outre la permission de sortir des blés, souvent refusée aux Français. D'après Shaw, ministre de leur nation, ils en avaient tiré jusqu à 7 à 8.000 tonneaux par an. Leur consul avait conservé la permission de faire du commerce ; il fournissait lui-même au dey ce dont il avait besoin pour ses armées ou pour l'armement de ses vaisseaux et en obtenait ainsi plus facilement des faveurs. Leur commerce était peut-être plus important que le nôtre ; leur nation était, parait-il, un peu plus nombreuse ; mais, en somme, ce n'était pas la concurrence étrangère qui empêchait le trafic français de se développer.

           La vérité est que le commerce de l'ensemble des nations européennes à Alger restait insignifiant. D'après un mémoire de 1724, cité par Savary, il ne méritait aucune attention.
           " A l'égard du commerce des marchandises, écrit Tollot en 1731, c'est fort peu de chose. La sortie de tout le comestible est défendue ; tout le reste paie 5 % d'entrée et 2 1/2 de sortie. On y vend fort peu de draps, papier, droguerie, épicerie ; on en tire quelques plumes d'autruches, cires, cuirs et laines ; mais, en général, il y a peu de profits à faire, tant par le peu d'argent qu'il y a dans le pays, que par les frais du transport et par l'incertitude de la bonne foi des ventes. "

           Quant au commerce des denrées, il n'était guère plus important.
           " Il est encore à remarquer, dit Shaw, que ces parties de la Barbarie envoient généralement fort peu de leurs productions dans les pays étrangers. Leurs principales denrées sont de l'huile, des peaux, de la cire, des légumes et du blé, mais les premières espèces s'y trouvent en si petite quantité, que l'on peut compter que le blé est la principale et presque la seule marchandise que l'on envoie hors du pays. "

           Il y avait bien encore le commerce des prises. Les détails intéressants que Devoulx a pu tirer des archives du consulat d'Alger sur les résidents français montrent qu'ils prenaient part aux ventes aux enchères des captures faites par les corsaires. En 1746, Bruno Dengallière, négociant bien établi et considéré, achetait aux enchères un vaisseau de 180 tonneaux pris aux Hambourgeois ; en 1748, il acquérait de même une corvette portugaise de 120 tonneaux. Bien plus, la même année, il expédiait à Marseille deux chargements de " morues du petit nord de la pêche de France " qui provenaient d'un navire français capturé par les Algériens. (Revue Africaine, 1872. p. 373-374. Cf. p. 361 Ve Dutihl, 367 Ve Natoire, 363 Ve Michel. - Devoulx se trompe certainement en affirmant que les consuls Clairambault et Durand (Ibid. p. 364-365) faisaient le commerce. Tout trafic était rigoureusement interdit aux officiers du roi, et, au cas où ils auraient violé les ordonnances. Ils se seraient bien gardés d'en laisser traîner la preuve à la chancellerie de leur consulat.
           Ce qui a dû tromper Devoulx, c'est que les consuls d'Alger et de Tunis pouvaient être chargés de négocier le rachat de prises, mais pas pour leur propre compte.
           Cette dernière expédition a lieu d'étonner et devait s'expliquer par des circonstances particulières, ou bien la rigueur des règlements avait fléchi, car on n'aurait pas osé, sous Louis XIV, vendre à Marseille des marchandises provenant de prises faites aux Français. Mais il ne faut pas oublier que les prises des Algériens devenaient de moins en moins fréquentes et moins riches, et que le trafic auquel elles donnaient lieu était surtout entre les mains des juifs.

           Pourtant Alger, malgré sa décadence, restait une grande ville ; suivant Tollot elle aurait eu, en 1731, environ 150.000 habitants ; Peyssonnel, en 1725, lui en attribuait 100.000 seulement (Cf. État de la rade, port et ville d'Alger en 1718: " On y compte autour de 100.000 hab. dont il n'y a pas la dixième partie de Turcs. " Arch. des Aff. étrang. Mém. et doc. Alger, t. XII, fol. 349.); mais sa population était pauvre. " Après tout, écrivait Peuchet à la fin du XVIIIe siècle, la véritable cause de cette faiblesse du commerce des Européens avec Alger est la pauvreté des Algériens, parce qu'on ne vend qu'à ceux qui peuvent acheter. " Le consul Baume écrivait à la Chambre de Commerce de Marseille, en 1717. . - Cependant on lit dans Savary (2e éd. 1741, p. 131) : " Il y a à Alger des marchands de diverses nations et en si grande quantité que l'on dit qu'il s'y trouve au moins 3000 familles d'étrangers que le commerce y attire et qu'ils occupent dans deux bazars environ 2000 boutiques. "

           Ce pays est fort misérable, et par conséquent de peu de consommation, de quelques marchandises que ce soit. D'ailleurs les droits d'entrée et de sortie et l'ancrage sont si forts que les marchands, de même que les capitaines et patrons de nos bâtiments, fuient absolument ce port. Il y vient véritablement quelques bagatelles du Levant, de Livourne et d'Espagne, comme eau-de-vie, noisettes, cardes pour travailler la laine, un peu de coton, riz et soie; mais c'est une misère pour en recevoir le paiement, qui se fait sol à sol, pour ainsi dire, et toujours bien au-delà du terme que les marchands sont convenus.... Le peu de prises que font les corsaires et le peu de consommation des marchandises étrangères fait qu'ils sont tous gueux et avares à l'excès, de sorte que le père égorgerait volontiers le fils et celui-ci son père; pour lui arracher quelques pataques. Les Maures ou naturels du pays sont traités en esclaves par les Turcs qui commandent à la baguette et les pillent entièrement, à la ville et à la campagne. Cette disposition générale fait souhaiter intérieurement la guerre avec tous chrétiens, dans l'espérance, dit-on, de voir comme autrefois la ville d'Alger opulente. "

           Les deys du XVIIIe siècle, n'étant plus enrichis par les prises, voulurent, comme les beys de Tunis, accaparer les bénéfices du commerce et contribuèrent à empêcher tout essor de celui-ci en renchérissant, d'une façon exorbitante, le prix des marchandises qu'ils monopolisaient. Le consul Delane écrivait le 28 août 1731 :
           " Le commerce d'Alger est entièrement ruiné depuis environ quatre ans que le dey s'est ravisé d'acheter toutes les cires, laines, blé, orge, huiles, pois chiches et fèves, tellement que ceux qui veulent faire quelque cargaison de quelques uns de ces articles sont obligés de les prendre de lui à 50 ou 60 plus cher que de la première main. "

           Enfin, le commerce d'Alger était plus que jamais entre les mains des juifs qui habitaient la ville au nombre de 10.000, d'après le consul Baume, de 8.000 d'après Savary, de 5.000 seulement d'après Peyssonnel et Tollot. A côté des familles établies dans le pays depuis longtemps, et soumises par les Turcs à des charges humiliantes, il était venu un certain nombre de juifs de Livourne. On les connaissait sous le nom de juifs francs ; ils étaient considérés et traités comme des étrangers, et subissaient les mêmes charges que ceux-ci. C'était entre leurs mains surtout qu'était le commerce. Comme tous les étrangers qui n'avaient pas de consul, ils étaient obligés de se mettre sous la protection de l'un de ceux qui résidaient à Alger, et, comme dans les échelles du Levant, c'était la protection française qu'ils réclamaient, à raison de la sécurité plus grande qu'elle donnait. De même, c'était des navires français que ces juifs choisissaient de préférence pour faire leurs transports entre Alger et Livourne. État des bâtiments français qui ont chargé à Alger pour l'Italie, dressé par le chancelier Clairambault, le 20 août 1705 : 1697 = 4, 1698 = 4, 1699 = 5, 1700 = 4, 1701 = 6, 1702 = 8, 1703 = 4, 1704 = 8. - Arch. de la Chambre de Commerce AA. 492. Presque tous ces navires avaient été affrétés pour Livourne. - Les nations étrangères, comme juifs d'Italie, Grecs, Arméniens, sont sous la protection du Consul de France. Peyssonnel, p. 455.

           La protection que leur accordait le consul de France, lui procurait un casuel apprécié, par les droits de consulats qu'ils lui payaient mais elle devint aussi pour lui une source de graves ennuis. Seignelay et Pontchartrain firent, en effet, de grands efforts pour atteindre le commerce des juifs dans toutes les échelles du Levant et de Barbarie. En retour des avantages qu'ils retiraient de la protection de la France, ceux-ci étaient en effet, obligés de payer à nos consuls les droits de consulat, supprimés pour les marchands français depuis la réforme de 1691, mais ils parvenaient à en éluder le paiement en s'associant à des marchands français ou en se faisant prêter leur nom par eux pour leurs opérations. Seignelay et Pontchartrain pensèrent qu'en interdisant sévèrement ces subterfuges, les résidents français des échelles pourraient facilement supplanter les juifs.

           Mais leurs défenses ne furent jamais observées, à Alger moins qu'ailleurs, malgré les objurgations répétées faites aux consuls pour réprimer cet abus. Il fallait lutter en effet contre la complicité de certains marchands français, qui préféraient trouver un gain assuré en s'entendant avec les juifs plutôt que de leur faire une concurrence hasardeuse. Dusault, lui-même, fut accusé d'avoir contrevenu aux ordonnances.

           D'un autre côté, nos défaites de la fin du règne de Louis XIV avaient bien diminué le prestige de notre pavillon; en se montrant trop exigeant vis-à-vis des étrangers, on risquait de leur faire rechercher la protection des Anglais ; aussi les consuls ne tenaient pas à appliquer trop strictement les ordonnances et fermaient les yeux. Enfin, à Alger, les juifs étaient puissants; en les inquiétant, on risquait de s'attirer des désagréments de la part des Puissances qu'ils avaient soin d'intéresser à leurs opérations : le consul de Clairambault faillit perdre la vie dans une émeute que les juifs suscitèrent contre lui. Plus tard, entre 1735 et 1740, un autre consul, Taitbout, eut à se défendre contre les intrigues du juif Nephtali Busnach, dont le petit-fils, associé du fameux Bacri devait jouer un si grand rôle à l'époque de la révolution. Non seulement les juifs continuèrent donc à faire avec Livourne la plus grande partie du commerce d'Alger, mais ils s'emparèrent même au détriment des Français d'une partie du maigre trafic qui subsistait avec Marseille. " La plupart des juifs d'Alger, écrivait, en 1719, le chancelier du consulat, favorisés sans doute par quelques marchands de votre ville, qui leur prêtent le nom, font un commerce depuis longtemps à Marseille. " Bien plus, ils s'y rendaient eux-mêmes pour faire leurs achats. Arch. de la Chambre de Commerce. AA. 494 ; cf. Lettres du 4 mars, avril 1734. AA. 477 ; 6 mars 1734. AA, 495. - Quand les juifs faisaient venir des marchandises de France sous le nom de marchands français, ils bénéficiaient du tarif douanier privilégié accordé aux Français. - Langier de Tassy, dans son Histoire des États Barbaresques (t. II. p. 45-57), donne des détails intéressants sur le commerce d'Alger, sur le rôle des juifs particulièrement.

           Cependant, les Français ne négligeaient aucune occasion pour étendre leur commerce en Barbarie. En 1708, les Algériens s'étant emparés d'Oran, on vit les Français essayer de s'y introduire dés que la pain d'Utrecht leur permit de songer à de nouvelles entreprises. En 1704, au moment on Oran était aux Espagnols, le consul français d'Alicante établit un vice-consul à Oran. Aff. étrang. Alger, 1700-1709. Lettre du 21 juin 1704.

           Les Anglais y jouissaient alors d'une sorte de monopole de fait et payaient fort cher, au bey d'Oran, la permission de sortir des blés, qui leur étaient nécessaires pour l'approvisionnement de Gibraltar et de Port Mahon. Lors de la prise d'Oran par les Algériens. en 1708, les Anglais avaient offert au dey un prisent considérable et avaient fait des illuminations et des feus d'artifice pendant trois nuits sur la terrasse de leur fondouk pour marquer la joie qu'ils avaient du succès de cette entreprise. Les Turcs eux-mêmes avaient trouvé ces manifestations exagérées. Lettre du consul Clairambault à la Chambre du 12 juin 1708. AA, 472. L'article 28 du traité de 1719, signé par Dusault, permettait aux Français de commercer librement à Oran et d'y entretenir un vice-consul; mais pendant plusieurs années il resta lettre morte.
           Un négociant français, originaire du Languedoc, Bernard Maichens, gagna la faveur du dey en se chargeant pour lui de diverses commissions ; il lui rapporta de France, avec la permission du roi, des mâts, des voiles, de la poudre. En retour, Maichens avait obtenu du dey le privilège exclusif du commerce d'Oran et se mit immédiatement en mesure d'en profiter. Il envoya son neveu charger du blé à Oran; le bey lui fit le meilleur accueil, le logea et le nourrit dans son propre palais. Cependant, tous les négociants marseillais auraient voulu profiter de la création de cette nouvelle échelle et la Chambre de Commerce, consultée sur les projets de Maichens, donna un avis nettement défavorable dans sa curieuse délibération du 13 mai 1723.

           " Le sieur Maichens, lit-on dans le procès-verbal, est un Languedocien, qui a fait un établissement à Alger depuis deux ou trois années et il y est toléré par le consul, quoiqu'il n'ait aucun certificat de la Chambre qui lui permette de résider sur cette échelle, étant même certain qu'elle le lui aurait refusé, parce que l'on assure qu'il est religionnaire.... Il parait cependant que le sieur Maichens a contracté des liaisons étroites avec le dey d'Alger et peut-être même à l'insu du sieur Consul de France ; cela doit faire entrer dans quelque peine sur son sujet, parce qu'il est très dangereux qu'un simple particulier cultive et recueille les bonnes grâces d'une puissance en chef.... L'aveu que fait le sieur Maichens que le dey d'Alger lui a promis le commerce d'Oran, exclusivement aux autres nations, est une preuve du crédit qu'il s'est acquis auprès de cette puissance, mais il fait juger en même temps que ce particulier doit avoir promis de grands avantages au dey de la part de la France, car si, pour avoir fait consentir le dey à permettre l'établissement d'un vice-consul français dans cette place, feu M. Dusault n'a pu parvenir qu'après de longues et pénibles négociations, qu'est-ce qu'un particulier ne doit pas avoir fait pour obtenir un commerce exclusif de ce pays là. D'autre part, l'entreprise de vouloir exclure les Anglais du commerce d'Oran parait très aventurée et les moyens proposés par le sieur Maichens ne sauraient jamais assurer du succès. Il se flatte d'y parvenir moyennant la donative des 2.000 piastres qu'il prétend que les Anglais font tous les ans au dey. Cependant, il ne parait pas que les Anglais, fassent aucune donative pour le commerce qu'ils font à Oran et il est plutôt à croire que ce soit en conséquence de leur traité de paix que par des conditions particulières.

           " Si bien, qu'étant permis aux Français de s'établir à Oran et y ayant pour cela un article convenu dans le traité de paix entre la France et Alger, ce serait une chose déshonorable qu'un particulier achetât un privilège acquis gratuitement à toute la nation, dans le temps que l'on assure que les Anglais ne paient rien.
           " Quant au commerce d'Oran, qui est l'objet de la proposition du sieur Maichens, il a toujours paru si peu considérable qu'aucune des compagnies d'Afrique n'a jamais estimé nécessaire d'en tirer du blé, parce que les autres places de leur concession en ont toujours assez fourni, sans que l'on ait eu besoin de recourir à celle-là. D'ailleurs, lorsque la récolte manque en Afrique, les Turcs pouvant se pourvoir à Oran, ils ne souffriraient pas que les Français en fissent sortir du blé pour la Chrétienté, de sorte que cette place devient en tout temps indifférente, soit que la récolte abonde en Afrique, soit qu'elle vienne à y manquer(1). " - Cf. Réponse du comte de Morville, secrétaire d'État, à la Chambre,17 juin 1723. AA, 24. - V. diverses lettres de Maichens au secrétaire d'État, par lesquelles il demande le privilège exclusif du commerce d'Oran, notamment celle du 21 mai 1723. Aff. étrang. Alger, 1721-30.

           Les arguments de la Chambre n'étaient pas tous bien solides et dissimulaient mal son hostilité pour les monopoles et pour un marchand étranger à Marseille. Les projets de commerce exclusif de Maichens ne reçurent pas de suite, mais on ne jugea pas que le commerce d'Oran fût indigne d'attention. Le dey étant mort, sur ces entrefaites, et son successeur montrant de bonnes dispositions pour les Français, il fut question de nouveau d'établir un consul à Oran. Le bey qui y commandait fit la réponse la plus favorable au consul d'Alger qui lui avait recommandé les intérêts de nos marchands.

           Mais on avait eu tort de ne pas profiter du crédit de Maichens qui l'avait encore accru auprès du nouveau dey ; les Anglais intriguèrent pour conserver leur monopole et Maichens, lui-même, se vit retirer l'autorisation de fonder une maison à Oran. Cependant, Maurepas était encore en correspondance avec la Chambre de Commerce, en 1728, au sujet d'Oran. Celle-ci continuait à se montrer peu favorable à un établissement ; cependant elle avouait mal connaître l'importance d'Oran, elle demandait que le ministre prit conseil du consul d'Alger, à l'avis duquel elle s'en remettait. Maichens réussit alors à fonder à Oran un comptoir qu'il fit gérer par un commis ; plusieurs bâtiments français allèrent y charger en 1729. En même temps, on se décida enfin à profiter de la clause du traité de 1719 ; le consul d'Alger désigna un vice-consul pour aller résider dans la nouvelle échelle, où il se rendit muni d'une lettre du dey qui recommandait au bey de le bien traiter et de lui rendre tous les honneurs qui lui étaient dus. Lettre du dey à Maurepas, du 14 août 1730. Plantet. Alger. - Lettre de Maichens à Maurepas, du 22 avril 1729. Aff. étrang. Alger. 1721-1730. - V. aux Arch. des Aff. étrang. Consulat d'Oran, la correspondance du vice-consul Dedaux. " On peut tirer d'Oran tous les ans environ 4.000 quintaux de laine, 300 qx de cire, 12 à 15.000 cuirs de bœuf en poil et huit à dix cargaisons de barque de blé, orge, fèves et pois chiches. Le bey d'Oran, qui est despotique, exige un droit de sortie… Quant aux marchandises qu'on peut porter de chrétienté à Oran, ce sont à peu pris les mêmes qu'à Alger, savoir des draps d'Elbeuf, des toiles de Laval, étoffes de soie, soufre, alun, fer en barres et peu d'épiceries. Le bey prend 10 % de tout ce qu'on introduit. " Mém. du consul Delane. 28 août 1731. Aff. étrang., Alger, l731-35.

           Malheureusement, le chancelier du consulat d'Alger, Natoire, auquel on avait promis le poste d'Oran, s'étant vu préférer un rival, se vengea en essayant de nuire au comptoir établi par Maichens et se lia avec des marchands anglais pour favoriser leur commerce. Natoire finit par être expulsé de la maison consulaire et se réfugia chez un marchand anglais. Lettre du consul Lemaire, 8 août 1733. Ceux-ci essayaient de faire passer les Français d'Oran pour les espions des Espagnols, qui songeaient à reprendre la place. Maichens fit de mauvaises affaires, fut obligé de quitter Alger en laissant impayées des avances que lui avait faites le dey et, pour éviter de fâcheuses complications, le roi dut payer ses dettes. . - Lettre du consul Lemaire à la Chambre de Commerce, 8 août 1733. AA, 477. - La Condamine, dans sa Relation, dit que l'affaire Maichens fut la plus épineuse que Duguay Trouin et le consul Delane eurent à traiter en 1731. Le consul déclare en vain qu'il abandonnait Maichens à la vengeance du dey et qu'il le rayait de la liste des Français. Biblioth. nat., mss. fr., p. 11333, p. 27-31.
           Peu après, d'ailleurs, Oran, reprise par la flotte et l'armée espagnole du comte de Montemart, en 1732, cessait d'être une ville barbaresque. Des officiers français, chevaliers de Malte, se trouvaient en grand nombre dans l'armée espagnole ; les Algériens en furent vivement irrités, et montrèrent au consul Lemaire beaucoup de mauvais vouloir, si bien que cette affaire n'attira, en définitive, aux Français, que des déboires. Le consul Dedaux continua à résider à Oran et il s'y établit des marchands français. V. Ordre du roi qui exclut le sieur Caizergues, négociant à Oran, du corps de la nation française, 14 juillet 1742. Arch. nat. marine, B7, 345.

           Tandis qu'ils avaient échoué de ce côté, il est curieux de voir qu'au début du XVIIIe siècle ils avaient des relations commerciales directes avec les populations de la Kabylie. On lit dans la deuxième édition du dictionnaire de Savary :
           " Couco, que les Marseillais appellent Couque, est un petit royaume d'Afrique de la dépendance de celui d'Alger. Les Provençaux y font un assez bon négoce et quelques marchands de Marseille y sont établis ou y ont leurs correspondants. Le principal commerce consiste en grains, en olives, en huiles, en ligues et raisins secs, en miel et en cire ; on y trouve aussi du fer, de l'alun et quantité de bétail blanc et de chèvres. " . Royaume de Couco : " Couco, que nos Marseillais qui trafiquent en ces pays-là nomment Couque ou Couke. "

           Depuis l'établissement des Turcs en Barbarie, les montagnards qui obéissaient au chef de Kouko n'avaient jamais été soumis que nominalement aux Algériens. Leur territoire correspondait assez bien, parait-il, à celui de l'ancienne confédération des Zouaoua. Leur port était celui de Zeffoun, à l'est de Dellys, et c'est dans une petite crique, appelée aujourd'hui Mers el fahm (port au charbon), que les Marseillais venaient de temps en temps échanger quelques produits d'Europe contre ceux de la Kabylie.

           Ces relations étaient d'ailleurs fort anciennes et même, au début du XVIIe siècle, quand la France était en guerre avec les Algériens, elles auraient pris, parait-il, une importance considérable. S'il faut en croire Gramaye, en 1620, les marchands de Marseille faisaient avec les tribus montagnardes un commerce de figues, de cire et de cuirs, qui rapportait chaque année au roi de Kouko près de 700.000 écus, chiffre évidemment très exagéré.
           La paix avec les Barbaresques avait été plus favorable aux résidents de Tunis qu'à ceux d'Alger. Leur commerce était considéré comme important et les Français avaient, dans la ville des beys, une situation tout à fait prépondérante. En 1703, le bey avant un conflit avec notre consul, celui-ci écrivait à Pontchartrain que le meilleur moyen de le mettre à la raison serait de le menacer de faire retirer la nation française. " Un tel langage, disait-il, produirait le meilleur effet, parce que tout le commerce de Tunis se fait par les Français ou sous le pavillon français. " : " Comme notre nation est plus nombreuse et d'un plus grand commerce, le bey a plus d'occasions d'exercer sa rage... (1740). " En d'autres occasions on essaya, en effet, d'obtenir satisfaction du bey en se contentant de suspendre, pendant quelque temps, le départ des bâtiments français pour Tunis.

           Ce commerce français était réellement assez considérable pour l'époque, puisqu'en 1735 les bâtiments provençaux portèrent à Tunis pour près de 600.000 livres de marchandises, et presque 1.000.000 en 1738. Marchandises apportées à Tunis, du cru du royaume : en 1735, 55.279 piastres ; en 1738, 89.266 piastres ; marchandises étrangères : en 1735, 134.161 piastres ; en 17-18, 233.101 piastres. - Marchandises apportées de Tunis en France : en 1735, 71.728 piastres ; en 1738, 24.156 piastres. - En 1723, les importations par bâtiments français à Tunis avaient été de 115.948 piastres de marchandises, les exportations de 37.235 piastres.

           Il est intéressant de remarquer que la plus grande partie de ces marchandises ne provenait pas des manufactures ou du cru de France. Il parait étonnant, au premier abord, que, contrairement à ce qui se passait alors dans toutes les échelles du Levant, les Français aient porté beaucoup plus de marchandises à Tunis qu'ils n'en retiraient ; en effet, la valeur des retours de Tunis à Marseille n'atteignit pas, ces deux années, 215.000 et 75.009 livres. Mais ceux qu'inquiétait la balance du commerce n'avaient pas à se réjouir de ce qu'elle semblait si favorable pour nous à Tunis. C'est qu'en effet la plupart des bâtiments qui partaient de Marseille pour la Régence étaient de ceux qu'on appelait des caravaneurs. Au lieu de revenir immédiatement en France, ils se faisaient affréter par les marchands indigènes ou français pour faire les transports que nécessitait le commerce actif entre Tunis et les ports turcs du Levant. C'était de ceux-ci que, plus tard, les caravaneurs pouvaient revenir à Marseille et y apporter des cargaisons. Le gouvernement attachait beaucoup d'importance à ce rôle de rouliers des mers que les Français remplissaient à Tunis. En 1723, la nouvelle étant survenue que l'empereur et les Vénitiens négociaient la paix avec la république barbaresque, le conseil de marine écrivit au consul Bayle que les " conséquences de cette paix seraient fatales au commerce de la nation dans la Méditerranée ", et lui recommandait d'agir avec discrétion pour empêcher cette paix. Cet emploi des bâtiments pour la caravane, lucratif pour les capitaines et les armateurs provençaux, expliquait leur affluence à Tunis. En 1733, il en était venu 103, 49 en 1735 ; 98 avaient mouillé à La Goulette en 1738 ; en 1721, pendant les mois d'octobre, novembre et décembre seulement, il en était arrivé 21, tandis qu'un seul navire anglais avait représenté les pavillons étrangers. Dans le même temps, il était sorti de Tunis 24 bâtiments; tous français. Liste des bâtiments fiançais et étrangers entrés dans les ports du royaume de Tunis pendant les mois d'octobre, novembre et décembre 1721. Arch. nat. marine, B7, 276. -.Cf. Laugier de Tassy :
            " Le nombre des vaisseaux anglais frétés à Tunis est incertain, mais celui des navires français que les Juifs, les Turcs et les Mores frètent tous les ans pour le Levant monte à 130, outre 30 autres chargés pour la France et l'Italie ".

           Un mémoire de 1716, énumère les marchandises dont on faisait le commerce à Tunis ; mais le docteur Peyssonnel, envoyé en mission en Barbarie, en 1724, pour y faire des recherches d'histoire naturelle, donne des détails plus intéressants à citer : Cette pièce n'est que le résumé d'un mémoire du consul Michel, du 18 octobre 1718, qui donne les quantités de chacune des marchandises qu'on peut importer à Tunis ou en exporter. Michel ajoute ensuite : " La nation française établie actuellement à Tunis ne fait pas dans l'année le tiers du commerce mentionné ci-dessus, par la raison que le bey régnant s'est rendu le seul marchand vendeur de ses états... D'ailleurs, les Juifs se sont rendus puissants à Tunis, depuis que ce bey est en place, attendu qu'ils flattent l'avarice excessive de ce Barbaresque par les achats considérables qu'ils font pour l'Italie. Les Anglais n'ont ici que leur consul qui fait un petit commerce. Le consul hollandais y est seul et ne se mêle d'aucun négoce. Il n'en est pas de même de celui de Gênes qui fait venir beaucoup de marchandises et qui fait de grands achats de grains. "

           " Le commerce de ce pays consiste en deux principaux articles premièrement, à tout ce qui sert aux fabriques de bonnets rouges que les Turcs mettent sous leurs turbans, à la sortie de ces bonnets très beaux et très estimés qui se répandent dans tout le Levant : le second article est la sortie des denrées de ce pays consistant en huile, blé, laines, cuirs, cires, éponges et dattes.

           Pour l'entretien des fabriques de bonnets, on tire d'Europe environ huit cents balles de laine de Ségovie, première, seconde et troisième sorte, que l'on travaille ; environ dix caisses de cochenille, quatre cents quintaux de vermillon de Portugal, de Provence ou d'Espagne; six cents quintaux d'alun, deux cents quintaux de bois de campêche, autant de brésillet et de garance, six cents quintaux de tartre rouge. Tout cela sert à la teinture des bonnets dont on fait environ quarante mille douzaines qui occupent plus de quinze mille personnes.

           On tire outre cela, pour l'usage du pays, du sucre et cassonade assortis, du poivre, des épiceries, du papier, des draps de Londres, première et seconde qualité, des Londrines, du drap de Carcassonne, du benjoin, du camphre, du miel, du vif argent, de l'arsenic, du sublimé, de l'étain en lingots, du fil de fer, du coton, du corail pour des colliers, des conteries, rasades et verres de Venise pour des colliers, et autres marchandises qui viennent en partie à l'adresse des marchands français, et en partie à l'adresse des marchands juifs… Il sort de ce pays environ quatre mille balles de laine qui font vingt mille quintaux, trente mille cuirs salés en poils, cinq cents quintaux de cire jaune, quatre cents d'éponges et huit cents de dattes. On pourrait tirer quarante mille milleroles d'huile, qui feraient cinquante on soixante mille quintaux, presque aussi bonne que celle de la rivière de Gènes, si la sortie en était permise ; mais le bey ne veut pas l'accorder pour obliger les Turcs et les Maures marchands de la porter à Alexandrie, et en retirer du riz, des lins, de la toilerie et quelques autres marchandises nécessaires à ce royaume. L'on paie trois pour cent de droits de douane pour les marchandises qui entrent et qui sortent du royaume. Mais cette douane est fort commode et l'on n'y est pas beaucoup chagriné.

           Outre ce commerce, Il arrive dans ce pays, toutes les années, plusieurs caravanes. Il en vient une du côté du royaume de Fez, qu'on appelle la caravane des Maugrebins ; elle est de plus de cent chameaux ; elle apporte du vermillon, des sequins, des sufficielis ou burnous, espèces de draps qui servent pour voiler les femmes, du cuivre ouvré, etc. Elle remporte des bonnets, de la soie et autres marchandises.

           Deux caravanes viennent du royaume de Faisan, apporter des nègres, de la poudre d'or ; elles remportent des draps de Carcassonne, des épiceries, du fil de coton, des colliers de corail et de verre et des conteriez de Venise. Il part enfin et il arrive régulièrement deux caravanes de la Mecque ; elles emportent des bonnets, du corail ouvré, et apportent les marchandises de la Mecque, comme mousselines, café, toilerie fine et autres, nécessaires à ce royaume. Il y a dans la ville de Tunis quelques fabriques de damasquettes, de velours et autres fabriques d'étoffes de soie et de laine du pays pour les toyoles, sufficielis, bernons, etc.
           Voilà quel est en gros le commerce de ce pays ; il se fait presque tout dans la ville de Tunis que l'on reconnaît être, par ce récit, assez considérable. Les Turcs nolisent et frètent plus de cent bâtiments français toutes les années, pour porter leurs huiles à Alexandrie, les nègres et les bonnets dans plusieurs autres ports du Levant et en rapporter les marchandises dont ils peuvent avoir besoin. "

           On trouve, en outre, dans l'Histoire des États Barbaresques, de Laugier de Tassy, des renseignements qui complètent ceux de Peyssonnel :
           Tout le commerce d'Italie est entre les mains des juifs. Ils en tirent des draps d'Espagne, des damas, différentes espèces d'étoffes de laines, de soie, d'or et d'argent. Ils fournissent de ces marchandises la maison du bey. Elles leur sont payées bon prix, en papier, sur la ferme des droits des cuirs et de la cire. Les Français paient 3 %, tant pour les marchandises importées que pour les exportées, et les juifs 10 % pour celles qu'ils tirent d'Italie.
           Les Turcs et les Mores portent annuellement au Levant des étoffes de laine, du plomb, de la poudre d'or et quantité de balles de bonnets. Ils font leurs retours en étoffes de soie, en toiles de colon, en fer, en alun et en vermillon. Tunis exporte en Egypte de l'huile, du savon, des bonnets, de la poudre d'or et des piastres de Séville. Comme la plus grande partie de cette huile est destinée pour les mosquées de la Mecque et de Médine, les Arabes la transportent toujours dans des jarres et jamais dans des tonneaux. Ils ont dans l'idée que cette liqueur en serait souillée, si ces derniers vases avaient auparavant contenu du vin. Les Tunisiens reprennent en Egypte des toiles, du café, du riz, du chanvre et du coton. .

           Laugier de Tassy fournit aussi quelques détails sur les caravanes qui alimentaient le commerce de Tunis : " Les caravanes de Salé et de Gademes sont de riches branches du commerce de Tunis. Celle de Salé arrive annuellement à Tunis trois semaines avant le Ramadan. Elle répand dans cette ville pour 100.000 liv. sterl. de poudre d'or ou de sequins. La caravane de Gademes, qui y fait deux voyages tous les ans, transporte des nègres et de la poudre d'or. Elle reprend, en échange, des draps de France, du papier, des glaces de Venise, du fil de fer et des bijoux de corail. Le peuple de Gademes est au midi de Tunis et à un mois de marche de cette ville... Je crois ne pas devoir omettre la manière dont ces peuples et les nègres trafiquent ensemble. Ils se rendent les uns et les autres à une montagne de la Nigritie. Ceux de Gademes se placent d'un côté et les nègres se mettent de l'autre. Les premiers rangent leurs marchandises au milieu de la montagne et ils se retirent. Les seconds s'avancent ensuite pour les examiner. Après cet examen, ils placent sous chaque chose la quantité de poudre d'or qu'ils sont disposés à en donner et s'en retournent à leur place. Si, à leur retour, ceux de Gademes trouvent la poudre d'or laissée par les nègres équivalente au prix qu'ils ont marqué sur leurs marchandises, ils prennent la poudre et laissent ces dernières. Mais si elle n'équivaut point à leur valeur, ils ne touchent point à cette poudre que les nègres n'y aient fait l'addition convenable. "

           Grâce à l'activité relative des relations de Tunis avec Marseille et au trafic des caravaneurs, les résidents français étaient nombreux au début du XVIIIe siècle : la nation pouvait se comparer ; celle des grandes échelles du Levant. En 1723, elle comptait 11 marchands, dont plusieurs étaient établis depuis dix, vingt et même trente ans ; en outre, ceux-ci avaient à leur service 2 chirurgiens. 1 boulanger, 1 aubergiste, 1 tonnelier, 1 chandelier, 4 hommes qu'ils envoyaient pour surveiller les chargements à faire dans les autres ports de la régence ; enfin 3 verriers français exerçaient leur industrie à Tunis. Même état pour 1696 : 7 marchands. - En 1726, outre les dix marchands qui composaient la nation, il y avait cinquante-trois Français, commis, aubergistes, gens de métier ou domestiques.

           Depuis l'ordonnance de 1716, qui avait permis aux femmes et aux filles de rejoindre leurs maris et leurs pères, un assez grand nombre de celles-ci avait profité de l'autorisation ; le fondouk de Tunis renfermait donc toute une petite colonie. On trouvait même qu'elle était trop nombreuse, comme dans la plupart des échelles du Levant, et le consul se plaignait, en 1716, de ne pouvoir faire embarquer pour Marseille les Français inutiles à Tunis ; il protestait aussi contre l'admission des femmes et des filles qui devait augmenter les jalousies des négociants entre eux. (Plantet. Tunis, t. II, n° 234 et 228. La permission accordée en 1716 fut révoquée par Maurepas, en 1726. - Une autre réforme de Maurepas (1734-43) allait bientôt fixer le nombre des maisons de commerce et réduire considérablement le nombre des résidents. V. ci-dessous, chapitre XXI. - Cf. mon Histoire du commerce du Levant au XVIIIe siècle. M. de Maillet, envoyé en mission à Tunis, fait la remarque suivante, au sujet de la nation de Tunis, dans un important mémoire de 1719 intitulé : Observations sur le commerce de l'échelle de Tunis : " Quoique le commerce de la nation à Tunis soit assez considérable, comme Il a été dit, les résidents, dont il y en a plusieurs de vingt années et au-delà d'établissement, ne sont point riches. Je ne crois pas que le plus opulent y ait amassé 8.000 écus ; ils ont aussi tous un air de pauvreté qu'un ne voit pas dans les autres échelles et je puis ajouter que le commerce de cette échelle est aussi à Marseille d'une assez petite considération, quelque peut-être aussi utile pour ceux qui le font que beaucoup d'autres. " Arch. des Aff étrang. Mém. et doc. Afrique, t. IX, fol. 4-13. - V. dans Plantet. Tunis, t. II, nos 516 et 521, la curieuse requête de la nation, en 1730, pour mander à Maurepas la permission de donner des appointements à un chirurgien.)

           En 1739, la nation était en état de consacrer une somme, sans doute assez importante, à la construction d'une galerie dans le fondouk, où les marchands pourraient passer plus agréablement leur temps aux époques de peste ou de guerre civile, quand ils étaient obligés de rester enfermés. Le divan, propriétaire du fondouk, consentit seulement à fournir les matériaux, la nation paya le reste.

           " Nous déclarons, disait le consul dans une assemblée de la nation, qu'attendu que ladite nation et nous avons fourni à notre particulier le prorata de tout ce qui a été nécessaire, tant pour achever ladite battisse que pour la décorer, elle sera à l'avenir à notre usage et à celui de toute la nation, ayant même encore payé tous conjointement la tapisserie, les chaises du salon et tous les vases de la galerie, nous réservant cependant l'inspection dudit salon et galerie pour nous et nos successeurs, sans néanmoins que nous puissions être en droit, sous quelque prétexte que ce puisse être, non plus que les consuls qui viendront après nous, d'en empêcher l'entrée et la jouissance, à quelque heure que ce soit, à chacun des négociants établis sur cette échelle. "

           Ainsi, les marchands français avaient su développer leur commerce malgré la concurrence des juifs, toujours en relations avec Livourne. L'influence et la protection particulière dont avaient joui la Compagnie du cap Nègre ou les compagnies d'Afrique n'avaient pas empêché le commerce des particuliers de prospérer. Ceux-ci s'étaient plaints cependant souvent des procédés des compagnies et leur rivalité, toujours latente, avait éclaté parfois en conflits assez aigus : en 1716, le consul Michel et l'agent de la compagnie, Merlet, s'accusaient réciproquement auprès du ministre et les marchands, en cette occasion, soutenaient unanimement leur consul.

           Les marchands français de Tunis étaient en relations régulières avec les autres ports de la régence, puisqu'ils avaient des commis spéciaux employés à surveiller les chargements qu'ils y faisaient faire. Divers documents mentionnent les noms de Bizerte, de Porto Farina, mais c'est surtout à Sousse et à Sfax que les bâtiments français trouvaient de bonnes cargaisons. Un curieux mémoire de 1721 donne, au sujet du commerce de ces deux villes, des renseignements intéressants :

           " Au fond du golfe de la Mamette, il y a une ville appelée Sousse, ville très riche, étant la seconde après Tunis, par son gros trafic d'huile, s'y embarquant toutes les années pour Alexandrie d'Egypte trente à quarante mille quintaux, le tout sur des bâtiments français. La ville est, de plus, toute remplie de métiers de toilerie. On distribue toutes ces toiles dans le royaume de Tunis et autres lieux de Barbarie. Nos Français y font aussi plusieurs chargements de laines qu'on porte à Marseille... Il me reste encore à parler d'une ville que les Tunisiens ont à l'extrémité de leur pays tirant au sud, appelée Sfax, dont le peuple est assurément le plus méchant de tout le royaume... La ville, quoique petite, est assez riche, par son commerce d'Alexandrie et par les laines que les Français y viennent charger, mais surtout par les grandes fabriques de toiles qui, comme à Sousse, se répandent dans toute la Barbarie. " Projet de descente à Tunis et d'un bombardement, afin d'empêcher cette puissance de faire des esclaves.

           En 1712, un contrat avait été signé entre le bel de Tunis et le Français Vincent Devoulx, pour bâtir une fabrique de savon et d'huile à Sousse : un monopole de 13 ans lui avait été accordé. Arch. nation. marine, B, 534. Traité fait entre le bey de Tunis et le sieur Vincent Devoulx, 9 mai 1712 : " Nous lui donnerons, sil plait à Dieu, un lieu à Sousse pour faire une maison pour habiter et un moulin à huile et une fabrique de savon au-dessous d'icelle, la rente de laquelle sera payée à la communauté (art. 1).Il achètera du peuple les noyaux d'olives, l'huile et les olives pour faire le savon, au bon plaisir de ceux qui les lui vendront, et dans le temps qu'il voudra faire ses chargements pour les transporter hors du royaume, il paiera pour la sortie 1/2 piastre par quintal. . Faisant ledit sieur Devoulx, la fabrique de savon et le moulin d'huile et déboursant les argents pour ledit négoce, personne n'aura la faculté d'établir une semblable fabrique qu'après 15 ans passés (art. b). Il demande que nous devons le considérer et faire jouir de tous les privilèges contenus dans nos capitulations de paix avec la France, ce que nous lui accordons. "

           Si, pendant ces cinquante années, la nation française avait pu donner plus d'importance à son commerce, ce n'était pas que le maintien de la paix lui eût assuré une tranquillité parfaite. La faiblesse des Tunisiens et leur crainte d'une rupture avec la France ne les avait pas empêchés de se livrer à une multitude de petites tracasseries. On a vu que les compagnies d'Afrique n'avaient pas cessé de s'en plaindre ; les résidents de Tunisie n'en souffrirent pas moins. Ici aussi la guerre de succession d'Espagne avait été funeste à notre influence.

           " Depuis les dernières guerres que la France a eu à soutenir, lit-on dans les instructions données à d'Andrezel, en 1724, les étrangers ont insinué que les forces maritimes du royaume avaient diminué et les Barbaresques l'ont cru, ce qui explique leur audace. " Bien que le fondateur de la dynastie actuelle des beys, Hossein ben Ali (1705) ait gouverné avec douceur, le consul Sorhainde se plaignit fréquemment des " avanies et déboires " que la nation eut à supporter, pendant les dernières années de son séjour (1705-1711) ; lui-même fût mis quarante-huit heures à la chaîne. Michel, son successeur, eut aussi fréquemment à subir les rebuffades et les injures des Puissances ; en 1713, il fut chassé du Bardo sans qu'on lui permit de voir le dey, auquel il voulait présenter une réclamation
           Le mépris témoigné par les Puissances aux Français leur attirait les insultes de la canaille. En 1712, la nation délibérait qu'il était de toute nécessité de mettre un portier à la porte du Fondouk pour veiller à sa sécurité, " un grand nombre de Turcs et Maures s'introduisant journellement à la porte des appartements des marchands sans aucune nécessité, ayant parfois un couteau à la main et feignant d'être ivres, pour chercher querelles et causer des avanies. " Ainsi, c'est en vain qu'en 1698, en 1706, des envoyés du roi étaient venus faire promettre le respect du traité de 1685, et que Michel lui-même l'avait fait solennellement renouveler, en 1710. La pais d'Utrecht permit une attitude plus énergique, mais la suspension du commerce avec Tunis en 1714-1716, suivie de deux négociations successives, conduites par le comte des Alleurs qui revenait de son ambassade de Constantinople et par Duquesne Monnier, accompagné de Maillet, en 1717, n'empêcha pas la nation d'être encore molestée. Une rupture éclata en 1718, à propos de pèlerins tunisiens pris sur un navire français et mis au bagne en Sicile. La négociation de Dusault et le renouvellement du traité de 1685, en 1720, eurent heureusement de bons résultats. Le vicomte d'Andrezel, qui partait pour son ambassade de Constantinople, en 1724, n'eut qu'à se louer de l'accueil qu'un lui fit à Tunis, ainsi qu'à ses réclamations.
           En 1727, le chef d'escadre, De Mons, fut envoyé avec cinq vaisseaux porter des réclamations, mais on lisait dans ses Instructions :

           " S. M. n'a eu, depuis le dernier traité renouvelé avec cette République, que des sujets de plaintes assez légers des contraventions qui y ont été commises par les corsaires... Si dans les occasions de politesse le bey le prévenait de ses bonnes dispositions, il se contentera de lui marquer... qu'il n'a paru avec son escadre devant Tunis que pour l'assurer des bonnes intentions de S. M. pour la République. "
           Il est vrai que de Mons, par une imprudence, suscita à Tunis une émeute populaire où le consul crut sa vie menacée, et faillit susciter une brouille, mais le bey se hâta d'envoyer trois ambassadeurs en France pour éviter une rupture à tout prix ; il essayait de rejeter la responsabilité de ce qui s'était passé sur le consul Pignon, qui il traitait de fou, et dont il demandait au roi le remplacement. La France était en état de parler avec fermeté, tandis que le bey se vit au même moment menacé d'une révolution et obligé de faire la guerre à un rival. Tandis que ses ambassadeurs étaient retenus à Chalon-sur-Saône sans pouvoir venir à la cour, le chef d'escadre, de Grandpré, fut envoyé à Tunis avec d'Héricourt, commissaire général de la marine, et imposa aux Tunisiens le traité centenaire du 1er juillet 1728, qui renouvelait celui de 1685, en y ajoutant des conditions plus favorables, " les plus avantageuses pour la nation qui aient été jusqu'ici obtenues en Barbarie ", écrivait à Maurepas l'interprète Pétis de la Croix. En effet, au traité était annexée une formule de pardon, signée par toutes les puissances, que les ambassadeurs tunisiens durent venir lire devant le roi :

           Les pachas, bey, dey, divan, agha des janissaires et milice de la ville et du royaume de Tunis, déclarent, par notre bouche, à S. M. impériale qu'ils se repentent des infractions qu'ils ont commises aux traités de paix qu'elle avait bien voulu leur accorder, qu'ils ont une vraie douleur et un sincère repentir de celles qui ont pu être faites par leurs corsaires et autres sujets de la République, et de tous les justes sujets de plaintes qu'ils ont donnés à S. M. Impériale, qu'ils supplient très-humblement S. M. impériale de les oublier, sous la promesse publique et solennelle qu'ils font d'observer dans la suite, avec une exactitude infinie, les articles et conditions desdits traités et d'employer tous les moyens convenables pour empêcher leurs sujets d'y contrevenir. "

           Deux ans après, le roi envoyait le capitaine de vaisseau, de Gencien, réclamer la restitution d'une prise ; ses instructions disaient que la " bonne correspondance " avec Tunis s'était maintenue assez exactement; la même constatation était répétée dans les instructions données au lieutenant général Duguay Trouin, qui passa à Alger et à Tunis en 1731. En 1733, le consul formulait diverses plaintes, mais la nation allait en corps trouver le bey et le trouvait dans de bonnes dispositions.

           En somme, le long règne de Hossein ben Ali, qui s'était maintenu au pouvoir de 1705 à 1735, n'avait pas été défavorable à la nation. Les contemporains s'accordent à représenter ce prince comme bon et généreux et disent que son gouvernement était fondé sur la douceur et la clémence. L'influence prise sur lui par deux esclaves provençaux le rendait encore plus favorable aux Français. Ces deux esclaves l'avaient beaucoup aidé à s'emparer du pouvoir. L'un d'eux, Raynaud de Toulon, sut si bien gagner sa confiance qu'il lui avait donné la garde de ses trésors, de sa bibliothèque, de ses effets précieux. Cependant, craignant une de ces révolutions ordinaires à Tunis, les deux esclaves s enfuirent en protestant de leur reconnaissance éternelle pour le bey et en laissant intacts les trésors confiés à leur garde. Le bey en versa des larmes et écrivit à Raynaud pour le faire revenir, lui offrant la liberté et les plus hautes dignités. Celui-ci refusa en suppliant Hossein de lui pardonner et en lui offrant ses services en France. Le bey, pour lui prouver son amitié, lui envoya en présent un navire de blé ; il lui fit, à diverses reprises, de riches cadeaux et il accordait toutes sortes de facilités aux capitaines marchands qui venaient à Tunis avec un mot de recommandation de son ancien esclave. - C'est Raynaud qui adressait de Toulon, le 23 septembre 1727, le projet de descente à Tunis cité ci-dessus.

           Il ne faut donc pas attacher trop d'importance aux éternelles querelles qui renaissaient sans cesse. Comme à Alger, les traités étaient violés surtout sur mer par les corsaires ; les résidents de Tunis n'en souffraient pas. Ce qui les gêna le plus dans leur commerce, ce fut l'accroissement arbitraire des droits de douane et surtout l'accaparement des denrées et des marchandises par le bey qui, ne trouvant plus assez de ressources dans la course par suite de la faiblesse de sa marine, en cherchait dans le trafic et revendait très cher ce qu'il forçait ses sujets à lui céder à très bon marché. " Le grand obstacle au commerce, lit-on dans un mémoire de 1716, est l'avarice du bey qui le monopolise et vend tout à des prix excessifs. Les juifs le flattent en lui faisant pour l'Italie des achats considérables et sont, par là, devenus très puissants. " Mais le bey était maître dans ses États ; ni les consuls, ni les envoyés du roi, ne pouvaient lui faire des remontrances à ce sujet. Il aurait fallu employer la force pour faire insérer des stipulations formelles dans les traités et on y songea, sans oser le faire, comme le montre un mémoire de 1717 :
           " Si l'on voulait joindre la force à la négociation, dit l'auteur, mêlé à la négociation de Duquesne Monnier, ce ne serait pas 8 % auxquels on devrait se réduire, mais bien demander l'exécution des traités et de ne payer que 3 % des marchandises venant d'Italie comme on ne paie que cette douane de celles qu'on apporte de France et en cela il faudrait stipuler que toute marchandise venant dans les États de Tunis, sous la bannière du roi, sans distinction de propriétaires, jouira de ce privilège, afin d'ôter la distinction de celle des juifs aux nôtres... Les marchandises apportées pour le compte des juifs payaient en effet 10 %, d'après Laugier de Tassy.. On pourrait, avec justice, avoir une autre prétention bien plus favorable aux sujets du roi ; le bey ne doit, suivant les traités, prendre que 3 % des marchandises que les Français tirent de ses États; cependant, il en prend 40 et voici comment.... Mais sans une force bien supérieure qui le contraigne à renoncer à ces impositions, on ne l'obtiendra jamais, puisque cela constitue une partie assez considérable de ses revenus. "

           Les résidents se plaignaient de l'avidité du bey et des Puissances, mais n'avaient qu'à se louer de leurs relations avec les marchands indigènes. C'est ce que le consul affirmait, en 1732, à Maurepas en le renseignant sur les usages commerciaux de l'échelle :

           " Lorsque les marchands sont convenus du prix de la marchandise, ce qui se fait en présence du consul, le marchand turc ou maure fait transporter la marchandise chez lui et le marchand français, qui la vend, ne prend d'autre précaution que d'écrire sur son livre le nom du marchand à qui il a vendu, la qualité de la marchandise et le terme qu'il accorde à l'acheteur pour le paiement. Nos marchands ne vendent presque jamais argent comptant, mais toujours à terme et, s'il arrive dans le paiement quelque contestation, ce qui est extrêmement rare, ceux-ci sont crus sur la foi de leurs livres. Si par hasard quelque marchand discute son paiement et si le Français a peur de perdre son argent, ce dernier peut faire arrêter sur-le-champ celui qui lui doit, maure ou turc, et le débiteur ne sort point de prison qu'il n'ait donné satisfaction. Tels sont, monseigneur, les usages commerciaux de ce pays barbare où il y a, comme votre Grandeur le voit, beaucoup plus de bonne foi et de facilité qu'en France. " Peyssonnel confirme ces éloges donnés à l'honnêteté des Indigènes " On trouve chez eux, dit-il, beaucoup de bonne foi; la preuve en est que nos marchands vendent, achètent, livrent et reçoivent les marchandises, sans autre assurance de leur part que la parole donnée, et l'on n'a pas d'exemples qu'ils aient nié ce qu'ils avaient reçu, ou qu'on ait eu de procès où l'on pût soupçonner la mauvaise foi. La plupart des disputes et des procès viennent par la faute des interprètes qui n'expliquent pas toujours bien les pensées des uns et des autres. Il est surprenant de voir nos marchands livrer sans difficulté pour deux ou trois mille piastres de marchandises à des Maures presque tout nus, n'ayant qu'un burnous qui les couvre, arrivés de la caravane sans être connus de personne, et que jamais ces pauvres en apparence n'aient fait des banqueroutes… Il n'y a pas de pays où le commerce soit plus libre et plus aisé. Il est vrai qu'on trouve ici, comme partout ailleurs, des coquins, mais le nombre en est beaucoup moindre à proportion. "

           Le commerce des résidents était souvent gêné par leur propre turbulence, par leurs jalousies, par leurs intrigues; ils n'hésitaient pas à nuire au crédit de la nation pour perdre un rival. L'histoire de ces querelles, banales et communes à toutes les échelles, ne mérite pas qu'on s'y arrête.

           Cependant l'échelle de Tunis parait avoir été alors particulièrement troublée par les discordes. On y voyait encore, en 1720, ces frères Bourguet, qui avaient voulu supplanter la Compagnie du cap Nègre en 1700. Ils n'avaient cessé de créer des ennuis aux consuls qu'ils espionnaient, mais ceux-ci n'avaient pu les faire embarquer pour la France, parce que les Puissances les soutenaient ; en 1720. Dusault se bornait à interdire toute relation entre eux et la nation. Le sieur Simon Merlet, autrefois mêlé aux intrigues des Bourguet, plusieurs fois expulsé de la colonie, emprisonné deux ans à la requête de la Compagnie d'Afrique, en était devenu ensuite l'agent à Tunis : puis, resté simple marchand, continua à causer des désordres. Il finit par être rappelé en France, en 1732, pour avoir escroqué une somme d'argent à un autre négociant et avoir essayé d'échapper à la juridiction du consul. Tous ces brouillons étaient en relations avec le consul d'Angleterre et généralement au mieux avec les Puissances. Le bey prit la peine d'écrire à Maurepas pour protester contre le rappel de Merlet qui, disait-il, " a demeuré pendant plus de quarante années à Tunis et s y est acquis une entière confiance de tous les négociants, musulmans et chrétiens, par sa droiture dans son commerce. " Le consul Bayle (1717-23) ne cessa d'être en lutte avec la nation qui multiplia les plaintes sur " ses tyrannies et ses mauvais traitements " et se déclarait prête à abandonner l'échelle si cet agent était maintenu. Un seul des négociants, de Lestrade, était son ami : en 1723, deux des résidents, les frères Villet, furent assommés à coup de massue par deux Turcs, en sortant de la maison du consul anglais ; on accusa de Lestrade de les avoir payés à l'instigation du consul. Maurepas fit faire, à ce sujet, une série d'enquêtes dont nous ne connaissons pas le résultat, mais le consul Bayle fut remplacé quelques mois après et son ami, de Lestrade, rappelé deux ans plus tard pour sa mauvaise conduite.

           Outre ces discordes, très fâcheuses pour le commerce et le crédit de la nation, il est intéressant de rappeler deux conflits qu'elle eut avec des étrangers. Il n'y avait pas de Prêtres, ni de missionnaires français à Tunis qui pussent servir de chapelains au consul ou de curé à la nation. Cet office était rempli par des capucins italiens, appartenant à la Congrégation de la mission qui, en leur qualité d'italiens, étaient naturellement protégés du consul de France et logeaient au fondouk. Il en était de même dans diverses échelles du Levant où les religieux italiens, par leur turbulence et même leur mauvaise conduite, étaient souvent un sujet de désagréments. C'est ce qui arriva à Tunis. En 1724, le nonce du Pape avait terminé l'une de leurs querelles avec la nation en informant Maurepas que la sacrée Congrégation avait révoqué le préfet de la Mission et la plus grande partie des missionnaires, et les avait remplacés par des religieux plus prudents et plus sages. Cette médiation ne servit guère, car un conflit beaucoup plus grave éclata en 1725.

           Depuis 1715, il y avait un consul impérial à Tunis ; les religieux, sujets impériaux, pour lui complaire, firent chanter à la messe, en sa présence, l'Exaudiat en l'honneur de l'empereur et récitèrent l'oraison qui n'était dite auparavant que pour le roi de France. Le consul de France voulut leur faire des représentations, mais ils répondirent qu'ils étaient les maîtres dans leur église. La nation, considérant cette conduite comme injurieuse, voulait qu'on chassât du fondouk les quatre religieux italiens ; le consul se borna à leur faire rendre les ornements sacerdotaux et les clefs de la chapelle et, même il leur en rendit l'usage, après les avoir fait réprimander par leur supérieur.

           Mais, bien que le consul allemand n'allât plus à l'église, les capucins s'obstinèrent à réciter, après leur messe, une prière pour l'empereur et criaient deux fois, après l'avoir terminée Viva Carlo sesto il nostro caro imperatore. La nation française demandait à Maurepas que la Congrégation de la mission la débarrassât de ces capucins qui causaient des plaintes depuis trente ans, mais les capucins restèrent et ne se conduisirent pas mieux. En 1726, le consul Pignon, approuvé par Maurepas, expulsa les capucins du fondouk, leur retira les clefs de la chapelle et les déclara privés de la protection du roi. En 1730, de Saint-Gervais, successeur de Pignon, trouva les missionnaires disposés à rentrer sous la protection du roi et à servir de chapelains comme par le passé ; les supérieurs firent maison nette et remplacèrent encore les esprits brouillons par des sujets attachés à la France ; la nation française consentit à se servir de leur église comme paroisse, mais on ne put obtenir que la cour de Rome demandât officiellement que le roi les reprit sous sa protection. D'un autre côté, dès 1732, le consul écrivait à Maurepas que deux des capucins avaient une conduite scandaleuse ; leur supérieur était impuissant et lui-même n'osait sévir de crainte que ses moines libertins ne se fissent musulmans. La mésintelligence continuait, en 1736, car Maurepas autorisait le consul Gautier à faire dire la messe pour la nation à la chapelle Saint-Louis par un prêtre esclave. - La même année, cependant, les capucins, à la suite d'une querelle avec le bey, ayant été mis à la chaîne, le consul de France intervint en leur faveur et les fit passer au cap Nègre, pour leur éviter de nouvelles vexations. Ibid., nos 641, 642, 643. - La chapelle Saint-Louis était dans le fondouk français ; les capucins avaient une église en dehors.

           L'autre conflit, non moins curieux, eut lieu, en 1716, avec le consul anglais. Celui-ci avait montré ses mauvaises dispositions vis-à-vis du commerce français en se hâtant de se rendre à Porto-Farina pour y acheter la cargaison d'un bâtiment français pris, malgré les traités, par un corsaire tunisien et dont la nation réclamait la restitution. C'était vouloir rendre cette restitution difficile et ce mauvais procédé causa une vive irritation. A la suite d'une délibération des marchands, le consul de France fit une ordonnance curieuse qui interdisait tous rapports avec les Anglais et les mettait en quelque sorte en quarantaine : " Voulant, disait-il, à l'instance des principaux négociants composant le corps de la nation française dans ce pays, témoigner notre ressentiment… défendons, sous peine de désobéissance, à tous les Français résidant dans ce royaume, d'avoir affaire, directement ou indirectement, au sieur Laurenzo Ricardo, consul anglais, aux blanchisseuses du fondouk et du dehors de laver le linge de sa maison, et à notre boulanger de lui fournir du pain, comme aussi enjoignons au portier dudit fondouk de n'y laisser entrer aucun Anglais, sous les mêmes peines ci-dessus. " La correspondance ne nous apprend pas quelle fut l'issue de la querelle et si le consul anglais fut amené à résipiscence par l'attitude énergique des Français.

           Mais la mésintelligence ouverte continua entre les deux nations, malgré la nouvelle politique suivie par le Régent. Le consul Bayle ayant négligé, contrairement aux usages, de rendre visite à Milord Vere, fils du duc de Saint-Alban, de passage à Tunis, celui-ci empêcha le consul anglais de visiter Dusault, envoyé du roi à Tunis en 1720 ; ce dernier, piqué, fit défense à la nation d'aller chez l'agent d'Angleterre. Le conseil de marine, considérant cette désunion compte préjudiciable au commerce, ordonna au consul de " rétablir la bonne intelligence qui doit exister entre les nations amies. En effet, quand le vicomte d'Andrezel, ambassadeur à Constantinople, passa à Tunis, en 1724, le consul d'Angleterre vint le voir. Mais, bientôt, les relations redevinrent très tendues : le consul, en 1727, rendait une nouvelle ordonnance par laquelle il défendait " à tout Français, de quelque sexe et condition qu'il fût, d'avoir aucun commerce, directement et sous quelque prétexte que ce pût être, avec le consul anglais, sous peine d'être puni comme traître à son prince." " Sachant qu'il n'a pas tenu à lui que toute la nation française n'ait été écharpée par la canaille il y a peu de jours. "

            A la fin de la période qui nous occupe, les relations devinrent, peu à peu, très aigres entre le bey et les Français. En 1735, Hossein ben Ali avait été renversé par son neveu Ali dont le règne fut loin d'être aussi favorable aux étrangers. " Si ce bey règne, écrivait le consul Gautier à Maurepas, ce pays est perdu. C'est un véritable Néron qui abhorre les chrétiens. " " Lorsqu'il a besoin de quelqu'un, il rampe totalement ; le lendemain, il devient furieux contre celui-là même qui lui a fait plaisir. Toutes les fois que je vais lui parler, il me dit qu'il sait faire la guerre et que nous sommes fort heureux qu'il ne nous l'ait pas déclarée. " A la première visite que lui firent les Français, il avait signifié au consul de ne plus venir dans sa chaise roulante; il avait ajouté qu'il ne voulait pas voir non plus les marchands venir chez lui sur des charrettes couvertes et qu il s'opposerait à ce que notre pavillon flottât sur la maison consulaire. Mais les autres consuls étaient traités de la même façon, et les sujets du bey n'avaient pas non plus à se louer de son humeur farouche (" Le bey qui a usé jusqu'ici envers ses sujets de cruautés inouïes, a fait étrangler Sta Mourat, le Turc le plus respectable de la Régence. " 10 novembre 1736. n° 646.). Le bey témoigna ensuite des égards au consul Gautier et lui promit d'observer les traités ; son Kaznadar, ou trésorier, aimait beaucoup les Français et donnait à Gautier de bons avis. Pendant quatre ans, encore, la nation vécut assez tranquille.

           Mais le bey ne pouvait parvenir à se rendre maître de la Régence; son cousin restait maître de tout le sud et était établi à Sousse. Ali demandait en vain que des vaisseaux du roi vinssent renouveler les traités, la cour attendait que la fortune eût décidé entre les deux compétiteurs. Le bey pensait que la France favorisait son rival, qui, en effet, se déclarait ouvertement notre ami ; les bâtiments français qui continuaient à aller à Sousse lui étaient suspects. Sa mauvaise humeur s'accrut peu à peu contre la nation et lui fit abandonner les ménagements qu'il avait d'abord eus pour elle : " il ne recherche une occasion de mettre les Français à la chaîne " écrivait le consul, le 6 novembre 1739.

           S'il faut en croire la tradition, qui se conserva à Tunis et qui fut recueillie, quarante ans après, par le voyageur Desfontaines, c'est une rivalité de femmes qui avait achevé d'aggraver la situation. " Le consul, raconte Desfontaines, avait une gouvernante qui, selon la voix publique, était sa favorite et le gouvernait ; cette belle se brouilla avec une Maltaise, de mauvaises mœurs si l'on veut, mariée avec un Français, cuisinier d'un négociant de la nation. Cette Maltaise, proscrite par son mari, fit, de l'aveu de ce dernier, un voyage à Livourne avec un capitaine anglais ", puis revint à Tunis à la fin de 1738. Le consul, par complaisance pour sa gouvernante, voulut la faire embarquer de force sur un bâtiment français comme femme de mauvaise vie. La Maltaise obtint la protection du Kaznadar qui ne put obtenir sa grâce et la fit prendre de force. Gautier perdit ainsi par sa faute le meilleur appui auprès du bey. Au début de 1740, celui-ci voulut exiger, malgré l'usage établi, que le consul lui baisât la main quand il venait au Bardo, comme ceux des autres nations. Sur le refus de Gautier de s'assujettir à pareille innovation, il lui défendit de se présenter devant lui, et la nation y répondit en délibérant de suspendre le commerce de l'échelle. Il est vrai que cette mesure ne fut pas approuvée par la cour, car les négociants de Marseille, au courant sans doute de la conduite de Gautier, firent savoir au ministre que " la mauvaise humeur du bey n'avait que le consul pour objet ", mais les choses allèrent de mal en pis. En juin 1740, les députés de la nation étant allés protester au Bardo contre une innovation, furent traités de juifs, de chiens, de canailles et mis à la porte du palais par les hommes de garde.

           Au même moment, le consul d'Angleterre, que le bey avait voulu faire embarquer en 1737, était mis aux arrêts dans sa maison ; le consul de Hollande, très attaché au bey cependant, subissait une avanie de6000 sequins, et le drogman du consul de Suède recevait 500 coups de bâton. Mais le bey multiplia bientôt les mauvais traitements contre les Français et finit par se décider, en 1741, à une rupture ouverte, la dernière entre la France et Tunis. Les conséquences devaient en être funestes pour notre commerce, puisqu'elle allait amener la disparition du cap Nègre.

           La paix avait été maintenue avec Tripoli, grâce aux visites, renouvelées de temps en temps, des mêmes vaisseaux du roi qui avaient passé auparavant à Alger et à Tunis. De leur côté, les Tripolitains avaient fait passer à Marseille plusieurs envoyés, tantôt pour venir chercher des esclaves, tantôt, en 1696-97, pour porter au roi une lettre du dey l'assurant de son désir de maintenir la paix, tantôt, en 1701, pour réclamer un nouveau consul. Delalande, cousin de Dusault, semblait d'abord avoir réussi auprès des Puissances. Même, il avait pu, en 1699, signer avec le dey une convention portant que tous les sujets des princes catholiques romains, qui viendraient négocier à Tripoli, se mettraient sous la protection de la France ; les consuls Poullard et Expilly obtinrent, en 1710 et 1712, la confirmation de ce privilège. Mais, en 1701. Delalande se brouillait avec le nouveau dey, " un diable enragé qui cherchait tous les moyens de rompre avec nous ", et l'envoyé de celui-ci demandait le retour de l'ancien consul. Lemaire se félicitait peu après de l'accueil qu'il avait reçu et de la situation de la nation.

           " Après l'heureux avènement de Calil bey, écrivait-il en 1702, je commençai par établir la maison du seigneur dans la consulaire.... je demandai ensuite au bey d'arborer l'étendard de France sur sa maison, ce qu'il m'accorda, me faisant observer qu'il ne l'accorderait qu'à moi… j'ai rabaissé l'orgueil du consul anglais au point que je souhaitais… J'ai profité de ses bonnes grâces pour établir l'honneur de la nation au point que je désire quelle reste toujours. Elle est libre comme dans Marseille. " Le successeur de Lemaire écrivait à son tour, en 1708 : " Calil pacha m'a fait un honneur sans exemple… il m'a fait asseoir à côté de lui sur son trône en plein divan et le consul anglais a fait son compliment debout et est parti… le raix commandant de la marine sort de me faire visite, ce qui ne s'était point encore pratiqué. "

           En 1705, le bey Calil faisait part à Louis XIV de ses succès contre les Tunisiens, et Pontchartrain lui répondait en le félicitant de les avoir contraints de lever le siège de Tripoli avec des pertes considérables. Dusault vint, en 1720, renouveler, comme à Tunis, le traité qu'il avait négocié lui-même en 1693. Laugier de Tassy écrivait quelques années après : " Il y a cette différence entre les deux états de Tunis et de Tripoli que celui de Tripoli est plus exact observateur des traités et qu'il ne manque jamais de punir sévèrement ceux de ses sujets qui osent les violer. Il est difficile de juger si cette conduite procède de la probité ou de la faiblesse de ce peuple. Quoi qu'il en soit, cette exactitude est d'une grande conséquence pour la navigation des Européens. " Pourtant une dernière guerre éclata encore, en 1728, et M. de Grandpré, à la tête d'une escadre de 8 vaisseaux de guerre, vint inutilement réclamer le châtiment des corsaires qui ne cessaient de violer la paix. La ville subit un nouveau bombardement qui ne lui fit pas moins de mal que celui de 1683. Trois ans après, le voyageur Tollot constatait qu'il y avait " quantité de maisons entièrement ruinées, des pans de murs abattus, en un mot beaucoup de dégâts. " Il avait même été question d'un débarquement de troupes et d'une destruction complète de Tripoli. Notre ambassadeur à la Porte, le comte de Villeneuve, avait négocié à ce sujet et rencontré de vives difficultés. Les Tripolitains se hâtèrent, en 1729, de prévenir de nouvelles représailles en sollicitant une suspension d'armes qui aboutit à la conclusion d'un traité de paix centenaire, signé le 9 juin par le chevalier de Gouyon, capitaine de vaisseau, et par Pignon, consul de France à Tunis.

           Les Tripolitains acceptaient des conditions très dures. Ils renouvelaient les garanties déjà accordées au commerce par les traités précédents et s'engageaient, en outre, à payer 20.000 piastres sévillanes, en dédommagement des prises qu'ils avaient faites depuis 1720, à restituer tous les esclaves et même à fournir une rançon pour ceux qui auraient été envoyés dans les états d'Alger, de Tunis, ou ailleurs.
           A l'avenir, leurs vaisseaux marchands ne pourraient naviguer que munis de certificats du consul de France joints à la Commission du bey, sous peine d'être arrêtés et traités comme forbans. Enfin, au traité était annexée la même formule humiliante de demande de pardon, signée par toutes les Puissances, qui avait été imposée l'année précédente aux Tunisiens. Quant au commerce, une des clauses stipulait qu'aucun privilège ne serait accordé à une autre nation, à moins qu'il ne devint aussitôt commun à la nation française.

           Il semble que la leçon servit aux Tripolitains ; le commerce du Levant y gagna plus de sécurité, nais l'échelle de Tripoli resta sans importance, sauf pour les bâtiments caravaneurs de Marseille, qui continuaient à prendre des chargements dans les divers ports de la régence pour le Levant, notamment à Derne et à Bengazy où deux vice-consuls français étaient établis pour les protéger. Quand la guerre éclata, en 1728, les Tripolitains s emparèrent, malgré les traités, de tous les bâtiments français en chargement dans leurs ports : il y avait une tartane à Tripoli, montée par 9 hommes, un pink à Mezurate, monté par 12 hommes, un pink à Bengazy, deux autres à Razatin ; tous ces bâtiments avaient été affrétés par des Tripolitains. Mais Marseille ne recevait qu'à de rares intervalles des marchandises de Tripoli. Sans cesse les consuls répétaient dans leurs lettres que le pays n'offrait aucune ressource, qu'il était réduit à une extrême misère. En mai 1717, le consul adressa un état des bâtiments qui avaient chargé pour cette ville, depuis le mois de septembre 1711 ; ce document ne faisait mention que de quatre bâtiments ; encore n'avaient-ils presque rien pris à Tripoli : quelques cuirs, un peu d'huile et deux chevaux pour le comte de Toulouse.

           Les archives de la Chambre de Commerce de Marseille renferment une série de tableaux de statistiques très précieux qui contiennent, presque sans lacune, à partir de 1700, la liste des bâtiments venus chaque année à Marseille de chacune des échelles, avec leurs chargements. Malheureusement, les arrivages, de Barbarie y figurent en bloc, sans que la part d'Alger, de Tunis et de Tripoli y soit spécifiée. Pendant les quarante premières années du XVIIIe siècle, les importations de Barbarie n'atteignirent jamais 1.000.000 de livres ; une seule fois, en 1720, elles dépassèrent 900.000, deux fois seulement, en 1700 et en 1736, elles s'élevèrent au-dessus de 800.000 ; 29 fois, en 40 ans, elles furent au-dessous de 500.000 livres ; en 1714, on les vit tomber à 139.000 livres, à 44.000 en 1722. Ainsi, les relevés des importations, faits par la Chambre de Commerce, confirment ce que nous apprennent la correspondance ou les mémoires du temps sur le peu d'importance du commerce de la Barbarie. La moindre des grandes échelles du Levant envoyait chaque année plus de marchandises à Marseille qu'Alger, Tunis et Tripoli ensemble. Il est vrai que les chiffres ci-dessus doivent être attribués, pour la plus grande part, à la seule échelle de Tunis.

           D'après les mérites statistiques, les huiles, les blés et les laines étaient les articles d'importation de beaucoup les plus importants ; puis venaient les cuirs, la cire, l'orge, les fèves, les dattes, les éponges, les plumes d'autruches et quantité d'articles secondaires.
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A SUIVRE

Je suis fatigué !
Envoyé par Mme A. Bouhier

C'est une réflexion que nous ne pouvons pas éviter lorsque nous regardons notre société actuelle. Ce cher Bill Cosby exprime publiquement ce que nous n'exprimons que dans nos cuisines, n'est-> ce pas?

        « J’ai 76 ans et je suis fatigué ! »

        J’ai 76 ans. Sauf pour une brève période dans les années 50, lorsque je faisais mon Service National, j'ai travaillé dur depuis que j'ai eu 17 ans. Sauf pour certains graves défis pour ma santé, j’ai travaillé souvent 50 heures par semaines et je ne me suis pas rapporté malade en près de 40 ans. J'ai fait un salaire raisonnable, mais je n'ai pas hérité de mon emploi ou de mon revenu et j'ai travaillé dur pour obtenir ce que je possède et devenir ce que je suis. Compte tenu de l'économie, il semble que la retraite était une mauvaise idée, et je suis fatigué. Très fatigué.

        Je suis fatigué qu’on me dise que je dois « partager cette richesse » avec des personnes qui n'ont pas mon éthique de travail. Je suis fatigué de m'entendre dire que le gouvernement va prendre l'argent que j'ai gagné, par la force si nécessaire, et le donner aux gens trop paresseux pour le gagner.

        Je suis fatigué de me faire dire que l'Islam est une « religion de paix » quand, chaque jour, je peux lire des dizaines d'histoires d'hommes musulmans tuant leurs sœurs, les femmes et les filles de leur famille « pour l’honneur », exécutant des musulmans pour une quelconque infraction légère, sans parler des histoires de musulmans assassinant les chrétiens et les Juifs parce qu'ils ne sont pas « croyants », et celles des musulmans brulant les écoles pour filles ; des musulmans jeunes et adolescents victimes de viols et mis à mort pour « adultère »; des musulmans mutilant les organes génitaux des petites filles et lapidant leurs femmes sous n’importe quel prétexte, tout cela au nom d'Allah, parce que la loi du Coran et de la charia le leur permet.

        Je suis fatigué de me faire dire que, au nom de la « tolérance des autres cultures », nous devons laisser l'Arabie Saoudite et d'autres pays arabes utiliser l’argent du pétrole pour financer des mosquées et des écoles islamiques où on prêche la haine que ce soit en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Angleterre, en Amérique et au Canada, tandis que personne provenant de ces pays n’est autorisé à financer une église, une synagogue ou une école religieuse en Arabie Saoudite ou dans tout autre pays arabe pour y enseigner l'amour et la tolérance...

        Je suis fatigué de me faire dire que je dois diminuer mon niveau de vie afin de lutter contre le réchauffement de la planète, et que personne ne m’autorise à en débattre.

        Je suis fatigué de me faire dire que les toxicomanes ont une maladie, et que je dois les aider à soutenir leurs traitements et payer pour les dommages qu’ils font. Ont-ils été attaqués par une nuée de germes géants sortis d'une ruelle sombre, qui les a saisi et leur a entré de force une poudre blanche dans le nez ou planté une aiguille dans le bras alors qu'ils essayaient de combattre?

        Je suis fatigué d'entendre ces riches athlètes, ces artistes et ces politiciens qui viennent tous nous parler d'erreurs innocentes, d’erreurs stupides ou d’erreurs de jeunesse, alors que nous savons qu'ils pensent que leur seule erreur a été d’être pris. Je suis fatigué des personnes à qui il manque un sens de la droiture, qu’il soit riche ou pauvre.

        Je suis vraiment fatigué des personnes qui n'assument pas la responsabilité de leurs vies et de leurs actions. Je suis fatigué de les entendre accuser le gouvernement, ou de se plaindre de discrimination ou de n’importe quoi ou de n’importe qui pour leurs problèmes.

        Je suis aussi fatigué et écœuré de voir des jeunes, hommes et femmes, dans leur adolescence ou au début vingtaine, s’affubler les membres de tatouages et se défigurer le visage de bouts de métal, s’assurant ainsi qu’aucun employeur sérieux ne voudra d’eux et qu’ils réclameront des fonds du gouvernement toute leur vie.

        Oui, je suis sacrément fatigué. Mais je suis également heureux d'avoir 76 ans... Parce que, et surtout, je ne vais plus avoir à vivre trop longtemps dans le monde que toutes ces personnes sont en train de détruire. Je suis juste désolé pour ma petite-fille et ses futurs enfants. Dieu merci, je suis à la fin de mon parcours dans la vie et non au début…


     
   

"Gravissime"
Envoyé par M. Monrose
                                                      La une : Actualité Algérie :  El Watan

Mostefa Bouchachi appelle l’élite à sortir de son silence «Il y a un plan pour détruire la nation dans sa conscience»

Me Mostefa Bouchachi, président de la Ligue de défense des droits de l’homme (LADDH), est monté au créneau pour dénoncer l’anesthésie inoculée par le pouvoir dans toute la société civile.

             Dans un entretien accordé au journal électronique La Nation, l’avocat et président de la LADDH a fait un réquisitoire sans appel contre l’œuvre du pouvoir de «destruction des institutions de l’Etat et en même temps d’anéantissement de la conscience»
             Maître Bouchachi condamne aussi la démission de l’élite algérienne face à ce travail d’atteinte systématique contre les libertés, le droit et la primauté du pouvoir sur la loi. «Je ne fais pas de reproche au citoyen ordinaire. Le plus grave est la situation de démission collective des avocats, journalistes, intellectuels et élites au sens large», dit-il dans cet entretien, analysant l’état de déliquescence avancée du système judiciaire. A la question de savoir pourquoi il y a une tendance forte au sein de la société à résoudre les problèmes à travers les institutions sociales traditionnelles, le président de la LADDH répond que «le métier d’avocat et la magistrature sont à l’image de la société.

              Ce système est corrompu et la plupart des institutions sont sans crédibilité. Et cela ne se limite pas aux seules institutions de l’Etat. Je crois que le plus grave et le plus dangereux est qu’il existe un plan pour détruire la nation dans sa conscience même». Maître Bouchachi argumente : «Nous sommes face à un Etat et à un régime qui disposent de tous les laboratoires. Il est difficile de croire que ce qui se passe se limite à de simples erreurs de gestion. Il y a au contraire une entreprise de destruction des institutions de l’Etat et, en même temps, un anéantissement de la conscience chez les gens de ce pays. Cela concerne toutes les institutions de l’Etat et toutes les professions.» Mostefa Bouchachi estime que derrière cela se cache un plan : «La destruction de l’université, de la magistrature, de la profession d’avocat et d’autres institutions n’est pas une opération spontanée mais planifiée.» Il souligne aussi que si «les régimes arabes ont des similitudes, le régime algérien est le plus sordide dans le domaine de la destruction de la conscience de la nation et des institutions».

             Et de préciser : «En Tunisie, malgré la dictature et la corruption, le régime a essayé de s’inscrire dans l’histoire à travers certains projets. En Algérie la dictature est sans programme, elle est sans but ; c’est une dictature sans vision, une dictature qui gère le pays au jour le jour ; une dictature où le régime entreprend de détruire les cadres compétents et à les éloigner des centres de décision économiques, culturels et sociaux. Le régime n’est même pas en mesure de travailler pour lui-même. C’est une situation qui laisse perplexe.» Me Bouchachi note que les conséquences de ce plan de destruction de la nation sont dramatiques sur la société.

La profession d’avocat absente du terrain de la lutte pour les droits

             «Le résultat est cette tendance forte à l’égoïsme, à l’individualisme ; il n’existe pas au sein de la société de lutte pour les principes, pour l’Etat de droit, pour la justice et la liberté. Il y a des luttes sociales pour des revendications matérielles, pour un secteur ou pour une catégorie. Cela vaut également pour la profession d’avocat qui, en tant qu’institution de défense, doit normalement mettre fin à une situation où le pouvoir judiciaire est entre les mains d’un régime. Dans cette profession, au cours de la dernière décennie, on ne s’est pas insurgé quand des affaires de torture ont été posées, quand des citoyens ont été tués dans des prisons, quand les tribunaux spéciaux ont été mis en place. Durant toute cette période, cette profession a été absente mais elle s’est subitement manifestée quand a été soumise la loi régissant la profession d’avocat. Soyons clairs : les revendications des avocats sont légitimes mais leur acceptation de la situation qui a prévalu, leur acceptation de se transformer en pur décor sont des indices de situation de destruction des consciences.»

             Et d’enchaîner : «Je ne connais pas un seul juge qui a la capacité ou le courage moral de convoquer un responsable, sécuritaire ou non sécuritaire. Au cours des deux dernières semaines, dans le cadre du procès des cadres de la Sûreté nationale, parmi lesquels se trouve M. Oultache, les avocats ont demandé un document établi par l’administration de la Sûreté nationale soulignant la légalité des contrats conclus. Il n’aurait pas été honteux si le juge demande le document et que l’administration de la Sûreté nationale refuse de le transmettre. Mais le plus grave est que le juge, qui est tenu par la Constitution, laquelle souligne qu’il n’est soumis qu’à la loi et à conscience, n’a pas osé demander ce document !

             Ce juge algérien pourra-t-il convoquer un général alors qu’il n’a même pas osé demander un document ?» Pour Me Bouchachi, une telle situation est due au fait que «les appareils sécuritaires sont au-dessus des institutions et que la magistrature, en Algérie, est une fonction. Le juge ressent qu’il est un fonctionnaire révocable à tout moment et qu’il est sans protection. Le ministère de la Justice n’a plus besoin de faire usage du téléphone pour demander aux juges ce qu’ils doivent faire. Ces juges connaissent les tendances du régime. Et la tendance en vigueur est que plus vous êtes dur, plus vous êtes en phase avec le régime».

             Une amertume se dégage des propos de M. Bouchachi qui estime qu’au cours des 20 dernières années, «on a connu un véritable problème de formation qui a nui à la classe moyenne et aux intellectuels. Les universités ne sont plus un lieu de réflexion et de lutte, mais des centres de formation professionnelle». Le mal est profond, affirme M. Bouchachi, qui témoigne : «Au moment des évènements de janvier 2011, j’ai adressé une lettre au bâtonnier national dans laquelle je faisais valoir que les jeunes poursuivis sont des pauvres qui n’ont pas pu exprimer leurs préoccupations de manière pacifique et qu’ils sont des victimes d’un régime autoritaire. J’ai appelé à ce que le syndicat constitue des groupes d’avocats pour les défendre. Le bâtonnier ne m’a pas répondu.

             Il a déclaré cependant à la presse ‘nous on ne se mêle pas de politique’. Une attitude contraire à ce qui s’est passé après les évènements d’Octobre 1988. Le syndicat des avocats s’était constitué, au niveau national, pour défendre toutes les victimes. Il y a une régression grave dans les professions juridiques, dans les universités et ailleurs.» Le président de la LADDH considère que le changement est possible mais à la condition que «les élites sortent de leur silence». «Quand le Président décide, quatre mois avant l’élection, de changer la Constitution sans que les enseignants universitaires, les professeurs de droit et de sciences politiques ne bougent pas pour dire que cela ne se fait pas, cela nous donne une idée de l’état de démission collective de la classe instruite dans ce pays», dit-il.

Nadjia Bouaricha

LES ELITES TENTEES
PAR L’EXIL
Envoyé Par Mme. Bouhier

Sud-Ouest du 8 février 2012

A six mois des législatives, alors que
les émeutes se multiplient dans le pays
nombre de ministres et de hauts cadres préparent leur avenir... à l'étranger.


ALI  IDIR, À ALGER

            A six mois des législatives et à près de deux ans de la fin du troisième mandat du président Abdelaziz Bouteflika en 2014, des ministres de l'actuel gouvernement préparent déjà leur avenir... à l'étranger. Au moins six membres du gouvernement du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ont entamé il y a quelques semaines des démarches pour faciliter l'installation de leurs enfants dans des pays européens, notamment en France. Ici, le durcissement des lois sur l'immigration a rendu les conditions d'accueil et d'installation des étrangers plus difficiles. Ces ministres multiplient les interventions pour obtenir des visas d'études - en particulier à leurs enfants - auprès des ambassades des pays européens, particulièrement ceux avec lesquels l'Algérie entretient d'importantes relations économiques, à savoir la France, l'Italie, le Portugal et l'Espagne.

Le risque d'un embrasement
"à la libyenne" préoccupe les décideurs

            Ces hauts responsables cherchent à sécuriser l'avenir de leurs enfants à l'étranger en les aidant à quitter l'Algérie, un pays instable politiquement et dont l'avenir est plus que jamais incertain. L'économie locale dépend entièrement de l'exportation du pétrole et du gaz, deux richesses naturelles en voie d'épuisement.
            Sur le plan sécuritaire, les émeutes sont devenues quotidiennes et le risque d'un embrasement " à la libyenne" préoccupe les décideurs.
            En plus de ces perspectives sociales sombres, les législatives de mai prochain pourraient permettre aux islamistes de prendre le contrôle du Parlement et du gouvernement Dans un contexte régional marqué par les révoltes arabes, le pouvoir algérien aura du mal à tricher pour éviter une victoire de l'opposition. Du coup, beaucoup de ministres devraient céder leur place après les législatives à de nouveaux arrivants qui feront partie d'un nouveau gouvernement Contrairement aux années précédentes, les partants n'auront cette fois aucune garantie de reconversion ou de retour dans une nouvelle équipe. Un nouveau mandat de Bouteffika en 2014 semble en effet définitivement écarté. De nombreux ministres et hauts responsables civils et militaires craignent aussi des poursuites judiciaires pour des détournements de l'argent public. La course aux visas concerne aussi les hauts gradés de l'armée et des fonctionnaires de l'administration qui veulent fuir le pays.

L'expatriation, une habitude

            En fait, ces ministres et hauts gradés qui cherchent à expatrier leurs familles ne font pas exception. Quand ils ne sont plus aux commandes, les hauts cadres de l'État algérien préfèrent majoritairement s'exiler et vivre à l'étranger, que ce soit en Europe ou dans les pays arabes. Sur près de 700 anciens ministres et premiers ministres qui se sont succédé aux différents gouvernements depuis l'indépendance, au moins 500 vivent à l'étranger, selon un rapport officiel établi en 2009. Hormis quelques exils forcés comme celui de l'ancien Premier ministre Abdelhamid Brahimi, tous les autres ont fait le choix volontaire d'aller vivre ailleurs, notamment en France, où ils possèdent des biens immobiliers.
            Rares sont les anciens hauts responsables algériens qui restent vivre dans leur pays après avoir quitté le pouvoir. Et même durant leur règne, ils vivent dans des résidences d'État, à l'ouest d'Alger, complètement déconnectés de la réalité du pays.



Un vent de révolte souffle sur l'Algérie depuis plusieurs mois, entre manifestations (ici des ouvriers de l'Industrie, le 26 décembre à Alger), émeutes et immolations par le feu. PHOTO F. BATCHt/AFP


NOUVELLES de LÁ-BAS
Envoyées d'Algérie
Incidents au stade de Port-Saïd (Égypte)
“Une sanction divine”, selon un chef islamiste
 Mercredi, 08 Février 2012 10:00 (Liberté Algérie)
           Par : Rubrique Radar

           Un des chefs islamistes, dont les propos avec images ont été rapportés par plusieurs chaÎnes de télévision du Golfe, a estimé que les incidents meurtriers du stade de Port-Saïd, en Égypte, qui ont fait 78 morts, sont une sanction divine. Sic ! Pour lui le football est un sport illicite. Au regard de sa lecture étriquée qu’il fait de l’islam bien sûr. Pour cet imam, visiblement nostalgique de l’époque antéislamique où les sports tolérés n’étaient que la natation, l’équitation et l’escrime, le football est une invention de l’Occident qu’il faut interdire dans les pays musulmans. Et pour cet imam, qui n’a sans doute rien compris à cette “religion” qu’est le foot, les milliards brassés dans ce sport devraient être investis dans des actions caritatives.
           

KHENCHELA
Un élève évacué à l’hôpital après avoir été puni par son professeur 
Mercredi, 08 Février 2012 10:00 (Liberté Algérie)
           Par : Rubrique Radar
           Pour certains écoliers, l'école est devenue un vrai cauchemar. Un élève de 7 ans a été évacué en urgence à l’hôpital de Khenchela, la semaine écoulée, après avoir perdu connaissance dans la classe. Selon nos sources, l’enfant a été frappé, devant ses camarades, avec un tuyau au niveau des bras, du ventre et à la tête jusqu’à ce qu’il tombe inconscient sur le sol. L'auteur de cette agression n'est ni un fou lâché dans la nature ni un délinquant sous l'effet de psychotropes. Mais… son professeur ! Un certificat médical de 9 jours d’incapacité a été délivré par le médecin et remis à la police. Cette dernière a ouvert une enquête. Plusieurs personnes ont été entendues, le professeur et la victime notamment.


MESSAGES
S.V.P., Lorsqu'une réponse aux messages ci dessous peut, être susceptible de profiter à la Communauté, n'hésitez pas à informer le site. Merci d'avance, J.P. Bartolini

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Le spécialiste des sous !
Envoyé par Chantal

Une Dame, avec son fils de 10 ans, déjeune au restaurant.

       Par mégarde, l'enfant se met une pièce de monnaie dans la bouche et l'avale.
       La mère essaye de lui faire cracher la pièce en lui tapant dans le dos, en le frappant dans le cou, en le secouant, sans réussir.
       L' enfant commence déjà à donner des signes d'asphyxie et la mère, désespérée, commence à crier en demandant de l' aide.

       Un Monsieur se lève d'une table voisine, et avec un calme étonnant, sans dire un mot, baisse le pantalon du gamin, lui saisit ses petits testicules, les serre avec force et les tire vers le bas violemment.
       Automatiquement, l'enfant, sous la douleur irrésistible recrache la pièce, et l'homme, avec le même calme étonnant qu'il avait en arrivant, retourne à sa table sans dire un mot.

       Au bout d'un certain temps, la mère, maintenant rassurée, se lève pour le remercier, lui qui a sauvé la vie de son fils, et lui demande : " Vous êtes Médecin ? "

       " Non Madame, JE SUIS UN FONCTIONNAIRE DU TRÉSOR, habitué à tenir les administrés par les "bouilles", jusqu'à ce qu'ils donnent leurs derniers sous.
      



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