C'EST DE L'AMITIE

On le savait déjà mauvais en calcul (politique), voilà que maintenant, monsieur Bouteflika étale son ignorance crasse de l'histoire en confondant celle des Etats Unis et de l'empire colonial français. Bien sur que la conquête de l'Algérie ne s'est pas faite sans morts, aussi bien celle de la France que celle des Arabes auparavant. Les Berbères en savent quelque chose dans l'Algérie d'aujourd'hui qui tente "d’aliéner leur identité en altérant leur langue, leur religion, leur culture et leur histoire".

Mais peut-être bien que dans son langage à lui, (séquelle de sa jeunesse studieuse dans un Maroc colonial?) "traité d'amitié" signifie "déclaration de guerre".

EN CAMPAGNE POUR LE REFERENDUM

A L’OCCASION DES FESTIVITES DU 20 AOUT

Bouteflika relance les attaques contre l’ordre colonial

 

Abdelaziz Bouteflika a débuté sa campagne pour le référendum, à Skikda, par un discours à l’ouverture du colloque national sur l’offensive du 20 Août 1955. La réponse à la loi française du 23 février 2005, sans être explicitement citée, a pris la part du lion.

La commémoration des offensives du 20 Août 1955 a donné l’occasion au président Abdelaziz Bouteflika de lancer sa campagne référendaire pour la charte de la paix et de la réconciliation nationale en tentant de réveiller la ferveur patriotique, dont l’éloignement serait, à l’en croire, une des causes de nos dissensions.

Mais c’est surtout à une vive dénonciation de l’ordre colonial qu’il s’est livré en reprenant le fil, interrompu, de la polémique sur la loi française. Les mots qui avaient déplu outre-mer, lors de la commémoration du 8 Mai 1945, sont à nouveau répétés: le projet colonial avait un but d’extermination qui a été effectivement mis en application. «Les souvenirs horribles, la tragédie de l’invasion, de l’extermination et de la destruction, les injustices de l’occupant qui s’est ingénié à mettre en oeuvre un projet macabre dont l’objectif était une Algérie sans peuple».

Le Président évoque ainsi les théoriciens français de la colonisation à «l’imagination macabre» qui, face à la résistance des Algériens à l’invasion, ont défendu la «nécessité d’exterminer l’ensemble des Algériens, sinon leur majorité, et d’aliéner leur identité en altérant leur langue, leur religion, leur culture et leur histoire». Et, ajoute-t-il, on n’est pas resté au stade de la théorie, l’entreprise «a réellement été mise en oeuvre et ses séquelles nous stigmatisent aujourd’hui encore».

Cette pensée exterminatrice n’a pas été le fait de théoriciens marginaux, elle a été «au coeur de la politique de l’Etat colonial». A partir de 1840, elle est un «projet global» qui s’est traduit en acte dans «une guerre globale contre l’Algérie, n’épargnant ni homme, ni mémoire, ni nature...». Le massacre de Dahra mené par le colonel Pélissier et de milliers d’autres crimes commis contre le peuple ont «tous bénéficié de la couverture politique des hauts dirigeants de l’Etat colonial», mais ils ne «doivent pas devenir imprescriptibles ni oubliés».

Ces crimes «ne sauraient en aucun cas être annulés par une décision politique, car leurs conséquences poursuivront toujours leurs auteurs, non pas en tant qu’individus ayant joué un rôle sur la scène de l’histoire puis s’en sont retirés, mais en tant que période historique à part entière, sur laquelle les nations, les peuples et les Etats s’interrogent dans le sillage de leur héritage historique».

C’est donc sur la sanction de l’histoire que compte le Président pour rendre caduques les décisions politiques de blanchiment de la période coloniale, au même titre d’ailleurs que celles connues par l’humanité. «Une période que les générations futures continueront à bannir et à condamner à travers l’histoire, abstraction faite du temps ou du lieu, pour que l’histoire de l’humanité puisse se libérer du crime en général et du crime organisé en particulier, des crimes d’Etat tels le fascisme, le nazisme et de leurs adeptes».

L’Algérie a subi l’une des «plus horribles injustices jamais vécues de l’histoire de l’Humanité (...), qui devrait s’inscrire dans le cours de l’histoire «comme un crime contre l’humanité dans le temps et dans l’espace. Un crime que le Droit commun à toute l’humanité dénonce et que le devoir condamne dans l’absolu». Dans une réponse à un discours - il existe en France - qui établit une similitude entre les «crimes du FLN» et les atrocités coloniales, le Président estime qu’on se trouve dans une tentative de justification de «l’injustifiable» et que l’on place ainsi «au même niveau la victime et le bourreau, la violence de l’Etat dominateur et les réactions des enfants d’un peuple opprimé revendiquant leur droit légitime à la vie...».

En clair, le Parlement français est libre de «lire son histoire, de la communiquer à ses enfants dans le sens de sa vision, mais cela ne lui donne pas le droit d’interpréter l’histoire des autres nations, ni de dénaturer la vérité et conclure des marchés suspects pour blanchir l’histoire des criminels et en faire des héros mythiques».

Sur l’offensive du 20 Août 1955, «initiative nationale grandiose» dont le mérite revient à Zighoud Youcef, il estime qu’elle a rendu l’action révolutionnaire irréversible et a barré «la route à ceux qui doutaient et hésitaient». Il répond dans la foulée à ceux qui s’érigent en «victimes» de ce haut fait d’armes en estimant que le colonisateur n’a pas laissé d’autre alternative aux Algériens que la voie armée et qu’il n’a ouvert «aucune perspective, comme il l’a fait avec nombre de ses protectorats, pour que nous évitions la guerre et ses affres».

Sur un plan plus large, le président de la République a appelé à un intérêt plus grand à l’histoire et a estimé que l’éloignement à l’égard des valeurs historiques a été à l’origine de la «dislocation» au sein de la société et que cela risquait de mener vers une «destruction certaine, voire un chaos total».

Cette évocation de l’histoire, le Président en fait argument pour défendre son projet de charte de la réconciliation nationale, qui n’est pas un «retour à la situation qui prévalait à la veille du séisme», en considérant que la société algérienne a fait un grand travail sur soi qui lui permet de rejeter à la fois «les tenants de la barbarie, du vandalisme, du nihilisme, voire de l’Etat théocratique, et ceux de l’occidentalisation sans modernisation intégratrice du plus grand nombre». La main est toujours tendue à ceux qui se sont mis en marge de la loi, mais les Algériens sont également invités à voter pour «barrer la route à tous ceux qui ont voulu manipuler notre religion au service d’appétits de pouvoir et de leur interdire toute action dans le domaine politique pour leur éviter toute occasion de rééditer leurs méfaits».

M.Saâdoune

http://www.lequotidien-oran.com/


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Mis en ligne le 22 août 2005