A PROPOS des UNITES TERRITORIALES
Histoire vécue
Aimé PERRET

L'histoire n'a pas encore cerné la terminologie exacte qui doit 'porter sur la période 1954-1962 en Algérie: guerre d'Algérie, opérations du maintien de l'ordre, ou plus communément événements? Attentats aveugles, massacres d'innocents, embuscades, le FLN avait créé un climat d'insécurité face auquel une partie du contingent était mal préparée et surtout démotivée.

Les troupes d'élite, et particulièrement les régiments parachutistes rompus à une guerre subversive héritée de la campagne d'Indochine (3éme REI, 13éme DBLE, 1er BEP pour le Constantinois) ratissant le Djebel et crapahutant, les villes et leur environnement immédiat nécessitaient un renfort militaire conséquent. Ainsi furent créées les Unités Territoriales (UT).

L'organisation des UT correspondait à l'importance de l'agglomération et obéissait à des choix stratégiques: bataillons et compagnies pour les grandes villes, compagnies et sections pour les villes moyennes. A Alger, les UT étaient plus de 25.000, sous les ordres du commandant Michel Sapin-Lignières. 2.500 étaient quotidiennement en activité et disposaient d'une UTB (Unité Territoriale Blindée). Les hommes mobilisables, de 21 à 48 ans, ont tous été rappelés.

Les missions traditionnelles du maintien de l'ordre (patrouilles, contrôles de barrage) voisinaient avec un service de garde des points sensibles (ports, dépôts pétroliers, usines, fermes isolées). Chaque membre des UT devait servir deux à trois jours par mois. Les salariés étaient couverts par les entreprises, les artisans et commerçants par eux-mêmes.

La mobilisation militaire des forces vives de la population était pertinente sur le plan tactique, car elle joignait à l'armée conventionnelle un ensemble composé d'éléments autochtones connaissant finement la topographie locale et maîtrisant parfaitement les errements psychologiques de la communauté arabe livrée aux chantres de la rébellion. Ce rappel sous les drapeaux s'est effectué dans l'enthousiasme, la fierté, la responsabilité. De nombreux UT avaient connu les champs de bataille d'Italie, de France ou d'Allemagne. Eux qui s'étaient étonnés de rencontrer en France, à cette époque, tant de jeunes gens en civil, tant de résistants de dernière heure, on leur demandait de servir encore et, cette fois-ci, chez eux, sur leur terre natale! Ils répondirent présents.

L'aventure des UT reste encore à écrire. Souvent brocardés à cause de leur âge, ils ne furent méprisés ni par l'ennemi (lequel évitait les affrontements avec eux), ni par le commandement qui sut tirer parti de ce corps particulier dans les domaines de la sécurité et du renseignement. Au moment de la démobilisation forcée, on leur reprocha, tout au plus, d'être un peu trop Français en Algérie... un sacrilège dans l'air du temps.

L'aventure des UT se confond avec l'idée naturelle du devoir et de l'honneur. Ils ont pris leur part dans la bataille pour le maintien de l'Algérie dans la France. Ils en sont fiers et, n'en déplaise aux agités du moment, pourtant respectueux de la mémoire de ceux qui sont tombés là-bas, on ne les retrouve pas parmi les thuriféraires du 19 mars 1962...

(Revue Ensemble, N°208, pages 71, 72 , Juillet 1997)