QUE REPRESENTE LA DATE DU 19 MARS 1962
Paru dans le périodique "Les Français D'AFN"
de septembre/octobre 1991

Envoyé par MARTINEZ ANTOINE
et mis sur le site ALGERIE FRANCAISE de GILBERT IBANEZ

Il sera utile pour ceux qui ne sont pas bien au courant de ce que représente la date du 19 mars 1962, de lire ou relire ce long mais O combien intéressant développement paru dans un périodique connu de certains "Les Français d'AFN" daté de septembre/octobre 1991.

Alors qu'en 8 ans de guerre civile, 875 européens ont été enlevés en Algérie 110 par an, soit en moyenne 1 tous les 3 ou 4 jours, à partir du cessez-le-feu (sic) du 19 mars où sont proclamés les Accords dits d'Evian, 3018 d'entre eux seront enlevés en 6 mois (jusqu'à septembre 1962)

C'EST UNE AUGMENTATION DE 6000 % AVEC UNE MOYENNE DE 17 PERSONNES ENLEVEES PAR JOUR SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE ALGERIEN.


Bien entendu, quelques questions se posent au sujet de cet épisode de la guerre d'Algérie et de ses séquelles: pourquoi ces enlèvements ? Comment se sont-ils produits ? Quelle fut l'attitude du gouvernement français de l'époque ? Où en est aujourd'hui ce dossier ?

POURQUOI ?

Le 19 mars 1962 voit la fin des hostilités entre l'armée française et les rebelles algériens que dirige le FLN (Front de Libération Nationale) mais les Français d'Algérie (un million environ) sont opposés, dans leur immense majorité à l'Indépendance de leur pays. Ils voient dans ces accords un abandon de la Métropole L'OAS (Organisation de l'Armée Secrète) défend la politique de l'Algérie française et reçoit le soutien de beaucoup d'entre eux Cette organisation se livre à des attentats contre la Gendarmerie, et les policiers chargés d'arrêter ses membres. Elle s’en prend aussi à des européens dits "libéraux" et au FLN. Le soutien dont elle bénéficie dans la population européenne, rend les tâches répressives du gouvernement français difficiles.
Dans un premier temps ce dernier expédie à Alger des "barbouzes", sorte de policiers clandestins qui vont utiliser contre l'OAS des méthodes violentes. Mais les barbouzes se heurtent à une très forte opposition et seront éliminés par les commandos delta du Lieutenant DEGUELDRE. Non sans qu'auparavant ils aient enlevé, d'une part, des dizaines de malheureux pieds-noirs raflés au hasard et tués au titre des représailles collectives. On retrouvera les victimes dépecées dans des sacs déposés à des carrefours fréquentés de Bab-el-Oued pour en impressionner la population.
A partir du 19 mars 1962, le cessez-le feu étant proclamé avec le FLN, Armée française cesse de patrouiller dans les quartiers musulmans qui tombent entièrement sous l'emprise des nationalistes algériens et deviennent d'impénétrables bases d'appui.

L'OAS intensifie ses attentats et pour ceux qui la combattent, l’essentiel va devenir alors de démoraliser la population européenne qui lui fournit abris, renseignements, planques, argent, etc ..
le FLN va alors prendre le relais des barbouzes. Considéré comme un parti désormais légal, il est associé au maintien de l'ordre par les autorités de police françaises à Alger. (cf. Vitalis CROS "Le temps de la violence" Paris 1972 Ed. Plon).
L'auteur, Préfet de Police à Alger en 1962 écrit ceci: "Les contacts avec si AZZEDINE qui était à Alger depuis janvier, et Omar Oussedik (Chef algérois du FLN) notamment, rares et clandestins, devenaient peu à peu moins secrets, car le FLN était devenu un parti reconnu le 19 mars. Dès le 30 mars, nous nous sommes concertés de plus en plus régulièrement en accord avec Rocher noir et le Président FARES"
"Début avril, après le tournant du 26 mars où l'armée française ouvrit le feu rue d'lsly sur des manifestants pieds-noirs faisant 80 morts et 200 blessés. Des rencontres quotidiennes avec Omar OUSSEDIK furent organisées et je participai, dès ce moment-là, à plusieurs réunions de l'Exécutif Provisoire pour coordonner notre action avec celle des organisations algériennes" (p. 193 et 194).

La mission fondamentale de l’état français est la protection des personnes et des biens de ses ressortissants. Il est donc particulièrement anormal pour ne pas dire plus, que des autorités françaises conjuguent leurs efforts avec une organisation terroriste contre leurs propres compatriotes C'est même sans exemple dans l'histoire d'un grand pays.
L'auteur du livre cité plus haut, le Préfet de Police Vitalis CROS dira pour se justifier: "... après les Accords d'Evian et le référendum du 7 avril, le terrorisme FLN a pratiquement cessé parce que son idéologie triomphait". (op. cit. p. 190).

Or, ceci est un mensonge éhonté. Après les Accords d'Evian du 19 mars 1962 le FLN va déclencher une offensive terroriste sans précédent contre les Européens d'Algérie. Cette offensive présente toutefois une particularité par rapport aux attentats antérieurs; ce ne sont pas des attentats par armes à feu CE SONT DES ENLEVEMENTS. Théoriquement le cessez-le-feu est intact car il n'y a pas usage d'armes. Mais la population pied-noirs va subir ses pertes les plus élevées de toute la guerre.

COMMENT ?

Les enlèvements vont faire 3018 victimes dans ses rangs, dont 1773 seront portés définitivement disparus. (1245 furent libérés; dans quel état ? C'est une autre affaire). A partir du 19 mars 1962, femmes, enfants, passants isolés, habitants européens des quartiers périphériques d'Alger et d'Oran vont disparaître à un rythme hallucinant.
A Alger, le FLN a mis au point une stratégie qui consiste à réduire l'étendue des zones européennes au profit des zones musulmanes. Dans un premier temps on enlève le plus grand nombre de gens possible à un endroit donné, ce qui sème la terreur et entraîne un début d'exode de la population. Dans un deuxième temps, des familles musulmanes squattent les appartements ainsi vidés et fond partir les habitants restant.

Bien entendu, ce sont surtout les pieds-noirs les plus humbles, ceux des cités HLM et ouvrières de la périphérie, vivant au contact des musulmans qui feront l'objet de ces manœuvres. Ainsi là cité HLM du Ruisseau et la rue de Constantine a Hussein Dey, véritables zones martyrs, subiront-elles une vague d'enlèvements très dure qui les videra. en quelques semaines, de leurs habitants européens.
Pour que ceux-ci ne se fassent aucune illusion sur le sort des personnes disparues. on retrouvera très vite leurs corps dans de multiples charniers aux environs.
A Hussein Dey, trois de ces charniers seront découverts le 20 mai 1962, ils contiennent plus de 20 cadavres horriblement mutilés. Employés cheminots. mécaniciens! gaziers, ouvriers d'usines faisant les 3/8 seront les plus touchés car les plus vulnérables, les plus exposés, à la différence des résidants "des beaux quartiers" du centre.

I'OAS poursuivant ses attentats et le FLN multipliant ses enlèvements, I'Algérie s'enfonce dans le sang et l'horreur. Entre le 19 mars 1962, date des Accords d'Evian et le 2 juillet 1962, date de la proclamation de l’indépendance, des milliers d'actes de violence seront perpétrés.
L'Exécutif Provisoire, organisme siégeant à Rocher Noir près d'Alger, et exerçant l'autorité dans l'intervalle qui séparera les Accords d'Evian de l'Indépendance (3 mois), a créé une Force Locale. Celle-ci est chargée du maintien de l'ordre.

Aux termes des Accords d'Evian cette police doit être mixte, composée d'Européens et de Musulmans En fait, elle ne compte QUE des Musulmans. En outre, ceux-ci sont recrutés par le FNL. Voici ce que dit à ce sujet, Vitalis CROS dans son livre:

"Omar OUSSEDIK, (n°2 du FLN à Alger NDLR) désignait les candidats pour les envoyer à l’école de Police de Beni-Messous où ils étaient habillés et... formés en moins de quinze jours. On les appelait 'Auxiliaires Temporaires Occasionnels" A.T.O." Autant dire que, dans ces conditions, la Force Locale, les ATO, sont le bras du FLN, une milice à son service.

LA FORCE LOCALE AUX MAINS DU FLN.

Le 2 mai, un attentat de l'OAS frappe des dockers sur le port d'Alger; il est particulièrement sanglant. Or, c'est par l'intermédiaire de la Force Locale, que le FLN va riposter à l'attentat commis sur les quais de la capitale. Riposte aveugle bien sûr, qui va frapper au hasard des passants européens totalement innocents qui n'auront que le tort d'être au mauvais endroit. au mauvais moment.
La Force Locale en effet durant tout le mois de mai établit des barrages sur les routes, en fin d'après-midi à l'heure où, nombreux les automobilistes rentrent chez eux, à l'issue d'une journée de travail. Sur les hauteurs d'Alger, dans la région de Kouba et d'Elbiar sur l'itinéraire Bir Kadem - La Colonne Voirol, voie très fréquentée, des enlèvements massifs d'européens ont lieu. Les Algérois apprendront vite que ce trajet est fatal et ils l'appelleront « LA ROUTE DE LA MORT ».

En juin, des négociations diverses ont lieu, dont certaines entre le FLN et l'OAS. Elles traversent différentes péripéties et à un moment on frôle la rupture, l'OAS annonce qu'elle va se livrer à une politique « de la terre brûlée » consistant à réduire à néant les infrastructures économiques et culturelles de l'Algérie.
Des attentats débutent en ce sens. Le FLN riposte une nouvelle fois par l'intermédiaire de la Force Locale, dans le secteur de Baraki au-delà de la zone Maison Carrée Les Eucalyptus. De nombreux cadres et techniciens circulent dans le secteur, affectés à l'entretien des émetteurs à des camps d'aviation, à des installations d'hydraulique. Là encore des enlèvements massifs ont lieu
Dans tous ces cas, le FLN est impliqué directement ainsi que la Force Locale qu'il dirige de facto, mais celle-ci engage aussi la responsabilité de l'Exécutif Provisoire qui est censé la diriger et des autorités françaises de l'époque qui se concertent avec elle pour le maintien de l'ordre.

A Oran, de nombreux enlèvements ont lieu également dans toute la période de mai et de juin 1962 où des affrontements très durs opposent dans cette ville le FLN, I'OAS et la gendarmerie française. Mais c'est surtout le 5 juillet 1962, jour de la célébration de l'Indépendance par les quartiers musulmans que des incidents éclatent sur la Place d'Armes et la Place Karguentah. Il s'ensuit une chasse à l'européen qui durera tard dans la soirée.
L'armée française, encore présente dans la ville, n'interviendra que lentement, quoique ses chefs aient pu dire ensuite. Les Oranais survivants de cette journée dénonceront cette carence. De très nombreuses disparitions plusieurs centaines au moins, seront enregistrées ce jour là.
Enlèvements. exactions, arrestations arbitraires se poursuivront dans les semaines postérieures à l'indépendance.

Les troubles qui accompagnent l'apparition de la nouvelle République Algérienne suscitent en France et à l'étranger une inquiétude légitime qu'aggravent de nombreux conflits au sein du FLN. Le gouvernement algérien qu'à cette époque dirige Ben KHEDDA, constatant son impuissance et la dégradation de la situation dans les semaines qui s'écoulent après la proclamation de l'indépendance, va avoir recours à la sempiternelle tactique du bouc émissaire
Il rend l'OAS officiellement responsable des difficultés qu'il affronte. Selon lui, des réseaux de ladite organisation clandestinement reconstitués, entretiennent le désordre en Algérie. Nous sommes aux alentours du 23 juillet et l'indépendance est reconnue et proclamée depuis 3 semaines. Cette théorie parfaitement mensongère d'une reconstitution des réseaux de l'OAS dans l'Algérie indépendante, déclenche une nouvelle vague d'enlèvements d'européens dont beaucoup vont, là encore, disparaître définitivement.
Ces arrestations ne sont pas effectuées par des groupes incontrôlés mais par la POLICE JUDICIAIRE du nouvel état algérien. Elles engagent sa responsabilité, celle de Ben KHEDDA et du FLN tout entier.

Deux ans plus tard, au Sénat, le Secrétaire d'Etat aux Affaires Algériennes, feu Jean de Broglie établira le bilan des victimes de cette triste période. Répondant à une question de M. Etienne DAILLY, il indiquera qu'au total 3018 pieds-noirs ont été enlevés dont 1245 furent libérés (dans un état physique et moral parfois tragique) et 1773dont on est sans nouvelles.

OU EN EST CE DOSSIER ?

Du côté officiel, c'est le silence. Le dossier gênant, ô combien, n’est pas de ceux que l'on aimerait étaler sur la place publique. En particulier, le résultat des enquêtes faites, à l'époque n'a jamais été rendu public.
Le gouvernement français ne semble pas avoir l'intention de le faire. Il faut dire aussi qu'actuellement la pression en ce sens, des familles et des organisations dites de « rapatriés » est nulle.

Des explications ne seraient pourtant pas inutiles compte tenu du rôle joué par certains fonctionnaires avant l'Indépendance de l'Algérie entre le 19 mars 1962 et le 1er juillet de la même année. Des responsables du maintien de l'ordre à Alger, entretenaient de leur propre aveu, des rapports de coopération avec le FLN alors que celui-ci enlevait des milliers de citoyens français. Un état ne saurait entretenir de rapport avec des terroristes étrangers contre ses propres ressortissants sans manquer aux règles fondamentales du droit. Car, autrement, I'essence même des principes moraux qui fondent une nation serait atteinte. En fait, on peut même se demander si un pays où il se passe des choses semblables est encore une nation.
De plus, depuis 30 ans, des dizaines de livres ont été écrits sur la guerre d'Algérie et des émissions télévisées de plus en plus fréquentes et mensongères y sont consacrées. Or, chacun peut constater que l’affaire des Européens disparus en Algérie comme celle, plus grave encore du massacre des harkis sont délibérément ignorées. (Exception faite d'une mention du problème dans l'émission de TF1 consacrée à l'OAS par M. ABRAMOVICI).

FRANÇAIS D'A.F.N.

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-Tout sur les Barbouzes :
http://www.algerie-francaise.org/barbouzes/

- 26 mars 1962, fusillade rue d'lsly. Sur ordre l'armée Française gaulliste tire sur des Français venus manifester leur attachement à la France.
http://www.algerie-francaise.org/ailleret/