NON AU 19 MARS

Le premier document officiel et important à prendre en considération est le message du Président de la république au parlement et publié au journal officiel du 21 mars 1962, lu le 20 mars à l'ouverture de la 1ère séance de l'assemblée par CHABAN-DELMAS-.

Après le cessez-le-feu, il est dit que: "L'ensemble des dispositions arrêtée en conclusion des négociations d’EVIAN avec les représentants du FLN se trouve maintenant formulé dans les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962"; En conséquence de quoi le message annonce le très prochain référendum dans les termes suivants: "L'application comme la mise au point de ces négociations et de ces principes de coopération intérieure et d'association entre la France et l'Algérie nouvelle n'aura pas lieu instantanément, la mutation ne peut être immédiate, et, en toute hypothèse, elle dépend des résultats de l'autodétermination".

Le 19 mars 1962 n'est donc qu'un engagement réciproque de cessez-le-feu.

Or, pour nous, Français d'Algérie, cet engagement prend une tout autre signification. Il fut, en vérité devant l'histoire, une capitulation humaine et morale de la France et de son armée, sans défaite. L'armée française avait complètement réduit les dernières résistances des fellaghas et était complètement maîtresse de la situation sur toute l'étendue du territoire de l'Algérie et du Sahara Français. Aucun engagement sérieux n'était plus recensé.

Le respect de ce cessez-le-feu ne fut observé que par la France, les troupes françaises reçurent l'ordre de ne plus intervenir, de rester sur place dans leurs cantonnements, laissant le champ libre aux assassinats de plus de 150 000 Harkis et de leurs familles; autant de crimes odieux et monstrueux auxquels il faut rajouter la tuerie de la rue d'Isly, le 26 mars à Alger où l'armée française tira sur une foule désarmée, massacrant plus de 80 personnes et en blessant 200, puis l'épouvantable boucherie d’ORAN, le 5 juillet 1962, où plus de 4 000 personnes furent tuées ou portées disparues. Enfin, la perte de 15 départements français et celle du Sahara avec l'exode dramatique de plus d'un million de Français d'Algérie. Voilà ce que représente le 19 mars 1962 pour les Français d'Algérie.

Comment pavoiser et fêter une date aussi sinistre? Une capitulation. Comment célébrer un jour qui porte témoignage devant l'histoire de tractations sans grandeur, de compromis sans gloire et d'abandons sans honneur et cela au mépris des droits les plus élémentaires de tout un peuple fait de Français, d'Européens mais aussi d'Algériens qui n'avait pour seule revendication que celle de rester français dans un statut nouveau sur une terre que plusieurs de ses générations avait fécondé. Le 19 mars fut suivi d'une longue période d'agonie et notamment le massacre d'un grand nombre de soldats français-musulmans, dont les pères avaient constitués l'Armée d'Italie qui libéra la France en 1944. On les avait appelés "Harkis"

Mais si des forces nouvelles conduisaient à honorer les plus sombres pages de l'histoire de France, il conviendrait alors de célébrer aussi l'armistice qui suivi le désastre de juin 1940 et qui instaura le cessez-le-feu.

Que nul n'ignore que chaque plaque de rue, chaque stèle, chaque manifestation célébrant la date du 19 mars 19962 est autant d'atteinte portée à la dignité de la France et des Français.

( Revue Ensemble N° 211 Décembre 1997, page 10)